LE LIBRE CHOIX, UN ALIBI ?

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LE LIBRE CHOIX, UN ALIBI ?
LE LIBRE CHOIX, UN ALIBI ?
Le libre choix est devenu le maître mot des politiques gérontologiques.
Promues par la Révolution Française, les valeurs de liberté et d’égalité sont placées au centre
de nos concepts républicains.
La primauté de l’individu souverain sur la collectivité est de mise, Démocratie de notre temps,
s’éloignant en cela de la vision communautaire où les choix étaient faits en fonction du
groupe et non de l’individu.
C’est donc dans ce contexte et dans ce mouvement que les individus sont engagés, à la
recherche d’une liberté reconnue et consentie désormais à chacun, celle de choisir sa façon de
vivre.
Les rapports entre libre choix individuels et organisation collective s’en trouvent perturbés et
sont parfois marqués de contradictions : il est reconnu à chaque individu sa souveraineté, son
droit individuel au nom de la responsabilité et de l’initiative personnelle ; mais dans le même
temps, les individus expriment des besoins collectifs en termes de santé, de sécurité, de
protection sociale…
C’est bien cette fonction entre liberté individuelle et organisation collective qui éclaire le
questionnement sur le principe du libre choix des vieilles personnes en situation de besoin
d’aide souhaitant vivre et mourir à leur domicile.
Mais au-delà du principe sacré et des principes communément et consensuellement acceptés,
dans ce contexte de l’aide et des soins à domicile, que veut donc dire le libre choix, et le choix
de quoi ?
Pour certains, le libre choix consiste à permettre le libre accès à des formes différentes de
services à domicile : le libéral, les besoins de soins, le prestataire public ou privé, le
mandataire ou le gré à gré… dans une perspective d’adéquation, de convenance aux désirs
individuels (aux besoins ?) dans la mesure, nous rappelle la loi APA, où la personne serait en
capacité de l’exercer consciemment ( ?)
Pour d’autres, afin de garantir les conditions du libre choix, il suffit de permettre la liberté
d’entreprise à des opérateurs multiples afin de recourir au fournisseur de son choix ; la
concurrence est (souve)raine et le marché un grand régulateur.
Mais, les vieilles personnes, fragilisées par l’âge, la maladie, la situation de handicap et
parfois l’isolement sont-elles des consommateurs ordinaires ?
Suffit-il à une société de se donner bonne conscience en solvabilisant les individus sans se
soucier de la quantité et de la qualité de l’offre, de son existence effective, de sa pertinence ?
Comment concilier le respect de l’autonomie des individus (capacité ou droit de la personne
de choisir elle-même les règles de sa conduite, l’orientation de ses actes et les risques qu’elle
est prête à courir) et une organisation collective censée les protéger tout en répondant à leurs
besoins sanitaires et sociaux ?
Suffit-il d’affirmer un principe (une voyance ?) en s’exonérant d’organiser les conditions dans
lesquelles ce choix peut s’exercer librement ?
Le choix est-il libre dans un cadre tellement contraint par le conditionnement économique ?
Car enfin, pour que les individus puissent choisir véritablement et librement de vivre chez
eux, suffit-il de déclarer qu’ils sont libres de le faire ?
Deux conditions nous apparaissent indispensables :
- La première est d’affirmer que le libre choix ne peut s’exercer que dans un cadre
contraint visant à éclairer les conditions de ce choix. « L’impulsion du seul appétit est
esclavage et l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté » nous dit Rousseau
pour revenir aux Lumières.
- La seconde est d’affirmer qu’il n’y a pas de libre choix sans organisation collective,
visant à garantir à chaque individu :
! L’accès à une évaluation individuelle des situations prenant en compte à la
fois les incapacités et les données de l’environnement (mode de vie, ressources,
réseau social)
! L’accès à une offre de service à la fois globale et diversifiée, susceptible
d’apporter une réponse adéquate aux besoins d’aide et aux ressources de
chaque individu.
Pour que le libre choix ne soit pas un alibi !