Emmanuel Darley

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Emmanuel Darley
Emmanuel Darley
Le passager des paroles
Au plus loin de l’enfance et de la jeunesse règne le partage entre déambulations et rêves
immobiles, entre migrations familiales et l’univers pérenne des livres avec leurs échappées
imaginaires, puis la peinture, ses parfums et ses couleurs dans l’atelier magique d’une grand
mère aimée. De là donc, sans doute, un déchirement fécond qui donne sa marque à toute
l’œuvre et éclaire les multiples chemins qu’elle emprunte, ses bifurcations, ses échanges
permanents et les horizons, tout proches, qui attendent d’être explorés.
L’écriture est le vrai royaume, sous forme de romans et de récits, de théâtre ensuite qui a
pris la place essentielle dans la création. D’abord par le travail sur le texte qu’il suppose, son
approche du réel, en même temps que de l’au-delà du réel, le passage des méandres langagiers
du quotidien aux moments où tout se fond dans un universel singulier. Par un exercice ensuite qui
rapproche, à certains moments, la solitude du créateur des échanges conviviaux de l’équipe, de
ceux qui construisent l’espace et la lumière ou donnent voix à l’écriture silencieuse. Mais aux
portes, en même temps, se tiennent les autres tentations, les autres désirs, facettes à leur tour de
la création ou matériau en attente de métamorphose, comme le « journal irrégulier », conjugué
ensuite en « archives », qui tente de retenir, au long de ses fragments, quelques éclats des jours.
La photographie, dans la variation de ses explorations sur la matière, les passages du noir et
blanc à la couleur. Mais là encore ce qui subsiste et occupe l’espace central, c’est une trace, une
forme, un rapport laissé secret avec l’intime qui sera, peut-être, plus tard rattrapé dans les filets
des textes, à moins qu’il ne reste écho assourdi.
Personnelle, essentielle, la voix se situe pourtant toujours au cœur du monde et s’ouvre
aux autres : dans les ateliers d’écriture des écoles ou des prisons elle permet de forger les clés de
la liberté, dans les quartiers ou les villages, à Bédarieux comme à Saint-Jean-Saint-Pierre à
Narbonne, accompagnée de photographies complices, elle dit la mémoire des humbles, de
l’entrecroisement des oubliés, de la trivialité fructueuse du quotidien et du temps. Arpenteur des
jours, inlassable, Emmanuel Darley se fait aussi celui du monde avec des bases éphémères ou
provisoires, telle Narbonne depuis plusieurs années. Un territoire fait de familiarités à peine
esquissées, de plaisir des rencontres métissées au long des rues, des « Barques » ou sur les
marchés du dimanche, mais aussi de longues errances vers l’intérieur des terres, la luxuriance un
peu sauvage et secrète de Fontfroide, la solitude imprécise et lagunaire du monde des étangs, des
villages qui bordent la côte. Des ports enfin, dans la beauté verticale de leurs constructions et de
leurs usines d’où parviennent les cris des hommes au travail, incessant appel à l’ailleurs,
nourrissant le dilemme de l’écrivain pris entre l’infini des flâneries éveillées et les restitutions de
l’écriture.
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