Leçons de méditation du maître Sengai

Datum: 14.07.2014
Le Temps
1211 Genève 2
022/ 888 58 58
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Medienart: Print
Medientyp: Tages- und Wochenpresse
Auflage: 39'716
Erscheinungsweise: 6x wöchentlich
Themen-Nr.: 038.143
Abo-Nr.: 1094437
Seite: 19
Fläche: 54'298 mm²
Leçons de méditation du maître Sengai
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«Hotei - personnage de la mythologie japonaise - montre la lune». Le maître traçait un message instructif à l'intention
d'un disciple ou d'un paysan qui lui rendait visite. Son art devait familiariser les ingénus au bouddhisme zen. ARCHIVES
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Argus Ref.: 54531585
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Sandrine Hochstrasser ZURICH
tiques du célèbre maître zen Sen- Comme celui du rond, du triangle
> Exposition
Le Musée Rietberg
gai Gibon. Moine dès l'âge de et du carré entrecroisés. Ou celui
à Zurich présente
vingt nouvelles
fresques du moine
japonais, né en 1750
> Ses traits simples
et vifs livrent
avec humour des
morales atemporelles
Soyu Mukai s'agenouille sur le
tatami. Dans un silence religieux,
la maîtresse du thé vêtue d'un ki-
de la grenouille, reproduit sur les
11 ans, cet abbé du Shôfukuji, le affiches de l'exposition.
plus ancien monastère zen du Japon, s'est retiré de ses fonctions a
62 ans pour se consacrer totale- «Ne regardez pas que
ment à la peinture et à la calligra-
phie. C'était il y a près de deux les traits d'encre, mais
cents ans.
Cela faisait plus
de 50 ans que
les oeuvres du moine
n'avaient pas été
exposées en Suisse
également le vide qui
les entoure. L'esprit,
c'est le plus important»
Des signes calligraphiés accompagnent le batracien souriant: «Si un homme devient un
bouddha en ne pratiquant que le
zazen (médiocre grenouille que je
suis, je devrais en être un depuis
Les sobres esquisses, tracées à longtemps)». Les coups de pinceaux rapides du maître respirent
la malice et l'ironie. La posture et
la discipline ne permettent pas, à
mono vert entame ses premiers l'encre d'un trait vif, sont exposées
gestes rituels. Elle ouvre une boîte depuis le ler juillet dans l'institunoire laquée et fait apparaître di- tion zurichoise, spécialisée dans
vers objets - un bol, un foulard, les arts et cultures extra-euroune cuillère, un fouet en roseau - péens. Elles sont venues remplaqu'elle dépose sur le matelas de cer une première série d'images,
paille à côté de la théière. Les uns présentées depuis fin mai et retiaprès les autres. Lentement. Cha- rées de la lumière pour assurer
que geste est exécuté avec précision et concentration. L'exercice leur conservation. «Dans les mais'étend sur dix longues minutes; il sons traditionnelles japonaises,
devrait durer quatre heures dans un seul tableau serait exposé à la
elles seules, d'atteindre l'Eveil,
rappelle-t-il à ses disciples.
La seconde série de peintures
offre autant de clins d'il humoristiques et de leçons de méditation que la première. A l'image de
ce cheval fougueux tracé avec
énergie par Sengai. «L'esprit qui a
la tradition japonaise. Soyu Mukai fois, car le dessin n'a pas une sim- perdu toute discipline court tel
n'offre qu'un bref aperçu du ple vocation décorative. On sort un cheval sauvage pour faire le
Chado, «chemin du thé», en le mimant avec une théière vide. «Lors
de cette cérémonie, on apprend à
concentrer son attention sur l'instant présent. On oublie sa faim ou
un rouleau et on y prête toute son mal. Il est indomptable et absoluattention. Notre maîtresse de thé ment hors de contrôle», a-t-il calétait d'ailleurs choquée de voir ligraphié.
autant de fresques en même
Ces fresques, dans lesquelles
temps. Mais viendriez-vous au dessins et texte se répondent sub-
préoccupations quotidien- musée pour une seule peinture?»
nes», glisse la spécialiste à la di- sourit Katharina Epprecht, comzaine de visiteurs qui l'entourent, missaire d'exposition.
La spécialiste du Japon a fait
silencieux.
Ces derniers sont invités à se acheminer du musée d'art Idedétendre, s'imprégner de ce rituel mitsu à Tokyo quarante des plus
étroitement lié au bouddhisme célèbres oeuvres du moine né en
zen.., et s'ouvrir aux tableaux 1750. Cela faisait plus de 50 ans
autour d'eux. Nous sommes au que le maître, source d'inspiration
sous-sol du Musée Rietberg à Zu- pour Daisetz T. Suzuki, auteur qui
ses
tilement, n'étaient pas destinées à
être exposées. Le maître traçait un
message instructif à l'intention
d'un disciple ou d'un paysan qui
lui rendait visite. Son art devait
familiariser les ingénus au bouddhisme zen, explique la responsable de l'exposition.
Une cuillère suspendue dans
l'air, en équilibre, un tigre apeuré,
rich. Mercredi soir 18h*. Assis sur a propagé la «fièvre zen» en Occi- ou une orchidée.., d'un coup de
deux tatamis installés au centre dent, n'avait pas été exposé en pinceau libre, le maître zen
de la petite salle d'exposition, les Suisse. Ce printemps, entre 1400 adepte du Rinzai, l'une des trois
visiteurs contemplent les vingt et 2100 visiteurs par semaine sont écoles bouddhistes du Japon, protoiles déroulées sous une lumière venus admirer la première série pose des réflexions simples, mais
tamisée. Vingt peintures chroma- de dessins présentés à Zurich.
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atemporelles et universelles.
«Patience... Il y a pourtant de
ces vents qu'il ne doit pas apprécier, le saule !» Les branches de l'ar-
bre semblent remuer délicatement sous le pinceau du maître. Et
pourtant, l'arbre souffre peutêtre. «Mêmes les gens qui parais-
sent en bonne santé peuvent être
en difficulté», traduit Katharina
Epprecht.
Dans l'élégant catalogue d'exposition, la commissaire a choisi
de laisser les peintures et leur cal-
ligraphie vierges de tout commentaire, excepté la traduction
des signes en japonais, anglais, allemand et français. «Je voulais que
chaque lecteur puisse trouver sa
propre interprétation», explique
la spécialiste «Installez-vous face
au dessin et essayer d'écouter ce
que dit le maître», glisse Soyu Mukai. «Ne regardez pas que les traits
d'encre, mais également le vide
qui les entoure. L'esprit, c'est le
plus important», enseigne la maîtresse du thé.
Maître zen Sengai (1750 - 1837).
Musée Rietberg, jusqu'au 10 août
2014. Gablerstrasse 15, Zurich.
Rens.: www.rietberg.ch
* Introduction à la voie du thé
dans le contexte de la peinture zen.
Chaque mercredi, 18h
(en allemand), au Musée Rietberg.
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