Mariage et fisc ne feraient-ils pas bon ménage ? Les cohabitants de
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Mariage et fisc ne feraient-ils pas bon ménage ? Les cohabitants de
Budget&Droits 218 - septembre/octobre 2011 IMPÔTS 29 mariage | cohabitation Mariage et fisc ne feraient-ils pas bon ménage ? Les cohabitants de fait, à l’inverse des cohabitants légaux, semblent eux, avantagés dans certains cas. Geert De Witte et Nadine Vanhee Avec ou sans acte de mariage ? U ne fois passé le coup de foudre, certaines personnes peuvent décider de vivre ensemble, sans autre formalité. C’est ce que l’on appelle la cohabitation "de fait". D’autres préféreront officialiser leur union sous forme d’un mariage ou opteront encore pour une déclaration de cohabitation légale à la commune. Mais si les cohabitants légaux et les couples mariés sont du pareil au même pour le fisc, les cohabitants de fait, eux, n’existent pas. Ce sont deux isolés : ils devront chacun remplir une déclaration distincte, même s’ils ont des enfants ensemble. Avec à la clé, sur le plan fiscal, plusieurs avantages. Si le ménage a des enfants, si le partenaire qui a les revenus professionnels les plus élevés travaille à l’étranger et si le ménage BD218X01_mariage_fisc_3p.indd 29 perçoit des revenus de remplacement. Petite consolation pour les autres, il y a aussi des cas où la note fiscale sera plus lourde. Tous égaux devant la loi… parfois Tout contribuable a droit à un certain montant de revenus sur lequel il ne doit en aucun cas payer des impôts. Que vous soyez marié, cohabitant légal ou cohabitant de fait, le fisc appliquera le même montant. C’est la quotité exemptée d’impôts. Avec des enfants Les cohabitants de fait, parents d’un ou plusieurs enfants à charge, ont un avantage fiscal par rapport aux couples mariés et aux cohabitants légaux dans la même situation de famille. La quotité exemptée d’impôts à laquelle les enfants à charge donnent droit est certes la même pour tout le monde, marié ou pas, mais comme ils sont imposés comme isolés, les parents cohabitants de fait ont droit à une quotité exemptée supplémentaire qui DEUX COHABITANTS DE FAIT DOIVENT REMPLIR DISTINCTEMENT LEUR PROPRE DÉCLARATION 8/8/2011 10:25:42 AM 30 Budget&Droits 218 - septembre/octobre 2011 IMPÔTS mariage | cohabitation leur procure une économie annuelle de quelque 400 €. En général, peu importe qui des deux cohabitants de fait prend les enfants à charge pour pouvoir retirer le maximum, puisque l’avantage des quotités exemptées d’impôts est calculé aux taux d’imposition les plus bas. Exception : si un des deux partenaires n’a pas assez de revenus pour pouvoir appliquer totalement les quotités exemptées. S’il n’y a qu’un seul enfant et qu’un des parents a, pour 2011, un revenu imposable net inférieur à 9 630 €, mieux vaudra que l’autre parent prenne l’enfant à charge. Les enfants de cohabitants de fait peuvent aussi avoir des revenus propres sensiblement plus importants sans pour autant perdre le statut d’enfants à charge. Un élément important pour les enfants qui gagnent, par exemple, de l’argent comme jobistes. Quand un partenaire travaille à l’étranger Les ménages à deux revenus qui cohabitent de fait et ont des enfants sont fortement privilégiés si un des deux partenaires travaille à l’étranger et a en plus les revenus les plus élevés du ménage. Pour les contribuables mariés et cohabitants légaux, le fisc accorde en effet automatiquement la quotité exemptée d’impôts pour les enfants à charge au partenaire qui a les revenus les plus élevés. Seulement, lorsque celui-ci est aussi celui qui perçoit des revenus à l’étranger, ses revenus sont par définition exemptés de l’impôt en Belgique et la quotité exemptée d’impôts pour les enfants ne L’ENFANT À CHARGE DE COHABITANTS DE FAIT PEUT GAGNER PLUS QUE L’ENFANT D’UN COUPLE MARIÉ rapporte dès lors pratiquement rien. Les parents cohabitants de fait peuvent contourner ce problème en reprenant les enfants à charge dans la déclaration du partenaire qui perçoit uniquement des revenus en Belgique. Le montant que les parents mariés et cohabitants légaux qui sont dans ce cas perdent de ce fait chaque année par rapport aux cohabitants de fait augmente avec le nombre d’enfants à charge et à partir de deux enfants, la différence devient conséquente. Il s’agira en effet, pour 2011, de 350 € pour un ménage avec un enfant à charge, mais de 1 002 € avec deux enfants, 2 654 € avec trois enfants et 4 665 € avec quatre enfants ! En cas de revenus de remplacement Les revenus de remplacement comprennent les pensions, allocations de chômage, allocations de maladie, etc. Ces revenus donnent droit à une réduction d’impôt. Strictement parlant, l’état civil de l’allocataire des revenus de remplacement importe peu, du moins en termes de montant. Mais comme les revenus totaux du ménage jouent encore un rôle dans le calcul de la réduction, les cohabitants de fait peuvent finalement avoir droit à plusieurs centaines d’euros de plus sur base annuelle que les couples mariés ou les cohabitants légaux. Un exemple : un partenaire perçoit une pension de 13 800 € et l’autre a également des revenus. Le fisc accordera 532,08 € d’avantage fiscal en plus si le couple cohabite de fait (pour 2010; dernières données disponibles). Un seul revenu ? Avantage au couple officiel En principe, le fisc effectue un calcul distinct pour les revenus professionnels que chaque partenaire a personnellement gagnés. Il peut toutefois parfois s’écarter de cette règle pour les couples mariés et les cohabitants légaux, et uniquement pour eux, si un des partenaires n’a pas, ou très peu, de revenus professionnels. En vertu du quotient conjugal, il fait alors glisser une partie des revenus du partenaire ayant les revenus les plus élevés vers l’autre partenaire. De cee manière, cee partie des revenus n’est pas imposée au taux le plus élevé du partenaire ayant les revenus les plus élevés comme cela serait normalement le cas, mais à un taux bien plus faible. Le fisc procède automatiquement de la sorte quand les revenus professionnels d’un des partenaires sont inférieurs à 30 % du montant total des revenus professionnels et dans tous les cas inférieurs à 9 470 € (montant pour 2011). Les partenaires d’un ménage à un seul revenu ont donc tout intérêt à être mariés ou à cohabiter légalement. COMPARAISON POUR L’IMPÔT DES PERSONNES PHYSIQUES – REVENUS 2011 Règle fiscale Quotité de base exemptée d’impôts, par personne Quotité exemptée d’impôts pour enfants à charge – si aucun des parents ne travaille à l’étranger Couples mariés/cohabitants légaux 6 750 € + 260 € si moins de 24 410 € de revenus imposables Cohabitants de fait idem 1 enfant : 1 400 € ; 2 enfants : 3 590 € ; 3 enfants : 8 050 € ; 4 enfants : 13 020 € idem + 1 400 € supplémentaires à partir d’un enfant – si le partenaire qui a les revenus professionnels les plus élevés travaille à l’étranger la quotité exemptée d’impôts susmentionnée disparaît totalement l’exonération est maintenue si les enfants sont déclarés dans le chef du partenaire percevant uniquement des revenus en Belgique Plafond des moyens de subsistance nets pour enfant à charge 2 890 € 4 170 € Réduction d’impôt pour revenus de remplacement par personne oui oui, mais avantage finalement supérieur en raison du mode de calcul Quotient conjugal pour le ménage si un des partenaires n’a que peu ou pas de revenus professionnels propres oui non Déduction pour habitation unique par personne payant l’emprunt hypothécaire commun et l’assurance solde restant dû – maximum 2 830 € – plus 70 € si 3 enfants à charge – libre répartition entre partenaires du montant des intérêts et amortissements de capital, mais rarement beaucoup d’impact dans la pratique – idem – idem, mais seulement pour le parent qui prend les enfants à charge – pas de libre répartition : intérêts et amortissements de capital à déclarer selon la part de propriété Cotisation spéciale de sécurité sociale BD218X01_mariage_fisc_3p.indd 30 oui oui, mais plus à payer finalement si les deux partenaires ont des revenus élevés, en raison du mode de calcul 8/8/2011 10:25:43 AM Budget&Droits 218 - septembre/octobre 2011 31 HÉRITAGE OU DONATION T n’ont conclu l’emprunt qu’en fin d’année et ne peuvent déduire que très peu la première année. La neutralité fiscale pour les ménages : uniquement en Flandre Cotisation de sécurité sociale : du pour et du contre ■ Hormis pour l’impôt des personnes physiques, le fisc est également à l’affût en cas de donation ou de décès. Les droits de donation et de succession ont toutefois été régionalisés et chaque région a ses propres règles. Mais la relation familiale joue un rôle important dans la détermination des taux partout. ■ Seule la Région flamande ne fait plus de distinction, pour les droits de donation et de succession, entre les personnes mariées, les cohabitants légaux et les cohabitants de fait. Pour prévenir les abus, les cohabitants de fait doivent toutefois pouvoir démontrer qu’ils cohabit(ai)ent déjà de manière ininterrompue depuis un certain temps et qu’ils tion form(ai)ent un ménage commun (un extrait du registre de la population e) : attestant qu’ils sont inscrits à la même adresse suffit comme preuve) une année est la règle, mais trois années sont requises lorsqu’il s’agitt de n l’exonération des droits de succession d’application pour l’habitation familiale. ■ En Wallonie et en Région de Bruxelles-Capitale, il y a uniquement assimilation entre les personnes mariées et les cohabitants légaux. ■ La note fiscale sera sensiblement plus lourde pour les cohabitantss non assimilés, car ils seront imposés au taux le plus élevé. Exemple : un ménage sans enfants, dont un partenaire perçoit 50 000 € de revenus professionnels tandis que l’autre n’a pas de revenus. S’ils sont mariés ou cohabitent légalement, les partenaires, en vertu du quotient conjugal, paieront pas moins de 4 005 € d’impôts en moins que s’ils cohabitaient de fait. Astuce : si vous ne voulez pas vous marier et pensez que votre ménage pourra à terme compter sur deux revenus, vous pourrez envisager la cohabitation légale. Contrairement à un mariage, vous pourrez en effet mere fin à cee forme de cohabitation à tout moment sans autre forme de cérémonie. Il suffira de déclarer à la maison communale que vous mettez un terme à la cohabitation légale. A envisager comme solution temporaire donc, en aendant des jours meilleurs sur le plan fiscal. Sachez toutefois que le fisc ne vous imposera comme des contribuables mariés qu’à partir de l’année suivant celle de la déclaration à la commune. Emprunt hypothécaire : le mode de cohabitation importe peu Les règles pour la déduction pour habitation unique lorsque deux partenaires contractent ensemble un emprunt hypothécaire sont en principe les mêmes quel que soit l’état civil des partenaires. Pour 2011, la déduction de base maximale s’élève plus précisément à 2 120 € par personne, plus 710 € les dix premières années, à condition que l’habitation reste la seule propriété, soit un total de 2 830 €. Il existe toutefois une petite différence en ce qui concerne les 70 € supplémentaires si le ménage a au moins trois enfants à charge : le fisc accordera ce petit supplément aux deux partenaires s’ils sont mariés ou cohabitent légalement, alors qu’en cas de cohabitation de fait, seul un partenaire pourra y prétendre, à savoir celui qui déclare les enfants fiscalement à charge. Une autre différence existe encore en théorie. Les partenaires mariés et les cohabitants légaux peuvent fixer librement la répartition des amortissements de capital et des intérêts dans leur déclaration, selon ce qui est le plus intéressant. Les cohabitants de fait n’ont pas cee liberté et sont obligés de tenir compte de leur part de propriété dans l’habitation. Dans la pratique, la possibilité de libre répartition n’est toutefois que rarement pertinente, les deux partenaires dépassant déjà dans tous les cas le maximum. Les cohabitants de fait ne seront donc réellement désavantagés que si ce n’est pas le cas, par ex. s’ils n’ont pas emprunté beaucoup ou s’ils QUAND UN DES PARTENAIRES N’A PAS DE REVENUS, LA COHABITATION DE FAIT EST DÉSAVANTAGEUSE BD218X01_mariage_fisc_3p.indd 31 La cotisation spéciale de sécurité sociale est un impôt supplémentaire que le fisc impose dans la plupart des cas. Vous y échapperez pour 2011 si les revenus imposables globalement de votre ménage n’excèdent pas 18 592,02 €. S’il n’y a que des revenus professionnels, cela correspondra à un montant de 21 053,03 € (24 457,52 € brut) sur la fiche de paie. Pour les couples mariés et les cohabitants légaux, cette exonération ne sera appliquée qu’une seule fois sur leurs revenus communs. Pour les cohabitants de fait par contre, elle sera appliquée deux fois, car ils sont considéré rés chacun distinctement comme un ménage. De ce fait, la cotisation due par ces derniers sera moins élevée. Mais la médaille a aussi se son revers. Il existe un maximum pour cette so cotisation qui n’augmente donc plus à partir co d’un certain montant de revenus du ménage. d’u Et si les deux partenaires ont des revenus élevés, ce sera à l’avantage des couples mariés et vé des cohabitants légaux, car ils aeindront plus de rapidement ce maximum que deux cohabitants rap de fait distinctement. Un exemple : un homme et une femme ont des revenus imposables de respectivement de 18 18 000 et 17 500 €. En tant que cohabitants de fait, ils seront dispensés de cotisation spéciale de sécurité sociale. S’ils sont mariés ou cohabitent légalement, ils paieront au contraire 410,68 € sur base annuelle. Cette situation s’inversera toutefois si nous relevons les revenus : avec des revenus imposables de 35 000 € chacun, ils paieront en effet ensemble 808,36 € comme cohabitants de fait contre 731,28 €. Et la différence s’accentuera à mesure que les revenus augmenteront. ■ T NOTRE AVIS Plus que le fisc ■ Les cohabitants de fait ont beau être avantagés dans certains cas au niveau de l’impôt des personnes physiques, la décision de se marier ou non, ou de cohabiter légalement ou non, aura aussi des conséquences autres que fiscales. Pour le droit successoral légal par ex. : si le défunt n’a pas rédigé de testament au profit du conjoint survivant, celui-ci n’héritera absolument de rien en tant que cohabitant de fait et héritera moins en tant que cohabitant légal qu’en tant que partenaire marié (voyez notre article en p. 17 à ce sujet). Les cohabitants n’ont pas davantage droit à une pension de survie. 8/8/2011 10:25:48 AM