programme Senatus - CRJFC - Université de Franche
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programme Senatus - CRJFC - Université de Franche
Projet de cycle international, interdisciplinaire et itinérant – 2011-2014 Senatus Sénats et chambres hautes : histoire comparée Centre de Recherches juridiques de l’Université de Franche-Comté Centre Georges Chevrier, Université de Bourgogne Sous la direction de : - Boris Bernabé - Yann-Arzel Durelle-Marc - Karen Fiorentino - Alain Wijffels « Monocaméralisme ou bicaméralisme ? », cette interrogation traverse chaque réflexion et chaque débat constituant depuis l’ère des révolutions modernes et contemporaines, des révolutions anglo-américaines et de la Révolution française jusqu’au renouveau démocratique est-européen de la fin du XXe siècle1. Mais, si l’alternative a suscité des débats et expériences essentiels, puis des études approfondies, dans des cadres nationaux2, on s’est plus rarement interrogé sur le principe et la nature, sur l’identité3 des « premières » (désormais parfois qualifiées de « secondes ») chambres ou assemblées (ou chambres « hautes », « sénats », « Chambre des lords », etc.), dans une perspective d’histoire comparée qui est l’objet du projet Senatus. Ces assemblées qui d’une manière générale n’ont pas la vocation de représenter la population de la société politique –ce qui les distingue profondément des chambres dites « basses »– souffrent du paradoxe d’après lequel leur existence ne procède pas de l’idée de démocratie au sens commun : leur institution se justifie le plus souvent par la volonté d’arrêter les « excès » démocratiques ou de compenser et corriger les déséquilibres effectifs ou supposés de la représentation démocratique majoritaire stricte. En d’autres termes, qu’elles soient composées par une aristocratie ou qu’elles émargent à un système électif (simple ou complexe, direct ou indirect), ces assemblées, qui prennent pourtant place dans les démocra1 Voir, en dernier lieu, G. Mossler, Problématique constitutionnelle du bicamérisme en Europe, thèse de droit Nancy II, 2007 ; Le bicamérisme dans le monde, Forum des Sénats du monde, 14 mars 2000, Palais du Luxembourg, Paris, 2000 2 Par exemple voir P. Smith, The senate of the Fifth french republic, New York, Palgrave Macmillan, 2009 ; Le Sénat de la Ve République : les cinquante ans d'une assemblée bicentenaire, journée d'études du 3 juin 2009, Palais du Luxembourg, Paris, 2009 ; E. Gibson, La Chambre des Lords ou l'exception britannique, thèse de droit Bordeaux IV, 2003. 3 Alors que le bicamérisme est le système politique comportant deux assemblées législatives, la seconde chambre, objet de ce projet, est l'organe permettant de caractériser un législatif de bicaméral, avec toutes les difficultés conceptuelles et juridiques qu'il peut soulever quant à ses attributions, le mode d'élection ou de désignation de ses membres et les conséquences de celui-ci. Par exemple, s'il existe bien deux chambres dans la Constitution du Directoire (22 août 1795), il est néanmoins possible de se demander si cet acte établit un réel bicamérisme ou ne consacre que la scission de l'organe législatif en deux conseils. Bicamérisme et seconde chambre sont donc des notions constitutionnellement bien distinctes. ties libérales modernes, sont parfois définies de manières négatives, comme les freins de la machine représentative, qui reste le principal et dont elles seraient l’accessoire. Et les sciences camérales ne parviennent pas tout à fait à dépasser ce préjugé. Les hautes assemblées des démocraties représentatives ont été étudiées et l’histoire de chacune d’elles est individuellement connue, toutefois elles n’ont guère été envisagées sous l’angle de la modélisation et de l’histoire comparée. Il s’agira donc de réfléchir sur les différents modèles de hautes assemblées, sur leur généalogie et genèse, sur les influences et liens éventuels entre les organes nationaux de même rang, comme cela a pu être fait pour les chambres « basses », les chefs d’État ou les justices constitutionnelles4. On s’interrogera sur l’existence même de ces modèles et de leurs influences réciproques, comme sur leur construction historique et théorique, et l’on recherchera, dans l’histoire des États d’où la haute assemblée est absente, les raisons et justifications de son absence. Le projet doit également intégrer un volet sur la typologie des sénats : une typologie qui peut s’articuler selon des critères différents, selon que l’on considère la structure de l’État (système unitaire, fédéral…), les rapports de forces politiques entre la branche législative et l’Exécutif ou au sein du « Parlement », la représentation de certains groupes d’intérêts de la société… Le projet s’attachera plus particulièrement au cadre européen et aux périodes moderne et contemporaine (jusqu’au XXIe siècle), comme espaces et temps privilégiés de l’émergence et de l’enracinement des hautes assemblées et de formation de leur culture. On n’exclura cependant pas les propositions portant sur des époques antérieures, car les leçons antiques, par exemple, peuvent éclairer le devenir des hautes assemblées, de même que le constitutionnalisme contemporain ne saurait suffire à pénétrer l’ensemble des questions soulevées. Le postulat du projet Senatus repose sur un type d’organe institutionnel et politique, abstraction faite des barrières temporelles et géographiques et dans le même esprit, la collaboration de différentes spécialités est souhaitée : Histoire du Droit et des Institutions, Droit constitutionnel, Théorie juridique, Philosophie, Histoire, Sociologie… Le projet Senatus se propose d’explorer de manière non limitative les axes suivants de réflexion : • Les généalogies, origines et genèses des hautes assemblées dans l’Antiquité, le Moyen Âge et les périodes modernes et contemporaines. Pour l’époque contemporaine, différentes strates historiques sont à prendre en compte : tantôt celle d’une constitution non-écrite (Royaume-Uni) ou des composants non-écrits même lorsqu’il existe une constitution écrite, tantôt celle des constitutions écrites introduites au XIXe siècle et, moyennant des modifications formelles et matérielles, encore en vigueur, tantôt des nouvelles constitutions (seconde moitié du XXe siècle) introduites dans un contexte politique particulier (par exemple, la Ve République en France, ou les constitutions en Europe de l’Est après 1990). • La définition commune et les dénominations diverses des hautes assemblées. • L’existence, la diffusion, la réception ou le rejet de modèles de hautes assemblées : dans quels États la haute assemblée est-elle perçue comme une nécessité constitutionnelle, ou au contraire comme un repoussoir ? Pour quelles raisons et selon quelles argumentations ? On inclura dans cette réflexion les éléments qui apparaissent dans les projets de constitution d’une part, dans les constitutions utopiques d’autre part. • Le lien entre hautes assemblées et forme de l'État : unitaire, fédéral, confédéral, 4 Voir notamment M. Fromont, La justice constitutionnelle dans le monde, Paris, Dalloz, 1996, p. 2-4. décentralisé ou reconnaissant une large autonomie aux régions ; le lien également entre la seconde chambre et les collectivités territoriales ; le rôle attribué aux hautes assemblées dans les États démocratiques et dans les États non-démocratiques. • Les réformes des hautes assemblées (Sénat français, Chambre des lords, …) : ces évolutions sont-elles uniquement fonction de l'équilibre politique national ou existerait-il, comme c'est le cas pour la justice constitutionnelle, des caractéristiques ou des constantes ? • La typologie des sénats, aussi bien en fonction de leur composition que de leurs compétences, ainsi que de leur rôle politique. • La haute assemblée dans l’Union européenne : les rapports entre Conseil de l'Union européenne et Parlement européen, de même que les propositions de créer une seconde chambre européenne, composée de représentants des différents pays, renvoient à une réflexion sur l'existence et la forme d'un « État européen ». • La composition des différentes hautes assemblées : la haute chambre, par essence, estelle le « refuge » d'une catégorie politique ou sociale, d’un type de discours ou de posture particuliers ? • L’activité des hautes assemblées peut-elle être caractérisée et distinguée à l’intérieur du pouvoir législatif ? Remplissent-elles, techniquement ou politiquement, des fonctions spécifiques ? Produisent-elles ou infléchissent-elles des normes de nature ou de caractères particuliers ? MODALITES PRATIQUES Les rendez-vous du projet « Senatus. Sénats et chambres hautes : histoire comparée » ont vocation à se dérouler successivement dans les sites mêmes où se déploie l’activité des hautes assemblées (Londres, Paris, Bruxelles…) et dans les lieux mêmes de leurs travaux, à raison d’une journée par site. La formule des réunions sera tantôt celle d’un colloque, tantôt celle d’une réunion de travail composée d’experts des différents systèmes nationaux concernés. Les communications pourront être présentées en français, anglais, espagnol, allemand et italien et devront être accompagnées, en tout état de cause, d’un résumé explicite et substantiel en français et en anglais (volumes à fixer). Les communications devront nécessairement comporter une dimension historique et comparatiste. - L’approche pluridisciplinaire et comparative impliquera des collaborations et soutiens d’institutions et associations diverses (notamment, l’Association des Sénats d’Europe, www.senato.it). - Le projet s’articulera tantôt à partir d’une comparaison de sénats particuliers (par exemple en fonction des projets de réforme en cours), tantôt à partir d’une thématique (par exemple sénats et régionalisation des structures étatiques). Les colloques feront l’objet de publications d’actes. La série d’actes publiés devra, selon un plan pré-établi, constituer l’amorce d’une publication de référence sur l’histoire comparative des sénats (européens).