L`analyse du risque d`investissement dans les pays en

Transcription

L`analyse du risque d`investissement dans les pays en
L’analyse du risque d’investissement dans les pays en
développement :
Etude empirique
Faouzi Boujedra1 (LEO & LIEI)
RÉSUMÉ. Cet article tente d’établir les déterminants du risque d’investissement par
catégorie de risque afin d’apporter une évaluation globale et de résoudre le problème
d’hétérogénéité des critères. Pour atteindre cet objectif, nous utilisons l’analyse discriminante.
En particulier, notre méthodologie s’inspire de celle développée par Frank et Cline (1971) et
Sargen (1977). Ces auteurs identifient de manière empirique les facteurs du risque de défaut
de paiement.
Classification JEL : C13, D81, F17, F18, F23, F37.
Mots-clefs : Risque Pays ; Investissement ; Crise Financière.
Investment Risk Analysis in Developing Countries :
An Empirical Study
ABSTRACT. The objective of this paper is to identify the determinants of investment risk by
risk category. Besides, by employing the discriminant analysis it also aims to solve a multicriterion problem in order to yield a global evaluation of country-risk. The paper builds on
earlier work by Frank & Cline (1971) and Sargen (1977), who tried to empirically identify the
most important factors of default probabilities (or debt rescheduling). Using empirical
analysis and significance tests, this paper suggests several factors which are important for
country-risk and suggested by the literature.
JEL Classification : C13, D81, F17, F18, F23, F37.
Keywords : Country Risk; Investment; Financial Crisis.
1
Faouzi Boujedra, Laboratoire d’Economie d’Orléans (LEO), ATER, Faculté de Droit, d’Economie et de Gestion rue de
Blois, BP de Blois 6739-45067 Orléans Cedex 2 France et Laboratoire d’Intégration Economique Internationale (LIEI),
Université de Tunis El-Manar
( [email protected]).
INTRODUCTION
L’analyse du risque d’investissement a fortement évolué suite à l’intensification accrue
des phénomènes de rupture dans la sphère financière émergente et l’indissociabilité entre
risque et investissement. L’économie et la finance internationale ont fait de cette analyse une
composante essentielle des décisions stratégiques des entreprises en termes d’investissement,
d’exportation, de partenariats, de fusions, d’acquisitions etc.… L’analyse du risque pays est
sans aucun doute incontournable dans un contexte de mondialisation. Elle recouvre à la fois
un champ beaucoup plus large qui comprend l’économie, la géopolitique et l’histoire.
Sur le plan académique, la littérature s’est développée pour identifier les déterminants
du risque pays. Dans cette étude, nous nous sommes efforcés de recenser les variables
économiques et politiques sur lesquelles reposent les notations de risque pays et d’identifier
dans quelle mesure ces indicateurs peuvent être interprétés, en ayant recours à l’analyse
discriminante. Deux questions clés sont posées :
(1) D’une part, quelles sont les variables qui influent sur les notes de risque pays et
lesquelles peuvent discriminer entre les pays à risque ?
(2) D’autre part, ces facteurs reflètent-ils ceux identifiés par la littérature sur le risque pays ?
Par conséquent, nous construisons des indicateurs de risque pays pour un échantillon
composé de vingt-huit pays en développement sur la période 1984-2000. Dans un premier
temps, nous passons en revue la littérature sur les travaux réalisés dans ce domaine et
discutons les différentes méthodologies de risque pays. Dans un second temps, nous
présentons notre propre méthodologie de risque pays qui présente une avancée par rapport aux
autres méthodologies et qui tend à résoudre les limites attribuées à ces dernières.
L’élaboration de nouveaux indicateurs de risque pays se justifie non seulement par la non
disponibilité des données, mais également au regard des limites les plus couramment
soulevées par les opérateurs internationaux de risque pays.
I. REVUE DE LA LITTERATURE ET METHODOLOGIE DE RISQUE
PAYS
I.1. Les Analyses du Risque Pays
Le mot « risque », découle du terme italien « risicare » qui signifie « oser » (Bernstein,
1996). Le risque désigne dans ce cas un choix plutôt qu’un destin. Cette définition est
applicable aux opérations de placements financiers et d’investissement. Le risque pays, notion
mal définie et difficilement quantifiable est déjà évoquée par Robock2 (1971), Sargen (1977)
et Marois (1990). Son contenu évolue suite aux crises financières internationales, notamment
celle de l’endettement qui a affecté dans les années 80 les pays d’Amérique Latine. Certains,
comme Marois (1991) mettent l’accent sur les opérations internationales des entreprises.
Aussi, le risque pays est décrit comme la capacité d’un pays à générer des devises nécessaires
pour faire face à ses engagements financiers extérieurs (Cosset, Siskos et Zopounidis, 1992).
Par opposition, d’autres auteurs insistent sur les opérations de prêts internationaux. La notion
du risque pays est élargie et concerne alors tous les types d’opérations internationales. Elle
2
Cet article de référence rédigé par Robock (1971) et préoccupé par les conséquences du risque politique peut
être considéré comme le premier dans l’analyse de risque pays.
1
émane de la diversité des intérêts (pouvoirs publics, banques, entreprises. ..) et elle prend des
visages différents (défaut souverain, dévaluation, crise bancaire, troubles politiques…)
Le risque pays résulte d’un ensemble complexe et interdépendant de sphères d’ordre
économique, financier et politique propres au pays cible. Il est multidimensionnel et
omniprésent dans l’ensemble des transactions économiques internationales. Son analyse
implique davantage la détermination de ses composantes. Elle repose sur les aspects
fondamentaux liés aux déséquilibres macro-économiques et financiers comme elle débouche
sur les désordres de nature politique en mettant en évidence les relations géopolitiques. Le
concept du risque pays n’éclaire pas la vision globale du risque et aboutit souvent à des
résultats attendus (Cantor et Packer, 1996).
Les études académiques sur ce sujet s’orientent davantage vers les méthodes
d’évaluation du risque les plus sophistiquées. Le risque pays évolue dans ses composantes et
par pays au moment ou les pays en développement s’engagent dans un processus d’échange
de risque à l’échelle internationale. L’estimation du risque est devenue un élément essentiel
de la décision d’investissement. A ce propos, il est possible de distinguer trois pans de
littérature.
Le premier concerne la nature et les formes de risque. Le risque pays se diversifie et la
notion d’expropriation3 commence à disparaître avec cinq expropriations de sociétés
étrangères en 1980 (Marois, 2001). L’émergence d’autres formes de risque devient de plus en
plus importante, le risque de change prédominait dans l’esprit des chercheurs (Cosset et
Doutriaux de la Rianderie4, 1985). Cosset et Roy (1991) et Eaton, Gersovitsz et Stiglitz
(1986) distinguent les risques d’insolvabilité des risques d’illiquidité ou de défaut de
paiement. Sargen (1977) distingue deux types de risque tels que le risque souverain et le
risque de transfert qui sont reliés aux décisions unilatérales des gouvernements. A partir des
années 60-70, on distingue deux grandes périodes : jusqu’aux années 1990, le risque est
surtout un risque politique et de transfert5 et depuis 90, il y a eu multiplication des facteurs et
domaines du risque.
Le second pan de littérature comprend les études relatives à l’évaluation du risque. Les
premiers essais concernent le risque politique, ils adaptent des techniques de plus en plus
sophistiquées en tentant toujours de prévoir au mieux le déclenchement d’éventuelles crises
(Fitzpatrick, 1983 et Chevalier et Hirsh, 1981). Les essais empiriques sur le risque
economico-financier (Cosset and Roy, 1991) contribuent aux progrès de l’analyse risque pays.
La littérature récente distingue le risque politique proprement dit du risque économicofinancier. La composante économico-financière recouvre aussi bien une dépréciation
monétaire qu'une absence de devises se traduisant par exemple par un défaut de paiement. Ces
deux formes de risque sont interdépendantes, comme l’ont dévoilé les crises asiatique et russe.
Cette littérature montre qu’on peut également distinguer entre risque économique, financier et
politique.
3
Robock (1971) étudie les conséquences du risque politique, qui s’exprimait à l’époque par des nationalisations,
qui ont affecté des secteurs autres que ceux : pétroliers, bancaires et miniers.
4
Ces auteurs analysent dans leur étude l’impact d’une annonce des modifications des conditions de
fonctionnement des multinationales dans les pays en développement sur le marché des changes. Cette analyse
démontre l’effet néfaste des "nouvelles" d’ordre politique sur le climat d’investissement, en déstabilisant le taux
de change.
5
voir Robock (1971).
2
Le troisième pan de littérature examine l’impact du risque sur l’investissement. Des
analyses permettent d’identifier les facteurs risque-pays qui affectent l’investissement
étranger (Kobrin, 1976 et 1979 ; Singh and Jun, 1995 ; Meldrun, 2000 ; Henisz and Zelner,
1999). Ces analyses indiquent que le risque sous ses différentes formes a un impact
significatif sur les décisions d’implantation à l’étranger et apparaît par conséquent comme un
facteur essentiel dans le choix d’implantation des investisseurs à l’étranger. 6
Cette littérature identifie un certain nombre de variables pertinentes que nous
proposons de synthétiser dans le paragraphe suivant.
I.2. Les variables de risque pays
La littérature empirique tente d’examiner le processus méthodologique et de mesurer le
degré d’association entre les différentes mesures de risque (Erb, Harvey, and Viskanta, 1996 ;
Oetzel, Bettis and Zenner, 2000 ; Simpson, 1997 ; Cosset, Claude and Roy, 1991). Ces
analyses ont en commun de considérer que le risque pays est le résultat de l’interdépendance
des sphères d’ordre économique, financier et politique. Les variables suivantes ont fait l’objet
de cette littérature.
Le Produit national brut par tête : La faible flexibilité du revenu dans les pays
pauvres n’a pas un grand effet sur la réduction de la consommation comme pour les pays
développés. Pour résoudre le problème d’endettement, ces pays à bas revenu se trouvent en
difficultés en exécutant les programmes d’austérité. Le PIB ou PNB par tête peuvent aussi
être approchés comme des variables de mesure du niveau de développement humain qui
résume la richesse créée dans un pays.
Le taux d’inflation : L’inflation est un facteur monétaire qui semble être étroitement
impliqué dans des situations de surliquidité. Une inflation associée à une surévaluation du
taux de change fixe7 conduit à une forte dépendance à l’emprunt étranger et pourrait creuser le
déficit courant en devises8. Ce qui par conséquent pourrait influencer la demande des fonds
étrangers. Le recours aux capitaux étrangers s’explique non seulement par l’imposition des
plafonds d’intérêt9, mais aussi par la nécessité de financer le déficit commercial. En effet, le
taux d’inflation donne une idée approximative sur la qualité de la gestion économique d’un
pays.
Le Taux d’investissement : La propension d'investissement mesurée par
l’investissement brut rapporté au PIB capture les perspectives futures de la croissance d'un
pays. Le risque de défaut de paiement diminue avec les hausses futures de la production
(Edwards, 1984 ; Cosset, Siskos and Zopounidis, 1992 ; Cosset and Roy, 1991).
Généralement les investisseurs favorisent les pays qui empruntent pour investir plutôt que
pour consommer.
6
Voir aussi Chevalier et Hirsch (1981), Siskos et Zopounidis (1987) et Thomas et Worrall (1994).
Les pays en développement appliquent un large éventail de régimes de change, qui va de la parité fixe très rigide au
flottement assez libre en passant par de nombreuses variantes sur les dernières années. Généralement une dépréciation (taux
de change flexible) est bénéfique pour la balance commerciale et réduit la probabilité de faire recours à l’emprunt étranger.
8
Sargen (1977) analyse les causes du rééchelonnement de la dette, il s’appuie sur les effets négatifs d’une inflation associée
à un taux de change fixe surévalué dans les pays en développement. En effet et à moyen terme, ceci pourrait corriger
l’inflation.
9
Les autorités imposent des taux d’intérêt plafonds pour maintenir le coût d’emprunt bas, ce qui aurait pour conséquence une
épargne domestique faible et le recours à l’emprunt étranger.
7
3
La Dette externe nette en pourcentage des exportations : Le ratio de la dette
externe nette aux exportations mesure le niveau d’endettement du pays. Avec un niveau
d’endettement élevé, le pays devient plus vulnérable aux crises de change et est susceptible de
ne pas pouvoir rembourser sa dette (Frank and Cline, 1971 et Sargen, 1977). Pour que la
solvabilité du pays soit préservée, les acteurs des marchés financiers, depuis la crise de la
dette de 1982, estiment généralement que le ratio de la dette externe en pourcentage du PIB ne
doit pas dépasser 40% (Benaroya et Dissaux, 1997).
Le Ratio de couverture des importations : Les réserves de change à court terme
présentent une sauvegarde contre d’éventuelles fluctuations des recettes de change. Elles
contribuent à atténuer la probabilité de défaut de paiement dans un pays. Ce ratio
(réserves/importations) permet d’évaluer le niveau de solvabilité de paiement à court terme
d’un pays (Simpson 1997). Une offre monétaire supplémentaire associée au financement des
déficits budgétaires et le maintien d’un taux de change fixe surévalué entraînent une pénurie
en réserves de change10.
Le Ratio du solde courant au PNB : Pour évaluer un déficit courant soutenable, la
littérature part de l’hypothèse de stabilisation d’un ratio d’endettement (dette/PIB ou
dette/exportations). La persistance d’un déficit entame la confiance des investisseurs.
Le Taux de croissance des exportations : Les exportations engendrent des recettes
importantes en devises surtout pour les pays en développement.
La Variabilité des exportations : La littérature met en évidence le risque de change et
le risque de défaut qui peuvent se déclencher dans les pays ayant une volatilité importante au
niveau des exportations (Sargen, 1977 ; Cosset, Siskos and Zopounidis, 1992 ; Cosset and
Roy, 1991). Ces auteurs soulignent qu’un pays dont les exportations sont volatiles emprunte
plus fréquemment afin de lisser la consommation à travers les périodes de la variation du
revenu pour maintenir un bon rapport de crédit. Dans la plupart des pays en développement,
une forte variabilité des recettes des exportations provient des chocs externes. Si le tassement
des exportations perdurait, ceci modifierait notablement la solvabilité de ces économies. Le
risque de change est fortement dépendant de la volatilité des exportations de produits
primaires sur les marchés mondiaux.
Les Contraintes politiques et la compétition politique : Ces deux variables ont été
validées empiriquement dans l’étude de Henisz et Zelner (1999). Une compétition politique
accrue implique que tout changement politique est défavorable aux yeux des investisseurs.
Ceci reste à discuter dans les pays en développement ou les compagnes électorales
s’organisent dans des circonstances ambiguës. Les investisseurs sont gênés également par les
contraintes politiques qui se traduisent par des procédures administratives complexes et des
contraintes exécutives. Brewer et Rivoli (1990) et Cosset et Roy (1991) expliquent la
solvabilité financière d’un pays en fonction du risque politique.
D’autres variables ont également ont marqué l’attention de ces auteurs11. Nous
examinons dans le tableau 3 l’impact de ces variables sur la notation du risque pays.
10
Ce sont les causes sous-jacentes du rééchelonnement de la dette (Sargen 1977).
On distingue notamment le ratio des paiements du service de la dette rapporté aux flux de capitaux (Feder & Just 1976) et
le ratio des importations au Produit National Brut (Frank et Cline 1971 et Feder et Just 1976). La baisse de ce dernier
implique un niveau de chômage considérable. La croissance de la production par tête (Feder&Just 1976) et la maturité
moyenne de la dette mesurée par le ratio du service de la dette escomptée à la dette en suspens (Frank & Cline 1976, Dhonte
1975 et Feder & Just 1976) sont des variables aussi qui ont fait l’objet de cette littérature.
11
4
Tableau 1
Impact des variables de risque pays
Variables indépendantes
Produit national brut par tête
Significatif
Feder & Just (1977); Cosset and
Roy (1991); Cosset, Siskos and
Zopounidis (1992) ; Cantor &
Packer (1996); Borio et Packer
(2004); Merill (1982)
Taux d’inflation
Sargen (1977) ; Cantor & Packer
(1996); Borio et Packer (2004) ;
Haque, Mathieson and Mark
(1997); Monfort and Mulder
(2000)
Taux de croissance
Borio et Packer (2004) ; Monfort
économique (PIB ou PIB tête)
and Mulder (2000)
Propension d’investissement
Edwards (1984); Cosset and Roy
(Investissement Domestique
(1991); Cosset, Siskos and
Brut/ PIB)
Zopounidis (1992); Monfort and
Mulder (2000)
Service de le dette étrangère
Frank and Cline (1971); ; Feder &
nette / exportations
Just (1977); Sargen (1977); Cosset
and Roy (1991); Simpson (1997);
Cantor & Packer (1996); Borio et
Packer (2004); Monfort and
Mulder (2000); Merill (1982)
Taux de couverture en mois
Frank and Cline (1971); Feder &
d’importation (Réserves)
Just (1977), Edwards (1984);
Haque, Mathieson and Mark
(1997)
Edwards (1984); Cosset, Siskos
Compte de la balance courante and Zopounidis (1992) Haque,
/ PNB
Mathieson and Mark (1997);
Monfort and Mulder (2000)
Taux de croissance des
Feder & Just (1977); Monfort and
exportations
Mulder (2000)
Variabilité des exportations
Instabilité politique
Cosset, Siskos and Zopounidis
(1992
Cosset & Doutriaux de la
Rianderie (1985) ; Borio et Packer
(2004)
Non significatif
Frank and Cline (1971); Sargen
(1977); Monfort and Mulder
(2000)
Feder & Just (1977)
Cosset, Siskos and Zopounidis
(1992);
Haque, Mathieson and Mark
(1997)
Cosset, Siskos and Zopounidis
(1992); Cosset and Roy (1991);
Sargen (1977); Monfort and
Mulder (2000)
Cosset and Roy (1991); Cantor
& Packer (1996)
Cosset, Siskos and Zopounidis
(1992);Cosset and Roy (1991);
Frank and Cline (1971); Sargen
(1977)
Cosset and Roy (1991)
Cosset, Siskos and Zopounidis
(1992) ; Simpson (1997)
Au regard de cette littérature, on constate que la plupart des auteurs examinent les
diagnostics que dressent les différents opérateurs internationaux concernant les critères
d’analyse ou les classifications finales12. A ce propos, nous conduisons une description sur les
méthodologies adoptées actuellement dans le paragraphe suivant.
12
Cette littérature inclut Brewer et Rivoli (1990) ; Cantor et Packer (1996) ; Dhonte (1975), Edwards (1984) ; Erb, Harvey et
Viskanta (1996 a et b) ; Haque, Mathieson et Mark (1997) et Oetzel, Bettis et Zenner (2001).
5
I.3. Les Méthodologies du Risque Pays
L’évaluation du risque pays dans les pays en développement comme dans les pays
développés est devenue une nécessité opérationnelle. Elle joue un rôle informationnel
important pour les gouvernements comme pour les décideurs (banquiers, investisseurs
étrangers, exportateurs, …). Des organismes spécialisés dans la notation du risque pays ont un
poids relativement important et stratégique dans la diffusion des informations au niveau
mondial. Leur mission est d’élaborer et de diffuser des données directes sous formes de
« rating » facilement interprétables à travers les communiqués de presse et les publications ou
les services en ligne. Il s’agit :
‰ des agences de rating qui s’occupent du risque souverain (Fitch Rating,
Moody’s et Standard & Poor’s (S&P)).
des compagnies d’assurance du commerce et de crédit qui s’intéressent au risque
commercial et politique : COFACE : Compagnie Française d’Assurance du Commerce
Extérieur ;
‰
des cabinets de consulting et d’expertise: Political Risk Services (International
Country Risk Guide (ICRG)), Business Environment Risk Intelligence (BERI), Nord Sud
Export13 (NSE), Economic Intelligence Unit (EIU);
‰
ou des journaux financiers : Institutional Investor (IICR), Euromoney Publications qui
procèdent également à des ratings de pays en fonction de leur risque financier et d’autres tels
que : Bank of America World Information (BoA), Business Environment Risk Intelligence
(BERI), Control Risks Information Services (CRIS), S.J.Rundt & Associates, Coplin-O’Leary
System (COPL), etc.
Les diagnostics apportés par ces différents acteurs internationaux ne sont pas
forcément comparables. Ce constat amène à décrire les principales méthodologies employées
par les services chargés de la notation risque pays. Les méthodes d’évaluation du risque pays
sont diverses. Le tableau 1 décrit les composantes initiales du risque pays prises en
considération par les agences de notation. On observe une attention et un poids relativement
importants accordés à la sphère financière dans l’évaluation du risque pays global.
Globalement, il y a vingt-quatre composantes de risque pays dont treize touchant la sphère
économico-financière et onze facteurs sont d’ordre politique. Des facteurs objectifs que sont
le solde courant, la balance des paiements et le niveau d’endettement marquent
particulièrement l’attention des acteurs de notation. Concernant la sphère politique, on
remarque qu’un poids non négligeable est accordé aux variables suivantes: comportementsanticipations des agents et environnement politique.
13
Nord Sud Export s’intéresse au risque des exportateurs et des investisseurs industriels.
6
Tableau 2 :Composantes des ratings risque pays
B
A
B
E
R
I
Compte courant et balance des paiements
3
3
3
Niveau d’endettement
3
3
3
Niveau de déficit
3
3
Structure et croissance économique
3
Taux de change et convertibilité des devises
PIB et PIB par tête
Facteurs
O
E
I
U
I
I
C
R
Moody’s
PRS
(ICRG)
PRS
(COPL)
S
&
P
Récurrence
du facteur
3
3
3
3
3
8
3
3
3
3
3
8
3
3
3
3
3
7
3
3
3
3
3
3
7
3
3
3
3
3
3
6
3
3
3
3
3
3
6
3
3
3
4
3
5
3
4
3
Coût du facteur travail et productivité
Niveau des réserves
C
R
I
S
3
3
3
3
Taux d’intérêt
Accès aux marchés des capitaux
3
Niveau de liquidité
3
3
3
3
3
3
Marché parallèle
Taux d’inflation
Comportements et anticipations des agents
3
Environnement politique
3
Accords internationaux et intégration régionale
3
Hétérogénéité des politiques, ethnies et religions
3
3
3
Niveau de corruption et flexibilité des lois
3
3
3
Taux de criminalité et sécurité militaire
3
3
Législation
3
3
3
3
3
4
3
3
3
3
3
3
3
3
3
3
3
3
7
3
3
3
3
3
3
8
3
3
3
3
3
6
3
3
3
3
7
3
3
3
6
3
3
3
3
3
3
Nationalisation
3
3
3
3
4
Politiques régionales
3
3
3
3
4
Gestion des infrastructures et des collectivités locales
3
3
3
3
Régimes coercitifs et conformité des lois
3
3
3
5
3
2
Source : Erb, Harvey, and Viskanta (1996 a).
Le tableau 2 montre la manière dont ces composantes ont été traitées et affectées par
les services de notation. On s’aperçoit que le poids subjectif dans l’évaluation est
généralement important dans les notations apportées par les différents services. Ainsi, des
variables qualitatives comme des variables quantitatives sont prises en considération par ces
organismes à l’exception d’Institutional Investor qui n’introduit que des variables qualitatives.
La répartition des types de données au niveau de chaque évaluation en considération est
plutôt orientée vers des notations scalaires plutôt qu’ordinales.
Malgré le développement de leurs activités, les organismes de notation ont été
fortement critiqués pour leur incapacité à anticiper les crises financières récentes. Par
conséquent, il convient d’analyser les limites des procédures d’évaluation utilisées par ses
organismes. Notre question est brutale : la méthode critique est elle empreinte de toute la
rigueur qu’exigent ces mesures ? Nous discutons des critiques concernant le choix des critères
d’évaluation et les notations finales dans le paragraphe suivant.
7
Tableau 3 :Nature, Type et Source des catégories de risque
(indice fourni*)
Risque
BoA
B
E
R
I
C
R
I
S
Politique
Financier
Quant
Economique
Quant
Opérationnel
Quant
Quant/
Qual
Quant/
Qual
De non transfert
E
I
U
EUROMY
INSTINV
MOODY
PRS
(ICRG)
Qual
Qual
Qual
Qual
Qual
Quant
Qual
Quant
Quant
Qual
Quant/
Qual
Quant/
Qual
Quant/
Qual
Quant
Quant/
Qual
Quant/
Qual
Quant
Quant/
Qual
Commercial
Quant/
Qual
Quant/
Qual
Industriel
Panel d’experts
Enquêtes
Analyse du staff
Bases de
données
S&P
Qual
De Crédit
Type
Sources
PRS
(COPL)
ordinal
scalaire
ordinal
scalaire
scalaire
scalaire
×
×
ordinal
scalaire
×
ordinal
×
×
×
scalaire
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
Source : Erb, Harvey, and Viskanta (1996a) .
*
Bank of America World Information services (BoA); Business Environment Risk
Intelligence (BERI); Control Risk Information Services (CRIS); Economist Intelligence Unit
(EIU); Euromoney; Institutional Investor; Moody’s Investor Services; Political Risk Services
“International Country Risk Guide” (ICRG); Political Risk Services: Coplin-O’Leary rating
System (COPL); and Standard & Poor’s Rating Group (S&P).
Quant : Variables quantitatives ; Qual : Variables qualitatives ; Quant/Qual : Mix des deux.
I.4. Les limites des procédures de la notation souveraine
L’évaluation du risque pays est conçue comme un problème de processus décisionnel
pour l’expert, le créancier ou l’investisseur qui cherchent à classer les pays sur la base de
nombreux critères. Les principales insuffisances des indicateurs de notation de risque pays au
niveau méthodologique sont les suivantes : l’approche empirique approximative, le choix
arbitraire des variables explicatives et la qualité de leur mesure ainsi que le choix des
pondérations attribuées à ces variables.
Les variables quantitatives posent moins de subjectivité que les variables qualitatives.
Des services de notation s’appuient sur des enquêtes auprès de responsables d’entreprises
dans leur choix d’évaluation (Institutionnal Investor, Euromoney), d’autres sur des panels
d’experts et sur des analyses de staff (PRS, Moody’s, ICRG, BERI, EIU). Les difficultés
engendrées sont connues : informations incomplètes des enquêtes, biais systématiques dans
les réponses et imprécision des questions. Au niveau de chaque indice "rating", les variables
8
sont pondérées de façon arbitraire. Par conséquent, il convient de distinguer l’analyse du
risque de celle du potentiel du marché, démarche suivie récemment par NSE.
Sur la base des variables de risque pays, nous construisons des indices de risque en
faisant recours à l’analyse de données dans la partie suivante. Le principe de la construction
d’une nouvelle base de données se justifie par les limites mentionnées ci-dessus.
Toutefois, quant on dispose d’indicateurs multiples, il faut envisager de les combiner
afin de pouvoir prédire les risques de crise (Sharma, 1999). Nous distinguons trois catégories
de risque dans cette étude : économique, financier et politique. Nous tentons de les évaluer en
fonction des paramètres sélectionnés et classiques au vu de la littérature et la disponibilité des
données.
II. EVALUATION DU RISQUE-PAYS : vers de nouveaux indices de
risque
II.1. Description des données
Nous disposons de données d’ordre économique, financier qui sont tirées du "World
Development Indicators" (Banque Mondiale) et d’ordre politique de l’INSCR14. L’ensemble
de ces facteurs de risque pays a servi à une grille d’indicateurs qui a pour base commune des
tableaux d’analyse qui permettent le recueil des informations brutes et leur évaluation. Le
modèle basé sur le « rating » propose d’adjoindre une grille de notation qui évalue
l’opportunité et le risque de différents types d’investissements en fonction de l’état des
composantes considérées par les tableaux d’analyse. L’autre approche traite les informations
de ces tableaux à l’aide de l’analyse discriminante. Notre échantillon comprend vingt huit
pays en développement15, des pays à bas ou moyen revenu classés par la Banque Mondiale.
Cette étude couvre la période 1984-2000, les données sont annuelles. Nous respectons dans
notre propre méthodologie les trois éléments suivants afin de rendre facilement interprétables
les résultats de ces analyses :
‰
‰
‰
l’utilisation d’un nombre limité de variables qui s’inspirent de la littérature empirique
et sont communément utilisées par les opérateurs de risque ;
recoder certaines variables sur une échelle numérique en respectant les seuils de
déclenchement de crise et
mesurer le degré de convergence de ces résultats avec ceux des autres mesures
externes.
A ce propos, nous suivons deux procédures d’évaluation : la première basée sur le
« rating » qui s’inspire de celle du Guide de Risque Pays International (ICRG) et la deuxième
basée sur l’analyse de données et plus particulièrement l’Analyse Factorielle Discriminante
(AFD)16. L’indicateur du risque pays total est la combinaison des trois catégories de risque
(économique, financier et politique).
14
15
16
Integrated Network for Societal and Conflict Research, http://www.cidcm.umd.edu/inscr/polity/
Voir Annexe.
Voir aussi Frank et Cline, 1971 et Sargen, 1977.
9
RC (pays X) = (RE + RF + RP) / 1,5 ; cet indice est divisé par 1,5 afin de le ramener sur
une échelle de [0 ; 100] au lieu de [0 ; 150] pour le confronter aux autres mesures externes
(paragraphe suivant).
avec RC : indicateur du risque composite total ; RE : indicateur du risque économique total ;
RF : indicateur du risque financier total et RP : indicateur du risque politique total,
Le schéma suivant retrace la méthodologie adoptée et schématise les principales étapes
d’évaluation concernant les trois catégories de risque regroupées en un seul indicateur
composite. Cette évaluation s’inspire de celle du Guide de Risque Pays International et diffère
de celle-ci quant au choix de variables et de pondération. Le choix des variables pour
l’indicateur du risque politique est totalement différent de celui de l’ICRG.17
Figure 1 : Schéma synthétique
3 catégories de risque = 15 composantes
Risque politique
5 facteurs
Risque économique
5 facteurs
Risque financier
5 facteurs
Scores
Points du risque politique
PR i
Points du risque économique
ER i
Points du risque financier
FRi
Indices spécifiques
Points du risque politique
(PR : 50 points)
Points du risque économique
(ER : 50 points)
PR + ER + FR
CR =
=
1,5
CR ∈ [0 ; 49,9]
Risque : très élevé
[50 ; 59,9]
élevé
Points du risque financier
(FR : 50 points)
∑ PR + ∑ ER + ∑ FR
5
1
5
i
1
5
j
1
k
1,5
[60 ; 69,9]
modéré
[70 ; 79,9]
faible
[80 ;100]
très faible
Source : International Country Risk Guide.
10
PRi : le score attribué à une composante i de la catégorie risque politique,
5
avec PR = ∑1 PRi ∈ [0,50] qui représente l’indice spécifique relatif à la catégorie risque
politique ;
ERj : le score attribué à une composante j de la catégorie risque économique, avec
5
ER =∑1 ER j∈[0,50] qui représente l’indice spécifique relatif à la catégorie risque
économique ;
FRk : le score attribué à une composante k de la catégorie risque financier, avec
5
FR =∑1 FR k∈[0,50] qui représente l’indice spécifique à la catégorie risque financier ;
CR (Composite Risk) : la note synthétique qui représente le risque composite est
notée CR =∈[0,100] .
Nous confrontons ces mesures avec des mesures externes pour tester le degré de
convergence et voir dans quelle mesure concordent elles ?
II.2. Convergence des mesures de risque pays et comparaison
Pour mesurer le degré d’association entre les nouveaux rating et ceux de l’ICRG, de
l’IICR et de l’ECCR, nous faisons recours au calcul des coefficients de corrélation. Il s’agit d’
un foisonnement de mesure risque pays, fournis par une grande variété d’acteurs (agences de
ratings, des journaux financiers,…).
Nous constatons une convergence sur la partie commune couverte. Cette convergence
révèle cependant un nombre limité de biais au niveau des mesures. Les résultats montrent que
le tau-b de Kendall est significatif au seuil de 1% dans la plupart des cas (tableaux 4 et 5).
Ceci qui signifie que les méthodes employées par ces derniers aboutissent à des résultats qui
avaient des ressemblances significatives.
Tableau 4 : Mesure Risque Pays par catégorie 1984-1997
Coefficient de concordance de Kendall W.
ICRG
ECO
0,46***
0,30***
0,45***
AUTEUR
FIN
POL
ECO
FIN
POL
ECO
FIN
POL
0,51*** ECO
AUTEUR
FIN
0,29***
0,5***
POL
0,18*** 0,05
0,11*** ***signification au niveau de 1% ; ECO, FIN et POL désignent respectivement les indicateurs de risque
économique, financier et politique.
ICRG
Les résultats du tableau 4 montrent le degré de corrélation d’un côté et le degré de
chevauchement au sein de la même source de notation entre les trois catégories de risque. On
remarque que le risque de chevauchement a diminué significativement. Par exemple, les taux
de corrélation entre le rating politique et le rating financier puis le rating politique et le rating
économique ont baissé respectivement de 0,51 et 0,3 à 0,11 et 0,05. Ceci révèle qu’on a
11
réussi à noter séparément ce qui fait partie de la sphère financière de ce qui est propre aux
institutions politiques d’un pays. Même si nous le savons bien, le risque de transfert par
exemple est le résultat des décisions des politiques unilatérales prises par un gouvernement
pour empêcher la sortie de devises ou afin de résoudre des problèmes de déséquilibre de la
balance des paiements.
Par contre le problème du caractère tautologique subsiste encore entre les deux sphères
économique et financière, soit un taux de corrélation de 0,5. Ces deux sphères sont
interdépendantes. Par exemple, une inflation associée à un taux de change fixe surévalué peut
creuser le déficit courant et par conséquent augmenterait le niveau de la dette étrangère.
Il s’avère, que ces indicateurs ressortent comme globalement validées par cette
première comparaison, une tendance vers la cohérence et une forte corrélation entre les
agences de notation. Or ne s’agit-il pas d’une convergence vers l’illusion ? A ce propos, nous
nous interrogeons sur les variables pertinentes du risque pays.
Tableau 5
Mesure du Risque Pays composite
Coefficient de concordance de Kendall W
1984-2000
ICRG
IICR
AUTEUR
1999-2000
ICRG
ECCR
ICCR
AUTEUR
ICRG
0,30***
0,30***
ICRG
0,56***
0,48***
0,32***
ICCR
AUTEUR
0,31***
-
ECCR
ICCR
AUTEUR
0,84***
0,36***
0,37***
-
Nous avons recours par la suite à l’analyse factorielle discriminante. L’avantage de
cette analyse est de sélectionner les variables significatives qui discriminent entre les pays et
qui permettent de pondérer les variables selon des normes statistiques permettant de
maximiser leur corrélation avec la variable expliquée plutôt que d’être choisies à priori.
II.3. Application de l’Analyse Factorielle Discriminante (AFD)
A l’instar des études empiriques de Frank et Cline (1971), Feder et Just (1977), Sargen
(1977) et Merrill (1977), nous avons fait recours à l’analyse factorielle discriminante (AFD).
Notre objectif est de chercher des combinaisons linéaires de variables qui permettent de
séparer le mieux possible les modalités de la variable expliquée qui est le risque pays. Les
résultats de cette analyse figurent dans le tableau 6 et sont expliqués par les fonctions linéaires
ci-après.
12
Tableau 6
Composition de chaque « scorings » dans l’AFD
(sources de variables initiales fournies*)
Risque économique
Risque financier
Risque politique
(RE, *WDI)
(RF, *WDI)
(RP, *INSCR)
PIB par tête* (PIBt)
Croissance du PIB réel
(CPIB)
Taux d’inflation annuel
(TINF)
Balance Budgétaire en %
du PIB (BB/PIB)
Balance Courante en % du
PIB (BC/PIB)
Dette Etrangère en % du PIB (DET/PIB) :
Stocks
Service de la Dette Etrangère en % des Exportations des Biens et Services* (DE/XBS) :
Flux
Balance Courante en % des exportations des
biens et services (BC/XBS)
Etat du régime (ER)
Taux de couverture en mois d’importation
(liquidité nette internationale)* (RSM)
Stabilité du taux de change (TC)
Contraintes exécutives* (CE)
Nombre d’années au
pouvoir (NA)
Népotisme (Recrutement de
l’élite dirigeante RE)
Compétition politique (CP)
*Ces variables ont été éliminées par la méthode pas à pas de l’AFD ; Logiciel d’analyse :
SPSS. Les variables en gras sont les variables statistiquement significatives dans l’AFD. Les
résultats montrent que 97,7% des observations originales sont classées correctement pour les
trois indicateurs de risque, donc 2. 3% présente le pourcentage d’erreurs.
■ Fonction linéaire discriminante pour chaque indice de risque
Indicateur du risque économique
● RE = 0,55.Croissance PIB−0,31.Taux Inflation+0,42.Balance Budgétaire/PIB+0,63.Balance Commerciale/PIB
Indicateur du risque financier
● RF = – 0,6. Dette/PIB + 0,45. Balance Commerciale/Exportations B&S + 0,28. Taux de Change(variabilité)
Indicateur du risque politique
● RP = 0,33.NA + 0,37.RE + 0,27.CP + 0,60.ER
Avec NA : Nombre d’années au pouvoir, RE : Népotisme (Recrutement de l’élite dirigeante), CP : Compétition
politique et ER : Etat du régime.
L’opérateur d’agrégation retenu, pour chaque indice de risque est la somme des
variables initiales pondérées par chacun de leur écart-type (pour chaque pays).
L’indice économique cote le dysfonctionnement de l’économie réelle déterminé dans
ce cas par la croissance économique, le taux d’inflation et l’état du solde courant et budgétaire
rapportés au PIB. Sa valeur positive désigne un bon fonctionnement de l’économie réelle.
L’indice financier est déterminé par l’incapacité immédiate à payer et la perception des
difficultés par les marchés financiers mesurées par le niveau d’endettement, la situation de la
balance courante évaluée par rapport au volume des exportations et la stabilité du taux de
change. La positivité de cet indice annonce l’amélioration de la situation financière. Enfin,
l’indice politique associe toutes les variables de genre troubles politiques expliqués par l’état
du régime et sa durabilité au pouvoir, la compétition entre les partis politiques et les
13
contraintes politiques dans un pays. Ces variables politiques contribuent positivement à cet
axe. Quant aux signes et à la significativité des variables, on peut dire que les résultats
affirment ce qu’on pourrait imaginer. Les fonctions linéaires montrent que les variables :
croissance économique, dette/PIB, déficit commercial et état du régime politique ont un poids
relativement important dans la pondération globale.
Le but de cette étude était de reproduire des indicateurs de risque pays sur la base des
variables financières, économiques et politiques. Du point de vue des coefficients et des
signes ainsi que des niveaux de significativité, les coefficients de régression confirment la
solidité du modèle. Ces régressions conduisent à une adéquation du contenu des variables
endogènes et explicatives et présentent une relation fortement significative entre les variables
explicatives et ce qu’on cherchait à expliquer (le risque pays). En outre, il existe d’autres
facteurs qui peuvent influencer la notation du risque pays comme les effets de contagion et
ceux d’ordre structurel indépendamment des fondamentaux économiques (Haque, Mathieson
et Mark 1997).
Quant au risque politique, la mesure de l’ICRG s’avère basée sur des évaluations
subjectives plutôt qu’objectives. Par contre, il existe peu d’évidences statistiques, jusqu’à
présent que des évaluations subjectives de risque apportent des informations complémentaires
au-delà de l’information macro-économique (Cosset and Roy, 1991). Une vraie mesure
prospective pourrait examiner des tendances passées par des mesures macro-économiques et
les perceptions des experts de risque. Ceci a été extrapolé directement et interprété dans le
contexte d’une structure nationale sous-jacente politique et régulatrice (Henisz and Zelner,
1999). Les études récentes accordent davantage aux évaluations de nature prospective afin de
prévoir le comportement des investisseurs dans l’avenir. Sur le plan académique, les
universitaires se sont directement tournés vers l’utilisation de deux types d’évaluation du
risque de nature prospective : une évaluation plutôt macro-économique et une évaluation
portant sur la perception du risque par les investisseurs.
CONCLUSION
L’analyse globale du risque pays permet de porter un jugement sur les facteurs de
risque. Prévoir avec certitude le moment précis du déclenchement d’une crise reste encore une
tâche difficile pour les organismes de notation. Même, s’il est difficile de prédire une crise,
une bonne gestion du risque pays nécessite la connaissance de ses déterminants. Cette étude
tente d’identifier les facteurs de risque pays. L’évaluation du risque fait intervenir des indices
pondérant des indicateurs capables d’anticiper des crises futures. Le ratio de la dette
étrangère, le taux d’inflation, le taux de change, la croissance et le solde courant et budgétaire
ressortent fortement significatifs et permettent de discriminer entre les pays.
Les signaux associés au déclenchement de crise, peuvent aider les gouvernements des
pays en question à réagir avant que ne se matérialisent les risques. Ceci peut être conçu dans
le cadre des relations confidentielles entre certains gouvernements et organismes d’évaluation.
Car, signaler l’imminence de difficultés sur les marchés financiers, aurait des répercussions
néfastes et donc des revirements massifs des capitaux avant que les responsables agissent. Il
semble éviter les faux signaux et les erreurs d’évaluation ayant porté sur les pays en
développement. Une variable constitue un indicateur avancé utile, si elle présente un
comportement anormal avant une crise, sans toutefois émettre de faux signaux d’alerte,
14
annonçant une crise imminente, en période normale ou non agitée (Sharma. S, 1999). Ceci
s’explique par le caractère pro-cyclique des systèmes de notation des agences qui a pour
conséquence de développer les phénomènes de dépression des économies (Monfort et Mulder,
2000). L’avantage de cette analyse est qu’elle est fondée sur des données couvrant des
périodes de crises.
La question sur les déterminants d’une hausse de l’inflation, du creusement des déficits
courants et de la surévaluation des taux de change suscite notre attention sur d’éventuels
problèmes posés par la fongibilité des flux d'aide et l’affluence de fonds due aux ressources
naturelles et aux IDE. Leur effet éventuel peut être rapproché au mécanisme du "Syndrome
Hollandais" qui entraîne une surévaluation de la monnaie et la création de l’inflation. La
théorie économique nous enseigne qu’une entrée massive des devises qui peut résulter, soit de
nouvelles découvertes des ressources naturelles, des aides étrangères ou de l’IDE peut
augmenter le niveau des revenus, de l’économie et aurait de sérieuses répercussions sur les
autres activités de l’économie (effet Samuelson-Balassa). D’autres résultats restent à établir,
le creusement de la balance courante ne peut pas être seulement dû au déficit de la balance
commerciale, mais aussi les rapatriements des bénéfices liés aux IDE qui pourraient devenir
un facteur non négligeable du creusement des déficits courants18. Ces suggestions justifient
des recherches plus approfondies et plus poussées. Aussi la difficulté d’avoir des données
sectorielles, représente une des principales limites. La réflexion d’aujourd’hui est orientée
vers l’articulation des données macro-économiques et sectorielles et aussi la compréhension
de la logique des flux de capitaux vers les pays en développement. Ceci ne contredit pas la
méthode de « rating » du fait qu’elle reste la méthode la plus opérationnelle.
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17
ANNEXE
Tableau 10 : Composantes et évaluation du risque politique
Composante
A- Etat du régime
Echelle
0-10
Sous-composants
1- Démocratie [0-5]
2- Autocratie [0-5]
B- Nombre d’années au pouvoir
0-10
3-Durée du gouvernement [0-10]
4- Népotisme (recrutement de l’élite dirigeante): [0-5]
C- Recrutement exécutif
0-10
5- Compétition du recrutement exécutif [0-5]
(15/1,5)
6- Ouverture du recrutement exécutif [0-5]
D- Contraintes exécutives
0-10
7-Indépendance du chef exécutif [0-10]
E- Compétition politique
0-10
8-Régulation des participations [0-5]
9-Compétition des participations [0-5]
Total des points
50
Explication des variables politiques :
Les variables suivantes sont recodées19 selon la manière suivante :
1. Démocratie [0-5], (haut, bas): Il s’agit d’un indicateur numérique qui mesure le degré
d’ouverture des institutions politiques.
2. Autocratie [0-5], (haut, bas) : Il s’agit d’un indicateur numérique qui mesure le degré de
fermeté des institutions politiques.20
3. Nombre d’années au pouvoir [0-10] : Il s’agit d’un indicateur numérique noté en
fonction du nombre d’années au pouvoir depuis la transition du régime ou d’un gouvernement.
A chaque année, on attribue un point et au-delà de 10 années, la note attribuée est au
maximum, de 10, dans ce cas.
4. Népotisme (recrutement de l’élite dirigeante): Cet indicateur se base sur plusieurs
procédures institutionnelles quant au transfert du pouvoir exécutif.
5. Compétition du recrutement exécutif : c’est une mesure à laquelle les élites sont
choisies suite à des élections compétitives.
6. Ouverture du recrutement exécutif : c’est une mesure des opportunités auxquelles les
non-élites peuvent atteindre le pouvoir exécutif.
7. Contraintes exécutives : elle mesure le degré d’indépendance du chef exécutif vis à vis
des autres forces politiques (pouvoir militaire).
8. Régulation des participations : elle mesure le développement des structures
institutionnelles pour l’expressionnisme politique.
9. Compétition des participations : c’est une mesure du degré d’accès des non-élites à
l’expressionnisme politique.
19
Il s’agit tout simplement d’une notation attribuée à l’instar de la méthodologie de l’ICRG. Elle diffère de celle-ci au
niveau du choix des variables, dans ce cas toutes les variables initiales de l’indicateur du risque politique proviennent de
l’INSCR.
20
Ces deux indicateurs décrivent les caractéristiques des autorités et sont construits sur plusieurs critères liés au
comportement des institutions politiques.
18
Tableau 11 : Classement des pays par région
Méditerranée et MoyenOrient
Algérie (DZA)
Egypte (EGY)
Maroc (MAR)
Tunisie (TUN)
Turquie (TUR)
Amérique Latine et
Caraïbes
Argentine (ARG)
Bolivie (BOL)
Brésil (BRA)
Chili (CHL)
Colombie (COL)
Costa Rica (CRI)
Salvador (SLV)
Mexique (MEX)
Nicaragua (NIC)
Paraguay (PRY)
Pérou (PER)
Venezuela (VEN)
Asie du Sud et
Pacifique
Inde (IND)
Indonésie (IDN)
Malaisie (MYS)
Pakistan (PAK)
Philippines (PHL)
Thaïlande (THA)
Afrique
Subsaharienne
Ghana (GHA)
Kenya (KEN)
Senegal (SEN)
Zambie (ZMB)
Zimbabwe (ZWE)
19

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