Les étapes de la mise en œuvre d`une gestion de centre

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Les étapes de la mise en œuvre d`une gestion de centre
Les Cahiers de l’Urbanisme N° 70
Décembre 2008
Pierre-Yves Bolus
Atrium
Directeur
53
53-58
Les étapes de la mise en œuvre
d’une gestion de centre-ville intégrée
En 1996, lorsque Jean-Luc Calonger importa le
concept de town centre management01 en Belgique,
une révolution dans l’approche de la gestion de la
ville s’initia en Belgique francophone. L’approche
qu’il proposait de transposer à nos centres-villes
requérait une ouverture d’esprit considérable, à la
hauteur de l’innovation qu’elle représentait. Pour
prôner une telle innovation au sein d’un public
traditionnellement conformiste et protectionniste, il fallait un message fort. Les centres-villes
achevaient une lente mais longue période de déclin
et leurs acteurs économiques étaient amers mais
pas nécessairement prêts à tout pour redresser
la barre. La «périphérie»02 avait pris le dessus. La
plupart des centres-villes se vidaient de leurs commerces traditionnels. Le town centre management
proposait une approche révolutionnaire : pour la
première fois en Belgique, on parlait ouvertement
de partenariat public privé et d’une responsabilité
commune du privé et du public dans la dynamique
commerciale des centres-villes.
Le secteur privé et les commerçants en particulier
estimaient que devaient relever du ressort du seul
secteur public la gestion de la ville et la réduction
des nuisances que celle-ci génère. Une tradition
ancienne sous-entendait qu’en échange d’un impôt considéré comme élevé sur le continent03, un
ensemble de tâches incombaient exclusivement
aux pouvoirs publics. Ainsi la propreté, l’entretien
de l’espace public, la verdurisation, l’accessibilité… et bien entendu les fonctions régaliennes
(la sécurité notamment) devaient être assurés
par les pouvoirs publics – le commerçant ayant
comme seule tâche de faire tourner sa boutique
et de veiller à ce que les pouvoirs publics ne changent rien à l’ordre établi.
Le town centre management bouscula cet ordre
des choses en proposant une nouvelle approche,
transversale, une gestion globale d’un centre-ville,
au profit de sa dynamique commerciale, en partenariat avec tous ses acteurs.
Gérer le centre-ville
comme un centre commercial
La phrase choc qui allait incarner cette approche
permit rapidement de saisir l’ampleur de l’ambition
proposée. En annonçant que l’on allait reproduire
et appliquer les processus de gestion des centres
commerciaux aux centre-villes, on prenait l’ennemi
de toujours de front en le menaçant d’utiliser ses
propres armes. Cette phrase choc permit de résumer une méthode de travail complexe et dont les
fondements mêmes étaient distincts de la traditionnelle séparation entre les missions relevant de l’État
et celles incombant au secteur privé. Gérer le centre-ville comme un centre commercial représentait
avant tout une vision très forte et puissante dans un
contexte de concurrence entre le centre-ville et la
périphérie. Elle visait à responsabiliser les parties
prenantes du commerce de centre-ville – au premier
rang desquelles on comptait les associations de
Atrium
www.atrium.irisnet.be
[email protected]
01
Devenu «Gestion Centreville» en Wallonie,
«Centrummanagement» en
Flandre et «Management
de quartier commerçant»
à Bruxelles, le town centre
management consiste à
mener une gestion globale
d’un territoire commerçant
déterminé (quartier ou
centre-ville) en partenariat
avec toutes les parties
prenantes. Le projet a
débuté à Charleroi en 1996
et à Bruxelles en 1998.
Les structures mises en
place sont pilotées par des
managers ou gestionnaires
de centre-ville.
02
La périphérie a longtemps
été associée à la grande
distribution par le
petit commerce qui y
voyait un seul et même
ennemi commun dans sa
dimension économique et
géographique.
03
Au Royaume-Uni, c’est
justement l’absence d’impôt
élevé qui poussa le secteur
privé à prendre l’initiative
dans la mise en place des
partenariats de town centre
management au début des
années 1990.
54
Les actions combinées
de rénovation de façades
et d'harmonisation des
gabarits d'enseignes
impactent l'image globale
de la rue et accroissent son
attractivité.
© P.-Y. Bolus
commerçants – en les plaçant devant leurs responsabilités face à la perte de vitalité du centre-ville. Pour la première fois, les commerçants
entendaient que leur destin était aussi entre leurs
mains, les pouvoirs publics entendaient parler de
PPP (Partenariat Public Privé) et lentement une
nouvelle culture de la ville se mettait en place.
Une vision commune
Comme vision, la phrase faisait sens. Elle incarnait un objectif commun à partager pour guider
les actions et mettre en œuvre les actes permettant de viser l’objectif. Cette situation désirée
aida à ouvrir de nouveaux horizons et à penser
une situation future où les problèmes seraient
résolus : une accessibilité optimale, une gestion
des parkings, un marketing et des animations
commerciales professionnalisées, une propreté
et une sécurité optimale, une offre commerciale
équilibrée capable de drainer une clientèle importante, une image et une identité forte.
Il s’agissait bien d’une vision, d’une situation
désirée et dont la complexité était simplifiée et
résumée dans un slogan porteur de changement.
L’ambition transmise par cette phrase s’arrêtait
où commençaient les autres fonctions urbaines :
le logement et les bureaux notamment n’entraient
par définition pas dans le champ couvert par la
gestion centre-ville.
Cette vision permit aux différentes structures de
gestion de centre-ville de construire leur stratégie.
L’histoire du management de quartier commerçant en Région bruxelloise est l’histoire de
l’implémentation de cette méthode et de ces
divers aspects dans l’espace marchand urbain de
la capitale. Elle peut être divisée en trois grandes
étapes qui ont structuré les dix dernières années.
L’animation commerciale comme unique
stratégie de revitalisation
Dans le développement d’un centre-ville qui
fonctionne, tous les facteurs de réussite d’un
centre commercial doivent être pris en compte :
l’accessibilité, le marketing, l’entretien, le développement commercial et la gestion du foncier. Très
rapidement, dans la mise en œuvre du premier
projet de management de quartier commerçant,
il s’est avéré complexe de charger des structures
sans moyens financiers, d’initier des partenariats
avec le privé, pour améliorer globalement un aussi
grand nombre de fonctions urbaines. Devant la
multitude d’obstacles que les premiers managers
rencontraient dans le traitement des aspects les
plus complexes et sur lesquels jouaient un grand
nombre d’acteurs, la plupart adoptèrent une
position de repli. Face au grand nombre d’acteurs
se partageant les compétences relatives à la propreté, face à la faiblesse des moyens (humains et
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financiers) pour traiter à bras le corps ces sujets,
face à l’attitude de chasse gardée adoptée par
certains responsables politiques ou fonctionnaires pour qui il était difficile d’admettre que sur une
partie du territoire, fût-elle minime, en raison de
sa forte centralité, ils allaient perdre une partie de
leur compétence au profit d’une équipe nouvelle
appliquant des méthodes issues du secteur privé,
il fut plus aisé pour de nombreux managers de se
replier sur les aspects les plus demandés, les plus
simples ou les plus délaissés par les pouvoirs publics et acteurs privés des quartiers commerçants.
Parmi ces aspects, deux en particulier ressortaient
particulièrement du lot : l’animation commerciale
et le développement commercial. L’animation commerciale fut la matière la plus portée et demandée
par les acteurs locaux (échevins et associations de
commerçants voyant d’un excellent œil l’arrivée de
ceux qu’ils ont longtemps pensé pouvoir considérer comme permanent mis à leur disposition). Les
managers se virent inonder de demandes pour
organiser les animations traditionnelles ou pour
les professionnaliser. Le développement commercial, au sens d’une gestion professionnelle de
l’offre commerciale, fut également abordé et traité
sporadiquement par certains managers à l’échelle
de leur quartier. Quelques contacts avec des
groupes de distribution entraînèrent ça et là des
ouvertures de magasins.
Le premier triennat du projet bruxellois de
management de quartiers commerçants fut
caractérisé par l’animation commerciale comme
objectif prioritaire et s’appuya sur les associations de commerçants comme partie prenante,
moteur du projet. Les limites de ce modèle ont été
dénoncées par une évaluation en 2001 au terme
de laquelle la notion de stratégie transversale fut
inscrite dans le projet. Un processus de mise en
place de plans stratégiques locaux, par quartier,
s’ensuivit. Il fut accompagné par la mise en place
d’une équipe de géomarketing. La gestion stratégique appuyée sur un diagnostic était en marche bien que de façon embryonnaire. La mise en place
d’un outil de gestion put démarrer par la création
d’indicateurs de performance à même d’objectiver
le potentiel des quartiers pour entamer un travail
cohérent de développement commercial.
En 2004, à l’initiative de Charles Picqué de retour
aux commandes de la Région, le projet est évalué
et radicalement restructuré après un constat
criant : l’axe «animation commerciale» qui avait été
de fait privilégié s’est révélé peu propice à impacter la dynamique commerciale interne à la ville.
Il s’avère dès lors d’abord nécessaire de mener
une politique active de gestion de l’offre commerciale et de positionnement marketing des
quartiers. Le succès d’un centre commercial tient
en grande partie à son offre commerciale, une
répartition savante de grandes enseignes et de
plus petits commerces crée un parcours entre des
locomotives génératrices de trafic et une offre variée. Le mix est finement composé pour maximiser
l’attractivité et donc la fréquentation du complexe.
Ensuite, les quartiers commerçants révèlent
encore des difficultés structurelles majeures sur
lesquelles le projet n’est pas parvenu à agir. De
nombreux espaces souffrent d’une identité fragile
ou négative et cumulent des faiblesses bloquant
tout développement commercial.
Une stratégie régionale est alors élaborée, une
agence, Atrium, est créée, une équipe retail et real
estate est mise en place.
Professionnaliser le développement commercial
et définir un positionnement
Une nouvelle fonction est créée, le retail development manager. Elle développera un réseau d’enseignes et d’intermédiaires pour mener à l’échelle
de Bruxelles un travail de commercialisation basé
sur deux éléments clés : l’outil de gestion, d’une
part, OliGo, devenu un véritable outil de géo- et de
city-marketing éclairant les distributeurs sur le
potentiel effectif des artères commerçantes et la
connaissance pointue du terrain, grâce à un ancrage local dans les quartiers, d’autre part. Deux
éléments clés à même d’offrir une connaissance
unique de la réalité commerciale bruxelloise.
Une gestion de centre-ville
intégrée doit conduire
à terme à une offre
commerciale cohérente et
à des devantures rénovées.
© P.-Y. Bolus
La Région, par son Schéma de Développement
commercial, a pu définir les grandes lignes qui
doivent guider le développement commercial.
Il donne une vision d’ensemble et les grandes
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Le Meat Packing
District de New York
est particulièrement
illustratif : dans ce quartier
de grossistes en viande,
des créateurs de renom
international ont installé
leur point de vente parmi
d’anciens entrepôts.
© P.-Y. Bolus
orientations d’une stratégie d’implantation. À
l’échelle du quartier, Atrium a développé le
Schéma prospectif, un outil de positionnement
commercial inscrit dans une démarche plus large
de city marketing. L’approche est innovante à plus
d’un titre : tout d’abord le schéma prospectif est
un processus participatif et itératif qui s’appuie
sur les forces internes du quartier pour construire
un positionnement détaillé. Ensuite, il ne s’est pas
agi de créer un logo mais de créer une marque,
quelque chose de plus fort et de plus construit ;
c’est ainsi que Dansaert, Grand-Place, Helmet,
Karreveld, Flagey… sont devenus les marques qui
forment la mosaïque commerciale bruxelloise.
La démarche accompagnée d’une réflexion prospective comprend la définition de scénarios de développement et de mesures très concrètes à mettre en œuvre pour renforcer la marque créée. Des
urbanistes, consultants en marketing, communication et prospective ont formé une équipe pluridisciplinaire unique en son genre qui a produit plus de
150 mesures et une soixantaine de scénarios. Tous
les éléments repris dans les schémas forment un
outil pour les pouvoirs publics, enfin outillés d’une
grille de lecture de l’environnement commercial à
même de les éclairer sur l’identité des quartiers de
Bruxelles. Les schémas serviront de fil conducteur
aux actions futures du secteur public et du privé.
Corriger les déficiences de l’environnement
urbain par des interventions sur l’espace
public et donner une identité forte aux artères
commerciales
Pour maximiser l’intervention publique, la politique
de management de quartiers commerçants est
coordonnée avec les autres politiques de rénovation urbaine (Contrat de Quartier, Beliris…). À
la stratégie est également couplée l’injection de
moyens conséquents pour résoudre rapidement les
principales déficiences de l’environnement urbain.
Un projet plus centralisé et privilégiant clairement
l’action visible sur les espaces publics ou le bâti des
quartiers va générer de nombreux projets de partenariat public-privé. Les moyens nécessaires pour
créer des animations de qualité à même d’avoir un
impact sur la fréquentation du centre commercial
et sur son image sont à ce point importants que ni
les commerçants, ni les pouvoirs publics ne sont
disposés à les lever. Les mêmes montants publics
peuvent permettre de mobiliser plus d’argent privé
s’ils sont affectés à des actions de rénovation ou
d’embellissement : rénovation de façades et de
devantures, verdurisation, harmonisation d’enseignes… sont autant d’actions qui peuvent être
financés par des partenariats public-privé et qui
auront un impact de moyen, voire de long terme, sur
la cohérence et l’attractivité de la zone concernée.
Cette nouvelle stratégie s’est avérée gagnante
même si elle est plus complexe à mettre en œuvre
par les managers ou à porter par les commerçants et les échevins qui ne verront pas toujours
l’intérêt immédiat d’une politique d’embellissement à moyen et long terme.
Avec une stratégie construite et organisée autour
du développement commercial (analyse des
carences de l’offre, démarche de recherche active
de concepts commerciaux adaptés, accompagnement à l’implantation…) et des actions de PPP
pour corriger les déficiences de l’environnement,
le projet se complexifie. Non seulement la gestion
atteint, voire dépasse, la gestion d’un centre commercial mais elle intègre la complexité de la ville
et les fonctions qui ne peuvent pas être traitées
par les procédés des centres commerciaux. C’est
ainsi que des actions de traitement des chancres
ou de logements aux étages des immeubles commerciaux sont par exemple conduites.
S’appuyer sur le foncier
Toutefois pour parvenir à une gestion intégrée
de centre commercial, un élément fondamental
n’avait pas encore été abordé. Le centre commercial est généralement propriété d’une seule société qui doit en assurer une rentabilité globale et non
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à l’échelle de chacune des cellules qui le compose.
La propriété unique facilite la gestion stratégique
du foncier et une politique de loyers. Unique ou faiblement morcelée, la propriété permet une gestion
dynamique du foncier par l’application de loyers
différenciés à même de créer une offre complète
et répondant aux attentes des utilisateurs.
rer un cercle vertueux, d’agir en propriétaire mais
avec un objectif non plus de rentabilité immédiate
mais de création de valeur sur l’ensemble de la rue,
de pouvoir acquérir des biens, de les remembrer
le cas échéant, de démarcher l’enseigne la plus
adéquate, de déterminer le loyer maximum auquel
la locomotive souhaitée s’installerait dans l’artère…
C’est sur ce constat, complété par une analyse
de terrain pour identifier les caractéristiques de
chaque immeuble et une étude de benchmarking
européenne, que s’est imposée à Bruxelles la
nécessité de créer des outils de maîtrise foncière
adaptés au commerce.
D’autres situations se présentant dans les centres-villes pourraient également être corrigées
par une action sur le foncier. De nombreux jeunes
souhaitent ouvrir un magasin mais ne peuvent
décemment pas construire un business plan rentable avec un loyer de plus de 10.000 € par mois.
Les implantations commerciales sont principalement régies par la loi de l’offre et la demande.
Sur certaines artères, la demande est telle qu’elle
provoque des rotations successives de locataires
et une hausse continue des prix de l’immobilier. À
un certain niveau de prix, seuls certains secteurs
d’activité, principalement les grandes enseignes internationales du textile, peuvent encore
conquérir des mètres carrés. Dès lors, la plupart
des grandes artères des principales villes se ressemblent et offrent un mix de grandes enseignes
internationales de l’équipement de la personne.
Sans pour autant assister des entreprises qui
ne seront jamais viables, une intervention par la
mise à disposition d’un local à un prix plancher
et un loyer progressif lié au chiffre d’affaire, aide
la jeune entreprise à consacrer plus de moyens à
d’autres éléments importants comme le marketing, l’assortiment ou le design du point de vente.
Or, de nombreuses autres artères disposent d’un
potentiel et d’atouts capables de produire un
chiffre d’affaire important lorsqu’elles possèdent
un flux piétons et un profil de consommation
suffisants. Elles présentent généralement des
lacunes au niveau de leur mix commercial. Il leur
manque généralement un moteur, une locomotive,
pour créer un effet de levier et attirer des secteurs
confrères et/ou concurrents. Certaines enseignes
s’avouent d’ailleurs volontiers disposées à ouvrir
un point de vente dans certaines artères pour
autant que d’autres recherchant une clientèle de
même profil les suivent.
Pour favoriser ces implantations, un levier foncier
est nécessaire. Dans une logique de partage de risque, il doit permettre d’accroître l’offre et de géné-
Le commerçant qui débute opère des arbitrages
entre divers investissements au moment de se
lancer dans l’aventure du commerce. Souvent
c’est le design des aménagements du magasin ou
de la devanture qui en fait les frais, le loyer absorbant la majorité des recettes projetées.
Un levier foncier permettrait également de
résoudre le manque de diversité dans une rue
où l’offre se serait appauvrie 04, de créer ou d’appuyer l’émergence d’une spécialisation dans
un secteur d’activité, sur une artère particulière, de renforcer l’identité commerciale d’une
zone ou de créer des pôles nouveaux dans des
parties de la ville mal desservies, de redynamiser des artères, d’y combler des ruptures dans
le liseré commerçant, voire de reconvertir les
marges de certains liserés en logements pour
concentrer l’activité marchande sur le cœur du
quartier ou d’accompagner la relocalisation de
commerces isolés et la création de logements
aux étages d’immeubles.
04
C’est dans cette optique que
l’opération Vital Quartier
a été mise en place par la
Semaest à Paris.
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Un outil de maîtrise foncière doit aussi servir à
remembrer des surfaces commerciales dans
le tissu ancien des villes. Les surfaces des
immeubles anciens sont la plupart du temps
trop étroites pour répondre aux exigences du
commerce contemporain. Le regroupement de
plusieurs surfaces n’est pas toujours possible
via un accord entre les propriétaires privés
concernés. Là aussi un levier d’intervention public peut être utile. Cette situation se présente
aussi dans certaines galeries, particulièrement
celles développées après guerre et dont les
surfaces des magasins sont très petites et la
propriété, très morcelée.
Dans une ville polycentrique, où cohabite une
pléthore de noyaux commerciaux, la survie de
la plupart des pôles repose sur leur capacité à
générer une spécialisation ou une temporalité
spécifique. Un levier foncier est indispensable
pour renforcer la centralité, ou la poly-centralité
des villes, contre les développements de périphérie favorisant leur étalement.
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À ce titre, le cas du Meat
Packing District de New
York est particulièrement
illustratif : dans ce quartier
de grossistes en viande,
des créateurs de renom
international ont installé
leur point de vente parmi
d’anciens entrepôts.
La Semaest à Paris utilise
un levier foncier pour
maintenir du commerce de
proximité dans certains
quartiers.
© P.-Y. Bolus
Qu’il s’agisse de partager les risques liés à l’implantation commerciale dans des zones qui présentent
des faiblesses, d’encourager l’implantation de nouveaux concepts ou de compléter la diversité de l’offre commerciale, l’intervention par la prise de biens
sur le marché de l’immobilier commercial peut avoir
un impact remarquable en terme d’image.
Le commerce est à ce titre un formidable outil de
marketing territorial. Dans des villes comme New
York05, Barcelone, Berlin ou Londres, le commerce
a souvent été le pionnier de la reconversion de
zones dévitalisées de la ville. Son implantation
permet à un nouveau public de découvrir les
atouts cachés d’un quartier et de générer un cercle vertueux d’investissements privés et publics.
C’est souvent la conjonction d’investissements
publics dans l’espace public, avec l’apparition
spontanée ou accompagnée de commerces
nouveaux dans la zone concernée et son corollaire
la venue d’une nouvelle population qui pose les
bases de la redynamisation d’un quartier.
Les outils publics de maîtrise foncière que sont
les régies communales autonomes, le droit d’expropriation, d’acquisition, etc. sont des leviers utiles pour agir sur le commerce pour autant que les
choix d’opérations soient guidés par une expertise
pointue. Le commerce est une fonction fragile
dont les rouages cachent des modes de fonctionnement propres. Le town centre management
peut appuyer les Communes pour les guider dans
les choix, déterminer et rechercher les locataires
adéquats et fixer les loyers à prélever.
En région bruxelloise, certaines initiatives
pilotes sont en cours de développement dans le
cadre des politiques de rénovation urbaine. Elles
visent chaque fois à trouver le levier foncier le
plus adapté pour réussir une implantation de
commerce. Toutes ces pistes sont développées
avec Atrium.
Atrium a décidé d’aller de l’avant dans la réflexion
par la création d’un outil spécifique de maîtrise
foncière. Il a été mis en place avec des Fonds
structurels européens et un investissement
important de la Région. Le montage fera appel au
secteur privé qui sera largement mobilisé dans
le dispositif. Il devrait permettre d’acquérir en
six ans 20.000m² de surfaces commerciales, soit
près de 150 cellules.
Développer une gestion intégrée du foncier
La vision d’une gestion des centres-villes similaire à celle des centres commerciaux a permis
de guider la mise en place, pas à pas, d’une
gestion intégrée qui a progressivement englobé
d’autres aspects et s’est nourrie de la complexité de la ville pour se construire. Le contexte
urbain et commercial a évolué, la périphérie
(ses habitants et ses commerces) sont de retour
en ville. L’évolution du projet de town centre
management a conduit la Région bruxelloise à
dépasser la simple gestion du centre commercial
urbain pour intégrer d’autres aspects et d’autres
fonctions : le city marketing, la rénovation et
l’embellissement des commerces et la création
de logements notamment. Progressivement, les
outils se complètent et se professionnalisent : de
l’animation à la commercialisation accompagnée
par des outils de géomarketing, on en arrive à
la gestion du foncier. Il s’agit de l’aboutissement d’un long processus visant à recréer une
dynamique commerciale sur les centres-villes. Il
est probable que l’étape ultérieure d’implémentation de cette gestion intégrée de la ville vise le
management du patrimoine qui va être acquis via
les dispositifs de maîtrise foncière et la création
de sociétés publiques-privées de gestion des
rez-de-chaussée commerciaux des principales
artères marchandes.

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