Télécharger l`article - Communauté de L`Atre, vivre avec des

Transcription

Télécharger l`article - Communauté de L`Atre, vivre avec des
Le nouveau combat de l'inspirateur
d'Intouchables
Par Agnès Leclair Mis à jour le 13/05/2012 à 20:28 | publié le 11/05/2012 à 19:42 Réactions
(29)
«Nous sommes tous dans la fragilité. Apprenons à nous appuyer les uns sur les autres. Cela
donne une force considérable», assure Philippe Pozzo di Borgo. Crédits photo : FRANCOIS
BOUCHON/FRANCOIS BOUCHON
INTERVIEW - Philippe Pozzo di Borgo veut tirer les
leçons du succès du film et défendre une société plus
ouverte sur les différences.
Avec son feutre posé sur ses genoux, son œil malicieux et son humour à froid, Philippe Pozzo
di Borgo, l'inspirateur du film Intouchables, ressemble trait pour trait au personnage interprété
à l'écran par François Cluzet. «Ma dernière fille dit “papa” quand elle le voit», plaisante cet
ancien directeur de Pommery devenu tétraplégique. Après le succès du film et de son
autobiographie,Le Second Souffle, il défend, avec le manifesteTous intouchables?*, une
société plus ouverte sur les différences.
LE FIGARO. - Qu'est-ce que le film a changé pour vous?
Philippe POZZO DI BORGO. - Le succès n'est pas facile à mesurer là où j'habite, au
Maroc, au milieu des chèvres! Sinon, je suis toujours en fauteuil et cela ne changera pas. Mais
le film m'aide à me sentir utile. Je reçois des milliers de mails. J'en suis à plus de 10.000
réponses! La moitié des gens m'écrive pour me remercier d'avoir appris à regarder
différemment les gens qu'ils soient handicapés, blacks, marginaux… François Cluzet explique
lui aussi que c'est la première fois de sa carrière que l'on ne lui dit pas bravo mais merci. Je
reçois aussi des témoignages de désespoir d'handicapés qui veulent se flinguer. Il ne faut pas
les laisser seuls dans des mouroirs à fauteuils! Beaucoup de gens de banlieue m'écrivent
également. Là aussi, la solitude est insondable. Nous sommes tous dans la fragilité.
Apprenons à nous appuyer les uns sur les autres. Cela donne une force considérable.
Comment analysez-vous le succès du film?
Ce n'est pas un film sur le handicap physique, mais un film sur le mal-être de notre société. À
la fin, quand les spectateurs applaudissent, ils s'applaudissent eux-mêmes car tout le monde se
sent concerné par la différence. Ils comprennent qu'ils pourront eux aussi soigner leurs bobos
en s'appuyant sur l'autre.
Quel messagTous intouchables?e voulez-vous faire passer avec le manifeste ?
C'est le prolongement du film. Il faut dédramatiser la différence et prendre conscience de la
richesse du handicap. Nous sommes tous handicapés ou abîmés d'une manière ou d'une autre,
par le stress, l'insatisfaction d'avoir tout et rien, une femme qui fait la gueule…
Qu'est-ce que les invalides peuvent apporter aux valides?
J'ai vingt ans de métier, je vais vous expliquer. Déjà, ils apportent un peu de silence dans une
société de bruit et de mouvement. Un silence qui permet de se retrouver soi-même. Ils
permettent de faire l'expérience de la patience. En fauteuil, on dépend de l'autre et de son bon
vouloir. Mais, vous aussi, vous dépendez des autres. Dans cette situation, il faut apprendre
l'amabilité et la convivialité pour obtenir plus facilement ce que l'on veut. Enfin, le handicap
nous aide à prendre conscience des mensonges de notre société qui laisse penser que nous
sommes immortels ou que la jeunesse est éternelle.
Le film a aussi été jugé trop mièvre par certains. D'autres ont souligné que la plupart
des handicapés n'avaient pas vos moyens pour financer leur autonomie…
Le film raconte une histoire vraie, la mienne! J'ai les moyens d'assumer mon handicap, mais,
malgré mon indépendance financière, je reste dépendant des autres. Des associations comme
L'Arche et Simon de Cyrène permettent à des gens qui n'ont pas ma fortune de vivre la même
chose. Sortir les handicapés de leur enfermement, les mettre en contact avec des gens valides:
c'est leur raison d'être. Il faut les y aider.
Votre manifeste va être envoyé au nouveau président de la République. Que peuvent
changer les politiques?
Nous sommes en période de crise, personne ne l'ignore. Mais cela n'empêche pas de coller au
terrain, d'aider les associations qui connaissent leur travail. Arrêtons de multiplier les
règlements qui les bloquent et les empêchent de se développer, surtout en ville. Enfin, il faut
se servir du service civique. Il y a beaucoup de jeunes en recherche d'eux-mêmes qui
pourraient se découvrir en travaillant pour ces associations.
(1) «Tous intouchables?», Bayard, parution le 15 mai.
Un manifeste pour faire du film une réalité
Une belle histoire, un film à succès et aujourd'hui un manifeste, à paraître le 15 mai. Tous
intouchables?: c'est le cri du cœur lancé par un trio de choc, Philippe Pozzo di Borgo,
l'aristocrate tétraplégique incarné par François Cluzet, Jean Vanier, un pionnier du «vivreensemble», fondateur des communautés de L'Arche, qui œuvre en faveur des personnes
souffrant de handicap mental, et Laurent de Cherisey, directeur de l'association Simon de
Cyrène, qui construit des maisons partagées pour valides et invalides. Dans ce plaidoyer
incisif pour la fraternité, chacun explique comment l'altérité permet de se construire soi-même
et de faire le deuil d'une «perfection idéalisée» aujourd'hui omniprésente dans la publicité.
Facile à dire? «Nous les handicapés, nous ne sommes pas toujours présentables», s'amuse
Philippe Pozzo di Borgo. Omar Sy, sacré meilleur acteur pour son rôle d'auxiliaire de vie
«racaille», a confié qu'il craignait de porter un regard blessant sur l'aristocrate «tétra» avant le
tournage. Mais la création de 140 communautés de L'Arche sur les cinq continents depuis
1964 laisse penser que ce «vivre-ensemble» peut prospérer. Tous les jeunes qui veulent
s'investir et passer le «diplôme du cœur» dans le cadre d'une année de volontariat peuvent se
manifester sur les sites des deux associations. Le manifeste sera présenté le 16 mai au Conseil
économique, social et environnemental lors d'une grande fête où une quarantaine de duos
d'«intouchables» prendront un cours de danse avec Omar Sy.

Documents pareils