Cyphoses dégénératives lombaires - Institut de la Colonne Vertébrale
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Cyphoses dégénératives lombaires - Institut de la Colonne Vertébrale
CYPHOSESDEGENERATWESLOMBAIRES PAR J.M. VITAL*, J. SENEGAS*,V. POINTLLART*, F. BAHUET*, T. SCHAVERBAEKE** et M. COQUET*** Le vieillissementde la colonnelombaireestbien connu dansson anatomopathologie. 11 touche de façon concomitante le disque intervertébral et les articulaires postérieures; f insuffisancemusculairedes haubansprévertébrauxest certainementle point de départ de cette involution lombaire qui peut entraîner les troublesstatiques cyphosantsbien connus que sont la cyphoscoliose, le spondylolisthésisdégénératif.Les cyphosessénileso\ ostéoporotiques sont aussibien connueset de situation thoracique. Nous voudrions insister ici sur un tableau moins connu de cyphosepure lombaire dégénérativeou arthrogéniqueen tenant compte d'une serie bordelaise de 7 cas et surtout de l'expériencede 105 cas rapportésau Japon par Takemitsu[181. Apres avoir delini 1'affection,nous en décrirons les caractéristiquescliniqueset paracliniques et lespossibilitésthérapeutiques. La discussionportera surtout sur l'étiopathogéniequi est loin d'être clairementétablie. D É F IN IT IoN La cyphose lombaire dégénérative se delinit comme une perte de lordose lombaire, sans scoliose ni spondylolisthesis degeneratif associés, consécutive au vieillissement de la colome vertébrale en dehors de tout contexte rhumatismal ( spondylarthrite ankylosantenotamment) ou infectieux. Des facteurs positionnels au travail, anatomiques (insuffisance musculaire, arthrose, ostéoporose) et peut-être génétiquess'intriquent pour constituer ce trouble statique douloureux et invalidant. notamment à la marche. C L IN IOU E Terrain Les sujetsde plus de 50 ans, des deux sexes,ayant une vie professionnelleles obligeantà resterlongtempspenchésen avant(8 à l0 heuresparjour), sont les plus * Unité de PathologieRachidienne(Pr Senegas),Hôpitaldu Tripode,33000 Bordeaux ** Servicede Rhumatologie(Pr Dehais), Hôpital du Tondu,33000 Bordeaux. *** Laboratoire d'Anatomopalhologie(Pr Vital), Hôpitaldu Tripode, 33000Bordeaux v CYPHOSESDEGÉNEMTI VES LOMBAIRES t47 touchés. Pratiquementtous les patients de la serie japonaise examinésdans des hôpitaux de région rurale sont des agriculteurs.Dans notre série, 5 des 7 patients avaient une profession demandant des postures prolongées penchéesen avant (agriculteurs, garagiste). L'atteinte familiale n'est pas décrite par Takemitsu mais dans notre série, un patient avait une sceur plus âgee et plus déformee que lui. Aucun patient ne présentait de terrain psychologique particulier pouvant faire évoquer notanment une conversionde type hysterique[12]. Signes d'appel Les antécédentsde lombalglessont toujours retrouvés.Elles se situent plutôt au sommet de la cyphosesanscaractèrediscal. Parfois, la douleur existe aussi au niveau de I'hypocyphosethoracique.L'augmentationde douleursen lordose signe le point de départ articulaire postérieur, ainsi que les ténomyalgies et les points de crête iliaque. Les radiculalgieswaies ou la claudication intermittente sont exceptionnelles. Par contre, il existe une dfficulté à la marche avec inclinaison progressivedu tronc obligeant le patient à s'aider de cannes. Du fait de la fatigabilité des extenseursdu rachis, le patient a du mal à se redresseret la marche est rendue encore plus difficile par le port d'un objet. Les Japonaisont réalisé une étude kinétique au cybex qui confirme cette impression de latigabilite des extenseurs. L'exumen pfurique montre Deboutune déformation du tronc et des membres inférieurs en c ; le bassin est rétroversé, ies hanches en flessum, l'ensemble de la colonne vertébrale se met en cyphose: les épineusessont saillantesentre des musclesparavertébrauxatrophiés, la déformation s'aggrave à la marche par insuffisance des muscles paravertébraux (fi g . I ). La position allongée à plat ventre est très inconfortable. Sur le dos, on note une tension du psoas souvent rétracté, une mobilisation douloureusedes hanchesdu fait de la coxarthroseretrouvée2 fois sur 7 mais non citée par Takemitsu. un flessum fixé coxo-fémoral peut aller dans le sensde l'aggravation de la déformation. L'examen neurologique aux membres infêrieurs montrera souvent une hyporéflexie en rapport avec l'âge des patients. Exqmens complémentaires L'électromyographie des muscles extenseurset des grands fessiers,toujours difficile d'interprétation, montre une faible activité surtout des muscles exrenseurs. Le bilan radiologique est essentiel.- Sur de grands clichésde prolil, on notera: la cyphose lombaire, l'hypocyphosethoracique, la rétroversion du bassin et la verticalisation du sacrum. Quatre types sont décrits par Takemitsu avec augmentationde ces trois critères du type 1 au type 4 (fre.2). r- 148 J.M. VITAL ET COLI"ABOMTEURS FIc. 1. - a) Analyse de la déformation : I : insffisance des extenseursdu rachis, 2 : rélraction du psoas. A : cyphoselombaire. B : rétroyersiondu bassin. C : hypocyphosethorqcique. D: flessum de hanche. Ftc. l. - b) Déformation clinique Rc. 2. - Les 4 typesde Takemitsu avec aggravation progressive de la cyphose lombaire et de la rlerlicqlis4' tion du bassin. L CYPHOS ES DÉGÉNÉMTI VES LOMBAIRES t49 Sur le plan morphologique, on retrouvera: des pincements discaux surtout antérieurs (fig. 3a), des tassementscunéiformescorporéaux d'origine porotique, des signes classiques d'arthrose parfois caricaturaux: hypertrophie des articulaires, ostéophytesde traction, aspectsde pseudospondylodiscite. La tomodensitométrie conlirmera ces signes d'arthrose avancéequi, bien souvent, ne serapas compliquéede sténose,ce qui confirme que la cyphosen'est pas une déformation sténosante.Cet examen renseignerade façon utile sur l'état musculaire : il est frappant de voir la conservationde la surfaceet de la densité des muscles Frc. 3. - a) discarthrose localisée en L4-L5 ; b) dégénérescencegraisseuse diffuse en tomodensitomé\rie. ru. 150 J.M. VITAL ET COLUBOMTEURS antérieurs fléchisseurs et à I'opposéd'unepart la diminutionde surlacedesextenseurs (Takemitsu)et surtout la surchargelipidique (fig. 3b) atteignantIe type 2 de Hadar[8] assezrégulièrement. L'IRM pratiquéeunefois dansnotresériea surtoutexploréle contenudu canal particuliersur l'étatdesmuscles. rachidienmaisne donnepasde renseignement L E T R AIT E M E N T Le traitement de cette déformation sévèreet invalidante, dont nous discuterons l'étiopathogénie, devrait ètre préventif en passant par une information auprès des professionsexposéeset par la réalisation d'exercices d'étirements des chaînes musculairesantérieureset de renforcementdes chaînesposterieures[6]. Quand l'affection est constituée,un corset anticyphosanttype Vésinet peut être proposé[4]. Dans les formesles plus sévères,il faut réaliserun corsetà appui sternal et avec bonne prise sacréepour tenter de contrecarrer la rétroversion du bassin. Ce traitement orthopêdique étant mal supporté ou inefficace,il a été proposé 3 fois/7 de réaliser ùne ostllotomie de soustraction pédiculocorporéale, opération comportant peu de risque neurologique avec 2 obligations : une ablation de coin osseuxassezlarge pour être suffisammentcorrecteur(1'osteotomiesur 2 corps peut être proposée) ; une ostéosynthèsetrès étenduevers le haut et vers le bas avec prises segmentaires car les contraintessont considérables. La chirurgiene règlepasle problèmede rétroversiondu bassinet par contre doit prendre en compte I'arthrosede hancheéventuellementassociée. DISCUSSION Pourquoi fait-on une cyphose dégénérative lombaire 7 I1 s'agit là du vrai problèmeet il est sansdoute encoretrop tôt pour proposer une étiologieprécisepour cette affectionen pleine phasede démembrement. L'hypothèse multifactorielle est la plus vraisemblable. Le facteur musculaireest au premier plan avec une insuffisancedes chaînes musculairespostérieureset donc des extenseursdu rachis. La clinique est essentielleet comprend les éléments caractéristiquesde I'affection; le patient est penché en avant et voit son inflexion antérieure s'aggraverau fur et à mesure de sa marche ; il n'y a pas d'atteinte des autres muscles de la ceinture scapulaire ou des membres. Le contexte psychologique normal fait éliminer la camptocormied'origine hysteriquedécritenotammentpar Rockwood [12] ; associée à cette faiblessedes extenseurs,on trouvera une activité norrnale du psoas et des abdominaux et un examen neurologique peu perturbé avec notamment, dans notre série,absencede radiculalgiecontrairementà celle de Laroche [7], où 3 patientssur 14 sont radiculalgiques. L'EMG des muscles paravertébrauxa été peu pratique dans notre série car il s'agit d'un examendouloureux difficilement realisablesur le plan technique et surtout difftcile d'interprétation ; Laroche trouve autant de lésion neurogèneque myogène. L-- CYPHOS ES DÉGÉNÉMTI VES LOMBAIRES 151 La tomodensitométriemontre une dégénérescence graisseuseseveredes muscles paravertébrauxavec conservation de la structure des muscles psoas et abdominaux ; dans la classificationde Hadar, tous les patients sont dans la catégorie2 (plus de 50 % de la tranche de section musculaire est graisseuse).Pour Laroche, cette dégénérescence graisseusetouche toute la hauteur de la massesacrolombaire; elle aurait une topographie plus périphérique que les dépôts graisseux observés dans I'arthrose lombaire sanscyphosequi sont situésà proximité des vertèbres.Pour notre part, nous avons pu démontrer que ces dépôts graisseuxaugmententen surfaceavec l'âge dans le cadre de la maladie arthrosique lombaire sans atteindre I'extension observéedans ces cyphoseslombaires dégénératives. Anatomopathologie : la microscopie optique reconnaît une adipose massivequi aura parfois fait douter de la qualité et de I'origine de prélevement. Laroche a certainementréalisél'étude la plus complète (histoenzymologie,microscopie électronique). Cet auteur note des fibres de type < ragged red fibers ) atteignant 5 % de la population myocl'taire, ce qui est très au-dessusde la normale et qui signite des anomaliesmitochondriales. Il décrit trois casd'imagesde < core-targetoïdes>. Il faut rappeler que nous avons retrouvé [t:] ctrez des lombalgiques chroniques, parallèlement à la diminution des fibres de type II, ces core-targetoïdes. Plus récemmentSimmons[15], dans le cadre d'une afection d'expressionprincipalement ostéoarticulairecomme la spondylarthrite ankylosante, montre une atrophie des fibres I et 2 et la présence des cellules targétoides.Tout se passecomme si les qphotiques présentaientune majoration des signes rencontrés dans I'arthrose lombaire simple sur le plan clinique, tomodensitométrique, anatomopathologique.Tout le problème est de savoir si ces signessont la causeou la conséquenced'une non utilisation; cette questionpeut se poser pour le travail de Simmons. Tous ces élémentsde discussionpermettentd'éliminer des affectionsmusculaires qui pourraient donner une séméiologieavoisinante: - Les myopathies acquises d'origine hormonale (dysthyroïdie, insuflisance surrénale) ont pu être éliminées (Laroche). - Dans la polymyositesubaiguëde Nevin t101, il y a atteinteconcomitantedu psoas. - Dans l'amyotrophiespinalede revélationtardive décrite par Senatrice[14], il y a atteinte des 2 membres inférieurs. - Le syndromecompartimentalaigu (Peck [11]) ou chronique(Styf [17]) est accompagnéde troubles enzymologiques. - Les myopathiesmitochondriales(Eymond [5]) donnent des atteintesplus diffirses. Le facteuroccupationnel avectravail penchéen avant est le facteur aggravantl'état musculaire déficient. Il est retrouvé 5 fois/7 dans notre série; il est de règle dans la série de Takemitsu mais n'est pas retenu dans celle de Laroche. Les haubans ne peuvent plus agir, le sujet n'a pour solution que de rester appuyé sur une ou deux cannesanglaisesou à se mettre en hyp:rextension comme dans certainesmyopathies du tronc. Stagnara[16], dans son livre sur les < Déformationsdu Rachis), parle de façon brève de ces cyphoseslombaires et thoracolombairesd'origine arthrosique ; il Ies expliquepar des positionsassisesde plus en plus prolongéesdansla vie moderne. Les lésionsostéoarticulaires vont dans le sensde la cyphose : pincementsdiscaux antérieursvoire aspectsde pseudospondylodiscites,ostéophytesdisco-corporéauxtrès marqués, tassementsantérieurs des corps vertébraux ostéoporotiques.Il est intéres- "L 152 I.M. VITAL ET COLIÀBORATEURS FIc. 4. - Cas ayec discarthrosesévèreet étagée.a) de face ; b) de proJil. sant de noter que catte arthrose cyphosanten'entraînera qu'exceptionnellementdes sténosescentralesou latérales;la plicaturede la colonne en lordosen'existepas ici. Laroche sur 14 casnote 4 scolioseset 5 spondylolisthésis de L4 sur L5 qui n'ont pas été retrouvés dans notre série. Takemitsu a décrit 4 types de profil selon le degré de cyphose lombaire, de cyphosethoracique et de verticalité du sacrum. Le facteurfamilial n'a été retrouvé qu'une fois dansnotre série,mais il est intriqué avec le facteur professionnel(frère et sceuragriculteurs). Il est beaucoupplus régulier dans la série de Laroche [7] puisqu'il est retrouvé 10 fois sur 14, mais I'activité professionnelledes patientsn'est pas specifiée. Quel traitement proposer ? Peu de publications font état de solution therapeutique. Des conseilshygieniquesdans le travail paraissentsouhaitablessi les circonstances professionnellessont retrouvéesaussi régulièrement. La correction par corset nécessiteune prise pelvienne solide et un appui haut situéau niveaudu manubrium. L'ostéotomiede soustractionen L2 le plus souventpermet de gagner 20 % de lordose en moyenne; ce traitementchirurgicalne seraindique qu'en cas d'échecdu L-, CYPHOSE S DEGENEMTIVES LOMBAIRES Frc. 5. - 153 Ostéotomiede correcîion. a) radiographie pré-opératoire; b) radiographie post-opératoire. traitement orthopédique ; il doit répondre à deux principes : ostéotomie de taille suffisanteet ostéosynthèseétendue et segmentaire(fig. 5). *** La cyphose lombaire dégénérativeest donc une complication peu connue du vieillissementvertébral, avec des aspectsmusculairestomodensitométriqueset histologiques caricaturaux de I'arthrose. Une insuffisancedes chaînesmusculairespostérieures ; aggtayêepar des positions penchéesen avant régulièrementretrouvéesdans des professionsexposées,va pénaliserle sujet dans sa marche. Des étudesfondamentales, notamment sur les muscles érecteursdu rachis, et épidémiologiquesdans les populations agricoles les plus touchées, devraient permettre de mieux cemer cette entité nosologique encore mal connue. SUM M ARY Lumbar degenerative lcyphosis.- Lumbar degenerativekyphosis is defined as a marked loss of lumbar lordosis with pelvic retroversion without scoliosis or spondylolisthesis,caused L 154 J.M. VITALET COLI" BOMTEURS by degenerative changes in middle-aged and elderly patients. Low back pain and difficult walking in a forward bending posture are the most classic signs. Weakness of the lumbar extensor has been proved by clinical, electrical, radiological (CT scan) and histological data. Curative treatment is obtained with a correcting brace or with vertebral osteotomy. Preventive treatment will progress with epidemiological studies. 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