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[Générique avec animation des mots]
L'AUTONOMIE, POURQUOI FAIRE ?
du 27 au 29 Mars 2015 à Rennes
Trente-septième COLLOQUE NATIONAL
De l'Association française des acteurs de l'éducation
AFAE
Rennes Mars 2015
[Des photos successives des divers intervenants défilent dans un cadre au-dessus de AFAE ]
Gérald CHAIX :
[Il fait une citation en grec ancien et l'assistance applaudit, des bravos fusent. Il enchaîne immédiatement avec la
traduction] . Mais, te fixant toi-même ta propre loi, Autonomos, c'est vivante que, cas unique parmi les mortels, tu vas
descendre chez Hadès.
[Carton avec l'intervenant dans un petit cadre pour le présenter ]
Gérald CHAIX
Ancien recteur, Professeur émérite de l'université de Tours
Gérald CHAIX :
C'est en ces termes, sans doute l'un des premiers emplois du vocable autonomos, et donc autonome, que le chœur
s'adresse à Antigone pour qualifier l'acte de rébellion par lequel elle a outrepassé l'édit de Créon, et lui annonce la mort
à laquelle, emmurée hors de la cité, elle vient d'être condamnée. Cette rapide relecture de Sophocle nous introduit
directement dans notre propos. Elle nous rappelle d'emblée la dimension éthique de l'autonomie. Et Ismène, la sœur
d'Antigone, ne partage pas les choix. À travers le conflit entre Antigone et Créon, elle en souligne également la
dimension politique qui lui est intrinsèquement liée. Chez Hérodote, quelques années plus tard, le terme est synonyme
d'une liberté, eleuteria, en grec, qui exclut la soumission dans les relations extérieures et la tyrannie dans le
fonctionnement interne de la Cité. Pour Thucydide, c'est la capacité reconnue à une Cité, en l'occurrence Sparte et
Athènes, de se donner des lois, d'être maîtresse de sa fiscalité et d'exercer sa propre justice. Sans oublier chez Platon,
qui n'utilise pas le terme d'autonomie, la dimension éducative. Pour lui, l'éducation est, je le cite, dans les lois dès
l'enfance, orientée vers le mérite personnel et nous fait désirer et aimer le temps où nous serons devenus un citoyen
accompli, sachant être à la fois chef et sujet. Politique, éthique, éducation. Nous sommes bien, comme l'affirmait
Cornelius Castoriadis, les héritiers de la démocratie athénienne toute imparfaite qu'elle fût. Rassurez-vous, mon
intervention n'a pas pour dessein de retracer, même à grands traits, l'évolution de cette notion éminemment
polysémique. [On découvre qu'il est debout devant un pupitre, et il se tourne en levant le bras vers une rétro-projection
dont on aperçoit seulement le bas de l'écran] . Simplement, vous retrouvez facilement dans le texte tous les termes qui
sont équivalents de l'autonomie à travers la dignité, l'intégrité, l'individualité, l'indépendance, la responsabilité, la
connaissance de soi-même, notamment. Donc, une notion éminemment polysémique. Placée au début de notre colloque,
succédant déjà à une conférence inaugurale, à une première table ronde, aux interventions de notre président, s'appuyant
intentionnellement sur les expériences que chacune et chacun d'entre vous font quotidiennement, ainsi que sur la
réflexion que vous avez sans doute entreprise en vous décidant de participer à ce colloque, de vous inscrire à tel ou tel
atelier, et peut-être même d'explorer quelques-unes des pistes entrouvertes par la problématique générale et par la
bibliographie qui l'accompagnait, l'intervention de ce matin a trois objectifs. Premièrement, rappeler les questions que
veut aborder notre rencontre, cela a déjà été dit, qui n'est pas un symposium d'experts mais la réunion d'acteurs de
l'Éducation nationale soucieux de donner naissance à leur action. Deuxièmement, poser quelques jalons
supplémentaires sur les pistes ouvertes par les documents préparatoires et prendre en compte les conclusions d'hier. Et
enfin, troisième objectif, sans préjuger des autres tables rondes et de la réflexion conduite tout au long de la journée
dans les 16 ateliers qui sont répartis autour de quatre axes et qui dessinent autant de champs de réflexion et d'action,
offrir déjà quelques viatiques pour le retour, un retour, évidemment, à Ithaque. Pour ce faire, je me bornerai à reprendre
les trois questions, si vous voulez, qui composent de manière très classique cette ouverture. Autonomies, au pluriel.
Pourquoi ? Pour qui ? Comment ? [Il se déplace rapidement vers un ordinateur, sans doute pour envoyer une nouvelle
diapo qui ne sera pas à l'image] . Alors, trois éléments de réponse. Pourquoi l'autonomie ? Eh bien parce que c'est un
objectif étroitement lié à la démarche pédagogique. On va rapidement parcourir l'histoire en trois étapes, qui sont aussi
pour nous trois héritages. D'abord, un héritage vraiment ancien, de la Grèce jusqu'à la période Moderne, jusqu'à la
Révolution, si vous voulez. En effet, même si l'index d'un ouvrage classique, celui d'Henri-Irénée Marrou consacré à
l'histoire de l'éducation dans l'Antiquité, en 1948, ne contient pas d'entrée autonomie, c'est bel et bien l'autonomie,
l'objectif de la révolution éducative accomplie par les sophistes, et notamment par Protagoras dans la deuxième moitié
du Cinquième siècle. Il ne s'agit pas de faire de l'enfant ou de l'adolescent qui leur est confié, à ces sophistes, un
technicien, il s'agit au contraire de l'éduquer pour faire de lui un bon citoyen capable de bien conduire sa propre maison
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et de gérer avec efficacité les affaires de l'État. Pour ce faire, il faut lui donner une culture générale et lui enseigner l'art
d'argumenter et de convaincre. Ainsi, dès l'apparition de l'éducation confiée à des professionnels, dont nous sommes les
héritiers, celle-ci est liée à l'exercice collectif et individuel de la démocratie. L'humanisme, deuxième grand moment,
accentue l'importance donnée à l'éducation. On ne naît pas homme, on le devient. En bon latin, Homines non nascuntur
sed finguntur. C'est une formule d'Érasme que partagent les pédagogues de la première modernité. Un même souci de
former des jeunes gens, le féminin existe mais il est rare à l'époque et plus encore exceptionnellement identique au
masculin, aptes à exercer de hautes fonctions civiles, militaires ou religieuses. Il s'agit de les préparer à leurs tâches
sociales et d'assurer leur salut. En un mot, assurer l'ordre des cités et le salut des hommes. Pour Érasme, l'art du
professeur, ars docendi, est de savoir individualiser, on dirait aujourd'hui personnaliser, son enseignement pour
exploiter au mieux les dispositions de son élève, on dirait aujourd'hui les intelligences multiples de son élève, et l'art
d'apprendre, ars dicendi. Ars docendi pour l'enseignant ars dicendi pour l'enseigné, et la pédagogie, c'est l'articulation
des deux. Dans notre réflexion sur l'autonomie, nous sommes ainsi, comme le soulignait Castoriadis, des héritiers des
Lumières et de la dimension morale, c'est la troisième étape que prend alors l'autonomie. On pourrait citer Rousseau et
évidemment l'ouvrage Émile, ou de l'éducation, à la fois un rêve et un projet, et, bien sûr, Kant et ses Réflexions sur
l'éducation. Pour Kant, c'est l'éducation qui distingue l'humanité, la Menschheit, qui la distingue de l'animalité, Tierheit.
C'est elle qui donne à l'homme le statut de personne, Persönlichkeit, apte à respecter la loi morale au terme d'un
processus d'éducation. Ce n'est pas donné, c'est un processus, eine Erziehung, qui discipline, Disziplinierung, cultive,
Kultivierung, et civilise, au sens propre latin du terme, c'est-à-dire qui forme un citoyen. Et c'est notre responsabilité,
c'est cette responsabilité de l'éducation qui, pour Kant, légitime, lui professeur à l'université de Königsberg, l'autonomie
universitaire. Et, jusqu'à nos jours, l'autonomie revendiquée par les enseignants, et notamment par les enseignants du
second degré, est le fruit de cette prétention des Lumières. La deuxième grande étape, l'autonomie, un long combat lié à
l'affirmation des idéaux démocratiques, ça, ça va être le dix-neuvième et le début du vingtième siècle. Il faut, en effet,
attendre le dix-neuvième siècle pour que la question de l'autonomie soit posée dans des termes qui sont encore les
nôtres. Elle concerne désormais avant tout la liberté de l'école et de l'université et celle du maître. À travers toute
l'Europe, à des rythmes et selon des modalités différentes, elle va se définir d'abord par rapport aux États qui portent ou
reprennent progressivement à leur compte les identités nationales, élaborent des projets éducatifs plus ou moins
autonomes par rapport à ceux des Églises, recrutent, forment et emploient, partiellement ou en totalité, instituteurs,
professeurs de l'enseignement secondaire et professeurs des universités. Ce dix-neuvième siècle est, de ce point de vue,
immédiatement l'héritier de l'opposition, au moment de la Révolution, entre Condorcet et Louis-Michel Lepeletier,
promoteur, vous le savez, d'internats destinés à garantir l'égalité, la forme au fond la plus radicale de l'égalité, enlever
les enfants à leurs familles et les placer dans des internats d'État, et en face, évidemment, le projet de Condorcet qui, lui,
défend l'éducation contre l'endoctrinement. Deuxième élément du combat, l'autonomie va se définir également par
rapport aux Églises qui n'entendent pas céder le contrôle direct ou indirect des esprits. Lecteur de Rousseau, partisan
d'une pédagogie qui tienne plus grand compte de la nature de l'enfant, un pédagogue allemand, Friedrich Adolph
Wilhelm Diesterweg, publie en 1852 un ouvrage au titre explicite, Le dogme ou la pédagogie, Kirchenlehre oder
Pädagogik, dans lequel il dénonce le caractère supra-naturel de l'enseignement assuré par l'Église. L'histoire française
d'un dix-neuvième siècle qui s'étend jusqu'en 1905 et dont nous sommes vraiment les héritiers est bien connue. Enfin,
l'autonomie va se définir, non sans tension également, pas seulement face à l'État, pas seulement face à l'Église, mais
aussi face à la société et notamment aux familles, et c'est tout particulièrement vrai dans le premier degré. C'est encore
aujourd'hui, l'un des enjeux majeurs d'une école qui veut intégrer, conduire à la réussite et être le choc de la République.
L'autonomie des enseignants va ainsi apparaître non comme un privilège, mais comme la garantie de leur liberté
politique et idéologique. En 1848, lors du Printemps des peuples, l'affirmation se dresse comme une barricade.
Pädagogische Freiheit darf nicht als Privileg verstanden, c'est-à-dire, on ne doit pas comprendre la liberté pédagogique
comme un privilège. Elle est aussi l'expression d'une profession qui se définit, notamment dans le second degré et a
fortiori à l'université, comme un art et non comme un métier, et qui affirme ainsi jusqu'à nos jours la spécificité du
savoir et de la pédagogie. Dernière étape, l'autonomie aujourd'hui, une exigence de participation démocratique. Les
critiques n'ont pas manqué, cependant, et dès le dix-neuvième siècle. Dès cette mise en place de l'enseignement tel que
nous le connaissons aujourd'hui au cursus scolaire construit, regroupant l'ensemble des élèves. Dès le dix-neuvième
siècle, on a les critiques pour dénoncer une école qui standardise, déshumanise, et secrète l'ennui. Vous le trouverez sur
le terrain de la littérature, relisez Dickens et Hard Times, pleurez en pensant à Rilke. Je cite, Da rinnt der Schule lange
Angst, c'est-à-dire, à l'école suinte la crainte. Et on attend le temps qui passe, O Einsamkeit, donc, ô solitude, et
schwerer Zeit verbrechen, traduction, difficile temps qui s'écoule. Vous le retrouverez en reprenant les premières pages
de Martin du Gard et du personnage de Jacques, Le cahier. Vous le retrouvez avec Heinrich Mann ou Robert Musil et
les désarrois de l'élève Törless. Sur le terrain de la pédagogie, qui nous est peut-être lus familier encore, cette aspiration
à une plus grande autonomie s'exprime dans le courant de la pédagogie nouvelle qui, de manière plus ou moins
coordonnée, traverse toute l'Europe dans la première moitié du vingtième siècle, mais qu'annonce déjà une inspectrice,
Pauline Kergomard, au tournant du dix-neuvième et vingtième, elle est née en 1838, elle meurt en 1925. Sans oublier
aux États-Unis, pas seulement en Europe mais aussi aux États-Unis, le courant inspiré par John Dewey. Là encore, une
longue existence, de 1859 à 1952. On sait l'importance qui tient la réflexion sur le premier degré et même l'école
maternelle, notamment en Italie, dans l'Italie des sœurs Rosa et Carolina, et comme en témoigne, en France,
l'emblématique Célestin Freinet. On sait aussi que ce mouvement de la pédagogie nouvelle a opéré, dans les années
1980, un virage pour tenir compte de l'introduction de la pédagogie de projet, de la réflexion sur l'évaluation de
formation et sur l'autoévaluation ainsi que sur la métacognition. L'autonomie est ainsi devenue un des maîtres-mots de
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la pédagogie, même si, cela a été déjà dit hier, c'est peut-être parfois un mot , le mot valise. Et même si, curieusement, il
ne fait pas partie des 100 mots de l'éducation retenus dans leur petit livre Que sais-je, par Patrick Rayou et Agnès van
Zanten. Mais si vous ouvrez le Dictionnaire de l'éducation coordonné par Agnès van Zanten, à l'article nommé
autonomie, vous ne trouverez pas non plus d'entrée dénommée autonomie des élèves, vous ne trouverez qu'une entrée
dite autonomie des établissements. On est sociologue, on ne se refait pas. [L'assistance éclate de rire] . Il n'est plus
réservé, ce terme d'autonomie, n'est plus réservé aux enseignants, même si l'autonomie pédagogique leur demeure
expressément reconnue. Il n'est pas non plus l'apanage des établissements, même s'il tend parfois, je viens de le dire, à
leur être spontanément et exclusivement réservé. [Il se déplace rapidement vers un ordinateur, sans doute pour envoyer
une nouvelle diapo qui ne sera pas à l'image] . Deuxième élément de question : pourquoi l'autonomie ? [Il s'arrête, un
technicien vient vers lui l'aider] . Ça marche ? Il faut appuyer sur ça. Parfait, merci. [Il reprend] . Parce que c'est une
démarche qui s'inscrit dans un management de type nouveau en vue d'une gestion publique plus efficace, cela a déjà été
évoqué hier par Bernard Hugonnier. Aux deux circonstances qui ont entouré l'apparition d'un nouveau management
public, NMP ou en anglais NPM, New Public Management, ces deux circonstances, c'est d'une part la remise en
question de l'État Providence sur les horizons de 1970, qui, au lendemain de la guerre, et durant les Trente Glorieuses et
dans le domaine éducatif qui nous concerne, avait su et avait pu accompagner l'essor démographique, la progressive
massification de l'enseignement secondaire et l'exigence économique de qualification accrue. Donc remise en question
de cet État providence et aussi exigence d'une gestion plus rigoureuse inspirée du management des entreprises. À ces
deux éléments, ces deux circonstances, il convient d'ajouter la massification qui rend difficile, sinon impossible, une
gestion centralisée et incite à une déconcentration d'un côté, et à un mouvement dans les années 80 de régionalisation
qui va donner aux collectivités territoriales un rôle accru qui, lui, va accentuer la décentralisation. Donc déconcentration
nécessaire en raison de la massification, et décentralisation nécessaire en raison de l'évolution politique. [Il appuie sur
une commande en regardant la rétro-projection que l'on devine uniquement, elle n'est pas à l'image ] . Passons très vite
sur ce qu'est le New Public Management, vous en avez sous les yeux cinq caractéristiques, je ne les reprends pas. Mais
vous voyez sans peine qu'en France, la mise en œuvre n'a été que partielle sur le terrain de l'éducation. Cela n'empêche
pas que ce nouveau management public est aujourd'hui soumis à des critiques nombreuses. Les unes ne remettent pas
en cause directement la notion de ce nouveau management public mais pointent les difficultés que sa mise en œuvre
rencontre sur le terrain éducatif, notamment, et depuis hier, on sent bien que c'est un point essentiel , en matière
d'évaluation. Compte tenu de la durée dans laquelle s'inscrit le parcours scolaire, et surtout de la nature même de
l'objectif éducatif. Comment évaluer les progrès ? Comment évaluer la réussite des élèves, et la réussite au pluriel, les
réussites des élèves qui sont l'objectif éducatif ? Plus importantes sont les critiques qui portent sur l'idée même
d'appliquer dans le domaine éducatif des méthodes qui relèvent de l'entreprise. On a tous en tête le titre flamboyant de
l'ouvrage de Christian Laval de 2004, intitulé L'école n'est pas une entreprise, avec pour sous-titre Le néo-libéralisme à
l'assaut de l'enseignement public. Ces critiques propres au système éducatif rejoignent, et c'est intéressant, celles
formulées plus largement contre la notion même de nouveau management public qui ferait précisément l'impasse sur la
notion de service public, si vous vous souvenez des cinq caractéristiques, et renoncerait aux valeurs spécifiques qui sont
les siennes. Janet Newman, dans un ouvrage récent datant de 2011 sur le Companion to the New Public Management,
donc une sorte de bible sur le nouveau management public, et publiée en 2011, Janet Newman a récemment résumé
sous forme de tableau, opposant à gauche le nouveau management public, et à droite, au contraire, une participation
publique et un engagement. [Il s'est tourné en levant le bras vers la place supposée de la rétroprojection ] . Et donc,
termes à termes, elle oppose justement ce qui dégage l'État de ses responsabilités et supprime le citoyen comme
autonome et maître de ses choix pour faire du citoyen un simple consommateur, un simple usager, et face à cela, au
contraire, la revendication d'une participation du public et de l'engagement du citoyen. On en arrive ainsi en effet à un
État qui ne cherche plus à être le lieu, où le bien commun et juste se construit laborieusement mais durablement dans la
délibération, c'est la sustainability, celle-ci étant l'expression de rapports sociaux conflictuels, mais l'État se contente
d'être le lieu de la recherche rapide, économe et parfois autoritaire, des moyens les plus appropriés pour l'atteinte de
finalités générales et apparemment consensuelles qui, en fait, sont celles que lui imposent depuis 30 ans le triomphe du
capitalisme sur le communisme, la mondialisation économique, et récemment, la crise financière et économique. Vous
aurez reconnu là un article que vous avez lu dans l'excellente revue Administration et éducation, le numéro qui était
consacré à, je cite, la performance, sa mesure, les enjeux éthiques, un article et une analyse remarquable de Claude
Lessard. Je reprends rapidement sa conclusion. Je lis. Si l'on reprend les catégories d'Habermas, que lui-même puise
chez Aristote, et cela nous renvoie au début de l'exposé, la politique, l'idée que l'on s'en fait, n'est plus une pratique, elle
est une technique. Cette idée du politique ne porte plus sur la justice et la promotion d'une vie vertueuse, mais elle
cherche plutôt à organiser techniquement la société de manière à produire chez les citoyens administrés les
comportements adaptés et corrects. L'idée de politique se détache de la morale et se lie à la science positive et utilitaire.
Voilà. Je crois que nous, qui réfléchissons sur l'autonomie, nous devons avoir cela en mémoire. Alors, ces critiques
n'empêchent pas, aujourd'hui, de s'interroger sur la place d'un management, d'un nouveau management public. Si on ne
renonce pas à repenser le rôle de l'État, ce qui ne signifie pas l'abandon du service public. Si on ne renonce pas à
satisfaire aux exigences d'une gestion plus économe, ce qui n'équivaut pas à un renoncement du service public. Et si on
ne renonce pas à répondre de manière novatrice aux attentes démocratiques des citoyens, ce qui est le cœur des critiques
adressées au New Public Management, c'est effectivement en réaffirmant les valeurs républicaines du service public, et
notamment de l'école, que l'on peut donner sens aux exigences précitées. Une telle gestion démocratique exclut la mise
en concurrence des établissements. Elle implique le respect des spécificités du système éducatif. Elle exige de prendre
en compte les aspirations de tous les acteurs du système et de les associer étroitement, notamment les équipes
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éducatives et plus particulièrement les enseignants, à la conception, à la décision et à la régulation. Dernière question,
pourquoi l'autonomie ? Parce que nous ne pouvons pas, cela a déjà été clairement dit hier par Bernard Hugonnier, nous
satisfaire des résultats de notre école, et que nous voyons dans l'autonomie le moyen d'améliorer la qualité de
l'éducation. Premier élément, les deux faiblesses du système éducatif, je passe rapidement, faiblesse en termes
d'efficacité pédagogique, faiblesse en termes d'égalité, cela a déjà été dit hier. Deuxième élément, l'insatisfaction des
acteurs. Cette insatisfaction, on l'a remarquée hier avec l'enquête des parents. 69 pour cent des parents estiment que
l'Éducation nationale ne garantit pas l'égalité des enfants. Ce qui veut dire clairement, je cite, ne garantit pas les chances
de réussite de mon enfant. Du côté des enseignants, on a une enquête réalisée par l'OCDE, l'enquête TALIS, publiée en
2013, qui souligne les quatre causes d'insatisfaction des enseignants. La première concerne leur formation. En France,
90 pour cent s'estiment bien formés en ce qui concerne l'aspect disciplinaire de leur formation, 40 pour cent ne se
sentent pas, en revanche, du tout préparés à la dimension pédagogique, et en particulier à l'hétérogénéité des élèves.
Mais il est frappant de constater que les enseignants français sont les moins nombreux, 22 pour cent, à déclarer
pratiquer une différenciation pédagogique, contre 70 pour cent au Danemark. Non pas qu'ils soient responsables, mais
simplement, ils n'ont pas été formés à cette différenciation pédagogique. La deuxième raison d'insatisfaction, c'est
l'isolement. Tous souhaitent une meilleure formation au travail en équipe. Ceci peut être réalisé. Il doit être réalisé, bien
sûr, dans le cadre de la formation initiale et dans les ESP, mais il peut être réalisé très concrètement, dès aujourd'hui,
sans attendre de circulaire, dans les établissements lorsque nous accueillons de jeunes stagiaires et lorsque nous
accueillons des enseignants nouvellement nommés dans l'établissement. C'est mettre un tuteur, mobiliser l'ensemble de
l'équipe pour les accompagner et réfléchir régulièrement au travail en équipe. La troisième raison, c'est l'insécurité que
procure l'évolution du métier. Jugée trop rapide et jugée, notamment dans le premier degré, nocive dans cette rapidité
d'évolution. Là aussi, je pense que cela traduit en réalité une peur, cela traduit la lassitude des annonces de réformes
tous les 15 jours, sans doute. Mais ça traduit aussi le sentiment d'une impréparation au métier et d'une crainte de devoir
changer sa posture. Enfin, quatrième raison, l'absence dite, de reconnaissance. C'est un sentiment qui renvoie
certainement au problème de la rémunération des enseignants, jugée par eux insuffisante, et non sans raison. Mais il
exprime aussi une profonde insatisfaction concernant l'accompagnement des carrières. Enfin, troisième élément, et
qu'on pourrait ajouter à ce qui a été dit hier, c'est une politique, cela a été dit hier, mais il faut aller plus loin encore, une
politique éducative bien comprise. C'est-à-dire le décalage qui existe entre la conception centrale et la mise en œuvre
sur le terrain. Plutôt que de se lamenter sur la déperdition en cours de route, prendre cette déperdition pour une réelle
valeur, cette déperdition est le signe de l'autonomie. Ça vient d'être rappelé, elle est le signe que le fonctionnaire, qui va
mettre en œuvre cette circulaire, est de rang A de conception, et donc il va lire, critiquer, interpréter. Peut-être pas
toujours à dessein, et ça va se discuter, mais c'est normal qu'il réagisse ainsi. Donc plutôt que de s'en lamenter, il faut au
contraire intégrer cette autonomie, considérer que cette autonomie fait partie effectivement du système. Vous trouverez
ça très clairement démontré dans un ouvrage qui vient de paraître en 2015 de Claude Lessard et Anylène Carpentier,
intitulé Politique éducative, la mise en œuvre. Donc vous le voyez, comme hier, pour conclure sur cette interrogation
sur le pourquoi l'autonomie, eh bien parce que d'abord, c'est un idéal pédagogique, je crois que c'est notre première
réponse. Deuxièmement, parce que c'est un mode de fonctionnement moderne. Et troisièmement, parce que c'est une
nécessité inhérente au fonctionnement même du système. On ne peut pas faire sans l'autonomie, donc faisons mieux et
plus avec l'autonomie. D'où la deuxième question, l'autonomie, pour qui ? Et en réalité, tout de suite, la réponse va se
construire en non pas pour qui, mais avec qui. Car l'autonomie n'est pas quelque chose que l'on octroie, n'est pas
quelque chose que l'on découvre au terme d'un jeu de piste, mais c'est quelque chose que l'on construit. L'autonomie
n'est pas donnée, elle est construite. Et elle se construit d'abord avec les élèves, pour les élèves, les collégiens, les
lycéens, les apprentis, les étudiants. Une autonomie qui structure l'ensemble du cursus scolaire et supérieur. Et on a vu
que dans l'enseignement du premier degré, cette autonomie avait sens. Nos collègues de l'école maternelle, lecteurs de
la circulaire qui a paru au bulletin officiel avant-hier, retrouvent cette exigence d'autonomie. Le terme d'autonomie est
d'ailleurs explicitement utilisé dans une circulaire qui d'ailleurs, on est entre nous, trop longue. Beaucoup trop longue.
Mais en revanche, où tout est dit. Donc à nous de synthétiser, de regrouper, de savoir résumer, et faire de la circulaire
elle-même l'annexe d'un projet pour l'école maternelle. Car encore une fois, on trouve dans les cinq axes qui ont été
définis l'essentiel d'un projet éducatif fondé sur l'autonomie de l'élève, telle qu'elle est bien sûr, à mettre en place pour
des élèves de maternelle. Il ne fait pas de doute que le curriculum qui concernera les étapes conduisant à la maîtrise d'un
socle commun de connaissances, de compétences et de valeurs soulignera à son tour cet objectif, parce que c'est lui qui
donne sens à l'ambition du socle, à la maîtrise des langages fondamentaux, je cite, permettant une représentation
ordonnée et rationnelle du monde, qui permet d'exercer sa liberté et sa citoyenneté. Ce sont là deux expressions
fondamentales de l'autonomie : une autonomie cognitive, une autonomie citoyenne. Le temps de l'adolescence, qui
débute au collège, les témoignages dans les films ont été tout à fait remarquables sur ce point, exacerbent à la fois la
revendication d'autonomie et d'indépendance, et en même temps la crainte des dépendances. Au-delà du socle et de
l'école du socle, école et collège, la poursuite du cursus de formation, que ce soit au lycée, en centre d'apprentissage ou
dans les différentes voies de l'enseignement supérieur, est l'occasion bien sûr de conformer cette autonomie qui s'exerce
notamment en matière d'orientation réfléchie, pertinente et réussie, et qui est l'un des éléments essentiels pour faire
barrage au risque de décrochage, notamment dans la voie professionnelle. Si le collège est le temps de l'adolescence, on
a là aussi le temps où nos lycéens et nos étudiants deviennent adultes, accèdent à la majorité, et pour beaucoup d'entre
eux aussi, accèdent à un premier emploi perturbant plus ou moins leur activité scolaire ou étudiante. Enfin, je ne
voudrais pas finir sans rappeler que cette autonomie, elle est aussi, pour les élèves, un besoin particulier, handicaps,
difficultés scolaires, scolarité spécifique, gens du voyage, élèves nouvellement arrivés, par exemple, et donc, là encore,
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que l'autonomie n'est pas donnée, que l'autonomie n'est pas un paquet tout prêt, mais elle est bien à construire avec
chaque élève en fonction des possibilités de chaque élève, mais des objectifs communs à tous ces élèves. Alors, cette
autonomie structure l'ensemble et, du coup, la pédagogie du cursus scolaire doit faire le choix de cette autonomie. Ça
doit se traduire dans les modalités d'évaluation, en particulier, qui relèvent de l'autonomie reconnue aux maîtres et aux
établissements. Et notamment dans le parcours du socle d'une évaluation qui soit d'abord essentiellement une évaluation
formative et non pas une évaluation distributive ou sommative. Ce choix doit se traduire également dans les pratiques
pédagogiques mises en œuvre tout au long du parcours scolaire, sous des formes adaptées à l'âge, aux disciplines, aux
circonstances. On voit l'importance du débat argumenté, des jeux de rôle, de l'écriture d'invention, ça a été montré dans
un film. C'est dans le cadre de cette éducation à l'autonomie que peut être relevé, que doit être relevé le défi de la
culture numérique. L'essor que connaît ce secteur dans le domaine de la formation continue souligne tout à la fois la
grande autonomie accordée à l'étudiant, et en même temps, le besoin d'un tutorat qui permet d'éviter échec et ambition.
Il préfigure non pas la disparition des enseignants, mais le changement de posture que ceux-ci doivent adopter. Il
redessine leur mission. Nul doute que ces modifications vont rapidement s'étendre aux formations supérieures mais
aussi au lycée et à l'école du socle. L'essor des espaces numériques de travail doit devenir la manifestation d'un travail
d'équipe mené à l'échelle de l'établissement, et le cas échéant du réseau auquel il ressortit. C'est l'un des outils mis à
disposition des acteurs du système éducatif. Bien construit, habilement utilisé, il contribue à l'affirmation et à la
consolidation d'une autonomie maîtrisée. Enfin, bien sûr, des élèves, des collégiens, des lycéens, des apprentis, des
étudiants, qui doivent être reconnus. Pour conclure sur le propos précédent, on pourrait dire que le parcours scolaire,
c'est une clé USB que je reçois en CP, ou peut-être même dès la première année de la maternelle. Donc une clé USB,
c'est quelque chose qui est formaté. Ce n'est pas n'importe quoi. Ça m'introduit dans un langage, donc je ne suis pas, de
ce point de vue, totalement autonome, mais cette clé USB, c'est moi qui vais la construire. C'est-à-dire que c'est moi qui
vais capitaliser les connaissances, c'est moi qui vais classer ces connaissances, et c'est moi qui vais indexer ces
connaissances pour ensuite pouvoir les retrouver. Je rentre, on m'a donné une clé USB vierge, je sors, ma clé USB, je
l'ai remplie. Voilà ce qu'est l'autonomie et voilà ce qu'est sans doute l'école de demain. Pour cela, il faut que nos élèves,
nos collégiens, soient reconnus comme interlocuteurs. Ça doit être vrai dans les instances qui les représentent, ça doit
être vrai dans l'organisation de la vie scolaire, ça peut être vrai aussi dans l'organisation pédagogique. C'est vrai au
lycée, puisque l'organisation par exemple de l'accompagnement personnalisé doit être examinée par le conseil de la vie
lycéenne, mais là encore, même si nous n'avons pas de circulaire, rien n'interdit à un chef d'établissement d'interroger,
de mobiliser ses collégiens, ses lycéens, lorsque se construit le projet d'établissement, pour évaluer le précédent projet et
pour contribuer à construire le nouveau. L'autonomie, bien sûr, c'est aussi une autonomie avec les équipes
pédagogiques. On a vu que cette autonomie est constitutive de la construction du système scolaire. Elle recoupe
aujourd'hui trois grands domaines : la définition et le contenu des programmes, les méthodes pédagogiques, l'évaluation
des élèves et l'éventuelle décision de redoublement. On a vu aussi hier déjà avec Bernard Hugonnier, les spécificités
françaises sur ce point, c'est-à-dire une réelle concertation, mais une concertation faite à l'échelle nationale, entre le
ministère et les syndicats, beaucoup moins à l'échelle locale. Et l'autonomie est alors un équilibre subtil et évolutif entre
les attentes des autorités académiques, les pratiques des équipes, et le dialogue qu'établissent concrètement chefs
d'établissement et inspecteurs, notamment à l'occasion de la construction des projets et de l'élaboration des contrats
d'objectifs. C'est une évolution inéluctable. Trois mutations rendent en effet à mon sens cette évolution vers un
accroissement mais aussi vers une recomposition, un approfondissement de l'autonomie. Première mutation, le
changement des publics scolaires. Accroissement, mais aussi diversification. Ce qui exige une véritable démocratisation
de l'enseignement secondaire et supérieur, ce qui passe par de profonds changements pédagogiques faisant place entre
autres à une personnalisation accrue des parcours et à une valorisation de l'autonomie. C'est parce que nous voulons
l'égalité qu'il nous faut mettre en place la personnalisation. L'uniformité, c'est la construction de l'inégalité. C'est la
construction de l'échec. Et seuls des buts communs, un but commun, mais des parcours différents, sont la garantie de
l'égalité. Deuxième mutation importante, c'est l'évolution du métier d'enseignant. Il exige, on le sait tous, une
professionnalisation plus grande qui ne renonce pas, c'est un faux débat, aux exigences académiques, mais qui doit faire
une place plus importante à la dimension didacticielle et à la dimension pédagogique. Et qui passe, on l'a vu dans les
insatisfactions, par une valorisation du travail en équipe correspondant aux besoins du terrain mais éloigné encore des
représentations traditionnelles du métier d'enseignant. Enfin, une professionnalisation qui exige une formation continue,
une réelle formation continue, qui ne peut plus être perçue comme une simple obligation en cas de changement des
programmes mais comme une nécessité inhérente à une pratique réflexive du métier, et à la prise en compte
d'évolutions qui ne relèvent pas du seul champ disciplinaire. Enfin, troisième mutation, c'est celle de l'organisation
scolaire, avec la mise en place des sites, l'affirmation du collège, l'évolution du parcours universitaire, et également les
mutations dans le domaine pédagogique. Toutes ces mutations, toutes ces évolutions reflètent les évolutions des
publics, mais aussi les changements technologiques et la valorisation encore une fois d'une plus grande autonomie.
Cette évolution, elle est aujourd'hui inachevée. Inachevée en ce qui concerne la professionnalisation des enseignants,
inachevée en ce qui concerne la constitution et le travail des équipes pédagogiques. Et elle est inachevée en ce qui
concerne la posture pédagogique que réclame justement l'autonomie souhaitable pour les élèves, et qu'a parfaitement
décrite Luigi Berlinguer dans un article dans la dernière livraison d'Administration et éducation, un très bel article sur
l'enseignant dans l'école de l'autonomie. Je le cite. Il doit être un guide intellectuel qui communique, participe et
conquiert par son autorité et sa professionnalité, reconnues comme exemplaires au quotidien, et non plus comme a sage
on the stage, comme un sage sur la tribune, mais comme a guide on the side, mais comme celui qui va accompagner,
comme un guide, à côté de l'élève, qui l'accompagne dans sa démarche d'autonomisation. On retrouve cette notion
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fondamentale d'accompagnement. L'autonomie, bien sûr, c'est avec les établissements. Je ne reviens pas ici sur le
modèle de l'autonomie universitaire qui se construit dans notre pays à partir de 1968. Ce qu'on pourrait retenir de cette
évolution scandée par les grandes lois de 1984, de 2007, de 2013, c'est d'abord la culture de projet qui est née avec cette
autonomie et la culture de contrat, et notamment, lié à cela, la mise en place d'une réelle évaluation. Et là, on voit bien
en quoi le monde universitaire est sur ce point un modèle pour nous dans l'enseignement du premier et du second degré,
dans l'enseignement scolaire, et le deuxième élément qui me paraît important, c'est aussi la mise en réseau des
établissements, chaotique, elle peut prendre la forme d'une fusion, elle peut prendre la forme d'une fédération, mais on
voit bien ce souci de mettre en réseau les établissements pour favoriser l'émergence d'établissements que l'on espère
ainsi visibles depuis Shanghai. L'évolution est plus récente dans le système scolaire. Je n'y reviens pas, vous savez tous
cela, c'est le décret du 30 août 1985, avec ses huit grands domaines qui ont été un peu élargis au fil des années qui ont
suivi, avec l'apparition du projet, aujourd'hui du contrat. Ce que je veux juste dire, ce que rappelait le recteur Marois
hier, c'est que même sur ce décret de 85, et en particulier complété avec l'article 34 de la loi de 2004, même là, nous
n'avons pas, encore aujourd'hui, exploité toutes les marges de manœuvre que ce texte fondamental
nous propose. Cette autonomie, elle est jugée insuffisante par les acteurs. Quand on interroge les chefs d'établissement,
en leur demandant s'ils sont satisfaits de leur marge d'autonomie et d'initiative, 38 pour cent seulement répondent de
manière positive. Elle est jugée insuffisante parce que le périmètre lui-même n'a pas été clairement défini, malgré des
circulaires de rentrée novatrices en 1998, en 2004, en 2007, mais qui ne sont que des circulaires de rentrée. Enfin, elle
est imparfaite et suffisante, et c'est ça qui est fondamental, parce que l'institution de l'autonomie apparaît comme trop
descendante, comme fondée sur un modèle top down, et ça a été rappelé encore récemment. L'autonomie aujourd'hui
accordée aux établissements scolaires n'est pas à lire comme le signe d'une plus grande volonté de faire participer les
enseignants, elle relève peut-être en partie de l'impuissance que connaissent les autorités à faire entrer dans les classes
les changements décrétés. Alors, des marges de manœuvre existent. Je laisse de côté les marges de manœuvre qui,
comparées à l'échelle internationale, pourraient porter sur le budget, les finances et l'autonomie budgétaire des
établissements, et sur le recrutement laissé aux établissements, qui sont intellectuellement des possibilités, mais qui ne
sont pas, si j'ose dire, aux portes de nos établissements. Alors, ce que je voulais dire, très vite, c'est maintenant, et c'est
ma dernière question, les autonomies : comment ? Pardon. [Il relit ses notes] . Voilà. Comment ? D'abord, d'améliorer
les outils dont nous disposons, et en particulier projets, contrats et inscriptions territoriales. Le rôle des collectivités,
cosignataires désormais des contrats, implique ce partenariat, mais nous avons tous vu que, sur le projet et sur le contrat
d'objectifs, il nous faut, là encore, améliorer notre outil. Leur importance, le projet et le contrat, pour la vie de
l'établissement, oblige à prendre en compte, dans le projet, dans le contrat, tous les aspects de la mission de l'école,
enseigner, éduquer, intégrer, et de dégager les priorités sur le terrain d'abord de la pédagogie, les objectifs, les méthodes
d'évaluation, sur le terrain de la vie scolaire, sur le terrain de la formation continue, nécessaires pour la réussite du
projet. On ne devrait pas avoir de projet qui ne s'interroge pas sur la formation qu'il y a à mettre en place pour atteindre
les objectifs. Et on ne devrait pas, vous ne devriez pas signer un contrat avec l'académie dans lequel vous n'obtenez pas
de l'académie qu'elle vous garantisse la formation de ces enseignants. [L'assistance applaudit et des bravos fusent] . Ce
qui implique, ce qui implique... [Brouhaha dans la salle] . J'y vais, il n'y a pas de recteur ! [L'assistance rit] . Ce qui
implique que cette évaluation régulière, qui peut servir, qui doit servir de trame au rapport annuel d'activité, on l'a déjà
évoqué, présenté devant le conseil d'administration, et alimenter en fin de projet et de contrat la nécessaire évaluation,
nécessaire évaluation qui est d'abord une autoévaluation, et qu'elle soit justement rendue publique, même si, là encore, à
ce jour, aucun texte réglementaire ne le prévoit. On peut, je vais passer très vite, s'appuyer, bien sûr, sur les réflexions
menées aujourd'hui sur le New Public Management d'un côté, et sur le management des entreprises de l'autre. On
pourrait reprendre, si jamais ce texte passe de manière imprimée, l'article, c'est la conclusion de l'article de Janet
Newman qui distingue quatre types de gouvernance, et qui, vous le voyez, associe de façon très fine un type de
gouvernance à un type de démocratie. [Il se tourne vers l'endroit de la rétro-projection dont seul le bas de l'écran est à
l'image et montre de la main de gauche à droite deux parties ] . Et vous voyez très bien qu'à la gouvernance
hiérarchique, celle que nous connaissons le plus souvent, et qui correspond à la démocratie représentative, s'oppose la
gouvernance en réseau qui, elle, va promouvoir une démocratie délibérative. Vous aurez remarqué que la gouvernance
managériale, c'est-à-dire la gouvernance par objectifs, mais par objectifs standardisés, elle s'accompagne d'une
démocratie affaiblie, donc il est clair que notre réflexion porte sur le choix, éventuellement le panachage, de ces quatre
systèmes de gouvernance. Je vais maintenant passer de l'établissement aux réseaux. Je crois qu'il y a une vraie réflexion
à mener, si nous voulons des établissements autonomes, sur la taille de ces établissements. Nous y sommes contraints
pour trois raisons. D'abord, une raison pédagogique. Nous avons mis en place un réseau du socle, écoles et collèges.
Peut-on concevoir que ces écoles et collèges, comme dans l'enseignement prioritaire, ne travaillent pas fortement en
réseau ? C'est toute l'évolution du statut de l'école, du statut des directeurs d'école, du rôle des principaux de collège, du
rôle des inspecteurs de circonscription, par rapport à leurs collègues du second degré. Je n'y reviens pas, ce sont des
débats fréquents, mais je crois qu'il faut, à cette occasion, le poser parce que l'autonomie exige une taille critique. Small
is not beautiful. Small is awful. C'est une certaine taille qui permet l'exercice de l'autonomie, donc, première raison
pédagogique pour le réseau du socle, pour les réseaux de lycée, nous sommes dans un lycée d'enseignement général et
technologique, il nous faut franchir les grilles pour aller dans un lycée professionnel, mais à trois minutes à pied, alors
que ces deux lycées doivent, évidemment, être en réseau, et pas seulement en réseau parce qu'on aura enlevé la clôture,
en réseau parce qu'on aura bel et bien des projets, ou des enseignants partagés. La deuxième raison de la mise en réseau,
au-delà du pédagogique, socle, réseaux de lycées et articulation moins 3 plus 3, c'est une raison territoriale, politique, la
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loi Notre. Demain, nos communes de moins de mille habitants seront en intercommunalité, et donc, va se poser la
question des écoles. Ces intercommunalités ne peuvent pas être de moins de 20 mille ou 25 mille habitants. Là où
j'habite, c'est concrètement le passage d'une école, de deux écoles, avec deux classes dans l'une, une classe dans l'autre,
à la possibilité d'un réseau pédagogique intercommunal qui va épouser, qui pourrait épouser, la taille de
l'intercommunalité, et donc, créer une synergie, d'abord en termes de moyens. Je vais remplir mes classes, et donc
dégager des postes. On me ferme dans ma commune, la classe. Normal, il n'y a que 15 élèves. C'est normal. Mais on ne
me propose rien d'autre. Je vous ferme, j'ampute. Ce que j'attends de l’Éducation nationale, c'est qu'elle me dise ce
qu'elle me propose, et qu'elle me propose ceci, on va faire un RPI plus élargi que celui dans lequel vous vous trouvez,
du coup, on va pouvoir mettre, comme dans la ville, 23 ou 24 élèves par classe, du coup, je récupère des postes, et donc,
j'ai plus de maîtres que de classes, et donc, je prends en charge cette difficulté scolaire que vous rencontrez
effectivement dans votre établissement. Et comme j'ai mis en place un réseau pédagogique, nous allons construire
l'espace numérique de travail de l'ensemble du réseau, tout de suite, de manière à ce que toutes les écoles soient mises
en réseau, que l'on puisse faire un cours ici ou là-bas d'anglais, et pourquoi pas, vous proposer, dans votre réseau
pédagogique un bilinguisme français-anglais qui va damer le pion aux élèves de Tours et d'Angers. Il y a donc une
inventivité possible sur ces réseaux pédagogiques, et une réponse à apporter. Dans ce même canton, toutes les
communes rurales, toutes les communes rurales ont voté Front National dimanche dernier. Pourquoi ? Parce qu'elles
sont abandonnées ! Et parce que le service public, qui est le premier service public présent partout dans les écoles, est
en train de disparaître, et c'est normal qu'il disparaisse, mais dans ces formes d'implantations dispersées. Il nous faut
savoir apporter une réponse organisationnelle qui soit politiquement, au bon sens du terme, et qui soit pédagogiquement
profitable pour les élèves. Il y a des solutions possibles à condition de vouloir vraiment le faire. Enfin, la troisième
raison, c'est le développement des réseaux numériques. Il y a une raison pédagogique, une raison politique, et il y a une
raison, si j'ose dire, technologique qui bouscule notre organisation territoriale, qui bouscule notre organisation scolaire.
Il faut responsabiliser les acteurs et les formés. Bon, je regrette, je vais arrêter, le temps est passé, arrivé au bout, mais
ce point, c'est un point fondamental, la valorisation des ressources humaines. Comme toujours dans notre système, les
réseaux d'éducation prioritaire sont traités de manière exceptionnelle. Il faudrait dire, comme les historiens de la micro
histoire que l'exceptionnel est normal. C'est l'exceptionnel qui doit être normal. Tous les postes à l'Éducation nationale
sont des postes à profil. Les 850 mille postes de l'Éducation nationale sont des postes à profil. [L'assistance applaudit] .
Pourquoi ? Parce qu'ils sont dans une école, dans un établissement ancrés dans un territoire. Première raison. C'est pas
hors sol, c'est là, hic et nunc. Et d'autre part, parce qu'on a des enseignants qui sont de rang A, qui ne sont pas des boîtes
que l'on peut bouger, des pièces de puzzle formatées, non ! Ce sont des acteurs, et donc, on ne peut vraiment accéder à
un changement que si notre gestion devient une gestion effectivement personnalisée. Au moment du recrutement,
c'est-à-dire de l'affectation dans un établissement. Autrement dit, je viens dans un établissement parce que j'adhère au
projet de cet établissement, et je reste dans l'établissement parce que j'adhère de nouveau au projet de l'établissement, et
je ne signe pas un projet d'établissement en catimini dans le bureau du proviseur ! [Quelques applaudissements
retentissent, l'assistance n'est jamais à l'image] . Je le signe au milieu de toute la communauté, avec les parents, comme
à Molsheim, avec la chorale, parce que cela concerne tout le monde. Ce n'est pas derrière l'iconostase. C'est devant, dans
la nef. Recrutement, et surtout accompagnement. Un accompagnement personnalisé, où on s'intéresse à la carrière des
enseignants, où, régulièrement, on leur demande ce qu'ils veulent faire, et où régulièrement, on traite avec eux des
problèmes de formation en raison de leur projet personnel de carrière, en raison des besoins du projet de l'établissement,
et donc, dans un va-et-vient permanent entre une dimension individuelle, personnelle, et une dimension collective, qui
est celle de l'établissement d'affectation ou du réseau, car le réseau, le bassin, trouve là aussi tout son sens pour aider à
cette formation, pour aider à cette circulation des enseignants. Donc, un recrutement, un accompagnement, et surtout
une formation qui devient ainsi l'épine dorsale d'une carrière. Une carrière, ce n'est pas des notations par un chef
d'établissement et par un inspecteur. De toute façon, ça ne change pas grand-chose. Une carrière, c'est la réussite des
enseignants pour la réussite des élèves, et donc, la formation continue indispensable des enseignants tout au long de leur
carrière. C'est le rôle des chefs d'établissement et des inspecteurs d'être ces accompagnateurs d'une carrière
professionnelle. Ce qui, soit dit en passant, n'est pas partagé par tous les chefs d'établissement. Quand on les interroge
sur leur mission, la gestion des ressources humaines, ils n'y adhèrent que pour 53 pour cent d'entre eux, la moitié, c'est
le pilotage qui les retient en priorité. Il faudrait aussi parler ici du curriculum et des programmes. Le curriculum, parce
que, justement, il est une des conditions de l'autonomie. Un curriculum qui va être défini nationalement, qui va être
repris académiquement, et qui va être repris à l'échelle de l'établissement. Nous avons un cadre où on nous fixe les
objectifs, on nous dit ce qu'il faut atteindre, à nous de choisir le moyen. Je suis guide de montagne, je dois arriver en
haut, et tout le monde doit arriver en haut, mais pour les uns, je vais grimper dans une voie classée 3, et pour les autres,
je vais grimper dans une voie classée 6, en surplomb, parce qu'eux peuvent le faire, mais ce qui est intéressant, c'est de
casser la croûte tous ensemble au sommet. Peu importe la voie que j'aurai choisie, c'est l'atteinte du sommet qui est
importante. Donc, curriculum et programmes sont évidemment l'un des outils fondamentaux, comme l'innovation
pédagogique, l'expérimentation pédagogique, l'article 34, ça a déjà été souvent évoqué. L'autonomie, comment ? C'est
bien sûr, le terrain de l'affirmation des valeurs républicaines. J'y reviens parce que c'est elle qui donne sens à notre
école, et c'est elle qui donne sens à notre pédagogie, pas en marge, pas en marge de nos techniques, de notre
organisation, mais au cœur de notre organisation. C'est parce que nous voulons une école républicaine qu'il nous faut
organiser le débat argumenté, qu'il nous faut organiser les accompagnements personnalisés. Nous en sommes, j'imagine,
tous convaincus, et nous le serons encore plus à l'issue de notre rencontre. L'atteinte de nos objectifs d'autonomie ne
relève pas que d'une simple amélioration de nos outils et même d'un élargissement de nos ambitions. Pour y parvenir, il
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nous faut réaffirmer les valeurs de la République, qui fonde notre projet politique au sens propre du terme, qui donne
sens à notre système scolaire et à son organisation et qui fait vivre à tous les niveaux et dans tous les territoires d'un
espace républicain, qui ne peut se réduire ni aux frontières de notre pays, ni à une histoire qui se voudrait purement
hexagonale. Comprenez-moi bien sur ce point. Ceci se fait sur le terrain, se fait avec des exigences démocratiques. Je
passe sur ce que j'aurais évoqué avec vous sur ce point. Je peux peut-être juste dire qu'aujourd'hui, cette autonomie, et je
reviens à la définition de Dawkins qui ouvrait mon propos polysémique, avec tous les termes. Dawkins, dans ce même
article, dans lequel il travaille la notion d'autonomie, qui est un ouvrage de référence, il dit, l'ouvrage date de la fin du
siècle dernier, il dit qu'il faut tenir compte de trois éléments. Il faut tenir compte aujourd'hui de l'exigence de justice. Il
renvoie aux travaux de John Rawls. Il faut tenir compte de la volonté de libre expression, mais aussi de ses limites, et
l'actualité récente nous rappelle ce que ceci signifie. Il faut tenir compte aussi de l'évolution de la notion d'autorité et du
statut de l'autorité dans des sociétés modernes, où l'autorité ne peut plus, évidemment, s'appuyer sur un droit divin ou
une autorité instituée, en quelque sorte, de toute éternité. Alors, on mesure la responsabilité de l'école, socle creusé, et
en un sens, objectif de l'expérience républicaine. Plus que jamais, elle est là pour en enseigner les valeurs, les modalités,
mais aussi les objectifs. Elle est là aussi pour être elle-même le lieu où ces valeurs, ces modalités et ces objectifs
s'incarnent et se réalisent, même imparfaitement. Elle est aussi là pour être l'un des lieux où s'inventent et
s'expérimentent les modalités d'une démocratie participative, qui donnent sens à l'autonomie des acteurs porteurs d'un
projet commun. Voilà, je suis arrivé au terme. En guise d'ouverture, cette intervention doit évidemment s'interdire de
conclure. Mais avant de céder la place à la deuxième table ronde, consacrée à la présentation et à l'analyse d'expériences
d'autonomie, ainsi qu'aux ateliers, il me paraît souhaitable de réentendre deux minutes les trois thèmes qui ont été
introduits. Le premier, c'est celui de la place essentielle qu'occupe l'autonomie au cœur de tout projet éducatif,
individuel et collectif, de toute organisation scolaire et universitaire, parce qu'elle en est l'objectif. Former des femmes
et des hommes qui soient des citoyens libres. Libres, parce qu'ils maîtrisent les outils qui leur permettent de comprendre
le monde dans lequel ils vivent et d'œuvrer à sa transformation. Libres, parce qu'ils ont démocratiquement fait leurs, en
les apprenant, et en les pratiquant quotidiennement, les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité qui fondent, animent
et orientent l'espace républicain et laïc, c'est tout un, auquel ressortit l'école, et qu'elles contribuent à constituer. Libres,
parce que leur formation initiale et continuée tout au long de leur vie leur donne la possibilité de satisfaire leur désir
d'apprendre, de valoriser leurs aptitudes personnelles et de conforter toutes les formes de leurs intelligences. Parce que
l'autonomie doit être aussi, de manière raisonnée, progressive, réflexive, le fil conducteur de toute pédagogie dans le
choix des exercices et des modes d'évaluation, dans la place donnée aux nouvelles technologies, dans le sens même
donné aux projets curriculaires, ceux du socle, comme ceux du lycée et de l'enseignement supérieur, aux enseignements
disciplinaires et à l'organisation de la vie scolaire. Le deuxième thème, c'est celui de la nécessité et de l'actualité de
notre colloque, et de son mode d'organisation. Nécessité, effectivement, d'une réflexion sur l'autonomie, alors même
que les neurosciences, par exemple, nous obligent à repenser nos modalités d'apprentissage, que les nouvelles
technologies peuvent nous aider à conforter l'exigence d'autonomie, que les interrogations sur le rôle de l’État et des
services publics, dont l'école, passage quasiment obligé pourtant pour l'ensemble de la population et le plus répandu
dans l'espace, le plus fréquenté dans le temps, et sans doute le plus important en termes de formation cognitive,
économique, politique, sociale, culturelle. Mais elle est aussi l'affirmation d'un projet collectif. Donc, nécessité de notre
colloque, actualité de notre colloque, actualité d'une réflexion, alors même que s'accélèrent les évolutions, l'évolution
des structures familiales, des fondements de l'autorité, du sens d'une tradition, de l'affirmation de l'individualisme, de la
prégnance des réseaux, des interrogations sur les formes démocratiques. Alors que s'amplifient les inquiétudes
économiques, politiques, sociales, culturelles, le cas échéant religieuses. Alors que se multiplient les interrogations sur
le rôle que peut et doit jouer l'école en matière d'organisation, de programme, de formation et de mobilisation de ses
ressources humaines. Pour prendre en compte ces évolutions, l'école doit répondre aux inquiétudes, donner sens à ces
projets individuels et collectifs, tout en étant bien consciente qu'elle ne peut pas tout, mais qu'elle occupe une place
privilégiée, à condition de mobiliser tous les acteurs. C'est cela l'intérêt. Pas seulement la nécessité, l'actualité, mais
l'intérêt d'un colloque, qui mêle les différents acteurs de l'éducation, combine regards extérieurs et retours d'expérience
et donne résolument la parole à ses acteurs. C'est le troisième thème. Lieu d'information, d'échange et de réflexion,
notre colloque ne se suffit pas à lui-même. Il n'a de sens que si, au-delà de notre rencontre, il nous donne l'envie, les
raisons et la détermination de continuer, de contribuer de manière critique, parce que réflexive et autonome, bien sûr, à
l'amélioration d'un système éducatif qui est le lieu et le laboratoire, l'outil et le modèle d'une République, dont le projet
est clairement affirmé et la mise en œuvre quotidiennement à réinventer. Précisément parce qu'elle est fondée sur une
autonomie qui n'est ni anomie sociale, ni sujétion à mon seul désir, mais valorisation personnelle d'une loi collective qui
s'impose à nous, comme elle s'imposait à l'autonome Antigone. Il est grand temps de revenir à Sophocle. Nous le
relisons bien sûr aujourd'hui, sans oublier ce que les maîtres du soupçon, et d'abord, l'auteur de la tragédie grecque,
nous ont appris hier, sans ignorer ce que nous disent aujourd'hui les philosophes critiques de la modernité, et encore
moins les spécialistes et les praticiens des systèmes éducatifs ou des organisations sociales. Mais nous le relisons,
Sophocle, et Antigone, parce que, dans Antigone, dans cette même œuvre, nous est rappelé en un seul vers le
fondement de notre volonté d'autonomie et la justification de notre idéal collectif. Je cite. De toutes les merveilles, il
n'en est pas de plus merveilleuse que l'Homme. Polla ta deina kouden anthrôpou deinoteron pelei.
[L'assistance applaudit] .
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