Mariage et fisc ne feraient-ils pas bon ménage ? Les cohabitants de

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Mariage et fisc ne feraient-ils pas bon ménage ? Les cohabitants de
Budget&Droits 218 - septembre/octobre 2011
IMPÔTS
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mariage | cohabitation
Mariage et fisc ne feraient-ils pas
bon ménage ? Les cohabitants
de fait, à l’inverse des cohabitants
légaux, semblent eux, avantagés
dans certains cas.
Geert De Witte et Nadine Vanhee
Avec ou sans acte
de mariage ?
U
ne fois passé le coup de foudre, certaines personnes peuvent décider de
vivre ensemble, sans autre formalité.
C’est ce que l’on appelle la cohabitation "de fait". D’autres préféreront
officialiser leur union sous forme d’un mariage
ou opteront encore pour une déclaration de
cohabitation légale à la commune.
Mais si les cohabitants légaux et les couples
mariés sont du pareil au même pour le fisc, les
cohabitants de fait, eux, n’existent pas. Ce sont
deux isolés : ils devront chacun remplir une
déclaration distincte, même s’ils ont des enfants
ensemble. Avec à la clé, sur le plan fiscal, plusieurs avantages. Si le ménage a des enfants, si
le partenaire qui a les revenus professionnels les
plus élevés travaille à l’étranger et si le ménage
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perçoit des revenus de remplacement. Petite
consolation pour les autres, il y a aussi des cas
où la note fiscale sera plus lourde.
Tous égaux devant la loi… parfois
Tout contribuable a droit à un certain montant de revenus sur lequel il ne doit en aucun
cas payer des impôts. Que vous soyez marié,
cohabitant légal ou cohabitant de fait, le fisc
appliquera le même montant. C’est la quotité
exemptée d’impôts.
Avec des enfants
Les cohabitants de fait, parents d’un ou plusieurs enfants à charge, ont un avantage fiscal
par rapport aux couples mariés et aux cohabitants légaux dans la même situation de famille.
La quotité exemptée d’impôts à laquelle les
enfants à charge donnent droit est certes la
même pour tout le monde, marié ou pas, mais
comme ils sont imposés comme isolés, les
parents cohabitants de fait ont droit à une
quotité exemptée supplémentaire qui
DEUX COHABITANTS DE FAIT DOIVENT REMPLIR
DISTINCTEMENT LEUR PROPRE DÉCLARATION
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mariage | cohabitation
leur procure une économie annuelle de
quelque 400 €.
En général, peu importe qui des deux cohabitants de fait prend les enfants à charge pour
pouvoir retirer le maximum, puisque l’avantage
des quotités exemptées d’impôts est calculé aux
taux d’imposition les plus bas. Exception : si un
des deux partenaires n’a pas assez de revenus
pour pouvoir appliquer totalement les quotités
exemptées. S’il n’y a qu’un seul enfant et qu’un
des parents a, pour 2011, un revenu imposable
net inférieur à 9 630 €, mieux vaudra que l’autre
parent prenne l’enfant à charge.
Les enfants de cohabitants de fait peuvent
aussi avoir des revenus propres sensiblement
plus importants sans pour autant perdre le statut d’enfants à charge. Un élément important
pour les enfants qui gagnent, par exemple, de
l’argent comme jobistes.
Quand un partenaire travaille
à l’étranger
Les ménages à deux revenus qui cohabitent de
fait et ont des enfants sont fortement privilégiés
si un des deux partenaires travaille à l’étranger et a en plus les revenus les plus élevés du
ménage.
Pour les contribuables mariés et cohabitants
légaux, le fisc accorde en effet automatiquement
la quotité exemptée d’impôts pour les enfants à
charge au partenaire qui a les revenus les plus élevés. Seulement, lorsque celui-ci est aussi celui qui
perçoit des revenus à l’étranger, ses revenus sont
par définition exemptés de l’impôt en Belgique et
la quotité exemptée d’impôts pour les enfants ne
L’ENFANT À CHARGE
DE COHABITANTS DE FAIT
PEUT GAGNER PLUS QUE
L’ENFANT D’UN COUPLE
MARIÉ
rapporte dès lors pratiquement rien. Les parents
cohabitants de fait peuvent contourner ce problème en reprenant les enfants à charge dans
la déclaration du partenaire qui perçoit uniquement des revenus en Belgique.
Le montant que les parents mariés et cohabitants légaux qui sont dans ce cas perdent de ce
fait chaque année par rapport aux cohabitants de
fait augmente avec le nombre d’enfants à charge
et à partir de deux enfants, la différence devient
conséquente. Il s’agira en effet, pour 2011, de
350 € pour un ménage avec un enfant à charge,
mais de 1 002 € avec deux enfants, 2 654 € avec
trois enfants et 4 665 € avec quatre enfants !
En cas de revenus de remplacement
Les revenus de remplacement comprennent les
pensions, allocations de chômage, allocations
de maladie, etc. Ces revenus donnent droit à une
réduction d’impôt. Strictement parlant, l’état civil de l’allocataire des revenus de remplacement
importe peu, du moins en termes de montant.
Mais comme les revenus totaux du ménage
jouent encore un rôle dans le calcul de la réduction, les cohabitants de fait peuvent finalement
avoir droit à plusieurs centaines d’euros de plus
sur base annuelle que les couples mariés ou les
cohabitants légaux.
Un exemple : un partenaire perçoit une pension de 13 800 € et l’autre a également des revenus. Le fisc accordera 532,08 € d’avantage fiscal
en plus si le couple cohabite de fait (pour 2010;
dernières données disponibles).
Un seul revenu ? Avantage au couple
officiel
En principe, le fisc effectue un calcul distinct
pour les revenus professionnels que chaque
partenaire a personnellement gagnés. Il peut
toutefois parfois s’écarter de cette règle pour
les couples mariés et les cohabitants légaux, et
uniquement pour eux, si un des partenaires n’a
pas, ou très peu, de revenus professionnels.
En vertu du quotient conjugal, il fait alors glisser une partie des revenus du partenaire ayant
les revenus les plus élevés vers l’autre partenaire. De cee manière, cee partie des revenus
n’est pas imposée au taux le plus élevé du partenaire ayant les revenus les plus élevés comme
cela serait normalement le cas, mais à un taux
bien plus faible. Le fisc procède automatiquement de la sorte quand les revenus professionnels d’un des partenaires sont inférieurs à 30 %
du montant total des revenus professionnels et
dans tous les cas inférieurs à 9 470 € (montant
pour 2011). Les partenaires d’un ménage à un
seul revenu ont donc tout intérêt à être mariés
ou à cohabiter légalement.
COMPARAISON
POUR L’IMPÔT DES PERSONNES PHYSIQUES – REVENUS 2011
Règle fiscale
Quotité de base exemptée d’impôts, par personne
Quotité exemptée d’impôts pour enfants à charge
– si aucun des parents ne travaille à l’étranger
Couples mariés/cohabitants légaux
6 750 € + 260 € si moins de 24 410 € de revenus
imposables
Cohabitants de fait
idem
1 enfant : 1 400 € ; 2 enfants : 3 590 € ; 3 enfants :
8 050 € ; 4 enfants : 13 020 €
idem + 1 400 € supplémentaires à partir d’un enfant
– si le partenaire qui a les revenus professionnels
les plus élevés travaille à l’étranger
la quotité exemptée d’impôts susmentionnée
disparaît totalement
l’exonération est maintenue si les enfants sont déclarés
dans le chef du partenaire percevant uniquement des
revenus en Belgique
Plafond des moyens de subsistance nets pour
enfant à charge
2 890 €
4 170 €
Réduction d’impôt pour revenus de remplacement
par personne
oui
oui, mais avantage finalement supérieur en raison du mode
de calcul
Quotient conjugal pour le ménage si un des partenaires n’a que peu ou pas de revenus professionnels
propres
oui
non
Déduction pour habitation unique par personne
payant l’emprunt hypothécaire commun et
l’assurance solde restant dû
– maximum 2 830 €
– plus 70 € si 3 enfants à charge
– libre répartition entre partenaires du montant
des intérêts et amortissements de capital, mais
rarement beaucoup d’impact dans la pratique
– idem
– idem, mais seulement pour le parent qui prend les enfants
à charge
– pas de libre répartition : intérêts et amortissements de
capital à déclarer selon la part de propriété
Cotisation spéciale de sécurité sociale
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oui
oui, mais plus à payer finalement si les deux partenaires ont
des revenus élevés, en raison du mode de calcul
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HÉRITAGE OU DONATION T
n’ont conclu l’emprunt qu’en fin d’année et ne
peuvent déduire que très peu la première année.
La neutralité fiscale pour les ménages :
uniquement en Flandre
Cotisation de sécurité sociale : du pour
et du contre
■ Hormis pour l’impôt des personnes physiques, le fisc est également à l’affût en cas
de donation ou de décès. Les droits de donation et de succession ont toutefois été
régionalisés et chaque région a ses propres règles. Mais la relation familiale joue un rôle
important dans la détermination des taux partout.
■ Seule la Région flamande ne fait plus de distinction, pour les droits de donation et de
succession, entre les personnes mariées, les cohabitants légaux et les cohabitants de
fait. Pour prévenir les abus, les cohabitants de fait doivent toutefois pouvoir démontrer
qu’ils cohabit(ai)ent déjà de manière ininterrompue depuis un certain temps et qu’ils
tion
form(ai)ent un ménage commun (un extrait du registre de la population
e) :
attestant qu’ils sont inscrits à la même adresse suffit comme preuve)
une année est la règle, mais trois années sont requises lorsqu’il s’agitt de
n
l’exonération des droits de succession d’application pour l’habitation
familiale.
■ En Wallonie et en Région de Bruxelles-Capitale, il y a
uniquement assimilation entre les personnes mariées et les
cohabitants légaux.
■ La note fiscale sera sensiblement plus lourde pour les cohabitantss
non assimilés, car ils seront imposés au taux le plus élevé.
Exemple : un ménage sans enfants, dont un
partenaire perçoit 50 000 € de revenus professionnels tandis que l’autre n’a pas de revenus.
S’ils sont mariés ou cohabitent légalement, les
partenaires, en vertu du quotient conjugal, paieront pas moins de 4 005 € d’impôts en moins
que s’ils cohabitaient de fait.
Astuce : si vous ne voulez pas vous marier
et pensez que votre ménage pourra à terme
compter sur deux revenus, vous pourrez envisager la cohabitation légale. Contrairement à
un mariage, vous pourrez en effet mere fin à
cee forme de cohabitation à tout moment sans
autre forme de cérémonie. Il suffira de déclarer à la maison communale que vous mettez
un terme à la cohabitation légale. A envisager
comme solution temporaire donc, en aendant
des jours meilleurs sur le plan fiscal. Sachez
toutefois que le fisc ne vous imposera comme
des contribuables mariés qu’à partir de l’année
suivant celle de la déclaration à la commune.
Emprunt hypothécaire : le mode
de cohabitation importe peu
Les règles pour la déduction pour habitation
unique lorsque deux partenaires contractent
ensemble un emprunt hypothécaire sont en
principe les mêmes quel que soit l’état civil des
partenaires. Pour 2011, la déduction de base
maximale s’élève plus précisément à 2 120 € par
personne, plus 710 € les dix premières années,
à condition que l’habitation reste la seule propriété, soit un total de 2 830 €.
Il existe toutefois une petite différence en
ce qui concerne les 70 € supplémentaires si le
ménage a au moins trois enfants à charge : le
fisc accordera ce petit supplément aux deux
partenaires s’ils sont mariés ou cohabitent
légalement, alors qu’en cas de cohabitation de
fait, seul un partenaire pourra y prétendre, à
savoir celui qui déclare les enfants fiscalement
à charge.
Une autre différence existe encore en théorie.
Les partenaires mariés et les cohabitants légaux
peuvent fixer librement la répartition des amortissements de capital et des intérêts dans leur
déclaration, selon ce qui est le plus intéressant.
Les cohabitants de fait n’ont pas cee liberté
et sont obligés de tenir compte de leur part de
propriété dans l’habitation. Dans la pratique,
la possibilité de libre répartition n’est toutefois
que rarement pertinente, les deux partenaires
dépassant déjà dans tous les cas le maximum.
Les cohabitants de fait ne seront donc réellement désavantagés que si ce n’est pas le cas, par
ex. s’ils n’ont pas emprunté beaucoup ou s’ils
QUAND UN DES PARTENAIRES N’A PAS DE REVENUS,
LA COHABITATION DE FAIT EST DÉSAVANTAGEUSE
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La cotisation spéciale de sécurité sociale est un
impôt supplémentaire que le fisc impose dans
la plupart des cas. Vous y échapperez pour 2011
si les revenus imposables globalement de votre
ménage n’excèdent pas 18 592,02 €. S’il n’y a que
des revenus professionnels, cela correspondra à
un montant de 21 053,03 € (24 457,52 € brut) sur
la fiche de paie.
Pour les couples mariés et les cohabitants
légaux, cette exonération ne sera appliquée
qu’une seule fois sur leurs revenus communs.
Pour les cohabitants de fait par contre, elle
sera appliquée deux fois, car ils sont considéré
rés chacun distinctement comme un ménage.
De ce fait, la cotisation due par ces derniers
sera moins élevée. Mais la médaille a aussi
se
son revers. Il existe un maximum pour cette
so
cotisation qui n’augmente donc plus à partir
co
d’un certain montant de revenus du ménage.
d’u
Et si les deux partenaires ont des revenus élevés, ce sera à l’avantage des couples mariés et
vé
des cohabitants légaux, car ils aeindront plus
de
rapidement ce maximum que deux cohabitants
rap
de fait distinctement.
Un exemple : un homme et une femme ont
des revenus imposables de respectivement
de
18
18 000 et 17 500 €. En tant que cohabitants
de fait, ils seront dispensés de cotisation spéciale de sécurité sociale. S’ils sont mariés ou
cohabitent légalement, ils paieront au contraire
410,68 € sur base annuelle. Cette situation
s’inversera toutefois si nous relevons les revenus : avec des revenus imposables de 35 000 €
chacun, ils paieront en effet ensemble 808,36 €
comme cohabitants de fait contre 731,28 €. Et la
différence s’accentuera à mesure que les revenus augmenteront. ■
T
NOTRE AVIS
Plus que le fisc
■ Les cohabitants de fait ont beau être
avantagés dans certains cas au niveau
de l’impôt des personnes physiques,
la décision de se marier ou non, ou de
cohabiter légalement ou non, aura aussi des
conséquences autres que fiscales.
Pour le droit successoral légal par ex. : si le
défunt n’a pas rédigé de testament au profit
du conjoint survivant, celui-ci n’héritera
absolument de rien en tant que cohabitant de
fait et héritera moins en tant que cohabitant
légal qu’en tant que partenaire marié
(voyez notre article en p. 17 à ce sujet). Les
cohabitants n’ont pas davantage droit à une
pension de survie.
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