Editions 2014 - Endettement privé: l`immobilier comme

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Editions 2014 - Endettement privé: l`immobilier comme
Zurich,
août 2014
Zürich,le9.26Oktober
2013
Economic Research
Eclairage
Wöchentlicher Marktausblick
Raiffeisen
Economic
Research
Raiffeisen
Economic
Research
[email protected]
[email protected]
Tél.
226
7474
4141
Tel.+41
+4144
044
226
Endettement privé: l'immobilier comme vecteur
La hausse drastique de l'endettement privé dans nombre de pays industrialisés s'est arrêtée avec la
crise financière. Les banques, qui financent en grande partie l'endettement privé en Europe continentale, ont enregistré ces dernières années de très importantes défaillances de crédit, notamment dans les
pays de la zone euro touchés par la crise de la dette, qui ont connu deux récessions successives.
Les dettes des ménages privés ont été excessivement tirées à la hausse par le boom immobilier qui,
dans la périphérie de la zone euro, a été encouragé du fait de la baisse massive des taux. Depuis l'éclatement de la bulle, le degré de capacité financière d'hypothèques s'est normalisé. Au niveau mondial,
c'est aux Etats-Unis que la correction est la plus avancée. En Suisse, le boom des dernières années n'a
certes pas autant facilité l'acquisition de biens immobiliers, les valeurs recensées en matière de capacité
financière restent toutefois modérées, hormis dans le scénario de taux d'intérêt extrême.
De même, la hausse en flèche de l'endettement des entreprises provenait surtout des crédits immobiliers. Outre un développement général des crédits internes aux groupes, la hausse excessive de l'endettement se concentrait sur le bâtiment et l'immobilier, alors que dans le secteur manufacturier, la part de
capitaux tiers n'a pas atteint un niveau trop élevé, même dans les pays touchés par la crise de la dette.
Le processus de désendettement est déjà bien avancé dans les pays surendettés tels que l'Irlande, l'Espagne et le Portugal, notamment grâce aux plans de sauvetage et à l'union bancaire. A l'inverse des
Etats-Unis et aussi du niveau constamment bas en Suisse, la part représentée par les crédits en souffrance reste toutefois élevée et continuera à freiner l'octroi de crédits. Cependant, dans le scénario
d'une reprise conjoncturelle durable, l'environnement de crédit devrait de plus en plus s'améliorer pour
le secteur privé.
Hausse en flèche de l'endettement
Pour de nombreux pays industrialisés, la courbe de
l'endettement n'a connu pendant une assez longue
période qu'une seule direction: vers le haut. Ces dernières années, c'était principalement la dette publique
qui se trouvait au cœur des préoccupations et s'est vu
gonfler en raison de gigantesques plans d'action visant
à stabiliser la conjoncture et plus spécialement à sauver le secteur financier. Parallèlement, les dépenses
sociales ont considérablement augmenté alors que les
recettes des Etats s'effondraient. Dans l'ensemble, un
mélange explosif. C'est en Irlande que l'effondrement
fiscal fut le plus fort. (cf. graphique 1).
Graphique 1: dette publique brute, en % du PIB
180
160
140
Et pourtant, les finances de l'Etat affichaient encore en
2006 un excédent budgétaire de +3% du PIB, notamment en raison du boom dans le secteur immobilier.
En revanche, l'Etat clôturait en 2010 ses comptes,
fortement grevés par la recapitalisation du secteur
bancaire, avec un déficit record de plus de -30% du
PIB. Dans le même temps, le taux d'endettement, très
bas au départ à 24%, s'envolait à désormais plus de
120%. A l'inverse, la Suisse était l'un des rares pays à
pouvoir ramener le taux d'endettement à un niveau
comparable à celui d'avant la crise.
Si l'on veut à l'avenir faire baisser à nouveau les taux
excessifs d'endettement public, on a besoin d'une
relance durable de la conjoncture, en plus de la réduction des déficits budgétaires. Dans ce contexte, un
marché du crédit fonctionnant bien, tant en termes
d'offre que de demande, constitue un facteur clé.
120
100
80
60
40
20
0
2007
2013
Sources: FMI, Raiffeisen Research
Economic Research
Charges drastiques pour le secteur bancaire
Du côté de l'offre, c'est-à-dire du secteur bancaire et
du marché des capitaux, une comparaison au niveau
international montre que la situation s'est avant tout
nettement améliorée aux Etats-Unis. En revanche, le
redressement du système bancaire dans les pays de la
zone euro touchés par la crise de la dette se fait attendre. Ceci tient d'une part au fait que l'engagement
des banques dans le financement des entreprises par
de résistance affichent, malgré les deux phases de
récession successives des dernières années, des critères
encore plus sévères avec, dans le scénario de simulation, une nette hausse des taux d'intérêt à long terme
et de fortes corrections au niveau des cours des actions et des prix de l'immobilier (cf. tableau 1). Ceci
devrait permettre dans tous les cas d'éviter les erreurs
commises au Japon où un retardement de l'apurement
des bilans bancaires a fortement restreint l'octroi de
crédits à l'économie sur une longue période de 15 ans.
capitaux étrangers est traditionnellement plus élevé en
Europe continentale que dans les pays anglo-saxons.
De ce fait, les bilans des banques étasuniennes étaient
moins grevés avant le début de la crise (graphique 2).
Graphique 2: crédits bancaires en % de l'endettement
total dans le secteur privé non financier (2013)
90
80
70
60
Tableau 1: tests de résistance bancaire,
scénario adverse
50
40
30
20
10
0
2011
2014
Ecart du scénario de base
Rendements des obligations d'Etat, Ø en bp
Cours des actions, en %
Prix de l'immobilier, en %
Prix de l'immobilier industriel, en %
75
-15.0
-9.7
-
152
-18.3
-19.2
-11.7
Quote-part capital minimal (CET1), en %
5.0
5.5
Sources: BRI, Raiffeisen Research
Sources: BCE, Eurostat, Raiffeisen Research
D'autre part, à l'inverse des Etats-Unis, la zone euro a
été doublement touchée après la crise des subprimes
en raison de la crise de la dette survenue en Grèce fin
2009. La crise des subprimes a certes été déclenchée
par le marché immobilier étasunien, mais elle a représenté une charge au moins aussi importante pour le
secteur financier européen du fait que les banques
européennes étaient largement engagées dans les
titres de créances titrisés étasuniens.
A l'inverse du secteur bancaire qui fait l'objet d'un
examen rigoureux, le côté de la demande, tout aussi
important, c'est-à-dire le besoin en crédit de la part du
secteur privé non financier, suscite beaucoup moins
l'attention de l'opinion publique. C'est pourquoi dans
l'analyse suivante, nous examinons en détail et comparons au niveau international l'évolution et la situation
de la dette des entreprises non financières ainsi que
des ménages privés afin d'en tirer des conclusions
concernant la durabilité du niveau actuel d'endettement de chacun des pays.
Cependant, les efforts dans la zone euro battent leur
plein afin de remettre durablement sur pied le secteur
bancaire d'ici l'année prochaine après le double choc
et de regagner la confiance, en premier lieu avec la
création d'une union bancaire. Cette dernière se base
essentiellement sur un contrôle bancaire communautaire, la possibilité de soutenir des banques présentant
des problèmes temporaires de liquidités, même en cas
extrême avec les aides provenant du fonds de sauvetage MES, ainsi que sur un mécanisme de résolution
pour les banques (single resolution mechanism) assorti
d'une cascade de responsabilités clairement définies.
Avant que la BCE ne se charge du contrôle bancaire de
quelque 130 banques de taille importante, leurs bilans
sont actuellement soumis à un contrôle de qualité
intense (asset quality review). Pour la première fois
seront appliqués dans ce contexte des standards uniformisés pour l'évaluation des valeurs patrimoniales et
des garanties ainsi que pour la prévoyance adéquate
des risques des banques. De plus, un test de résistance
(«stress test») sera réalisé sur la base de la nouvelle
évaluation des bilans. La publication des résultats
avant la prise en charge de la surveillance par la BCE
est prévue pour la mi-octobre. Les banques doivent
alors couvrir d'éventuels déficits au niveau des fonds
propres. On peut déjà observer, à une large échelle,
des mesures financières de prévoyance. Alors que les
tests de résistance réalisés à ce jour par l'Autorité bancaire européenne (ABE) ont été pour le moins peu
convaincants, la BCE annonce cette fois-ci une procédure plus sévère afin de ne pas laisser s'échapper la
dernière chance d'asseoir la crédibilité du secteur bancaire européen. Les détails publiés concernant le test
L'amélioration de la productivité ne justifie pas
un boom de l'endettement …
Avant de nous pencher sur les chiffres de l'endettement, jetons d'abord un œil sur le fonctionnement du
modèle de croissance «graissé» aux capitaux tiers. Le
potentiel de croissance d'une économie nationale est
déterminé à long terme par le progrès en productivité,
outre l'évolution démographique. L'octroi de crédits
permet certes de produire également un revenu et une
création de valeur supplémentaires. Toutefois, les
dépenses ainsi effectuées doivent être remboursées
dans le futur et font donc baisser le revenu disponible.
Ce moyen ne permet d'influencer durablement la
croissance de manière positive que si les crédits sont
utilisés avec succès pour des investissements visant
une hausse de la productivité. N'en fait donc définitivement pas partie un financement excessif de la consommation privée à l'aide de crédits, comme c'était
principalement le cas avant la crise financière. Il n'est
pas non plus raisonnable d'investir par exemple dans
des structures de vacances vides ou des complexes de
bureau non occupés ni dans des aéroports régionaux
surdimensionnés.
En théorie, le volume de crédit d'une économie nationale ne devrait donc pas dépasser à long terme le
progrès en productivité. Si les crédits octroyés dépassent considérablement la croissance nominale du PIB
sur une période relativement longue, la probabilité
2
d'une crise financière et d'une correction1 ultérieure
s'accroît, comme nous avons pu remarquablement
l'observer ces derniers temps. Les données à très long
terme sur le crédit aux Etats-Unis attestent le processus drastique d'ajustement suite à la «Grande dépression» (cf. graphique 3). Depuis le niveau le plus bas du
taux d'endettement de l'ensemble de l'économie à la
fin de la Seconde Guerre mondiale, la tendance n'a
jamais cessé d'évoluer vers le haut avec toutefois des
fluctuations. En particulier le ratio d'endettement des
ménages privés se situe bien au-dessus des niveaux les
plus élevés précédents, malgré la réduction de la dette
suite à la crise des subprimes.
tuelles tendances au surendettement. Même si,
comme il est dit plus haut, l'état de la dette devrait en
théorie suivre la courbe de la croissance, des changements structurels peuvent faire croître considérablement le taux d'endettement qu'une économie nationale est à même de «supporter». Si, par exemple, le
niveau de vie d'un pays augmente avec un niveau de
développement croissant, la hausse des revenus des
ménages permet pour la première fois à une part importante de la population d'avoir accès à des crédits. Il
en est à peu près de même concernant l'efficience des
systèmes de sécurité sociale. Plus la couverture contre
les risques sociaux est satisfaisante, moins il est nécessaire d'épargner pour se couvrir et plus grande est la
possibilité de dépenser plus en biens de consommation et d'investissement. Ceci constitue d'ailleurs une
priorité de la politique économique chinoise en vue de
réduire le taux d'épargne privée très élevé, plus de
30% du revenu disponible des ménages, et de stimuler
la demande intérieure. Par comparaison, le taux
d'épargne en Suisse est d'environ 13%. En outre, des
innovations financières peuvent, du moins partiellement, contribuer à une offre de crédit durablement
plus large et à un meilleur accès aux capitaux tiers,
grâce à une efficience accrue et plus grande flexibilité
en matière d'intermédiation de crédits.
Graphique 3: endettement étasunien par secteur, en %
du PIB
375
350
325
300
275
250
225
200
175
150
125
100
75
50
25
0
1929
1939
Ménages privés
1949
1959
1969
Entreprises non financières
1979
1989
Secteur financier
1999
GSEs*
2009
Une tendance à la baisse des taux d'intérêt accroît la capacité financière
Par ailleurs, la tendance baissière sur le long terme
concernant les taux d'intérêt («great moderation»)
joue un rôle important au niveau de l'évolution de la
capacité financière à supporter des dettes. Depuis le
durcissement de la politique monétaire de la Fed sous
Paul Volcker au début des années 1980 pour lutter
contre les taux d'inflation élevés suite à la crise pétrolière, la tendance au niveau des taux d'intérêt à long
terme est à la baisse dans le monde entier. Dans les
pays périphériques de la zone euro, connus autrefois
pour leurs taux élevés, cet effet a été particulièrement
considérable avec l'introduction de la monnaie unique
et d'une politique monétaire uniformisée et indépendante. En Espagne, les taux hypothécaires ont par
exemple chuté, passant de plus de 15% au début des
années 1990 à moins de 4% au milieu de la dernière
décennie (cf. graphique 5).
Secteur public
* Government Sponsored Enterprises (entre autres Fannie Mae,
Freddie Mac)
Sources: Fed, Raiffeisen Research
Dans bon nombre de pays, l'endettement privé a encore nettement plus augmenté qu'aux Etats-Unis (cf.
graphique 4). Le record est à nouveau détenu par
l'Irlande, avec une hausse drastique de l'endettement
des entreprises. La Suisse aussi affiche un taux d'endettement comparativement élevé, généré en revanche par les ménages privés. A l'inverse, il est intéressant de constater qu'en Italie, le taux du secteur
privé est bien inférieur à celui de l'Etat.
Graphique 4: endettement privé en % du PIB (4T13)
350
300
250
200
Graphique 5: moyenne des taux hypothécaires, en %
150
18
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16
50
14
0
12
10
Ménages privés
8
Entreprises non financières
6
Sources: BRI, Eurostat, Raiffeisen Research
4
… mais dans une certaine mesure des facteurs
structurels
Jeter un œil uniquement sur la simple relation dettesBIP ne suffit toutefois pas pour appréhender d'éven-
2
0
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012
Italie
Espagne
Irlande
Suisse
USA
Sources: Datastream, Raiffeisen Research
1
Drehmann M.: "Total credit as an early warning indicator for
systemic banking crisis"; BIS Quarterly Review June 2013
3
utilisées pour le financement de biens de consommation. Malgré la part élevée des crédits à la consommation, le taux global d'endettement des ménages américains continue à se situer sous la moyenne (cf. graphique 7). En Suisse, la part des crédits à la consommation est particulièrement faible (cf. graphique 6). En
revanche, le taux de dettes hypothécaires affiche, avec
les Pays-Bas, le niveau le plus élevé.
De ce fait, la capacité financière du financement de
l'immobilier s'est même longtemps encore améliorée
en dépit de la forte hausse des prix de l'immobilier. Ce
n'est qu'avec le cycle de relèvement des taux pratiqué
par la BCE avant la crise financière que la tendance
s'est renversée.
Il existe donc de solides raisons de penser qu'une tendance haussière à long terme du taux d'endettement
ne signifie pas automatiquement un surendettement.
Cependant, il semble également peu probable qu'une
hausse constante et forte des taux d'endettement
dans un pays à l'économie développé soit durable. On
ne peut donc pas simplement prolonger la courbe de
la tendance. On ne peut pas non plus partir du principe que le fait que les taux d'endettement reviennent
à leur tendance initiale après leur explosion signifie
une correction durable. C'est d'autant plus le cas
qu'entretemps les taux d'intérêt ont vraisemblablement atteints le creux de la vague.
La hausse excessive de l'endettement des ménages
dans certains pays est donc à imputer globalement au
financement direct et partiellement indirect de biens
immobiliers.
Graphique 7: endettement des ménages (total), en %
du PIB (Irlande 2001 au lieu de 1999).
140
120
100
80
60
Afin de se prononcer sur «l'adéquation» de l'endettement privé dans les différents pays, il est nécessaire de
jeter un œil sur les structures et conditions nationales
du marché du crédit pour les divers secteurs.
40
20
0
Les ménages privés s'endettent principalement
pour l'achat d'une maison
Examinons tout d'abord les ménages privés. Leur endettement provient essentiellement du financement
immobilier. La part des crédits à la consommation est
comparativement faible dans la plupart des pays, les
pays anglo-saxons constituant toutefois une exception.
Aux Etats-Unis, les ménages privés financent une part
beaucoup plus importante de leurs dépenses de consommation à crédit (cf. graphique 6). La titrisation
largement répandue des crédits pour l'achat de voitures ou les études joue, dans ce cas, un rôle de soutien.
1999
2013
Sources: BRI, Datastream, Raiffeisen Research
Montant de l'endettement faussé par la politique
Le degré d'endettement hypothécaire est essentiellement influencé par des conditions cadres réglementaires et fiscales au niveau national. Deux facteurs
sortent notamment du lot. Premièrement, la pondération politique du subventionnement de la construction
de logements. En raison de l'engagement très variable
du secteur public dans la construction de logements
sociaux, de grandes différences au niveau du droit du
bail et donc de l'encouragement à proposer des logements en location ainsi qu'en raison de différents programmes d'aide à l'accession à la propriété, le taux de
propriétaires varie énormément d'un pays à l'autre (cf.
graphique 8).
Graphique 6: crédits à la consommation des ménages
privés, en % du PIB
26
24
22
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
Graphique 8: taux de propriétaires en % de tous les
ménages (2012)
90
80
70
60
50
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
USA Crédits à la consommation
Suisse Crédits à la consommation
40
USA Home Equity Loans
Zone euro Crédits à la consommation
30
Sources: BNS, BCE, Fed, Raiffeisen Research
20
10
Durant la décennie avant la crise financière, les crédits
à la consommation évoluaient dans une large mesure
parallèlement au PIB. Il n'y a ici aucun signal indiquant
une hausse excessive, même pour ce qui est des EtatsUnis. Cependant, durant le boom immobilier, le volume des crédits immobiliers («Home Equity Loans»)
s'est considérablement accru (cf. graphique 6). Ces
crédits sont des hypothèques revues à la hausse et
0
Sources: Eurostat, Raiffeisen Research
Plus le taux de propriétaires est élevé, plus la demande
de financements hypothécaires de la part des ménages
privés est tendanciellement élevée. Par conséquent, le
4
Même la Suisse a réagi pour ce qui est du nantissement. Dans un premier temps, les banques ont alourdi
par deux fois les exigences minimales pour le financement hypothécaire via l'autorégulation. Depuis juillet
2012, il est exigé un minimum de 10% de fonds
propres qui ne doivent pas provenir de l'avoir du 2e
pilier. Par ailleurs, il a été décidé en juin 2014 que les
nouvelles hypothèques doivent être amorties de manière linéaire aux deux tiers de la valeur de nantissement dans un délai de 15 ans, en appliquant toutefois
d'une manière générale le principe de la valeur minimale pour le nantissement. Deuxièmement, en cas de
non-respect et de valeur de nantissement supérieure à
80% de la valeur vénale, la banque doit déposer des
fonds propres plus élevés. La déductibilité des intérêts
reste toutefois inchangée. Lors des consultations avec
le FMI l'an dernier, les représentants suisses ont fait
remarquer à ce sujet qu'ils estimaient le soutien politique à cette question comme étant faible et que, de
ce fait, des réformes semblaient peu probables. Le
Conseil fédéral émet même des réserves en matière de
règles concrètes concernant la capacité financière,
telles qu'un plafond pour la part des intérêts indicatifs
dans le revenu du ménage qui, selon des analyses
empiriques, font partie des mesures macroprudentielles les plus efficaces pour ralentir la dynamique du marché de l'immobilier. Selon lui, cela restreindrait beaucoup trop la liberté contractuelle individuelle2. A l'opposé, la Bank of England vient de décider fin juin 2014 que les banques ne peuvent plus
octroyer de nouvelles hypothèques représentant plus
de 4,5 fois le revenu d'un foyer que sous certaines
conditions.
haut niveau d'endettement des ménages espagnols ne
doit pas nous étonner. Toutefois cette relation n'est
pas impérative. L'Italie par exemple affiche en effet un
taux d'endettement des ménages inférieur malgré un
taux de propriétaires élevé. Comme nous l'avons déjà
mentionné plus haut, le cas de la Suisse est en revanche totalement inverse.
La politique étasunienne d'accession à la propriété
avant la crise des subprimes représentait également un
cas classique de régulation déformatrice. Cela commença dès 1994 sous la présidence de Clinton avec la
réforme du «Community Reinvestment Act» qui incitait
davantage les banques à accorder plus de crédits aux
ménages à faibles revenus. Les prix immobiliers et le
taux de propriétaires ont été tirés à la hausse du fait
de l'octroi de crédits à des ménages qui ne répondaient pas aux critères habituels de capacité financière
pour l'acquisition d'un bien immobilier. Par conséquent, la correction du taux étasunien de propriétaires
qui, ces dernières années, tend à retrouver son niveau
d'avant le boom, n'a rien de surprenant (cf. graphique
9).
Graphique 9: taux de propriétaires en % de tous les
ménages
70
69
68
67
66
65
Face au volume d'hypothèques élevé en Suisse et aux
Pays-Bas, faussé par les incitations politiques, on
trouve à l'opposé des patrimoines financiers nets proportionnellement élevés (cf. graphique 10) qui sont
dominés par des créances privées de retraite et d'assurance. Le patrimoine sert entre autres à rembourser
plus tard la dette hypothécaire. Ce matelas financier
relativise naturellement le niveau élevé de l'endettement brut. Il est cependant difficile d'évaluer dans
quelle mesure, en cas de scénario adverse, ce matelas
adoucirait la dégradation de la capacité financière à
supporter des dettes. En effet, ces valeurs patrimoniales ne sont pas toujours disponibles à court terme
pour couvrir les frais de financement.
64
63
62
1T85 1T87 1T89 1T91 1T93 1T95 1T97 1T99 1T01 1T03 1T05 1T07 1T09 1T11 1T13
Sources: Recensement US, Raiffeisen Research
Deuxièmement, le traitement fiscal des patrimoines
immobiliers peut influencer le montant des hypothèques. La Suisse constitue en cela un très bon
exemple. A l'inverse de la plupart des autres pays, la
Suisse permet de faire valoir dans la déclaration des
revenus un bien immobilier privé à usage propre. Une
valeur locative fictive est ajoutée aux revenus imposables. En contrepartie, les intérêts hypothécaires correspondants peuvent être défalqués dans leur intégralité. D'une manière générale, ce système réduit l'incitation à amortir les dettes hypothécaires.
Graphique 10: bilan patrimonial des ménages suisses
Aux Pays-Bas, la déductibilité fiscale des intérêts débiteurs a également freiné le remboursement des dettes.
Par ailleurs, la possibilité dont disposent les banques à
accorder des hypothèques supérieures à la valeur de
marché du bien immobilier (valeur de nantissement
>100%) a renforcé cette tendance. Le gouvernement
néerlandais a depuis pris des mesures pour réduire les
incitations indésirables, en restreignant notamment la
déductibilité des intérêts et en fixant un montant de
nantissement maximal.
2200
500
2000
450
1800
400
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350
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0
0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
Patrimoine financier (y compris prétentions envers ass. privées/caisses de retraite), mia.
Dettes hypothécaires, mia.
Patrimoine financier en % des dettes hypothécaires (éch. droite)
Sources: BNS, Raiffeisen Research
2
5
IMF Country Report No. 13/128
Valeurs de capacité financière actuellement dans
une large mesure «tolérable»
Pour mesurer «l'adéquation» de l'endettement, nous
calculons finalement les valeurs de capacité financière
pour les financements hypothécaires. Pour ce faire, on
établit quelle part du revenu net disponible un ménage
doit mettre à disposition afin de rembourser un financement hypothécaire aux conditions usuelles du marché. Plus cette part est élevée, plus il existe le risque
que le débiteur ne puisse plus rembourser ses dettes
en cas de baisse des revenus, de chômage ou de dégradation des conditions de financement. Une simple
«règle d'or» du financement dit que le service de la
dette ne doit pas être supérieure au tiers des revenus
d'un ménage. Des comparaisons au niveau international montrent qu'au-delà de ce plafond, la probabilité
pour le débiteur d'être confronté à des difficultés de
paiement s'accroît considérablement3.
dernières années, les Suisses acquéreurs d'un bien
immobilier ont payé un peu moins de 3,0% d'intérêt,
soit un à deux points de moins que dans les autres
pays. Le niveau bas des intérêts en Suisse pour des
raisons historiques et structurelles se base principalement sur un environnement économique et politique
stable assorti de finances publiques solides, qu'il convient de maintenir à l'avenir. De plus, les conditions
hypothécaires actuelles de l'ordre de 20% en moyenne
ne permettent pas d'établir une valeur de capacité
financière supérieure à la moyenne voire même critique (cf. graphique 11).
Graphique 11: capacité financière: service de la dette
en % du revenu médian disponible pour un achat avec
20% de capitaux propres (intérêts +1% de forfait pour
les coûts d'entretien)
50
45
40
Tout d'abord, nous comparons les valeurs que nous
avons calculées pour une acquisition nouvelle d'un
bien immobilier selon différents scénarios. Juste avant
que la crise financière de 2008 n'éclate, alors que le
boom des prix immobiliers était dans de nombreux
pays industrialisés à son paroxysme, les valeurs étaient
bien trop élevées (cf. voir graphique 11) dans les pays
périphériques de la zone euro ainsi qu'en GrandeBretagne. Depuis, la situation a été désamorcée en
raison de la correction partiellement considérable des
prix de l'immobilier, des amortissements des crédits
ainsi que de l'assouplissement de la politique monétaire. Quant aux intérêts hypothécaires actuels, les
valeurs de capacité financière sont revenues à un niveau acceptable, et tout particulièrement aux EtatsUnis. En raison de la forte concentration des problèmes de financement dans le segment subprime, les
Etats-Unis peuvent être considérés dans ce contexte
comme un cas particulier. Les valeurs de capacité financière n'étaient en moyenne pas critiques, même au
paroxysme du boom immobilier, mais d'autant plus
pour les ménages à faibles revenus qui ont été incités
à acheter une maison.
35
30
25
20
15
10
5
0
2007/8, taux moyen
Act., 5%
Source: Raiffeisen Research
Comme présenté ci-dessus, les valeurs de capacité
financière pour une acquisition nouvelle peuvent se
modifier rapidement en cas de fortes fluctuations des
prix et de modifications des conditions de financement. En revanche, ceci ne s'applique pas dans la
même mesure pour la charge que constituent les financements hypothécaires actuels. En jetant un œil sur
la structure des hypothèques dans les différents pays,
nous obtenons un supplément d'informations primordiales concernant «l'adéquation» de l'endettement des
ménages. Des enquêtes récentes fournissent des données au sujet des valeurs médianes de la dette hypothécaire des ménages ayant contracté une hypothèque, c'est-à-dire que ces données ne sont pas faussées par le taux de propriétaires propre au pays ou la
part des preneurs d'hypothèque dans le nombre total
des ménages. Comparativement aux chiffres pour les
acquisitions nouvelles de biens immobiliers, cette approche fournit d'une manière générale des montants
d'hypothèque moins élevés par financement, en raison
des amortissements déjà réalisés.
Et même dans le scénario d'un taux d'intérêt indicatif
de 5% (+1% de forfait annuel pour les coûts d'entretien, soit une charge totale de 6%), la «règle d'or» du
financement n'est, dans l'ensemble, actuellement plus
enfreinte dans les pays touchés par la bulle.
En Grande-Bretagne en revanche, la valeur-seuil de la
«règle d'or» du financement a été dernièrement à
nouveau atteinte, du fait de l'accélération des prix de
l'immobilier attisée par des subventions publiques. En
Suisse également, la valeur pour le scénario avec un
intérêt de 5% s'est accrue, prenant la première place,
suite aux fortes hausses des prix de l'immobilier ces
dernières années, ce qui, par nature, laisse en fait
conclure à un risque élevé. Cependant, la moyenne
des taux d'intérêt pour les financements hypothécaires
se situait en Suisse bien en-dessous de la marque des
5% depuis le milieu des années 1990, à l'inverse de
tous les autres pays considérés. En moyenne sur les dix
3
Act., taux moyen
En calculant de la sorte, la valeur de capacité financière se réduit pour tous les pays, mais de manière très
différente. Alors que les données pour les Pays-Bas,
l'Irlande et les Etats-Unis n'affichent qu'un faible recul
par rapport à une acquisition nouvelle, la valeur de
capacité financière pour le Portugal se réduit par
exemple à un tiers. De même pour la Suisse, en calculant sur la base du taux d'intérêt moyen actuel pour les
hypothèques, nous obtenons une réduction de moitié,
se situant à un taux très modéré de 10% (cf. graphique 12). Si, en plus, nous tenons compte de l'incita-
Bank of England, Financial Stability Report, June 2014
6
des taux d'intérêt. On s'attend actuellement à une
première hausse du taux d'intérêt, mais toutefois pas
avant 2016. Les effets négatifs d'une hausse rapide
des taux d'intérêt sur le marché des capitaux ont pu
être observés l'an dernier aux Etats-Unis. L'annonce du
«tapering» par Ben Bernanke, alors président de la
Fed, a fait grimper les rendements pour les US Treasuries et, de ce fait, également les taux d'intérêt à long
terme des hypothèques. Le taux d'intérêt des hypothèques fixes à 30 ans est ainsi passé en peu de temps
de 3,4% à 4,6%. On a pu ensuite constater une forte
correction des autorisations pour de nouvelles hypothèques, freinant ainsi la reprise sur le marché immobilier (cf. graphique 14).
tion à un faible amortissement engendrée par le système fiscal suisse, l'évaluation de la situation aboutit à
un résultat encore meilleur.
Graphique 12: capacité financière: service de la dette
en % du revenu médian disponible pour le taux d'intérêt moyen
25
20
15
10
5
Graphique 14: la hausse du taux d'intérêt freine la
reprise sur le marché étatsunien de l'immobilier
0
4.8
220
Acquisition nouvelle
Hypothèque médiane
4.6
210
4.4
Source: Raiffeisen Research
200
Haute sensibilité aux taux d'intérêt dans les pays
périphériques de la zone euro
La rapidité à laquelle des taux d'intérêt plus élevés se
répercutent sur le service de la dette des financements
en cours dépend de la durée pour laquelle le taux
d'intérêt appliqué aux crédits hypothécaires est fixe.
Plus la part d'intérêt variable est élevée, plus la capacité financière du portefeuille de financement immobilier
se dégrade rapidement en raison des augmentations
des taux d'intérêt. Les statistiques nationales relatives
aux crédits montrent pour la France et l'Allemagne
une très forte proportion d'hypothèques avec un intérêt fixe pour une durée relativement longue (cf. graphique 13). Même en Suisse, la proportion d'hypothèques présentant un intérêt fixe pour une durée
résiduelle de plus d'un an est encore très élevée. En
Italie, nous observons un mélange équilibré. Les autres
pays de la zone euro touchés par la crise de la dette
affichent en revanche une très haute proportion d'hypothèques à intérêt variable. C'est dans ces pays que
les répercussions à court terme d'une hausse du taux
d'intérêt seraient les plus fortes sur le service de la
dette par les ménages privés.
4.2
190
4.0
180
3.8
3.6
170
3.4
160
3.2
3.0
150
Jan 12
Jul 12
Jan 13
Autorisations d'hypothèques (indice)
Jul 13
Jan 14
Taux hypothécaire, 30 ans (éch. droite)
Sources: Bloomberg, Raiffeisen Research
En résumé, les données relatives à l'endettement des
ménages privés montrent que la capacité financière
dans les pays analysés ne présente, dans l'ensemble,
pas (ou plus) de valeurs excessives. Dans les pays touchés par la bulle, la situation s'est déjà bien normalisée
au cours des dernières années.
En Suisse, les valeurs recensées en matière de capacité
financière n'accusent pas de niveaux critiques, malgré
la forte hausse des prix de l'immobilier ces dernières
années. Hormis dans le cas peu probable du scénario à
5%, les valeurs restent modérées, en dépit d'un endettement brut plus élevé dû au système. Si, comme nous
l'attendons, la dynamique sur le marché immobilier
suisse devait continuer à faiblir, les valeurs de capacité
financière ne devraient nullement atteindre, même à
l'avenir, un niveau dangereux, comme ce fut le cas au
début des années 1990, avec, au plus fort de la crise,
une valeur de capacité financière pour les acquisitions
nouvelles de biens immobiliers dépassant 90%.
Graphique 13: proportion des hypothèques avec une
période initiale de fixation du taux < 1 an, en % (2013)
90
80
70
60
50
Les crédits internes aux groupes gonflent l'endettement des entreprises
Venons-en aux entreprises. Comme pour les ménages
privés, il existe dans le secteur des entreprises une très
grande divergence au niveau des taux d'endettement
nationaux et de leur évolution avant la crise financière.
40
30
20
10
0
L'endettement des entreprises aux Etats-Unis n'a pas
connu une envolée de l'envergure de celle des ménages. La hausse en amont de la crise financière a été
beaucoup plus tempérée. Sur le plan international, le
taux reste comparativement modéré. C'est aussi le cas
Sources: BCE, BNS, Raiffeisen Research
Il s'agit d'un facteur important dont la BCE tiendra
vraisemblablement compte dans sa décision concernant le début et l'étendue d'une future normalisation
7
Graphique 16: endettement des entreprises non financières, en % du PIB (2012)
pour l'Italie où tant l'endettement des ménages privés
que celui des entreprises non financières affichent un
niveau inférieur à celui de l'Etat. En Suisse également,
le taux d'endettement des entreprises n'est pas trop
élevé. Il en est tout autrement pour l'Espagne, le Portugal et surtout pour l'Irlande (cf. graphique 15).
225
200
175
150
125
100
Graphique 15: endettement brut des entreprises non
financières, en % du PIB (Irlande 2001 au lieu de 1999)
75
220
50
200
25
180
0
160
140
120
100
Consolidé
Crédits internes aux groupes (pour autant que calculés)
Sources: BRI, Eurostat, Raiffeisen Research
80
60
40
Les crédits immobiliers dominent également le
surendettement des entreprises
L'analyse du secteur des ménages a montré une concentration de l'endettement dans le domaine immobilier. Il est intéressant de constater que la hausse massive de l'endettement des entreprises dans les pays
périphériques est essentiellement liée au boom du
marché immobilier.
20
0
1999
2013
Sources: BRI, Eurostat, Raiffeisen Research
La forte hausse de l'endettement brut dans certains
pays est toutefois considérablement faussée vers le
haut. Les imbrications toujours plus importantes au
niveau international dans le secteur des entreprises ont
entraîné une hausse conséquente de l'endettement
non consolidé des entreprises du fait du développement massif des crédits internes aux groupes (intracompany loans). Les stratégies développées en vue
d'échapper à l'impôt jouent dans ce contexte un rôle
important. Dans la zone euro, la part des crédits internes aux groupes enregistrée statistiquement dans le
PIB a triplé depuis 1995, dépassant 15%. Dans la plupart des pays touchés par la crise de la dette, ce facteur a eu une influence notable sur la hausse de l'endettement des entreprises. En tête de liste, on trouve
l'Irlande et le Portugal avec une part de plus de 25%
du PIB (cf. graphique 16). Cependant, cette part a
également considérablement augmenté en Espagne. A
l'inverse, ces crédits ont une faible importance en
Italie. Corrigés de cet effet, les taux d'endettement
consolidé des pays surendettés sont déjà sensiblement
plus bas. Il faut en outre prendre en compte que les
données consolidées disponibles ne sont pas corrigées
des «intra-company loans» (crédits internes aux
groupes) des sociétés mères ou filiales étrangères. Si
l'on en tient compte, le niveau d'endettement «effectif» devrait encore une fois être nettement plus faible
que ce qu'affichent les données brutes, notamment en
Irlande où la proportion de multinationales contribuant à la création de valeur est particulièrement élevée. En Suisse aussi, les taux corrigés devraient, en
raison de l'ampleur de l'internationalisation de l'économie, s'avérer sensiblement plus faibles que la valeur
uniquement sans les «intra-company loans» qui est de
l'ordre de 85% (cf. graphique 16).
Si, outre le ratio entre dettes et PIB, on considère également la proportion des dettes par rapport à l'ensemble du patrimoine ou du total du bilan des entreprises non financières, on obtient une tout autre
image pour les pays surendettés. Au Portugal, en Espagne et en Irlande, non seulement l'endettement,
mais aussi l'évaluation des patrimoines soumis se sont
accrus avant la crise nettement plus rapidement que
l'économie proprement dite. De ce fait, le montant des
«garanties» des entreprises a progressé en conséquence. Cette évolution fut, comme il fallait s'y attendre, particulièrement frappante en Irlande. Dans les
trois pays, l'endettement excessif peut s'expliquer
presque exclusivement par la hausse des valeurs patrimoniales (cf. graphique 17).
Graphique 17: endettement des entreprises non
financières
200
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
1995
1997
1999
2001
2003
Espagne, en % du total du bilan
Irlande, en % du total du bilan
Portugal, en % du total du bilan
2005
2007
2009
2011
Espagne, en % du PIB
Irlande, en % du PIB
Portugal, en % du PIB
Sources: Eurostat, Raiffeisen Research
Cependant, toutes les branches n'ont pas connu cette
poussée. Comme nous l'avons déjà laissé entendre
plus haut, on peut identifier au niveau des secteurs un
vecteur principal évident, à savoir le secteur de la construction et de l'immobilier. Avec la formation de la
bulle des prix de l'immobilier, les bilans des entreprises
de ces deux secteurs ont extrêmement gonflé, alors
8
Graphique 20: secteur manufacturier; dépenses d'intérêts en % de l'EBITDA (aucune donnée disponible pour
l'Irlande)
que, par exemple, le secteur manufacturier affichait
une évolution semblable à celle du PIB. C'est ce que
confirment les données par secteur disponibles pour
l'Espagne (cf. graphique 18). On a pu également constater un phénomène similaire en Irlande et au Portugal.
40
30
Graphique 18: crédits aux entreprises et PIB en
Espagne, indice (1T95=100)
20
2500
2300
10
2100
1900
1700
0
1500
1300
Espagne
Allemagne
2001
1100
France
Portugal
2012
Sources: BACH, Raiffeisen Research
900
700
Les banques doivent définitivement régler les
anciennes charges
En Espagne, au Portugal et en Irlande, le secteur financier a connu une vaste restructuration dans le cadre
des plans de sauvetage des dernières années. Entretemps, les crédits en souffrance qui ont considérablement augmenté ont été en grande partie pris en
compte dans les bilans des banques et compensés à
l'aide d'importantes recapitalisations du système bancaire. C'est en Espagne et en Irlande que le processus
de désendettement a le plus progressé. La fondation
de «bad banks» (respectivement NAMA et Sareb) a
permis de donner un coup de pouce à l'élimination du
portefeuille de crédits toxiques. Dans les deux pays, le
volume des crédits bancaires accordés à des entreprises du secteur du bâtiment et de l'immobilier s'est
réduit de moitié par rapport au niveau le plus haut (cf.
graphique 21). A cet égard, l'ajustement est moins
avancé au Portugal qui, toutefois, n'avait pas connu
une hausse aussi excessive des prix de l'immobilier
avant la crise. L'apurement des bilans se déroule ainsi
relativement vite dans les pays touchés par la crise,
comme aux Etats-Unis. C'est également ce que montre
une comparaison avec le processus d'ajustement qui a
eu lieu en Suisse après l'éclatement de la bulle immobilière dans les années 1990. A l'époque, il avait fallu
douze ans pour que le volume de crédit du secteur du
bâtiment se réduise de moitié puis se stabilise définitivement (cf. graphique 21). La correction en Irlande
devrait désormais être dans une large mesure terminée. Car selon les calculs de la banque centrale irlandaise, le patrimoine immobilier soumis à des crédits
s'est également réduit de moitié depuis 2007, avant
de repartir à la hausse fin 2013. Actuellement, les prix
de l'immobilier en Irlande ont sensiblement augmenté
par rapport à l'année dernière. Un nouveau cycle de
prix immobiliers élevés présente toutefois à moyen
terme le risque que les valeurs de capacité financière
comparativement plus élevées n'atteignent à nouveau
un niveau critique. Ceci vaut également pour la
Grande-Bretagne où le gouvernement a poussé les prix
de l'immobilier à la hausse, avec son nouveau programme d'aide à la propriété «help to buy». En Espagne et au Portugal, on a pu en revanche constater
au premier semestre 2014 un nouveau recul des prix
de l'immobilier par rapport à l'année précédente.
500
300
100
Italie
1T95
1T97
1T99
1T01
Secteur manufacturier
1T03
1T05
Construction
1T07
1T09
Immobilier
1T11
1T13
PIB
Sources: Banco de España, Raiffeisen Research
L'hétérogénéité de la situation en termes d'endettement signifie par conséquent aussi des niveaux de
capacité financière très différents d'un secteur à
l'autre. La charge d'intérêts en pourcent du résultat
brut d'exploitation s'est déjà accrue de manière dramatique pour les entreprises du bâtiment en raison du
cycle d'augmentation du taux d'intérêt de la BCE durant la phase de boom et ensuite, après l'éclatement
de la bulle durant la double récession, en raison de
l'effondrement des chiffres d'affaires dans les pays
surendettés (cf. graphique 19).
Graphique 19: entreprises du bâtiment, dépenses
d'intérêts en % de l'EBITDA (aucune donnée disponible
pour l'Irlande)
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
Allemagne
France
Italie
2001
Espagne
Portugal
2012
Sources: BACH, Raiffeisen Research
En revanche, malgré la sévère récession, la capacité
financière s'est beaucoup mieux maintenue dans le
secteur manufacturier, avec des valeurs semblables par
exemple à l'Allemagne (cf. graphique 20). De ce fait,
ce secteur, même pour les pays surendettés, n'aura
globalement pas besoin d'une correction particulière
en cas de reprise conjoncturelle durable.
9
Graphique 21: crédits bancaires accordés aux entreprises du bâtiment et de l'immobilier (point le plus
haut des crédits=T, en trimestres)
Un règlement rapide des anciennes charges et surtout
une reprise conjoncturelle durable sont désormais
déterminants pour pouvoir récolter les fruits des sévères ajustements. Un revirement de tendance clair et
net en termes d'insolvabilité des entreprises et sur le
marché du travail constitue la condition préalable pour
que le besoin d'apurement des banques et des preneurs de crédit ne reparte pas à la hausse, mais décroisse progressivement. Dans le scénario de base
d'une reprise modérée et continue de la conjoncture,
l'octroi de crédit dans la zone euro devrait connaître
un regain d'activité dans un proche avenir. Il ne faut
toutefois pas s'attendre à des records historiques au
niveau de l'octroi de nouveaux crédits. Quelles que
soient les mesures incitatives proposées par la BCE,
cela n'y changera pas grand-chose.
110
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
T-20 T-16 T-12 T-8 T-4
Irlande
T
T+4 T+8 T+12 T+16 T+20 T+24 T+28 T+32 T+36 T+40 T+44 T+48
Espagne
Portugal
Suisse
USA
Sources: Banques centrales nationales, Raiffeisen Research
L'apurement des bilans des banques dans la zone
euro, qui va encore progresser du fait de la mise en
place d'une union bancaire cette année, constitue une
étape importante vers une normalisation de l'environnement de crédit. Avec des bilans sains, les banques
peuvent à nouveau octroyer plus de crédits en cas de
reprise progressive de la conjoncture. Les opérations
de refinancement à très long terme ciblées (TLTRO),
annoncées récemment par la BCE, auront ici aussi un
certain effet de soutien. Elles offrent aux banques
commerciales des conditions de refinancement très
avantageuses à long terme en cas d'augmentation du
volume de crédits accordés aux entreprises privées non
financières. L'amélioration de la situation se traduit
d'ores et déjà dans les réponses de plus en plus positives des enquêtes menées auprès des banques au
sujet de l'octroi de crédit.
Graphique 22: crédits en souffrance, en % de tous les
crédits à recouvrer
14
13
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 1Q14
Suisse
Espagne
Irlande
Italie
USA
Portugal
Sources: Banques centrales nationales, Raiffeisen Research
En Suisse en revanche, la question de l'apurement des
charges anciennes ne se pose même pas, ce qui est
confirmé par le taux toujours faible de crédits en souffrance. Et même en cas d'assombrissement de l'environnement conjoncturel, nous ne voyons pas, sur la
base de l'analyse précédente, de risques élevés imminents pour le secteur financier, malgré la croissance
dynamique des hypothèques ces dernières années et
l'endettement brut relativement élevé des ménages
privés. Les directives d'octroi de crédit, alourdies par la
politique et les banques elles-mêmes, ainsi que le
faible attrait fiscal, en raison du niveau très bas du
taux d'intérêt, à ne pas amortir les hypothèques devraient par ailleurs avoir un effet atténuateur sur l'évolution du taux d'endettement.
Contrairement à la large reconnaissance et l'inscription
au bilan des banques (correctifs de valeur) des risques
de crédit accumulés par le passé, le traitement concret
des anciennes charges continue d'être un frein à une
reprise de la dynamique de crédit, ce qui permettrait
de libérer à terme les ressources liées et d'offrir un
nouveau départ aux preneurs de crédit concernés.
Parmi les pays touchés par la bulle immobilière, on
observe uniquement aux Etats-Unis un grand progrès
dans la restructuration définitive des crédits en souffrance dont la proportion dans le volume total de crédit est en voie de retrouver son niveau d'avant la crise
(cf. graphique 22). Dans les autres pays, cette part se
situe toujours à un niveau élevé ou présentait ces derniers temps une tendance à la hausse.
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10
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Domagoj Arapovic (USA, économie mondiale)
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