270212Low cost

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270212Low cost
Note de veille, 27 février 2012
Le low cost, la nouvelle norme commerciale ?
Les consommateurs français sont se plus en plus nombreux à surveiller leurs dépenses et à
rechercher des réductions pour certains achats. Si la tendance n’est plus tout à fait nouvelle,
elle se confirme notamment avec l’extension permanente du secteur du low cost : les offres se
multiplient et se diversifient, et concurrencent désormais le milieu de gamme.
Selon les données d’Ipsos, fin 2011, 80 % des Français considéraient que leur pouvoir d’achat
avait baissé, et 65 % affirmaient qu’ils avaient de plus en plus de mal à joindre les deux bouts.
En conséquence, selon Olivier Lagrand, chercheur chez Ipsos, les consommateurs n’hésitent
plus « à se détourner du superflu au profit d’offres simples et significativement moins
chères » 1.
En réponse à cette attente, les offres de produits et services low cost se sont rapidement
diversifiées au cours des dernières années, et sont aujourd’hui présentes dans la majorité des
secteurs économiques. Outre l’agro-alimentaire, citons notamment les transports (aérien, mais
aussi automobile et ferroviaire, avec IDTGV), la téléphonie, la coiffure, etc.
En particulier, des offres low cost ont vu le jour dans des marchés où le prix est devenu un
critère déterminant de consommation. Ainsi, alors que 63 % des Français déclarent renoncer à
des soins dentaires pour des questions d’argent 2, des cabinets dentaires à bas coût ont ouvert
leurs portes dans plusieurs grandes villes (groupe Efficience). La pose d’une couronne et d’un
implant y coûte 970 euros, contre 2 000 à 2 500 euros en moyenne chez un dentiste classique.
Pour cela, seuls les actes les plus coûteux sont effectués dans ces cabinets, la durée du
traitement est raccourcie au maximum, et les prothèses sont en partie produites en Asie 3.
Plusieurs sociétés proposent également des lunettes beaucoup moins chères que dans les
boutiques traditionnelles (comme Hans Anders), en les vendant par exemple sur Internet pour
réaliser « jusqu’à 80 % d’économie » (argument du site Happyview.fr).
Dans l’immobilier, le promoteur Kaufman & Broad a lancé en 2012 dans plusieurs villes
françaises un concept d’appartement 25 % moins cher que sur le marché, grâce à des
économies sur la construction (les parkings seront à l’extérieur plutôt qu’en sous-sol), la
1
Selon Karen Gombault, Directeur Général Ipsos Marketing CPG, et Olivier Lagrand Directeur des
départements Ipsos Vantis et Quanti Industrie & Services Ipsos Marketing, le low cost est devenu une
variable d’ajustement. Voir « Low cost : des hauts et débat », Ipsos, 6 janvier 2012. URL :
http://www.ipsos.fr/node/63395
2
« Se soigner coûte trop cher aux Français », Le Figaro, 17 novembre 2011. URL :
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/11/17/97001-20111117FILWWW00635-se-soigner-coute-tropcher-aux-francais.php
3
FOUCAUD Isabelle (de), « Des dentistes low-cost tentent leur chance en France », Le Figaro, 31
janvier 2012. URL : http://www.lefigaro.fr/conso/2012/01/31/05007-20120131ARTFIG00584-desdentistes-low-cost-tentent-leur-chance-en-france.php
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localisation (dans les zones les moins tendues) et la commercialisation (sur Internet) 4. Les
publics visés sont les classes moyennes et les primo-accédants, les plus pénalisés par la
hausse des prix immobiliers et les réductions des aides à l’accession.
Ces offres low cost se caractérisent bien sûr toutes par leurs prix largement inférieurs à ceux
des autres produits et services de leurs concurrents. Et, de plus en plus, elles affichent aussi
leur montée en gamme, afin de casser leur image de mauvaise qualité et d’attirer toujours plus
de consommateurs. Elles séduisent ainsi des individus plus aisés qui constituent, selon Olivier
Lagrand, sociologue chez Ipsos, une part croissante des clients des services low cost. Ainsi,
des « banques directes » ont vu le jour sur Internet, qui ne disposent pas d’agences physiques,
ce qui permet de réduire les prix facturés aux clients, qui peuvent effectuer la plupart des
transactions courantes sur Internet, et contacter un « conseiller » par mail ou téléphone. Selon
Ipsos, 57 % des clients de Monbanq appartiennent aux classes moyennes ou moyennes +.
En réponse à cette nouvelle concurrence, des entreprises traditionnelles développent leurs
propres offres low cost. Ainsi, les enseignes de hard discount alimentaire ont perdu 500 000
clients depuis 2009 (données Ipsos). Mais cette baisse de fréquentation s’explique moins par
une désaffection pour ces produits que par la contre-attaque des distributeurs traditionnels, qui
proposent désormais tous leurs propres gammes de produits discount 5.
Dans le secteur de la téléphonie, les opérateurs ouvrent des filiales proposant des forfaits
beaucoup moins chers : c’est par exemple ce qu’a fait Orange en lançant Sosh, destinée aux
18-35 ans, commercialisée uniquement sur Internet. L’arrivée de Free sur le marché des
opérateurs devrait encore accélérer ce mouvement.
Dans l’assurance, l’arrivée de plusieurs acteurs proposant des tarifs très compétitifs (Direct
assurance, Mutant Assurances…) amène les compagnies traditionnelles à proposer de
nouvelles offres plus abordables 6. Ainsi, Macif a créé Idmacif, et Groupama, Amaguiz, dont
les offres sont certes moins chères, mais aussi moins généreuses : moins de risques sont
couverts, les dédommagements peuvent être plus faibles et les relations avec l’assureur se font
principalement par Internet.
La plupart de ces offres low cost d’entreprises traditionnelles correspondent à des versions
plus basiques, et donc moins chères, de produits ou services déjà rentabilisés. Elles utilisent
souvent les mêmes réseaux de distribution mais certains services ne sont disponibles qu’en
option (et souvent très chers…).
L’intérêt que suscite le low cost traduit de vraies attentes des consommateurs qui ne sont pas
ou mal satisfaites par les filières traditionnelles. En particulier, la volonté de mieux gérer son
budget, en payant uniquement pour satisfaire les besoins réels et en refusant les « pochettes
surprises » proposées dans de nombreux secteurs, qui coûtent plus cher et comportent un
certain nombre de services jugés peu utiles. Le low cost devrait donc continuer à se
développer dans les secteurs où la valeur ajoutée n’est plus la priorité : alimentation,
transport, certains services… Parallèlement, les gains d’économie générés seront reportés un
4
CHAUVOT Myriam, « Les promoteurs mises sur les logements low cost », Les Échos, 20 janvier
2012. URL : http://www.lesechos.fr/patrimoine/immobilier/actu/0201852057570-les-promoteursmisent-sur-les-logements-neufs-low-cost-277625.php
5
voir Ipsos, op. cit.
6
GOMBERT Guirec, « Assurance : comment les compagnies proposent des prix moins chers », Le
Figaro,
23
juin
2008.
URL :
http://www.lefigaro.fr/assurance/2008/06/23/0500520080623ARTFIG00430-comment-les-compagnies-proposent-des-prix-moins-chers.php
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peu plus sur les achats à forte composante symbolique ou statutaire : nouvelles technologies,
habillement, équipement de la maison, etc.
Selon Emmanuel Combe, professeur d’économie et auteur d’un livre sur le low cost, ce
créneau a été très bénéfique au commerce, puisqu’il a permis de bousculer certains acteurs
bien installés dans leur secteur, en les forçant à innover pour se distinguer, à offrir plus de
transparence et à repenser leurs offres tarifaires 7. Pour l’instant, la plupart ont choisi d’ajuster
leurs prix en supprimant certains services ou certaines fonctionnalités de leurs offres. Mais la
concurrence du low cost pourrait aussi les amener à proposer des innovations qui répondraient
mieux aux nouveaux besoins et les distingueraient des offres plus basiques.
Cécile Désaunay
Champ de veille : Consommation, commerce, distribution
Mots clefs : Consommation / Prix / France
7
« Le low cost a gagné tous les secteurs », La Croix, 10 janvier 2012. URL : http://www.lacroix.com/Actualite/S-informer/Economie/Le-low-cost-a-gagne-tous-les-secteurs-_NG_-2012-01-10756170 ; Le Low Cost, Paris : Éd. La Découverte (coll. « Repères »), 2011.
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