DON DU CORPS LA SCIENCE
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DON DU CORPS LA SCIENCE
DON DU CORPS À LA SCIENCE LES RÈGLES GÉNÉRALES ET LES MODALITÉS PRATIQUES DU DON DU CORPS À LA SCIENCE RESTENT PEU CONNUES. VOICI CE QUE DOIVENT SAVOIR LES MÉDECINS. Sophie GROMB, Éric GILLERON, Gérald QUATREHOMME CHUBordeaux, fac. méd Nice Concours Médical Tome 123-07 24-02-2001 C elui qui accepte de façon « anthume » (de son vivant) de livrer son corps à un laboratoire d'anatomie (en général universitaire) doit être assuré de l'utilité de son acte et des conditions dans lesquelles sa dépouille sera respectée. Le caractère profondément intime de ce don nécessite les plus grandes précautions, car « à travers ce qu'on a (son propre corps), on donne ce qu'on est ». Sur le plan juridique, le champ est laissé libre à l'imagination de chacun pour produire ses propres règles, puisque seules deux dispositions viennent contingenter ce domaine: L'article 3 de la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles, qui dispose: « Tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture, Il peut charger une ou deux personnes de veiller à l'exécution de ses dispositions. Sa volonté exprimée dans un testament ou dans une déclaration faite en forme testamentaire, soit par-devant notaire, soit sous signature privée, a la même force qu'une disposition testamentaire relative aux biens, elle est soumise aux mêmes règles quant aux conditions de la révocation »; Le décret 87-28 du 14 janvier 1987, qui porte quant à lui diverses dispositions modificatives du code des communes sur les pouvoirs de police du maire en cas de décès, ainsi que nous l'évoquons ci-après. Aucune de ces dispositions ne vise directement le don de corps à la science, et l'on peut se demander si cette absence de clarté juridique n'est pas en partie responsable de l'essoufflement de l'offre perceptible depuis les vingt dernières années3 alors que, pendant la même période, le secteur médical dans son ensemble a tendu vers une médiatisation toujours croissante. Il nous est également apparu qu'il existait un certain amalgame entre le don du corps à la science et la législation en matière de prélèvement d'organes, ce qui nous a incités à réaliser une synthèse des règles et des modalités de cette pratique dans le but de mieux faire connaître cette institution aux médecins et de leur permettre de répondre aux questions de leurs patients. Ainsi verrons-nous dans un premier temps les conditions préalables d'acceptation du don (1. la phase anthume du don de corps), puis la procédure mise en oeuvre au moment du décès (2. la phase posthume du don de corps). LA PHASE ANTHUME DU DON DE CORPS Le don d'un corps à une institution se fonde sur l'article 3 de la loi du 15 novembre 1887. Pour qu'il soit accepté, un certain nombre de dispositions pratiques laissées à la libre appréciation de cette institution doivent être aménagées, les unes de forme, les autres relatives à la personne du donneur. 1- Les conditions de forme Le donneur potentiel doit manifester sa volonté selon des formes particulières, avant de recevoir une carte de « donneur de corps ». La rédaction d'un testament olographe. D'une manière générale, la loi de 1887 accorde la valeur d'un testament aux actes non patrimoniaux destinés à prévoir les modalités de ses propres funérailles. Implicitement, elle renvoie donc à l'article 970 du Code civil, qui impose comme seule condition de forme d'un tel testament qu'il soit « écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ». Dans le cas particulier des dons de corps, l'article R. 363.10 du code des communes dispose que l'intéressé peut faire une déclaration olographe indiquant l'établissement auquel le corps sera remis. Ainsi, le don à un établissement universitaire destine-t-il le corps à être utilisé aux fins d'enseignement et de recherche. A titre d'exemple, on peut rédiger la déclaration suivante «Je soussigné(e)... (nom et prénom), né(e) le... à...; demeurant à (adresse), déclare donner mon corps à la médecine à mon décès et demande que celui-ci soit transféré au laboratoire d'anatomie de la faculté de médecine la plus proche du lieu de ma mort. Cette décision, prise en toute connaissance de cause, sain(e) de corps et d'esprit, représente mes dernières volontés. Fait à... le... (lieu et date) (signature) » Quelques renseignements supplémentaires peuvent être demandés à la personne sans qu'ils n'aient toutefois de valeur juridique. Ainsi en va-t-il d'informations relatives à la profession exercée, à d'éventuelles maladies ou accidents, ou encore au fait de savoir si le sujet est gaucher ou droitier. Ces renseignements ne sont destinés qu'à affiner les interprétations d'un travail anatomique. La carte de donneur de corps. Dans l'hypothèse où le don est accepté, une carte intitulée « Don des corps aux facultés de médecine - en vue de l'enseignement médical, de la préparation aux techniques chirurgicales et de la recherche médicale » est envoyée à l'intéressé. Elle n'est valable que si elle comporte une photographie d'identité et les mentions relatives à l'identité du donneur, ainsi que sa signature. Pour être certain que la procédure aboutisse, elle doit être portée sur soi en permanence. Il est important de préciser que cette dernière condition aboutit à créer une possibilité originale de résiliation du don. En effet, nul besoin de formalisme particulier, le simple fait de déchirer cette carte suffit à renoncer à donner son corps. Aussi peut-on imaginer qu'un nombre important de donneurs potentiels sont revenus sur leur décision, sciemment ou par négligence (perte de la carte). 2- Les conditions relatives à la personne du donneur Ces conditions sont relatives à la capacité juridique du donneur et à sa personne stricto sensu. La capacité juridique du donneur. Seules peuvent tester librement les personnes ayant une capacité juridique entière. Cette exigence est rappelée lors de la rédaction du testament olographe mais ne fait l'objet d'aucun contrôle. De façon très empirique, c'est au cours de simples contacts téléphoniques que « les personnes atteintes de déficience mentale » sont repérées. Aucune vérification n'est effectuée au moment de l'enregistrement de la demande. Les arguments expliquant ce laxisme sont, d'une part, la probabilité qu'en cas de don par un incapable, au moment de sa mort, la vérité soit dévoilée par un membre de l'entourage familial ou par un membre du corps médical du lieu de décès, et, d'autre part, le fait que les laboratoires d'anatomie ne font pas grand cas des incapacités du Code civil, arguant de la différence de nature entre un don patrimonial et un don de corps. Sur le plan juridique, effectivement, le corps humain ne fait pas partie du patrimoine d'une personne. Mais le législateur, qui par ailleurs exclut ce corps de toute forme de convention entre vifs, n'a pas souhaité le soumettre à un régime différent de celui des autres dispositions testamentaires. En somme, chaque laboratoire d'anatomie reste maître du modus operandi en l'absence d'indication précise donnée par le législateur. La personne physique. Le droit est muet dans ce domaine, de sorte que là encore il revient à chaque laboratoire de fixer ses propres exigences. L'âge du donneur peut motiver un rejet de don. En effet, depuis quelques années, certains laboratoires refusent les dons de corps d'enfants, à la requête du personnel. Il a été en effet considéré que ces dons ne présentaient pas un intérêt médical notable et rendaient les opérations de dissection moralement pénibles. Le corps des jeunes adultes peut en théorie être accepté, mais, en pratique, les services de dons dissuadent de telles initiatives, pour ne pas pénaliser les prélèvements d'organes susceptibles de sauver des vies humaines. Quelques cas isolés peuvent cependant être acceptés, tenant aux particularités physiques du donneur, ainsi en est-il par exemple de sportifs de haut niveau. Enfin, aucune limite supérieure d'âge n'est fixée, l'essentiel des dons étant d'ailleurs le fait de personnes en fin de vie. 3- Autres conditions. L'individu ne doit pas être atteint d'une maladie contagieuse pour des raisons évidentes de salubrité. Il ne doit pas non plus avoir fait un don d'organe entre vifs (cas rare). Enfin, l'éthique médicale conduit à refuser le corps des personnes qui se sont suicidées. LA PHASE POSTHUME DU DON DE CORPS Le corps ne peut être accepté qu'après le décès, dûment constaté par un médecin. Ensuite doivent être envisagés le transport de la dépouille mortelle jusqu'au laboratoire intéressé ainsi que les règles relatives à l'utilisation de ce corps. Le transport de la dépouille L'essentiel de la procédure applicable à la circonstance diffère peu de celle d'un décès sans don de corps. Elle est réglée pour l'essentiel par l'article R. 363-10 du code des communes 6. Mais les laboratoires d'anatomie ont eu tendance à développer en sus leurs propres règles, en particulier pour ce qui concerne le règlement des frais de transport La procédure de transport du corps. Le médecin qui constate le décès établit un certificat précisant qu'il n'y a pas d'obstacle médico-légal ni de contagion, conformément à l'arrêté du 20 juillet 1998. En tout état de cause, la contagiosité d'un corps interdit son transport sans mise en bière et a fortiori toute possibilité de se livrer à un travail anatomique. Une erreur de diagnostic pourrait éventuellement engager la responsabilité du praticien envers le laboratoire d'accueil. La carte de donneur de corps doit être remise à l'officier d'état civil qui enregistre le décès. Il délivre un permis d'inhumer, accompagné d'une autorisation de transport de corps. Une entreprise de pompes funèbres peut alors procéder au transport du corps. Le transport obéit à des délais stricts: le corps ne peut être livré plus de vingt-quatre heures après la mort; quarante huit heures si « le décès survient dans un établissement de santé public ou privé disposant d'équipements permettant la conservation des corps ». Les laboratoires refusent les corps qui ont fait l'objet d'un traitement de conservation provisoire autre que le froid, même si le délai de réception n'a pas expiré. .Les frais de transport du corps. L'article R. 363-10 du code des communes, en son dernier alinéa, dispose que « l'établissement assure à ses frais l'inhumation ou la crémation du corps ». Il ne dit mot des frais de transport. Même si, à deux reprises, les ministres en charge de la santé ont eu l'occasion de préciser que ces frais étaient à la charge de l'établissement receveur, les laboratoires d'anatomie font en général payer les frais de transport à l'ayant droit du défunt ou à l'intéressé de son vivant Cette pratique peut paraître choquante mais s'explique par les difficultés que rencontrent les laboratoires pour couvrir leurs dépenses (ils bénéficient en général d'un budget dérisoire, charge à eux de trouver des moyens de financement), et, en tout état de cause, ces frais sont moindres que ce qui aurait été payé par la famille au décès du donneur. L'utilisation de la dépouille Nous allons distinguer ici le temps de l'utilisation de la dépouille avant d'examiner les modalités de la fin de cette utilisation. .Le temps de l'utilisation de la dépouille. La plus grande latitude est laissée à chaque laboratoire de gérer les corps qu'il a en garde, en ce qui concerne tant leur destination que la durée de l'utilisation. Les corps entreposés dans les locaux d'un laboratoire d'anatomie sont destinés à l'enseignement médical, en général à partir du deuxième cycle et plus particulièrement aux internes des spécialités chirurgicales. Certaines formations peuvent être dispensées à titre onéreux par le laboratoire : le cas échéant, elles comprennent l'enseignement et l'utilisation des corps pour les travaux pratiques (cas des thanatopracteurs par exemple). Les corps sont conservés par réfrigération ou au formol; ils sont ainsi utilisables pendant plusieurs années si besoin est Seuls les impératifs d'organisation du service dictent la durée de garde de chaque corps. .La fin de l'utilisation de la dépouille. Durant tout le temps de l'utilisation du corps, la primauté de la personne et le respect de sa dignité doivent être assurés. En pratique, le respect de cette prescription est laissé à la diligence des personnels et usagers du service. Au terme de son utilisation, il doit être mis en bière le plus décemment possible, en application de l'article 16-1 du Code civil, qui consacre le principe du respect du corps humain. Là encore, des impératifs financiers imposent aux laboratoires de faire payer le cercueil par le donneur dès son inscription. À titre indicatif, il lui en coûte environ 1500 francs, sauf à faire valoir une situation personnelle pouvant, à titre exceptionnel, être exonératoire. L'ultime transport du corps est en théorie à la charge du laboratoire d'accueil. En pratique, là encore, des arrangements sont conclus avec des entreprises de pompes funèbres qui, en contrepartie du monopole de la vente des cercueils, s'engagent à assurer gratuitement le transport jusqu'à deux destinations : un cimetière classique à fin d'inhumation ou un cimetière crématiste. En aucun cas le corps ne peut être transporté vers un caveau de famille ou toute autre destination au choix du de cujus. La raison avancée de ce paiement anticipé est que, en tout état de cause, l'enlèvement d'un corps, l'achat d'un cercueil et l'inhumation coûtent plus cher que ce forfait, ce qui est vrai. Dernière disposition surprenante et susceptible de décourager les meilleures volontés, les laboratoires d'anatomie ne sont pas tenus d'avertir les familles du jour de la mise en bière. On peut toutefois espérer que la pratique fasse place à davantage d'humanité.