innovations et controverses_1 - Saint

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innovations et controverses_1 - Saint
OCTOBRE ROSE 2014
Innovations et controverses dans la chirurgie du cancer du sein
Docteur Edwige Bourstyn, chirurgienne, Centre des maladies du sein,
Hôpital Saint Louis AP-HP
Le traitement chirurgical concerne presque toutes les patientes atteintes d’un cancer du sein.
On peut aborder le sujet à partir d’une question « qu’est-ce qui est pour tous et qu’est ce qui
ne l’est pas dans la chirurgie et les traitements du cancer du sein ? ». Le plan que nous allons
observer dans cette conférence est le suivant : on va d’abord faire un résumé de l’histoire de
la chirurgie du cancer du sein et de ses évolutions ; puis nous aborderons 2 sujets qui font
polémique actuellement : les traitements conservateurs qui sont parfois remis en cause par le
choix des patientes et le ganglion sentinelle. Enfin nous parlerons d’une innovation dont nous
sommes très fiers à Saint-Louis, car nous sommes jusqu’à ce jour les seuls à pouvoir la
pratiquer en Ile-de-France parmi seulement 7 centres en France, c’est la radiothérapie peropératoire qui ne peut être proposée à toutes les patientes.
Historique
La chirurgie du sein est très ancienne. Des gravures de la fin du XVIIIème siècle montrent
des opérations d’ablation du sein qui se faisait sans anesthésie avec des instruments
sommaires. Mais cette chirurgie est bien plus ancienne puisque le sein est un organe externe
et que la chirurgie a commencé par traiter des organes externes.
Pendant très longtemps, la chirurgie a été le seul et unique traitement du cancer du sein. On
appelait ça des amputations et il y a d’ailleurs encore des institutions, qui dans le libellé des
comptes rendus opératoires, lorsqu’ on fait une mastectomie, l’appellent amputation du sein.
C’est un mot que je trouve très violent mais qui à l’époque - c’était l’époque des amputations
des membres que Dominique Larrey, chirurgien de l’Empereur Napoléon 1er, réalisait sur
les champs de bataille- était justifié ; et Dominique Larrey amputait aussi des seins en dehors
des champs de bataille. Par la suite, la technique est devenue plus précise et en 1884, un
chirurgien américain, Halsted,
a réalisé une intervention qui porte son nom. Ce type
d’exérèses, a été faite jusque vers 1960 – 1970. Ces interventions ont été d’actualité pendant
longtemps, et c’était assez terrifiant : on enlevait toute la peau en regard du sein, le muscle
pectoral et on y associait de larges curages, l’incision pointait dans l’aisselle. Il ne restait
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vraiment plus que la peau sur le thorax et bien souvent les malades étaient irradiées ce qui
donnait un aspect encore plus rétracté.
En 1900 naît la radiothérapie. La radiothérapie de 1900 ce n’était pas la radiothérapie de
maintenant. Beaucoup des radiothérapeutes
de ces temps héroïques sont morts des
irradiations collatérales dont ils étaient l’objet quand ils irradiaient les patientes. Tout cela a
bien changé ; les doses sont moindres et on a de meilleurs moyens de calculer les doses
délivrées. Les complications des irradiations ont pu être mieux maîtrisées pour les médecins
et les patientes.
L’hormonothérapie a été décrite un peu avant 1900 sous forme d’une castration. Ce fut le
premier traitement médical du cancer du sein publié dans une revue très connue « The
Lancet ». Il s’agissait d’une femme jeune qui avait un cancer très évolué avec des métastases
à qui ont avait enlevé les ovaires : s’il n’y a pas eu guérison, la survie n’en a pas moins été
durable. Au cours des années 60, on va utiliser la chimiothérapie dans les tumeurs solides
dont le cancer du sein, après qu’elle ait été utilisée dans les traitements des leucémies. En
1966, c’est la découverte du Tamoxifène®, première hormonothérapie médicamenteuse dans
le traitement du cancer du sein. La chirurgie qui était le seul traitement du cancer du sein, et
les chirurgiens qui étaient les seuls acteurs de ce traitement se sont intégrés dans une nouvelle
façon de penser qu’on appelle la pluridisciplinarité.
On a d’abord associé la chirurgie à la radiothérapie, puis à la chimiothérapie vers les années
1970. A partir de ce moment, le fait qu’on puisse faire diminuer les tumeurs par d’autres
traitements que la chirurgie, a permis de faire des mastectomies moins agressives que l’on fait
encore maintenant : c’est la mastectomie de Patey qui enlève la peau et le sein mais qui
n’enlève pas le muscle et qui n’a pas un aspect esthétique aussi difficile qu’était l’intervention
de Halsted. J’aurais pu dire aussi qu’est apparue la reconstruction mammaire mais là je me
suis contentée d’en rester au stade purement thérapeutique de la chirurgie du cancer du sein.
Au cours des années 1970, on s’est posé la question de savoir si on ne pourrait-on pas
conserver le sein chez les femmes qui ont un cancer du sein. C’était extrêmement innovant,
révolutionnaire même et pas du tout accepté par tout le monde. Mais c’était une demande des
femmes. Il y a eu de grandes études : il a toujours été très important et ça l’est toujours
d’ailleurs, que les patientes se prêtent à la recherche clinique, c'est-à-dire qui acceptent d’être
incluses dans des études. C’est grâce aux femmes qui ont été incluses dans les premières
études - 1 étude américaine de Fischer et 1 étude italienne dirigée par Veronesi – qu’on a pu
progresser. Ces deux études ont été publiées en 1980 et 1985 pour la première fois et re
publiées avec les mêmes cohortes de malades en 2002. C’est grâce à ces femmes qu’on sait
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maintenant avec certitude que la conservation mammaire donne les mêmes résultats en
termes de survie globale que les mastectomies. Bien sûr c’est une connaissance générale et
statistique et ce n’est pas vrai pour toutes les tumeurs. Cette chirurgie est réservée aux
tumeurs qui mesurent moins de 3 cm, uni focales et qui ont certains profils. Plus la chirurgie
se cible plus elle devient sophistiquée moins elle est pour toutes les patientes. Ces deux
grandes études ont montré que la chirurgie de conservation mammaire donne les mêmes
résultats en terme de survie globale que la mastectomie mais que la conservation du sein doit
obligatoirement être associée à la radiothérapie. Donc c’est un ticket : chirurgie –
radiothérapie qui doit obligatoirement être envisagé.
On est aujourd’hui dans une période dite de désescalade. La désescalade c’est la descente de
la pente, mais il faut la descendre avec des cordes, il serait dangereux de se laisser tomber
directement. On est arrivé à une chirurgie du sein mini-invasive en reprenant le terme utilisé
pour d’autres chirurgies. Cette évolution est liée, d’abord, au développement de l’imagerie
sénologique qui permet de reconnaître des petites tumeurs, qui permet de faire des biopsies ,
et donc de reconnaître des cancers à un stade précoce mais aussi de voir que certains cancers
ne sont pas accessibles au traitement conservateur. On peut maintenant faire des traitements
conservateurs chez des femmes dont auparavant la tumeur était trop grosse pout les envisager
en leur donnant d’abord de la chimiothérapie ou de l’hormonothérapie qui peuvent faire
diminuer cette tumeur et la rendre accessible à un traitement conservateur.
On est aussi en période de désescalade du traitement des aisselles et on va y revenir tout à
l’heure. Au lieu du curage axillaire qui est source de séquelles, de douleurs et de diminution
de l’activité, éventuellement de lymphœdème est arrivée des Etats-Unis en 1995 et très peu de
temps après chez nous, la biopsie du ganglion sentinelle.
On est en période de désescalade en radiothérapie aussi et ce sera une des innovations dont
nous parlerons plus tard : la radiothérapie per-opératoire. C’est une très grande innovation
mais là encore une innovation pas pour toutes et une innovation dont vous pouvez bénéficier à
l’hôpital Saint-Louis.
Innovation, encore, la possibilité d’un traitement par chimiothérapie en ambulatoire et de
chirurgie ambulatoire pour un certain nombre de cancers du sein. Tout dépend des molécules
utilisées, du type d’ intervention chirurgicale et l’état général des patientes : les traitements
ambulatoires ce n’est pas possible pour toutes les patientes. Je sais que ça fait peur à
beaucoup et au contraire beaucoup également s’en réjouissent.
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La chirurgie ambulatoire doit être adaptée aux patientes et surtout à leurs conditions de vie et
là ça n’est vraiment pas la chirurgie du sein pour toutes, contrairement à ce que l’on a pu
entendre ces derniers jours dans les médias.
Comment arriver à cet équilibre difficile qui est d’assurer la survie - le cancer du sein est
quand même encore une maladie qui peut tuer- d’améliorer la qualité de vie, la cosmétique
sans perdre la sécurité ? Tels sont les challenges actuels dans la chirurgie du sein et dans les
traitements du cancer du sein. En France on a la chance d’avoir un accès à la santé, pour tous.
Grâce à une meilleure éducation et à une meilleure information des femmes, grâce au
dépistage organisé ou au dépistage individuel, on sait en France que 2/3 des patientes peuvent
bénéficier sans risques supplémentaires, d’un traitement conservateur.
Les controverses concernant les traitements consevateurs
Actuellement on assiste à une augmentation des demandes de mastectomie c’est à dire de
d’ablation du sein unilatérale voire bilatérale alors que les patientes ont un cancer du sein
unilatéral.
Ce fait a été constaté aux Etats-Unis. Je suis désolée de tout le temps citer des séries
américaines mais ce sont les américains qui publient ces chiffres et qui ont des registres où
sont enregistrés toutes les patientes …Il y a aussi beaucoup de séries anglaises et des pays
d’Europe du Nord. La Mayo Clinic est un énorme centre américain situé à Rochester qui
s’est alarmée il y a 3-4 ans de ce que pour des cancers du sein conservables du fait de leur
petite taille on avait une demande de mastectomie de plus en plus importante. Tout le monde
s’est penché sur les raisons de ces « plus de mastectomies » et beaucoup d’éléments ont été
invoqués : ça été l’IRM qui permet de temps en temps de trouver des tumeurs à plusieurs
foyers, tumeurs que l’on n’aurait pas découvertes auparavant, mais cet effet est minime et ne
permet pas de modifier complètement les statistiques; ça a été les conditions socioéconomiques qui étaient plus crédibles car dans certains pays les conditions géographiques ne
permettent pas aux femmes de faire des irradiations comme cela serait souhaitable en cas de
chirurgie conservatrice. Dans cette optique on peut prendre en considération une polémique
concernant les résultats d’un état du Canada, l’Alberta. Il y a eu des statistiques qui ont étonné
car au Québec - qui a un système de santé un peu comme le notre – le taux de mastectomie
de 30 % comme dans les pays développés alors que dans l’Alberta il est de plus de 50%.
L’Alberta est un état où il neige 9 mois sur 12 et où les centres de radiothérapie sont distants
de l’habitat des patientes avec des transports difficiles. Les conditions géographiques sont
aussi une des raisons de cette augmentation de la chirurgie radicale.
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On a vu arriver en France des demandes de mastectomie bilatérale, ces dernières années. Les
patientes demandent qu’on leur enlève le sein malade et le sein controlatéral qui n’est pas
malade ! C’est une demande assez fréquente aux Etats-Unis qui émerge en France. Je ne
parle pas des femmes génétiquement mutées (mutations BRCA1 ou BRCA 2 qui représentent
5% des cancers du sein),
mais d’une population tout venant. Des auteurs américains ont
publié, il y a quelques semaines, dans un très grand journal de médecine qui s’appelle le
JAMA, une grande étude à ce sujet qui a été reprise dans la grande presse.
Les articles des grands quotidiens du matin ou du soir ont frappé l’opinion publique en
France. En septembre dernier, cet article s’intéressait au nombre de patientes qui faisaient
pratiquer des mastectomies bilatérales, et se demandait si cela avait un avantage pour elles c'est-à-dire si elles mourraient moins de leur cancer ou si elles rechutaient moins de leur
cancer. Pour répondre à ces deux questions, on a utilisé des données qu’en recherche clinique
on appelle une étude observationnelle à partir de registres sur lesquels sont enregistrées
toutes les patientes. De tels registres existent en Californie, en Angleterre ou en Allemagne
mais pas assez chez nous. On a pu comparer conservation mammaire, mastectomies et
mastectomies bilatérales sur une population énorme de 189 734 patientes présentant un
cancer du sein unilatéral : 11 692 mastectomies bilatérales ont été réalisées, ce qui est très
important pour un cancer unilatéral. Ce taux qui était de 2% en 1998 est passé à 12.3% en
2011 soit un taux d’augmentation annuel de 14.3%
Chez les femmes de moins de 40 ans, ce taux est de 33%, donc 1/3 des femmes à qui on peut
conserver le sein qui ont moins de 40 ans dans cette population, ont opté pour une
mastectomie des deux côtés. L’âge est un critère est un critère de choix mais aussi le lieu
d’habitation, le métier et le niveau d’études. Et contrairement à ce que l’on aurait pu penser,
ce choix prédominait chez les femmes blanches non hispaniques, chez les femmes qui ont une
couverture sociale, un haut niveau socioculturel et qui étaient pour les plus nombreuses,
soignées dans les centres référents. Si les femmes choisissent cette chirurgie bilatérale c’est
que les médecins ne vont pas contre ce choix. Il s’agit donc d’une modification culturelle et
sociale dans le cancer du sein.
La survie de ces femmes ayant subi une mastectomie bilatérale a été aussi étudiée. La réponse
est nette : la mastectomie bilatérale ne protège de rien !
C'est-à-dire qu’il n’y a aucun
bénéfice en survie pour la mastectomie bilatérale quand on veut faire enlever le sein de l’autre
côté, qui n’est pas atteint. C’est un des grands sujets de débats et de polémiques actuellement
car la majeure partie des éditorialistes des grandes revues scientifiques n’arrivent pas à
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comprendre ce qui se passe, ce qui demanderait, à mon avis, demande beaucoup de réflexion,
à la fois psychologiques, philosophiques et politiques.
Controverses concernant le ganglion sentinelle
Deuxième controverse, moins médiatisée : la biopsie du ganglion sentinelle. Je rappelle que
le ganglion sentinelle est le premier ganglion qui reçoit le drainage d’une tumeur. C’est une
technique qui a prés de 20 ans. Le ganglion sentinelle est repéré par injection d’un colorant
bleu et d’un traceur radioactif ; on enlève les ganglions bleus et « chauds ». La première
étape de la réflexion a été de savoir si la technique du ganglion sentinelle pouvait remplacer
le curage axillaire et si oui, pour quelles patientes ? Les ganglions sont situés sous le bras et
ont été classés en trois étages : lorsque les cellules de la tumeur mammaire vont
éventuellement dans les ganglions de l’aisselle, elles y vont dans un certain ordre. Elles vont
d’abord vers le 1er étage, éventuellement vers le 2ème étage puis éventuellement vers 3ème. Si le
premier étage est sain, il n’y aura rien au-dessus. C’est ce premier étage qu’on appelle le
ganglion sentinelle. On le repéré de deux façons : en injectant la veille de l’intervention ou le
matin tôt le Technétium et pendant l’intervention, on utilise un colorant qui s’appelle le bleu
patenté qui va colorer les ganglions en bleu et le Technétium va les rendre radioactifs mais
pas à des quantités qui pourraient être dangereuses.
On a montré que pour des tumeurs de moins de 2 ou 3 cm, il n’y avait pas de différence entre
le ganglion sentinelle et le curage : un certain nombre de femmes pouvaient s’épargner le
curage axillaire et bénéficier largement de cette désescalade. Mais, pour les autres ? Est-ce
qu’il n’y a plus jamais besoin du curage axillaire ? La question a été posée et une étude qui est
parue en 2011 qui elle aussi a été très médiatisée. Cette étude américaine démontre que si une
patiente bénéficie d’un traitement conservateur, qu’elle avait moins de ganglions envahis et
qu’elle bénéficiait ensuite d’une irradiation mammaire totale, il n’y avait pas de différence sur
sa survie et sur ses rechutes, si on ne faisait pas de curage complémentaire. Cette étude a été
très critiquée pour sa méthodologie car il aurait fallu des milliers de malades et une durée
d’observation très longue. En effet pour arriver à des réponses fiables dans des études sur le
cancer du sein de bon pronostic il faut inclure un plusieurs centaines, voire plusieurs milliers
de malades et les mener sur
5 ans à 10 ans. C’est pour ces raisons méthodologiques( et
financières) qu’il y a peu d’études sur ces patientes. Dans l’étude citée l’effectif était
insuffisant d’environ 50 %. On a aussi reproché à cette étude son manque de rigueur dans le
choix des patientes incluses. Pour autant cette étude n’est pas à rejeter complètement : elle
devrait être beaucoup plus réfléchie qu’elle ne l’est et prendre en compte les évolutions en
termes de ciblage des tumeurs. Nous sommes dans une période de traitements ciblés par
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rapport au type de cancer, à la biologie du cancer, à la forme histologique du cancer, au grade
du cancer. C’est là qu’on en est maintenant, ce n’est plus le cancer du sein en général mais
des cancers du sein particuliers. L’utilisation des profils biologiques des tumeurs doit
permettre de stratifier, de faire des indications plus ciblées en fonction de la tumeur et de
l’âge de la patiente, à qui on fera ou on ne fera pas de curage.
Le ganglion sentinelle pour tous ce n’est peut-être pas encore, mais le ganglion sentinelle
pour plus de patientes, certainement et le curage axillaire a encore une place dans la chirurgie
du cancer du sein. Voilà en résumé comment on peut dire tout ça. Vous voyez donc toutes ces
polémiques qui font surface au fur et à mesure où les progrès avancent. Tout ça c’est signe
qu’il y a beaucoup de nouveautés, beaucoup de progrès dans le domaine du cancer du sein.
Innovation : la radiothérapie per opératoire
La chirurgie par
tumorectomie et
biopsie du ganglion sentinelle, est complétée
traditionnellement par de la radiothérapie qui est effectuée 4 fois par semaine pendant 5
semaines puis complétée, à Saint Louis1 mois après par une curiethérapie et ailleurs par une
irradiation complémentaire de 15 jours sur le lit tumoral. C’est ce que l’on appelle le boost.
L’innovation avec la radiothérapie per opératoire c’est qu’on peut faire tout au cours d’une
même anesthésie générale, pendant la même opération. La radiothérapie est partielle, elle
n’irradie pas tout le sein et délivre une dose de 20 grays. Elle nécessite une salle d’opération
protégée avec une autorisation de l’Agence nationale de sûreté nucléaire, puisque qu’on
utilise des rayons. En fait ces rayons ne sont pas très dangereux puisque ce sont des doses
faibles avec un type de rayons qui diffuse très peu. Il faut quand même pratiquer des travaux
dans le bloc opératoire.
Des études en recherche clinique ont été faites sur cette nouvelle technique avec
randomisation : on tire au sort le traitement : radiothérapie conventionnelle contre
radiothérapie per-opératoire. Le but de ces études n’était pas de montrer que c’était mieux
mais de montrer que c’était pareil. C’est ce que l’on appelle des études de non infériorité.
Cette étude démontre que cette technique donne les mêmes résultats que la radiothérapie
conventionnelle mais à condition de respecter des indications car ce n’est pas la radiothérapie
per-opératoire pour toutes. Les indications sont donc limitées
-
aux femmes de plus de 65 ans pour notre équipe, de plus de 60 pour d’autres équipes,
voire après 55 ans pour d’autres. Elle est réservée aux cancers dit de bon pronostic
c'est-à-dire des cancers qui en sont à leur début. Ces cancers sont :
-
des cancers canalaires et non lobulaires,
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-
uni focaux, uniques
-
sans envahissements du ganglion sentinelle
-
dont la taille est inférieure à 2 cm,
-
dont le grade histo-pronostic (SBR) est de 1 ou 2, c'est-à-dire des cancers peu ou
moyennement agressifs
-
dont récepteurs hormonaux (œstrogène et/ou progestérone) sont positifs
-
dont le marqueur HER2 est négatif
-
ne contenant pas d’emboles vasculaires.
-
dont la composante intra-canalaire est faible
Le marqueur HER2 était un facteur de mauvais pronostic et il est devenu un facteur de
meilleur pronostic grâce aux thérapies ciblées de type Herceptin® qui existe depuis 10 ans.
Les emboles vasculaires ont la même signification qu’un ganglion positif.
Les bénéfices de cette technique sont évidents : venir une seule fois, dormir pendant qu’on
vous opère mais il y a aussi d’autres avantages qui sont :
-
la diminution de la fibrose mammaire puisqu’on irradie autour de la tumeur et pas le
reste du sein : c’est une irradiation partielle. C’est aussi pourquoi il faut être sûr qu’il
n’y a pas d’autres tumeurs.
-
la diminution des douleurs post- radiques
-
une amélioration des résultats cosmétiques
-
une diminution des risques d’irradiation des organes qui sont situés en arrière du sein :
les poumons et à gauche le cœur qui sont totalement épargnés par cette technique. .
Cette technique du ganglion sentinelle – radiothérapie per opératoire peut-être faite en un
seul jour en ambulatoire : on l’a fait chez quelques malades bien sélectionnées car il faut
quand même avoir des conditions de vie qui permettent de le faire avec un entourage
suffisant.
En conclusion, la désescalade des traitements locorégionaux doit donner la même sécurité
aux patientes en diminuant les séquelles et en améliorant leur qualité de vie. Ce sont
actuellement des traitements ciblés et je renouvelle donc aux patientes, la nécessité de se
prêter aux essais cliniques pour continuer à progresser. Je tiens à remercier la direction du
Groupe hospitalier qui nous a soutenus dans le projet et qui a financé les travaux du bloc
opératoire, l’INCa qui a fourni le matériel et toutes les équipes du bloc opératoire
encadrement, les médecins anesthésistes, infirmiers de toutes les spécialités.
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Discussion
Question : Combien dure l’opération ?
E. Bourstyn : ça ne rallonge pas beaucoup le temps parce que comme vous l’avez vu, on
envoie le ganglion sentinelle au laboratoire pour l’examen extemporané qui dure au moins au
demi-heure si ce n’est quarante à quarante cinq minutes. Donc pendant ce temps là on installe
le matériel de radiothérapie c'est-à-dire qu’on choisit le bon applicateur, on fait la bourse, on
installe l’appareil. En fait le risque est que si le ganglion sentinelle est positif, on est obligés
de tout désinstaller. Et normalement, quand le téléphone sonne pour dire si le ganglion
sentinelle est négatif ou positif, on est prêts. L’expérience nous a permis de régler au mieux
les différentes étapes et nous a permis de gagner du temps. Puis c’est le temps de l’irradiation,
donc 17 à 42 minutes en fonction de la taille et du type de sonde et après on referme comme
d’habitude. Donc au total, le ganglion sentinelle ça dure 40 à 45 minutes, on y rajoute 20 à 40
minutes + des fois 5 à 10 minutes de gestion du matériel.
Question : Dans ce que vous nous avez montré, il n’y a pas de mastectomie.
E. Bourstyn : non, c’est une irradiation pour traitement conservateur.
Question : qui décide le traitement conservateur ?
E. Bourstyn : Le médecin le propose en accord avec la loi du 4 mars 2002 (loi Kouchner).
Son rôle est maintenant de proposer ce que la science a de meilleur, ou les meilleures données
de la science, et c’est le patient qui choisit. Même la radiothérapie per-opératoire on la
propose aux patientes, car c’est une technique qui est sortie du champ de la recherche. C’est
une technique de soins courants. On la propose aux patientes, de même que le traitement
conservateur quand les critères de ces indications sont présents, on les informe et elles
choisissent. Ca s’appelle le consentement éclairé.
Question : C’est peut-être mieux que de devoir venir tous les 15 jours faire sa chimio ; on
n’est pas bien, on est malade !
E. Bourstyn : C’est autre chose.
Marc Espiè : Ce sont deux choses différentes. Dans le traitement du cancer du sein il y a le
traitement local c'est-à-dire que l’on va traiter l’endroit où se trouve la tumeur au niveau du
sein, et ça généralement c’est la chirurgie et la radiothérapie. Et puis il y a des traitements
pour empêcher que les cellules cancéreuses aillent ailleurs dans l’organisme, se fixent sur un
organe et un jour, donnent éventuellement des métastases. C’est le rôle de la chimiothérapie,
de l’hormonothérapie : des thérapies ciblées. C’est un peu schématique ce que je dis mais il y
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a d’un côté le traitement locorégional (chirurgie-radiothérapie) et d’autres parts, les
traitements médicaux faits pour empêcher la survenue de métastases.
E. Bourstyn : beaucoup de patientes qui ont eu la radiothérapie per-opératoire ont après de
l’hormonothérapie et certaines ont même eu de la chimiothérapie parce qu’on a trouvé
certains éléments sur l’analyse définitive de leur tumeur qui allaient en ce sens.
Question : donc ça n’est que si le ganglion sentinelle est bon que l’on peut bénéficier de cette
technique ?
E. Bourstyn : Oui
Question : par rapport à la curiethérapie, quelle est la différence ?
E. Bourstyn : Quand on vous irradie le sein et qu’on vous fait une curiethérapie, vous avez
d’abord 4 fois par semaine, une irradiation de tout le sein, ça s’appelle l’irradiation totale du
sein. Il a été montré aussi par des études du même type que celles dont je vous ai parlé qu’il y
avait plus de sécurité si on faisait un surdosage, ce qu’on appelle à l’américaine « un boost »
au niveau où se trouvais la tumeur. Ce surdosage peut se faire par 15 jours de rayons
supplémentaires soit par la curiethérapie comme on le fait a Saint-Louis en une journée, un
mois après la radiothérapie. La radiothérapie per-opératoire est une radiothérapie partielle du
sein, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’irradiation de tout le sein, mais une irradiation locale qui
diffuse sur 1 cm ou 1,5 cm de la zone de tumorectomie. Et ce sont les études qui ont montré
que dans des cas comme ceux-là, ça donnait exactement la même chose que de faire
l’irradiation totale plus le boost.
Question : Vous parliez de désescalade dans la chirurgie, chez l’homme, à priori, on ne m’a
pas du tout parlé de désescalade au contraire, on m’a dit faut tout enlever…
E. Bourstyn : Chez l’homme le traitement le plus courant, c’est la mastectomie car il n’y a
pas beaucoup de sein. Mais on a fait chez un patient qui avait une gynécomastie et une petite
tumeur, un traitement conservateur : c’est une question d’anatomie
Le patient : Moi je parlais principalement au niveau des ganglions, c’est vrai qu’il a fallu
vraiment que j’insiste auprès du chirurgien pour qu’il fasse le ganglion sentinelle et qu’il ne
m’enlève pas toute la chaîne ganglionnaire.
E. Bourstyn : le cancer du sein chez l’homme représente 1 à 2 % des cancers du sein, donc
ce n’est pas très fréquent. On ne peut pas faire une étude valable. Je vous ai dit qu’il fallait
des milliers de personnes pour avoir une réponse sur les cancers précoces. Mais dans toutes
les études sur le cancer du sein chez l’homme, il est dit et écrit que l’on doit faire la même
chose, c'est-à-dire, le ganglion sentinelle. Quand c’est possible.
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Question : En fait par rapport à la diffusion de la technique de la radiothérapie per opératoire
peu de centres sont actuellement équipés, c’est bien ça ?
E. Bourstyn : Oui 7 centres en France, alors en Angleterre ça se fait depuis plus de 10 ans,
aux Etats-Unis, ils beaucoup ce matériel parce que les centres sont souvent très loin des lieux
de résidence des patientes. En Angleterre, c’est beaucoup plus pour des raisons économiques,
parce qu’il y a de très gros manques en équipement de radiothérapie conventionnelle : le NHS
a commandé un nombre très important d’appareil de radiothérapie per opératoire pour pallier
à ce manque de radiothérapie. Par ailleurs, en Angleterre, je trouve que les indications sont
un peu trop larges. Mais là on voit vraiment des motivations économiques du système de
santé. En France, les autorités se penchent sur une étude médico-économique pour savoir si
ça coûte moins cher ou pas. A première vue on dirait que ça coûte moins cher. Parce que
l’appareil est cher mais par rapport à un appareil de radiothérapie classique, ça n’a rien de
comparable et je crois que bientôt il va y avoir un appel à projet, c'est-à-dire que les équipes
qui vont fournir les conditions strictes pour avoir l’appareillage et pouvoir l’acheter euxmêmes pourront le développer avec des autorisations. Ca va bientôt venir mais ce n’est pas
encore.
Question : Est-ce que ça voudrait dire que toutes les patientes, dans votre centre, qui sont
éligibles, pourraient bénéficier de cette technique ?
E. Bourstyn : Absolument , elles le peuvent déjà
Question : Quels sont les critères justement pour être éligible ?
E. Bourstyn : Avoir plus de 65 ans, avoir un cancer unifocal, c'est-à-dire une seule tumeur
dans le sein qui doit être inférieure ou égale à 2 cm, de grade histologique 1 ou 2 , ayant des
récepteurs a l’œstrogène et/ ou à la progestérone non HER2 positifs, sans emboles vasculaires
et qui a un ganglion sentinelle négatif . C’est restrictif.
La patiente : Et ça représente quel pourcentage ?
E. Bourstyn : 10% peut-être. 10% de malades chez nous ça fait quand même beaucoup de
monde, et c’est peut-être un petit peu plus. Ça dépend également du recrutement, il est
variable dans le temps. Il va y avoir une nouvelles étude pilotée par une équipe française, qui
va débuter, sur l’utilisation dans les rechutes chez les patientes qui ont eu un traitement
conservateur. Il y a également des études pour le « boost ». Alors là pour les femmes jeunes,
c’est les anglais qui le font, nous n’avons pas encore fait le choix d’y participer. Mais ça
pose aussi un problème d’accessibilité du bloc opératoire.
Marc ESPIE : Voilà, pour le moment, je dirais, on a bien cadré les indications pour se donner
le maximum de garanties, qui n’y ait pas d’excès de risques de rechutes. Puisque c’est très
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important, puisque c’est une technique relativement nouvelle, même si ça fait 10 ans que ça
existe dans certains pays. On a vu que dans certains pays il y avait probablement eu des excès
d’indications avec justement davantage de rechutes, donc là c’est vrai que sur Saint-Louis, on
a été très prudent dans les indications. Parce qu’évidemment on ne veut pas qu’il y ait trop de
rechutes qui mettraient la technique complètement par terre. Donc elle a des bonnes
indications mais il faut savoir les choisir. Peut-être qu’on élargira mais pour le moment où on
reste prudents.
E. Bourstyn : Le pays qui a eu le plus de rechutes, ça été l’Australie parce que les médecins
australiens avaient posé la question de savoir si après qu’on a opéré la patiente, on pouvait ré
intervenir et faire la radiothérapie dans un deuxième temps. Cette étude montrait qu’il ne
fallait pas faire ça.
Question : Je voudrais comprendre pourquoi cette technique est destinée aux patientes de plus
de 65 ans… Est ce que c’est pour limiter le nombre de rechutes ?
Marc ESPIE : C’est sûr qu’on tente de limiter le nombre de rechutes. On sait que chez les
femmes jeunes, le risque de rechute est plus important que chez les femmes plus âgées, sans
qu’on en sache exactement pourquoi. Peut-être parce que leurs tumeurs ont des particularités
qui font qu’elles rechutent davantage. Donc on s’est mis dans une situation où le risque de
rechute est plus faible. Au-delà de 65 ans il est plus faible que quand on a 45 ans.
Octobre Rose 2014
Saint-Louis Réseau Sein