L`estime de soi - Travail et santé

Transcription

L`estime de soi - Travail et santé
SANTÉ MENTALE
C’est le regard que jettent
nos parents et éducateurs
sur nous qui nous mène à
développer l’estime ou la
mésestime de soi.
L’estime de soi
entretenir une opinion favorable à l’égard de
soi, se reconnaître une valeur, des qualités, des
compétences, voir en soi un être qui possède
un potentiel qu’il vaut la peine de développer
et dont il est normal de prendre soin.
Le développement d’une bonne estime de soi constitue un ingrédient
incontournable du bonheur et de la santé. Contrairement à ce qu’on pourrait
penser, l’estime de soi n’est cependant pas la conséquence logique de grandes
réalisations ; en ce sens, il est contreproductif d’essayer de la développer en
s’efforçant de la mériter en réalisant une performance hors du commun. Il vaut
On ne demande pas la perfection
mieux apprendre à voir autrement ce qu’on réalise déjà jour après jour.
L
e mot estime fait référence à une opinion
favorable et toute opinion s’appuie sur
un jugement. Estimer quelqu’un, c’est
Jacques Lafleur1
1. PSYCHOLOGUE ET FORMATEUR. [[email protected]],
[http://www.ordrepsy.qc.ca/voir/JacquesLafleur].
lui reconnaître de la valeur, c’est apprécier ses
talents ou ses qualités. L’estime n’est pas à proprement parler un sentiment aimant, quoiqu’estime de soi et amour de soi s’avèrent
réciproquement favorables. L’estime porte simplement à considérer quelqu’un avec un jugement positif, ce qui mène à être bien disposé à
son égard.
L’estime de soi va dans le même sens et une
bonne estime de soi aide manifestement à
maintenir un sentiment aimant envers soimême. Avoir une bonne estime de soi, c’est
On ne demande pas aux gens que l’on estime d’être parfaits. Leurs qualités, talents ou
réalisations nous ont mené à développer un
préjugé favorable à leur égard. Ce préjugé
pourrait changer, mais il faudrait plus que de
petits accrocs pour que cela se produise. Le
maintien de l’estime envers quelqu’un dépend
certes d’une continuité dans les gestes qui
maintiennent notre confiance ; mais, sans nous
faire tomber dans la complaisance, notre
préjugé favorable nous porte à être plutôt indulgents face à ses manques ou à ses imperfections. En ce sens, l’estime que l’on porte à
quelqu’un a de fortes tendances à s’entretenir
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d’elle-même. Cela dit, de grandes déceptions
pourraient nous faire perdre l’estime que l’on
porte à une personne et faire en sorte qu’elle
aurait « une grande côte à remonter ».
L’estime porte donc à laisser la chance au
coureur, jusqu’à un certain point où la déception pourrait faire basculer le jugement. Autrement, on ne tient pas rigueur de leurs
imperfections aux gens que l’on estime et
les inévitables erreurs qu’ils commettent ne
viennent pas diminuer outre mesure l’estime
qu’on leur porte.
La mésestime
À l’opposé de l’estime, on trouve la mésestime qui, elle, porte à ne pas reconnaître
quelqu’un à sa juste valeur. Elle constitue aussi
un préjugé, lequel dirige le regard essentiellement sur les défauts ou les manques de
quelqu’un. Ce processus sélectif mène à sousévaluer et parfois même à occulter ses qualités,
talents ou réalisations. Comme dans toute
forme de préjugé, la perception devient
faussée et le jugement défavorable s’entretient
de lui-même du fait qu’on ne voit que les
mauvais côtés de la personne. Ses bons côtés
ne nous intéressent tout simplement pas,
l’affaire est classée. La mésestime peut tout
autant s’appliquer à soi qu’aux autres.
Estime et mésestime de soi
comme attitudes
À première vue, l’estime semble se mériter.
On peut en effet toujours expliquer pourquoi
on estime quelqu’un. Par ailleurs, ce lien qui
veut que ce soit le mérite qui crée l’estime ne
vaut que dans un contexte où il n’existe pas
encore de relation entre la personne qui aura
de l’estime et celle qui sera l’objet de ce sentiment. Si on apprécie déjà une personne particulière, elle a en effet peu à faire pour que
notre sentiment se maintienne ; et si, par
contre, on entretient déjà un regard défavorable sur quelqu’un, il lui faudra faire des
prodiges pour qu’on puisse lui reconnaître un
minimum de valeur.
Ce phénomène a toute son importance dans
le développement de l’estime de soi. La grande
majorité des gens qui ont une faible estime
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d’eux-mêmes ne voient en effet pas d’autre
moyen de la rehausser qu’en arrivant à un
niveau de performance exceptionnelle, faute de
quoi ils concluront comme ils en ont l’habitude
qu’ils ne valent pas grand-chose. Ils s’efforcent
de « mériter » une bonne estime de soi.
Alors, de deux choses l’une : ou bien, et c’est
forcément exceptionnel, ils arrivent circonstantiellement à produire un résultat inespéré.
Ils en sont alors heureux, mais ils viennent en
même temps d’établir un nouveau standard à
partir duquel ils jugeront à l’avenir s’ils méritent encore une bonne estime d’eux-mêmes.
Et, forcément, la mésestime reviendra. Ou
bien, comme c’est le cas le plus souvent, leur
performance ne leur semblera ni parfaite ni
exceptionnelle, et leur jugement défavorable
trouvera une fois de plus de quoi se nourrir.
Comme ils en ont l’habitude, inconsciemment, ils ne verront que la partie imparfaite de
leur réalisation et concluront comme ils en ont
l’habitude qu’ils ne valent pas grand-chose.
L’estime de soi n’est pas le résultat d’une performance. C’est une prédisposition à voir de
façon favorable les accomplissements de quelqu’un et à apprécier la valeur qui se trouve
derrière.
Le développement
de l’estime de soi
À la naissance, nous sommes vierges en ce
qui concerne l’estime ou la mésestime de soi.
C’est le regard que jettent nos parents et éducateurs sur nous qui nous mène à développer
l’une ou l’autre.
Le développement d’une bonne estime de
soi nécessite donc d’abord un regard. C’est
pourquoi les enfants laissés à eux-mêmes concluent le plus souvent qu’ils n’ont pas de valeur,
qu’ils ne valent pas la peine. Ils n’ont pas l’âge
de comprendre que leurs parents sont inadéquats dans leur rôle ; l’équation qu’ils établissent est plutôt que si même leurs parents ne
s’intéressent pas à eux, c’est forcément qu’ils
n’ont pas de valeur. Et toute turbulence pour
forcer le regard des parents mène à une réaction dévalorisante de leur part, bloquant carrément le développement du sentiment d’avoir
de la valeur. Voilà pour l’absence de regard.
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Un regard défavorable s’expliquera par des
mots justifiant le peu de valeur de l’enfant
aux yeux du parent. Rares en effet sont les
parents qui disent à leur enfant : « Excusemoi, je suis incapable de t’apprécier. Ce n’est
pas ta faute, tu as des qualités, des talents, tu
as ce qu’il faut pour devenir quelqu’un de
bien, mais je suis trop blessé, trop magané,
trop occupé ailleurs pour être capable de le
voir ». Ils communiqueront plutôt à l’enfant
que leur déception s’explique par ses lacunes,
par son incapacité à être à la hauteur d’attentes normales, ce qui fait de lui un être de
peu de valeur.
L’enfant pourra vouloir briser ce jugement
en se comportant exceptionnellement bien,
mais ce sera peine perdue puisque l’œil qui le
juge est déjà infecté. Mais peut-être gardera-t-il
espoir que cela change un jour, s’il est encore
plus exceptionnel ? C’est ainsi qu’il apprendra à
mettre la barre haute, piège dans lequel il
tombera encore et encore.
Un regard favorable de la part des parents
traduira au contraire le plus souvent une appréciation fondamentale de la valeur de l’enfant, malgré ses gaffes, ses maladresses, certains
défauts ou certaines lacunes. L’enfant comprendra qu’il est un bon enfant malgré ses imperfections et qu’il va devenir quelqu’un de
bien sans pour cela devoir se défoncer. Ses accomplissements seront la conséquence de la
valeur qu’il se reconnaît et son sentiment de
valeur personnelle ne sera pas menacé par ses
erreurs ou ses inévitables lacunes dans l’un ou
l’autre ses multiples secteurs de la vie. On ne
peut pas exceller dans tout ! Par ailleurs, il
pourra utiliser certaines erreurs comme des
indications à l’effet qu’une amélioration serait
bienvenue.
Une bonne estime de soi devient ainsi le
moteur de la conduite de quelqu’un de bien.
Elle en est aussi la conséquence, mais c’est
parce que cette personne a appris à voir sa
valeur et n’a pas appris à se dénigrer à la
moindre erreur.
Importance de l’estime de soi
Normalement, on prend soin des choses qui
ont de la valeur à nos yeux. C’est ainsi que, si
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on s’accorde de la valeur, on prendra naturellement soin de soi. Cela nous permet de
faire des choix de vie conformes à la personne
que l’on est plutôt que de constamment
s’efforcer de devenir cette personne « meilleure » que l’on croit qu’on devrait être. Cela
ne signifie pas qu’on se « contente » d’être
comme on est, mais bien qu’on en profite et
qu’on en fait profiter autrui.
Notamment :
• on choisit un emploi en accord avec ses
forces et talents, dans un milieu qui nous
respecte ;
• on choisit un-e partenaire de vie qui nous
apprécie et nous respecte, on n’accepte pas
de vivre des situations chroniquement malsaines ou décevantes ;
• on prend soin de son corps, de sa santé, on
ne les laisse pas se détériorer ;
• on développe des relations respectueuses, on
est capable régler les conflits d’une façon qui
tient compte de nos besoins et des besoins
de l’autre ;
• on ne reste pas dans des situations humiliantes ou abusives ;
• on maintient un dialogue intérieur plutôt
positif à son propre égard, non dépourvu
d’autocritique, mais dans lequel l’autodénigrement n’a pas sa place.
Cela ne nous met évidemment pas à l’abri
des difficultés inhérentes à la vie, et il peut encore nous arriver des malheurs. Mais la vie
quotidienne s’en trouve enrichie et on trouve
plus facilement des réponses satisfaisantes aux
situations exigeantes.
Développer et maintenir une bonne estime
de soi permet de vivre plus sainement et de
façon plus heureuse. En ce sens, il importe de
prendre conscience du type de relation que
l’on entretient avec soi-même. Si cette relation
est teintée de mésestime (culpabilité excessive,
autodénigrement continu, autocritique chroniquement négative, jugement défavorable
avant même qu’on ait entrepris quoi que ce
soit, etc.), il est crucial de commencer à prendre
conscience de ce que cette souffrance ne sera
jamais corrigée par une performance exceptionnelle ; elle le sera plutôt par la prise de conscience du fait qu’on est une bonne personne,
dont les relations et les réalisations sont bonnes
et appréciables. Le problème est davantage une
erreur de perception qu’un manque de valeur.
Il restera toujours utile d’améliorer des
choses en soi, mais ce sera pour enrichir
quelque chose qui a déjà de la valeur plutôt
que pour donner de la valeur à ce qui n’en
aurait pas.
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