er 1997 pedophilie

Transcription

er 1997 pedophilie
ÉTUDES ET RECHERCHES
La pédophilie
Renaud FILLIEULE
docteur en sociologie
chargé de recherches, IHESI
Catherine MONTIEL
commissaire principal de Police
responsable des études, IHESI
Institut des Hautes Études
1
LA PEDOPHILIE
de la Sécurité Intérieure
2
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
3
LA PEDOPHILIE
SOMMAIRE
Introduction ........................................................................................................... p. 5
DEFINITION ET NATURE DE LA PEDOPHILIE ............................................
Les définitions psychiatriques .................................................................................
La pédophilie distinguée de l’inceste .......................................................................
Les différents types de pédophiles ...........................................................................
Psychologie de la pédophilie ...................................................................................
Sociologie et pédophilie ..........................................................................................
p. 7
p. 7
p. 9
p. 10
p. 12
p. 13
LE PASSAGE A L’ACTE PEDOPHILE :
AFFECTIVITE ET RATIONALITE ...................................................................
Le modèle de la prévention de la récidive ...............................................................
Les facteurs affectifs ...............................................................................................
Les facteurs rationnels .............................................................................................
p. 15
p. 15
p. 16
p. 17
LA REPRESSION PENALE DE LA PEDOPHILIE ........................................... p. 21
Le cadre juridique du nouveau Code pénal (1994) ................................................... p. 21
Le projet de loi renforçant la prévention et la répression
des atteintes sexuelles contre les mineurs (1996) .................................................... p. 25
LES STATISTIQUES ET LA PEDOPHILIE ...................................................... p. 29
Les statistiques officielles en relation avec la pédophilie ........................................ p. 29
Ampleur et évolution du phénomène ....................................................................... p. 34
LA PREVENTION DES ACTES PEDOPHILES ................................................
Prévention situationnelle : informer les parents et les enfants .................................
Prévention pénale : signaler, dissuader et neutraliser les pédophiles .......................
Prévention médico-psychologique : peut-on traiter les pédophiles ? ........................
p. 37
p. 37
p. 39
p. 42
LA MOBILISATION INTERNATIONALE CONTRE
L’EXPLOITATION SEXUELLE DES ENFANTS .............................................
Prostitution enfantine, pornographie enfantine, et tourisme sexuel ..........................
Géographie de la prostitution enfantine ...................................................................
L’action des associations, des États, et des institutions internationales ...................
p. 51
p. 51
p. 54
p. 56
Note terminale ....................................................................................................... p. 59
Annexe 1 : articles du Code pénal relatifs à la pédophilie .................................. p. 63
Annexe 2 : déclaration du congrès de Stockholm (août 1996) ............................ p. 67
Bibliographie ......................................................................................................... p. 75
4
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
Remerciements ...................................................................................................... p. 79
5
LA PEDOPHILIE
INTRODUCTION
La pédophilie, malgré la préoccupation de plus en plus grande qu’elle suscite dans la population et auprès des pouvoirs publics, est un phénomène qui reste entouré d’un halo de
confusions. Suivant le point de vue selon lequel on l’appréhende (par ex., psychologique,
juridique, ou médiatique), on n’aboutit pas exactement à la même définition. L’un des
objectifs de cet ouvrage est de tenter de lever ces imprécisions. Il nous faut donc dès
maintenant annoncer, de la façon la plus explicite possible, que nous considérons la pédophilie comme un phénomène de nature psychologique : elle constitue un « trouble »
psychologique d’ordre sexuel, lequel trouble se manifeste par une attirance sexuelle pour
les enfants pré-pubères. C’est cette définition – et elle seule – de la pédophilie qui sera
adoptée ici (voir chapitre 1). Il est, en particulier, très important de ne pas confondre la
pédophilie avec l’attirance sexuelle pour les jeunes adolescent(e)s pubères (ce que les
spécialistes québécois nomment « hébéphilie »).
Un intérêt sexuel fixé sur les enfants pré-pubères peut conduire un individu à commettre des actes réprimés par le Code pénal. Dès lors, des catégories juridiques entrent en
jeu, mais les types d’infractions qu’elles définissent ne recouvrent pas exactement le phénomène de pédophilie au sens strict où nous l’entendons (voir chapitre 3). Par ailleurs, les
fortes répercussions médiatiques que déclenche la pédophilie – les viols suivis de meurtres d’enfants par des inconnus –, même si elles évoquent un problème très préoccupant,
donnent une image quelque peu déformée de la réalité. En effet, le danger pédophile va
très rarement jusqu’au meurtre et il est en majorité le fait d’adultes que les enfants (et
même leurs parents) connaissent déjà.
Cet ouvrage se donne pour objectif de tenter de répondre de façon concise et rigoureuse à un certain nombre de questions simples : qu’est-ce que la pédophilie (chapitre 1) ?
Comment les pédophiles agissent-ils (chapitre 2) ? Comment la pédophilie est-elle réprimée du point de vue pénal (chapitre 3) ? De quelles statistiques disposons-nous sur ce
phénomène (chapitre 4) ? Comment peut-on protéger les enfants contre les agissements
pédophiles (chapitre 5) ? En quoi la mobilisation internationale contre l’exploitation
sexuelle des enfants consiste-t-elle (chapitre 6) ?
La réponse à ces questions intéressera le grand public, et plus particulièrement toutes
les personnes qui peuvent être confrontées au phénomène de la pédophilie, que ce soit
dans le secteur public ou dans le milieu associatif de la protection de l’enfance.
6
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
DEFINITION ET NATURE
DE LA PEDOPHILIE
La pédophilie peut être définie, de façon sommaire, comme une attirance sexuelle envers
les enfants pré-pubères. Cette définition sera précisée à l’aide des classifications psychiatriques, puis en opérant une distinction fondamentale entre pédophilie et inceste, et enfin
en présentant les différents types de pédophiles. À la fin du chapitre, nous donnerons un
aperçu des tentatives qui ont été effectuées en psychologie pour expliquer comment un
individu pouvait acquérir des préférences sexuelles pédophiles.
LES DEFINITIONS PSYCHIATRIQUES
La pédophilie est considérée du point de vue psychiatrique comme un trouble sexuel. Le
DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), manuel de référence
de l’Association américaine de psychiatrie (1), distingue deux types de troubles sexuels :
1. Les dysfonctions sexuelles (par ex., la baisse du désir sexuel, le vaginisme) ;
2. Les paraphilies, qui se caractérisent par « la présence de fantaisies imaginatives
sexuellement excitantes, d’impulsions sexuelles, ou de comportements » impliquant,
soit des objets non humains (fétichisme), soit la souffrance ou l’humiliation de soi ou
d’un partenaire (masochisme et sadisme sexuels), soit des enfants ou d’autres personnes non consentantes (voyeurisme, exhibitionnisme, frotteurisme, pédophilie).
La pédophilie est donc une « paraphilie », qui est décrite de la façon suivante :
« La caractéristique essentielle est une relation sexuelle avec un enfant pré-pubère
(de 13 ans ou plus jeune). Le pédophile doit être âgé de 16 ans ou plus et avoir au moins
5 ans de plus que l’enfant. Pour les individus pédophiles à la fin de l’adolescence, aucune différence d’âge particulière n’est précisée et le jugement clinique tranchera en
prenant en considération autant la maturité sexuelle de l’enfant que la différence d’âge.
Les individus pédophiles rapportent qu’ils sont attirés par des enfants d’une tranche
d’âge précise. Certains préfèrent les garçons, d’autres les filles, et d’autres encore peu(1) Traduction française, DSM-IV. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, Masson, 1996.
7
LA PEDOPHILIE
vent être excités par les uns ou les autres. Ceux qui sont attirés par les filles les choisissent âgées entre 8 et 10 ans, alors que ceux qui préfèrent des garçons préfèrent des enfants un peu plus âgés. La pédophilie à l’encontre des filles est rapportée plus fréquemment que celle à l’encontre des garçons. Certains individus pédophiles sont attirés
sexuellement uniquement par les enfants (type exclusif), alors que d’autres sont parfois
attirés par les adultes (type non exclusif). Certains pédophiles qui agissent suivant leur
pulsion peuvent très bien ne faire que déshabiller l’enfant et le regarder en s’exhibant,
en se masturbant en présence de l’enfant, ou en le caressant. D’autres cependant pratiquent la fellation ou le cunnilingus sur l’enfant, ou pénètrent son vagin, sa bouche ou
son anus avec leur doigt, un objet ou leur pénis, et utilisent différents degrés de
contrainte pour atteindre leur but » (DSM-IV, 302.2).
Pédophilie avec ou sans passage à l’acte
Un individu qui présente une préférence sexuelle pour les enfants peut très bien ne jamais
être passé à l’acte, que ce soit pour des raisons morales, par timidité, par manque
d’occasion, par peur du châtiment, ou pour toute autre raison. Bien que cet individu n’ait
jamais eu de « relation sexuelle avec un enfant pré-pubère », il est pourtant un pédophile.
Il faut donc distinguer, parmi les pédophiles, ceux qui se contentent de fantasmer et
ceux qui vont jusqu’au passage à l’acte. Mais il faut aussi garder à l’esprit : d’une part
que dans les deux cas il s’agit bien de pédophilie, et d’autre part que les pédophiles
« fantasmeurs » courent un risque de passage à l’acte dans l’avenir. Des psychologues
praticiens ont d’ailleurs remarqué, depuis quelques années, que des pédophiles
« fantasmeurs » – alertés par le battage médiatique sur les dangers de la pédophilie – se
rendent en consultation pour essayer d’éviter un éventuel futur passage à l’acte (2).
Pédophilie préférentielle et pédophilie situationnelle
Il peut arriver que des adultes perpètrent des atteintes sexuelles sur des enfants, sans pour
autant ressentir envers eux une véritable attirance sexuelle. On parle alors d’une
« pédophilie situationnelle » (par opposition à une « pédophilie préférentielle »), pour
indiquer que ces agresseurs passent à l’acte en profitant d’une situation particulière dans
laquelle ils se trouvent, mais sans avoir préalablement et longuement fantasmé sur les
enfants (3). Ils peuvent par exemple agir sous l’effet de l’alcool, ou bien obéir à des motivations qui ne sont pas d’ordre sexuel (un homme peut violer un enfant pour se venger
d’une injustice dont il s’estime victime de la part des parents de cet enfant).
Nous nous intéresserons essentiellement dans ce rapport à la pédophilie préférentielle,
qui est la pédophilie proprement dite, mais on peut ajouter quelques mots sur la pédophilie situationnelle. Selon Kenneth LANNING (4), quatre types de pédophilie situationnelle
peuvent être distingués :
1. Le type régressé : individus ayant une faible estime d’eux-mêmes et des capacités très
limitées à instaurer des relations avec autrui ; ils préféreraient avoir un partenaire
sexuel adulte et consentant, mais sont incapables de l’obtenir, et ils utilisent la force
(2) Dr COUTANCEAU, psychiatre, à La marche du siècle, France 3, émission du 2 octobre 1996.
(3) DIETZ, « Sex offenses : behavioral aspects », in KADISH et al., Encyclopedia of crime and justice, New York,
The Free Press, 1983.
(4) LANNING, Child molesters : a behavioral analysis, Quantico, Virginia, FBI Academy, 1992, p. 6–10.
8
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
pour obliger des enfants (y compris éventuellement les leurs) à leur servir de substituts
;
2. Le type dépourvu de discrimination morale : les atteintes sexuelles à l’encontre des
enfants sont pour ces individus un élément parmi toute une série d’autres atteintes aux
personnes et aux biens (vols, tricheries, mensonges, etc.) ; une occasion favorable, une
victime vulnérable quelle qu’elle soit, leur suffisent pour envisager la possibilité d’un
passage à l’acte délinquant ;
3. Le type dépourvu de discrimination sexuelle : il s’agit des individus disposés à tout
essayer, à tout expérimenter, en matière sexuelle ; les atteintes sexuelles sur les enfants
(y compris les leurs) peuvent présenter pour eux l’attrait de la nouveauté ;
4. Le type inadéquat : individus qui présentent de graves problèmes mentaux ou émotionnels ; il peut par exemple s’agir d’adolescents très isolés, qui n’ont aucun ami de
leur âge, ou bien de solitaires excentriques qui vivent encore chez leurs parents ; leur
intérêt sexuel pour les enfants semble provenir de la curiosité, mais aussi de
l’insécurité qu’ils éprouvent vis-à-vis de certains adultes.
LA PEDOPHILIE DISTINGUEE DE L’INCESTE
Il est essentiel, pour bien cerner la notion de pédophilie, de la distinguer de la notion
d’inceste : les pédophiles ne doivent pas être confondus avec des pères incestueux, et les
pères incestueux ne doivent pas être confondus avec des pédophiles. Voici cinq éléments
qui permettent de préciser cette distinction :
1. Les motivations sont différentes : le père incestueux n’éprouve pas une attirance
sexuelle générale envers les enfants ; il ne répond donc pas à la définition même de la
pédophilie ;
2. Le contexte est très différent : l’inceste se situe par définition au sein de la cellule familiale, et il constitue une perversion du tissu complexe des relations entre les parents
et leurs enfants ; la pédophilie se situe en général en dehors de l’institution familiale,
mais il est important de noter qu’un pédophile peut aussi agresser ses propres enfants ;
3. À la différence du père incestueux, le pédophile choisit sa victime : il se fonde sur des
critères d’âge et d’apparence physique, et approche sa victime d’une façon qui est souvent très lente (la mise en confiance de la victime peut durer pendant des mois) ; le
père incestueux, lui, se trouve dans une situation entièrement différente puisque seuls
ses propres enfants – ou ceux de sa conjointe ou compagne – sont concernés ;
4. Le traitement des pères incestueux se distingue de celui des pédophiles : à titre
d’exemple, on ne prescrit jamais de médicaments anti-hormonaux à des pères incestueux ;
5. Le drame vécu par la victime est différent : l’enfant violé par son père est trahi par la
personne même qui était censée le protéger contre ce type d’agression ; le traumatisme
psychologique qui en résulte est probablement bien différent de celui qui résulterait
d’une agression par quelqu’un n’appartenant pas au noyau familial.
Malgré la nécessité d’opérer une distinction stricte entre pédophilie et inceste, il faut
néanmoins reconnaître qu’il peut exister des cas limites. Un pédophile qui chercherait à
séduire une mère de famille célibataire dans le but de s’approcher de ses enfants, puis qui
épouserait cette femme, pourrait être considéré vis-à-vis de ces enfants comme une sorte
9
LA PEDOPHILIE
de « pédophile incestueux ». De même, il peut arriver qu’un pédophile profite de la situation d’autorité qu’il occupe au sein de sa propre famille pour commettre des atteintes
sexuelles sur ses enfants. Pourtant, dans les deux cas, si la motivation première est restée
la même, il s’agit en toute rigueur de pédophilie plutôt que d’inceste.
LES DIFFERENTS TYPES DE PEDOPHILES
Comme le montre le tableau 1.1 ci-dessous, il y a de nombreux critères qui permettent
d’établir des typologies des pédophiles (5).
CRITERES
TYPOLOGIES
Préférences sexuelles
Attrait sexuel
Type d’atteinte sexuelle
Stratégie
Façon de passer à l’acte
Traits de personnalité
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
homosexuelles
hétérosexuelles
bisexuelles
exclusif (limité aux enfants)
non exclusif
voyeurisme
exhibitionnisme
attouchements
viol
tortures
meurtre
relation de long terme avec affection
agression brusque avec violence
séduction
ruse
menace
force
immaturité (le pédophile reste fixé à une sexualité infantile)
• régression (le pédophile subit des frustrations dans ses relations affectives et sexuelles avec les adultes, d’où sa régression vers les enfants)
• désir de puissance (plus facile à exercer sur des enfants que
sur des adultes)
• sadisme (le pédophile prend du plaisir à humilier et à faire
souffrir sa victime)
Tableau 1.1. Quelques typologies des pédophiles
(5) On trouvera une présentation détaillée des typologies des agresseurs sexuels en général et des pédophiles en
particulier chez VAN GIJSEGHEM, La personnalité de l'abuseur sexuel, Montréal, Méridien, 1988.
10
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
Ces différentes catégorisations ne sont pas indépendantes les unes des autres. Le type
de préférence sexuelle du pédophile peut par exemple influencer sa stratégie et sa façon
de passer à l’acte. Une enquête de grande ampleur est en cours au Centre régional de réception du Service correctionnel canadien, en collaboration avec l’École de criminologie
de l’Université de Montréal et l’Institut Philippe Pinel de Montréal. Elle repose sur une
batterie de critères très approfondie, et permettra d’en savoir davantage sur les relations
entre ces catégories. D’ores et déjà, des recherches nord-américaines ont mis en évidence
l’importance de ces critères pour prévoir la récidive. Il semble par exemple que le taux de
récidive soit plus élevé chez les pédophiles homosexuels que chez les pédophiles hétérosexuels (6).
Les typologies qui sont indiquées dans le tableau ci-dessus, même si elles sont parlantes pour le sens commun, ne permettent pas une classification scientifique des pédophiles.
Tout d’abord, elles sont trop nombreuses (7). Ensuite, certaines ne sont pas exclusives,
puisqu’un même pédophile peut appartenir simultanément à plusieurs des catégories (par
ex., un pédophile peut perpétrer différents types d’atteintes sexuelles).
Une direction de recherche importante a donc consisté à essayer de déterminer une
classification scientifique, c’est-à-dire qui présente les caractéristiques d’exhaustivité
(passer en revue tous les cas possibles), d’exclusivité (un même pédophile ne doit pas
pouvoir se retrouver dans plusieurs catégories différentes), de simplicité (ne pas multiplier exagérément le nombre de catégories), et d’objectivité (plusieurs observateurs différents, par ex. plusieurs psychologues, doivent pouvoir parvenir indépendamment les uns
des autres à classer un pédophile donné dans la même catégorie).
Deux chercheurs américains, Raymond KNIGHT et Robert PRENTKY, ont abouti en ce
qui concerne les agresseurs sexuels d’enfants à une typologie qui fait intervenir deux
grands axes : le degré de fixation d’une part, qui indique l’intensité des préférences pédophiles (plus les préférences pédophiles sont intenses, plus la fixation est forte, et inversement), et la quantité de contact d’autre part, c’est-à-dire la quantité de temps que passe
le pédophile en compagnie d’enfants (pas nécessairement dans un but strictement sexuel).
Chacune de ces deux variables peut être forte ou faible, et se décompose à son tour suivant d’autres variables. Le schéma ci-dessous résume cette typologie (8).
Axe I : degré de fixation
!
Forte fixation
!
Faibles compétences sociales
"
Fortes compétences
sociales
"
Faible fixation
!
"
Faibles compétences Fortes compétences
sociales
sociales
(6) QUINSEY, RICE et HARRIS, « Actuarial prediction of sexual recidivism », Journal of interpersonal violence,
1995, 10, p. 85–105.
(7) Leur combinaison donne naissance à 1152 possibilités (on multiplie le nombre des options de toutes ces
typologies, ce qui fait 3 × 2 × 6 × 2 × 4 × 4 = 1152).
(8) KNIGHT et PRENTKY, « Classifying sexual offenders », in MARSHALL, LAWS et BARBAREE, The handbook of
sexual assault, New York, Plenum Press, 1990, p. 23–52.
11
LA PEDOPHILIE
Axe II : quantité de contact
!
"
Forte
!
Signification
du contact :
interpersonnel
Faible
"
Signification
du contact :
narcissique
!
Faible violence
physique
"
Forte violence
physique
Schéma 1.1. La typologie de KNIGHT et PRENTKY
Explicitons les deux cases en bas à gauche de l’axe II. Le contact a une signification
interpersonnelle si le pédophile a tenté d’établir avec les enfants des relations qui ne sont
pas exclusivement d’ordre sexuel, et il a une signification narcissique dans le cas
contraire.
Suivant cette typologie, un pédophile pourra par exemple être classé comme ayant
une fixation forte et de faibles compétences sociales (axe I), et comme ayant une forte
quantité de contact à signification narcissique (axe II). Ainsi, les deux axes interviennent,
ce qui donne naissance à 4 × 4 = 16 catégories possibles.
Ces catégories ont une utilité à la fois pratique et théorique. D’un point de vue pratique, elles permettent de définir des groupes homogènes d’agresseurs sexuels, qui peuvent
faire l’objet de traitements ou de préconisations spécifiques, et qui manifestent des profils
eux aussi spécifiques du point de vue de la récidive. D’un point de vue théorique, elles
définissent une base de phénomènes à expliquer, et il semblerait bien que les individus
d’une même catégorie partagent des antécédents similaires depuis leur enfance (9).
PSYCHOLOGIE DE LA PEDOPHILIE
La question essentielle qui se pose du point de vue psychologique est la suivante : comment s’explique l’existence, chez certains individus, d’une préférence sexuelle pour les
enfants ? Cette question est d’autant plus troublante que les animaux ne commettent pas
d’actes de pédophilie, pour la bonne raison que leurs petits ne produisent pas les stimuli
sexuels adéquats (10).
Nous allons examiner brièvement deux types de réponses, la réponse psychanalytique
et la réponse comportementale. Elles postulent l’une et l’autre des mécanismes ayant pu
présider à la formation de préférences sexuelles déviantes, mais elles ont un caractère
spéculatif dû au fait qu’il est impossible d’observer directement ces préférences en train
de se former au cours de l’enfance ou de la jeune adolescence d’un individu.
Deux théories d’inspiration psychanalytique
(9) KNIGHT et PRENTKY, Idem, p. 48.
(10) Dr CORDIER, « L’apport de la médecine dans le traitement des pédophiles », conférence prononcée à
l’IHESI, 26 novembre 1996.
12
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
Le psychologue américain Nicholas GROTH (11) tente d’expliquer ce qu’il appelle la
« pédophilie relationnelle », c’est-à-dire l’établissement avec l’enfant de relations pédophiles de type affectif, obtenues par séduction ou persuasion, et sans violence. Selon lui :
1. La pédophilie relationnelle homosexuelle s’expliquerait par une fixation : la préférence
homosexuelle pour les enfants serait due à une immaturité du développement psychologique, social et sexuel ; le pédophile, bien qu’étant adulte, serait resté « fixé » au niveau de l’enfance, ce qui expliquerait d’une part qu’il aime côtoyer les enfants et
d’autre part qu’il s’agisse d’enfants du même sexe que lui ;
2. La pédophilie relationnelle hétérosexuelle s’expliquerait par une régression : la préférence hétérosexuelle pour les enfants serait due à une incapacité à maintenir une sexualité adulte, que ce soit par défaillance sexuelle, par défaillance affective, ou par défaillance sociale ; le pédophile se tournerait alors vers des enfants – des enfants de l’autre
sexe – pour parvenir à faire ce qu’il n’est pas capable de réaliser avec les adultes.
Le psychologue québécois Hubert VAN GIJSEGHEM (12) propose une théorie qui se situe
dans la même lignée. Il distingue quatre sortes de troubles psychiques : la carence affective maternelle, la psychose, le narcissisme, et la névrose. Ce sont essentiellement la carence affective et le narcissisme qui peuvent selon lui être à l’origine de la pédophilie :
1. La carence affective trouve sa source dans la toute petite enfance, chez les bébés qui
n’ont pas pu bénéficier d’une présence maternelle stable, et ont donc très tôt subi des
ruptures, des abandons, des déplacements. Il en résulte chez eux une recherche fébrile
de gratifications, une « grande avidité de contacts ». Ces enfants, n’étant pas protégés
par des parents, sont plus que d’autres susceptibles d’être victimes d’atteintes sexuelles dans les différentes institutions où ils sont placés. VAN GIJSEGHEM ajoute que ce
type d’enfants, la plupart du temps, « est plus que consentant puisqu’il apprend très tôt
que l’activité sexuelle devient le moyen de se procurer la proximité de l’adulte. Devenu adolescent et adulte, il continuera d’essayer de combler son manque béant par le
moyen qu’on lui aura appris en bas âge » (p. 91) ;
2. Le narcissisme trouve lui aussi sa source dans la petite enfance, lorsque « l’enfant ne
réussit pas à se différencier totalement de la mère, fantasmée comme toute puissante
[...] En s’appuyant sur le fantasme de la toute-puissance, l’individu ne peut finalement
qu’être frustré par la réalité de tous les jours et devra coûte que coûte recourir à la
constitution d’un “soi grandiose” qui le protégera contre le dégrisement inhérent à la
différenciation d’avec la figure maternelle » (p. 101). La forme de narcissisme qui est
la plus susceptible de donner naissance à la pédophilie est la perversion : elle est due à
une fixation sur la relation de symbiose qui précède la séparation d’avec la mère ;
l’abus sexuel correspondant est en général pédophile au sens « d’une subtile (prudente
et patiente) séduction de l’enfant, utilisant charme, tendresse, influence bienveillante
et, sous différentes formes, le légendaire “bonbon” » (p. 105) ; ces pédophiles peuvent
être aussi bien hétérosexuels qu’homosexuels ; lorsqu’ils sont homosexuels, il s’agit
de ceux que l’on nomme traditionnellement les « pédérastes » : ils défendent une
conception idéologique de la pédophilie (idéal esthétique revendiqué de l’enfant beau
et pur).
(11) GROTH et WOLBERT BURGESS, « Motivational intent in sexual assault of children », Criminal justice and
behavior, 1977, 4, p. 253–264.
(12) VAN GIJSEGHEM, Idem.
13
LA PEDOPHILIE
Une théorie comportementale
Bien loin des explications psychanalytiques qui viennent d’être présentées, la théorie
comportementale s’intéresse aux mécanismes de conditionnement qui ont pu conduire à
l’acquisition de préférences sexuelles déviantes.
Le psychologue québécois Jean PROULX (13) présente un type de situation qui peut
donner naissance à la pédophilie :
« À l’âge de 8 ans, Monsieur O. a été masturbé (stimulus inconditionnel) par un
garçon de son âge (stimulus neutre) et il a présenté une érection (réponse inconditionnelle). Après cet événement, la vue d’un garçon de 8 ans (stimulus conditionnel), même
sans caresse génitale, était suffisante pour provoquer une érection (réponse conditionnelle) chez Monsieur O. »
Cet exemple nous montre comment une réponse « inconditionnelle », c’est-à-dire déterminée du point de vue génétique (en l’occurrence, la réaction d’érection consécutive à
des caresses génitales), peut en venir à être associée à un stimulus « neutre » (« vue d’un
garçon de 8 ans »). Il s’agit là d’un cas classique de ce que l’on appelle un conditionnement répondant. Ce conditionnement peut par la suite être renforcé s’il permet d’obtenir
des gratifications (par exemple, un orgasme) ou d’éviter des désagréments (par exemple,
une diminution du stress lié à des échecs sentimentaux ou autres). Bien entendu, ce conditionnement peut également se trouver affaibli s’il provoque un sentiment de culpabilité,
ou s’il fait courir le risque d’une peine de prison, etc.
SOCIOLOGIE ET PEDOPHILIE
Les sciences sociales n’ont que peu de choses à dire – en l’état actuel de la recherche –
sur le phénomène de la pédophilie proprement dite. Leur apport n’est donc pas central,
mais seulement périphérique.
On constate par exemple que malgré la variabilité des coutumes sexuelles suivant les
cultures, les relations sexuelles avec des enfants pré-pubères sont très généralement proscrites dans les différentes sociétés. Pour ce qui est de notre société, en tout cas, les récentes manifestations qui ont rassemblé des centaines de milliers de personnes en Belgique
suite à l’ « affaire Dutroux », même si elles avaient surtout une signification de méfiance
vis-à-vis de la classe politique et des institutions régaliennes, ont clairement montré que
les atteintes physiques et sexuelles envers les enfants n’étaient absolument pas tolérées.
Par ailleurs, on peut penser que certaines grandes évolutions de la société contemporaine tendent à faciliter – et donc à augmenter – les passages à l’acte pédophile : les enfants sont aujourd’hui moins surveillés par leurs parents, ne serait-ce que parce qu’ils
passent beaucoup de temps à l’extérieur de leur domicile et dans les transports en commun, parce que les parents travaillent, ou que ces derniers laissent aux enfants une liberté
de choix de plus en plus large ; cette surveillance moins étroite peut donner naissance à
des occasions d’agir pour d’éventuels agresseurs. Ces évolutions susceptibles de favoriser
le développement de la pédophilie sont bien entendu contrebalancées par une prise de
(13) PROULX, « Les théories comportementales », in AUBUT et al., Les agresseurs sexuels, p. 35–43.
14
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
conscience collective que l’on constate depuis quelques mois en Belgique et en France, et
par l’élaboration et l’application d’un arsenal juridique qui sera présenté au chapitre 3
(« La répression pénale de la pédophilie »).
15
LA PEDOPHILIE
16
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
LE PASSAGE A L’ACTE PEDOPHILE :
AFFECTIVITE ET RATIONALITE
Il est utile, pour bien cerner ce que représente le passage à l’acte pédophile, de le décrire
à l’aide d’un modèle théorique que l’on trouve dans les travaux nord-américains sur les
agresseurs sexuels, et qui se nomme le « modèle de la prévention de la récidive » (14) (en
anglais : relapse prevention model). Son objectif est de rendre compte des différents facteurs qui concourent au déroulement du passage à l’acte depuis ses prémisses jusqu’à son
terme, c’est-à-dire depuis une situation à risque (qui peut conduire l’individu à envisager
de passer à l’acte) jusqu’à l’accomplissement du délit ou du crime (et même après).
LE MODELE DE LA PREVENTION DE LA RECIDIVE
Ce modèle présente de façon séquentielle les différents facteurs ou étapes qui déterminent
le passage à l’acte pédophile (15) :
1. Le passage à l’acte prend sa source dans des scénarios internes, c’est-à-dire dans des
sentiments, des préférences, et des croyances :
(a) affects pré-délictuels (état affectif négatif : dépression, ennui, solitude, colère, etc.),
(b) préférences sexuelles déviantes (fantaisies sexuelles pédophiles),
(c) système de croyances pro-pédophile ou pro-abus sexuel (avec des témoignages du
type : « Lorsque j’ai un contact sexuel avec un enfant, je lui exprime mon affection ») ;
2. Le passage à l’acte est ensuite opéré suivant des scénarios externes, relatifs au mode
opératoire utilisé par l’agresseur :
(a) préméditation (planification du délit),
(b) perpétration (délit).
Les différents facteurs, les différentes étapes du passage à l’acte peuvent être regroupés en deux ensembles : un premier ensemble qui comprend les éléments d’ordre affectif
(14) PITHERS et al., « Relapse prevention with sexual agressors », in GREER et STUART (éd.), The sexual agressor, New York, Van Nostrand, 1983, p. 214–239.
(15) Voir PROULX et OUIMET, « Criminologie de l’acte et pédophilie », Revue internationale de criminologie et
de police technique, 1995, 48, p. 294–310.
17
LA PEDOPHILIE
(sentiments, intérêts sexuels), et un second qui comprend les éléments que l’on peut qualifier de rationnels ou de cognitifs (préméditation du délit, planification, justifications
pro-pédophiles). Toute action humaine combine nécessairement ces deux types
d’éléments, un intérêt qui donne un objectif à l’action, et une rationalité qui lui donne des
moyens et des justifications.
REMARQUE. Ce modèle de la prévention de la récidive n’est pas exclusivement utilisé
pour étudier la pédophilie. Il peut être adapté pour rendre compte des passages à l’acte
lors des atteintes sexuelles en général, ainsi que de la rechute dans l’alcoolisme ou la
toxicomanie. C’est ce qui explique sa dénomination : connaissant les différentes phases
qui risquent à plus ou moins long terme de les conduire à commettre des actes nuisibles
pour eux-mêmes et pour les autres, les agresseurs sexuels, ou les toxicomanes, etc., peuvent prendre conscience assez tôt du fait qu’ils se trouvent sur une mauvaise pente, et
donc réagir avant qu’il ne soit trop tard. Ils savent par exemple qu’une phase de solitude
particulièrement intense (état affectif négatif) peut les amener à terme à récidiver, même
si au départ ils sont bien décidés à ne plus retomber dans leurs penchants.
LES FACTEURS AFFECTIFS
Les affects pré-délictuels
Les atteintes sexuelles, de quelque nature qu’elles soient (pas uniquement pédophiles),
font en général suite à un déséquilibre affectif dans la vie de l’individu (16). Ce déséquilibre peut avoir des causes très différentes les unes des autres. Il peut survenir à la suite
d’une perte d’emploi, à la suite d’une période prolongée de solitude ou d’ennui, à la suite
d’une rupture sentimentale ou plus généralement d’un conflit interpersonnel, à la suite
d’une grossesse de la compagne, à la suite d’une dépression ou d’une maladie, etc.
Des recherches ont permis de montrer que :
1. Ce type d’affects négatifs est bien présent, en général, dans la phase initiale de la séquence du passage à l’acte ;
2. Ces affects contribuent de façon directe à renforcer (au moins momentanément) les
préférences sexuelles déviantes.
Concernant le premier point, PITHERS et ses collègues (17) ont interrogé deux cents
agresseurs sexuels sur les sentiments qu’ils avaient pu éprouver au cours des deux jours
qui avaient précédé leur dernier passage à l’acte. Dans cet échantillon composé de violeurs de femmes adultes et de pédophiles, 89 % des individus ont reconnu qu’ils avaient
éprouvé un affect négatif intense au cours des 48 heures précédant leur dernier délit.
Concernant le second point, une étude d’André MCKIBBEN, Jean PROULX et Richard
LUSIGNAN (18) montre que des états affectifs négatifs ont pour conséquence chez les pédophiles (et plus généralement chez les agresseurs sexuels) une recrudescence des fantasmes
(16) VAN GIJSEGHEM, La personnalité de l’abuseur sexuel, p. 91–92.
(17) Cités par PROULX et OUIMET, Idem.
(18) MCKIBBEN, PROULX et LUSIGNAN, « Relationships between conflict, affect and deviant sexual behaviors in
rapists and pedophiles », Behaviour research and therapy, 1994, 32, p. 571–575.
18
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
sexuels déviants. Ces chercheurs ont interrogé des agresseurs sexuels tous les deux jours
pendant une période de deux mois. Ils se sont aperçus que chez les violeurs de femmes
adultes, le principal déclencheur d’une recrudescence des fantasmes sexuels déviants était
les conflits interpersonnels. Chez les pédophiles, en revanche, le principal déclencheur
n’était pas un conflit mais plutôt une humeur maussade. Les auteurs concluent que « des
états émotionnels déplaisants peuvent déclencher des pensées sexuelles déviantes, lesquelles, à leur tour, conduisent à une probabilité accrue que des actes sexuels déviants
soient commis » (p. 571). Dans une étude ultérieure, ils ont pu mettre en évidence que les
états émotionnels négatifs les plus fréquemment rapportés par les pédophiles hétérosexuels étaient la solitude et l’humiliation, et que celui le plus fréquemment rapporté par
les pédophiles homosexuels était la solitude (19).
Les préférences sexuelles déviantes
Les préférences sexuelles déviantes pour les enfants jouent à l’évidence un rôle primordial dans la pédophilie, et pour cause puisqu’elles la définissent ! Les psychologues nordaméricains ont mis au point des techniques qui permettent d’évaluer la nature et de mesurer l’intensité de ce type de préférences (20). Ces techniques dites « phallométriques » – ou
pléthysmographie pénienne – consistent à exposer le sujet à des stimuli potentiellement
excitants (cassette audio qui raconte des scénarios d’actes pédophiles, d’actes sexuels
violents, etc.) et à enregistrer dans quelle mesure ces stimuli provoquent des réactions
d’érection. Ces réactions sont mesurées grâce à un fil de mercure flexible qui entoure le
pénis du sujet : un élargissement du fil augmente la résistance électrique, et peut donc
être détecté par l’appareillage électrique que constitue le pléthysmographe.
Ces techniques de mesure – qui, à des Français, semblent pour le moins curieuses –
sont utilisées en Amérique du Nord pour les recherches scientifiques sur les agresseurs
sexuels, mais aussi pendant les phases d’évaluation psychologique de ces agresseurs lorsqu’ils arrivent en prison après avoir été condamnés. Du point de vue scientifique, elles
servent à essayer de mesurer objectivement (sans se limiter à des entretiens) les différences qui séparent les agresseurs sexuels de ceux qui n’en sont pas (21), ainsi que celles qui
séparent entre eux les différents types d’agresseurs sexuels.
LES FACTEURS RATIONNELS
L’intérêt de la criminologie pour les facteurs rationnels (ou cognitifs) est assez récent.
Jusqu’à la fin des années 1970, les criminologues ont eu tendance à étudier les délinquants, soit d’un point de vue étroitement psychologique (en termes de pulsions,
d’affects, de personnalité), soit d’un point de vue étroitement sociologique (en termes de
(19) PROULX, MCKIBBEN et LUSIGNAN, « Relationships between affective components and sexual behaviors in
sexual agressors », Sexual abuse, 1996, 8, p. 279–289.
(20) BARKER et HOWELL, « The plethysmograph : a review of recent litterature », Bulletin of the American Academy of psychiatry and law, 1992, 20, p. 13–25 ; PROULX, « L’évaluation des préférences sexuelles », in AUBUT et
al., Les agresseurs sexuels, Paris, Maloine, 1993, p. 98–106.
(21) Elles permettent par exemple de montrer que les violeurs de femmes adultes se distinguent des non-violeurs
davantage par leur réaction pénienne aux scénarios d’humiliation (verbale ou non) qu’aux scénarios de violence
physique. Voir PROULX et al., « Penile responses of rapists and nonrapists to rape stimuli involving physical
violence or humiliation », Archives of sexual behavior, 1994, 23, p. 295–310.
19
LA PEDOPHILIE
milieu
social). Ils ont négligé ce qui constitue pourtant le cœur du problème, à savoir l’acte
même d’agression (22).
Or l’acte criminel est très rarement un acte purement instinctif. Il résulte, dans
l’immense majorité des cas, d’une décision, et il obéit donc à une rationalité du choix :
placé devant un ensemble de possibilités d’action, l’individu choisit celle qui lui semble
la meilleure compte tenu de la valeur qu’il attribue à l’objectif visé, de la faisabilité de
l’acte (facilité ou difficulté d’accès à la cible criminelle), et des risques qu’il encourt
(surveillance formelle ou informelle, possibilité ou non d’être reconnu, possibilité de
s’enfuir sans être vu, etc.). Cette rationalité n’est évidemment pas parfaite : l’individu
peut surestimer les bénéfices qu’il tirera de son acte, sous-estimer les risques réels qu’il
encourt, et ainsi de suite (23).
L’application de cette « théorie du choix rationnel » (issue de l’économie) à des phénomènes délictueux comme le cambriolage ou le vol de voitures n’a pas posé de problème. Elle est en revanche plus inattendue, mais tout aussi nécessaire, dans l’étude des
agressions sexuelles : le passage à l’acte pédophile engage, comme tout autre passage à
l’acte, un certain ensemble de moyens pour atteindre la fin visée.
Le mode opératoire
Dans sa recherche d’une « cible » attirante, vulnérable et peu risquée, le pédophile « doit
effectuer une série de choix et d’actions, soit : déterminer le terrain de chasse, identifier
le moment propice, sélectionner la victime, et agresser sexuellement la victime » (24).
APPROCHE DE LA VICTIME. L’approche met en œuvre une stratégie de plus ou moins long
terme. Un pédophile qui cherche à établir une relation affective et sans violence avec ses
victimes se place dès le départ dans une perspective de long terme (puisqu’il faut du
temps pour mettre en place une telle relation, même après avoir pris contact avec la victime). Il peut par exemple décider d’avoir une relation sentimentale avec une femme qui
vit seule avec ses enfants de façon à pouvoir approcher les enfants en question. Ou même,
à plus long terme encore, il peut décider d’emménager dans un immeuble ou une cité où il
sait qu’il trouvera certains enfants délaissés par leurs parents et donc particulièrement
vulnérables. Pour des pédophiles plus violents, en revanche, l’approche pourra être plus
rapide et donner lieu à une agression brusque à l’encontre d’un enfant inconnu au préalable.
Jean PROULX et Marc OUIMET distinguent trois types de « terrains de chasse » qui
permettent d’approcher les victimes potentielles. Le « terrain de chasse » domestique :
l’agresseur recherche sa victime à proximité de son lieu d’habitation, et il recourt donc à
ses relations familiales ou de voisinage. Le « terrain de chasse » occupationnel :
l’agresseur est mis en présence de ses victimes potentielles grâce à son métier (si par
(22) CUSSON, Délinquants pourquoi ?, nouv. éd., Bibliothèque Québécoise, 1989, chap. 5.
(23) On trouvera deux très bonnes présentations de l’application de la théorie du choix rationnel à l’étude de la
délinquance chez CUSSON et CORDEAU, « Le crime du point de vue de l’analyse stratégique », in SZABO et
LEBLANC (éd.), Traité de criminologie empirique, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1993,
p. 91–112, ainsi que chez CLARKE, « Introduction », in CLARKE (éd.), Situational crime prevention, New York,
Harrow et Heston, 1992, p. 3–36 (traduction française à paraître aux Éditions Belin).
(24) Pour avoir davantage de détails sur les différents points abordés ci-dessous, on se reportera à l’article de
PROULX et OUIMET, Idem.
20
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
exemple il travaille dans une école) ou ses loisirs (s’il encadre des enfants pour une association sportive, musicale, ou autre). Enfin, le « terrain de chasse » public, c’est-à-dire les
lieux ouverts à tous (rues, squares, etc.).
SELECTION DE LA VICTIME. Les pédophiles sélectionnent, parmi l’ensemble des victimes
potentielles qu’ils ont préalablement approchées, les enfants avec lesquels ils vont essayer
d’entrer en contact. Ils utilisent pour cela un critère d’attirance global (lié au sexe de la
victime potentielle – garçon ou fille –, à son âge, à son aspect physique général, et à sa
personnalité) ou un critère d’attirance spécifique (couleur des cheveux, etc.). Le choix se
portera de préférence sur des enfants ouverts, amicaux, susceptibles d’avoir confiance en
l’adulte (25).
PREMIER CONTACT AVEC LA VICTIME. Pour entrer en contact avec sa victime, en supposant
qu’il ne la connaît pas au préalable, le pédophile doit avoir recours à un stratagème. Il
peut essayer de séduire l’enfant par la parole (en lui racontant des histoires, en lui parlant
des émissions de télé pour enfants, des jeux vidéos, etc.) ou en lui offrant des cadeaux. Il
peut aussi essayer de lui proposer de l’argent. Il peut employer la ruse pour l’entraîner à
l’écart. Il peut enfin employer la menace ou la force.
ÉVALUATION DU RISQUE. Cette évaluation se fonde sur toute une série de questions : le
passage à l’acte pédophile risque-t-il d’avoir des témoins (les parents, les voisins) ?
L’enfant risque-t-il de dénoncer l’acte dont il aura été victime ? S’il le dénonce, quelles
en seront les conséquences ? Les parents vont-ils chercher à se venger ? Court-on le risque d’être arrêté, d’être incarcéré, de perdre son emploi ?
Cette phase d’évaluation peut interférer avec la phase d’approche de la victime. Un
acte pédophile violent a plus de chances d’être dénoncé par l’enfant ou constaté par les
parents, et il sera donc plus sûr pour ce type d’agresseur de s’attaquer à une victime inconnue sur un « terrain de chasse » public. En revanche, un pédophile qui n’exerce pas de
violence physique pourra d’autant plus s’attaquer à un enfant connu que ce dernier est
négligé par ses parents : il ne courra qu’un faible risque d’être dénoncé, puisque l’enfant
entretiendra avec lui des relations plus affectives qu’avec ses propres parents, et un faible
risque d’être surpris, puisque les atteintes sexuelles pourront avoir lieu au domicile de
l’agresseur. L’enfant aura d’autant moins tendance à se confier à ses parents ou à ses proches qu’il se sentira coupable du mal qu’on lui fait.
L’évaluation du risque interfère également avec la phase de sélection de la victime.
Les pédophiles pourront choisir des victimes suffisamment jeunes pour qu’elles ne puissent pas parler, ou des enfants soumis, ou encore des enfants qui font l’objet de moqueries et se retrouvent isolés (26).
PASSAGE A L’ACTE. Il peut être décrit par le lieu où il se produit (l’agresseur a-t-il amené
sa victime dans un endroit particulier ?), par la nature des actes sexuels auxquels le pédophile contraint sa victime, par leur durée, et par leur degré de violence (cela peut aller de
l’absence de violence physique jusqu’au meurtre). Dans le cas de la pédophilie avec peu
ou pas de violence physique, le passage à l’acte peut consister en un processus assez long
(25) LAMOUR, « Les abus sexuels à l’égard des jeunes enfants : séduction, culpabilité, secret », in GABEL (éd.),
Les enfants victimes d’abus sexuels, Paris, PUF, 1992, p. 72.
(26) Idem.
21
LA PEDOPHILIE
où l’adulte commence par caresser le dos ou les jambes de l’enfant, et se rapproche très
progressivement de ses organes génitaux. Il opère ainsi une sorte de « désensibilisation »
de l’enfant aux attouchements sexuels (27), qui peut être renforcée par l’utilisation et la
projection de matériel pornographique (28).
Les justifications pro-pédophiles
La rationalité des pédophiles ne se limite pas à leur mode opératoire. Elle va jusqu’à les
faire adhérer à des croyances par lesquelles ils tentent de justifier les atteintes sexuelles
qu’ils commettent.
Jean PROULX et Marc OUIMET (29) analysent en détail le cas d’un pédophile bisexuel
multirécidiviste qu’ils nomment « Victor ». Cet individu justifiait ses agissements à l’aide
d’arguments tels que : « Je donne de l’affection aux enfants négligés par leurs parents »,
« Les enfants doivent être touchés pour se sentir aimés », et ainsi de suite. Ce type de justification est également fréquent dans le cas de l’inceste, où les pères excusent leurs
agressions en affirmant par exemple qu’ils font l’éducation sexuelle de leurs enfants, et
qu’il vaut mieux que ce soit eux qui la fassent plutôt que d’autres (30). De façon plus générale, les agresseurs sexuels d’enfants cherchent souvent à se convaincre que leurs actes ne
sont, ni immoraux, ni déviants, ni criminels (31).
Dans le cas des pédophiles, ces arguments peuvent prendre un tour plus politique,
sous la forme de la dénonciation d’une soi-disant « persécution » dont ils feraient l’objet.
Il comparent par exemple leur situation légale aujourd’hui à ce qu’était jadis celle des
homosexuels : « Alors que l’homosexualité était dans le passé interdite et punie, elle est
aujourd’hui acceptée par les lois et les mœurs ; eh bien, ce sera la même chose dans
l’avenir en ce qui concerne la pédophilie. » Le caractère erroné d’une telle croyance est
flagrant : l’homosexualité est une relation entre adultes informés et consentants, alors que
la pédophilie est l’utilisation sexuelle unilatérale d’un enfant, qui ne comprend pas ce qui
lui arrive, par un adulte qui ne le comprend que trop bien. Des groupes de pédophiles intellectuels mettent en avant un prétendu droit au plaisir et à la sexualité quel que soit
l’âge de l’enfant, mais une telle idée fait fi de la souffrance psychologique subie par les
enfants.
Toutes ces justifications, toutes ces argumentations que formulent les agresseurs
sexuels d’enfants nous apparaissent comme de simples faux-semblants, comme des arguments de couverture qui ne peuvent pas sérieusement convaincre qui que ce soit. Or les
agresseurs tentent réellement de s’en convaincre eux-mêmes. Ils recherchent tous les éléments susceptibles d’étayer leurs argumentations. C’est pourquoi, bien que ces arguments
(27) Idem, p. 73–74.
(28) Voir la sous-section « De la pédophilie à la pornographie enfantine » au chapitre 6.
(29) PROULX et OUIMET, Idem.
(30) VAN GIJSEGHEM, La personnalité de l’abuseur sexuel, p. 82 ; LANNING, Child molesters, p. 38.
(31) LANNING, Child molesters, p. 37.
22
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
soient erronés, il faut les qualifier de « rationnels ». La rationalité a ici un caractère subjectif : elle opère du point de vue des agresseurs eux-mêmes (32).
LA REPRESSION PENALE
DE LA PEDOPHILIE
Il est primordial de remarquer, en préambule, que la pédophilie en tant que telle ne
constitue pas une infraction au sens du Code pénal. Il n’existe pas de délit ou de crime de
pédophilie (pas plus qu’il n’existe de délit ou de crime d’inceste). La pédophilie est une
catégorie psychologique (qui se définit par un intérêt sexuel pour des enfants prépubères), et non pas juridique. Elle est réprimée, non pour elle-même, mais pour les actes
auxquels elle peut conduire. Ces actes, nous allons le voir, constituent des « circonstances
aggravantes » pour certaines infractions sexuelles, ou bien des types d’infractions à part
entière.
Du point de vue pénal, le domaine des infractions sexuelles, et en particulier de celles
qui sont commises à l’encontre des mineurs de moins de quinze ans, fait depuis quelques
années l’objet de toute une série de modifications. Le nouveau Code pénal, en vigueur
depuis le 1er mars 1994, a introduit une nouvelle terminologie, et il a augmenté le maximum encouru pour certaines infractions (par ex., la peine maximale pour viol est passée
de dix ans à quinze ans de réclusion criminelle). Toujours en 1994, de nouvelles dispositions ont été prises contre les assassins violeurs d’enfants, qui permettent de les maintenir
en prison pendant une « période de sûreté » de trente ans. Actuellement, un projet de loi
ambitieux est en préparation concernant la répression et la prévention des atteintes
sexuelles contre les mineurs.
LE CADRE JURIDIQUE DU NOUVEAU CODE PENAL (1994)
L’ancien Code pénal établissait une distinction entre l’ « outrage public à la pudeur » (par
ex., l’exhibitionnisme), l’ « attentat à la pudeur » (par ex., des attouchements commis
sous la contrainte), et le « viol » (tout acte de pénétration sexuelle commis avec violence,
(32) En outre, ce n’est pas parce qu’un énoncé ou un jugement est faux qu’il est nécessairement irrationnel. Les
êtres humains ont cru pendant des millénaires que la terre était plate. Ils se trompaient, mais on ne peut pas dire
pour autant qu’ils étaient irrationnels : ils avaient de bonnes raisons de croire qu’elle était plate parce qu’ils la
voyaient plate. À propos de cette notion de rationalité subjective, voir BOUDON, L’art de se persuader, Paris,
Fayard, 1990, chap. 9.
23
LA PEDOPHILIE
contrainte ou surprise). Le nouveau Code se caractérise par une distinction bipartite entre
les agressions sexuelles (sous-entendu : avec violence) et les atteintes sexuelles (sousentendu : sans violence). Les agressions sexuelles se subdivisent à leur tour en deux catégories : le viol d’une part, et les autres agressions sexuelles d’autre part (voir le schéma
3.1 ci-dessous).
Il faut signaler l’existence d’une légère ambiguïté dans ce nouveau vocable. L’expression « atteinte sexuelle », dont l’usage se limite en principe à des infractions commises
« sans violence, contrainte, menace ni surprise », est parfois utilisée comme un concept
qui englobe l’ensemble des infractions sexuelles sur la personne (en particulier, le projet
de loi présenté à la fin du chapitre vise à renforcer la prévention et la répression des
« atteintes sexuelles » contre les mineurs, étant entendu ici que tous les types d’infraction
sont pris en compte, y compris les viols et les autres agressions sexuelles).
Infractions sexuelles
!
"
Agressions sexuelles
(violence)
!
"
Viols
Atteintes sexuelles
(pas de violence)
Autres agressions sexuelles
Schéma 3.1. La nouvelle nomenclature des infractions sexuelles
La répression des atteintes sexuelles sur mineur de moins de quinze ans
Les différents articles du Code pénal cités dans ce chapitre sont présentés in extenso dans
l’annexe 1. Il est à noter que seul le maximum de la peine est indiqué dans les articles. Le
juge peut donc prononcer une peine sans limite inférieure. La seule exception a lieu en
matière de crimes, où « la réclusion ou la détention à perpétuité ne peuvent être abaissées
au-dessous de deux ans d’emprisonnement, [et] la réclusion ou la détention à temps audessous d’un an d’emprisonnement (avec éventuellement, si un emprisonnement est prononcé, le sursis si les conditions en sont réunies) » (33).
LES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES. Le terme même de « pédophilie » n’est pas employé
par le Code pénal. Néanmoins, ce Code considère comme une circonstance aggravante le
fait qu’une atteinte sexuelle soit commise à l’encontre d’un mineur de moins de quinze
ans. Une autre circonstance aggravante provient de ce que l’infraction est commise « par
un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la
victime », ou bien commise « par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent
ses fonctions » (cette dernière circonstance s’applique aux pédophiles qui occupent des
fonctions d’encadrement d’activités pour les enfants).
Il est important de remarquer que ces trois circonstances aggravantes (« mineur de
quinze ans », « ascendant », et « fonctions ») ne permettent pas de distinguer de façon
stricte la pédophilie (intérêt sexuel fixé sur les enfants pré-pubères) de l’hébéphilie (intérêt sexuel fixé sur les jeunes adolescents pubères). En effet, comme l’âge de la puberté
(33) LARGUIER, Le droit pénal, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1994, p. 112–113.
24
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
survient aux alentours de douze ans, ces deux catégories se retrouvent ensemble dans
celle des « moins de quinze ans ». Par ailleurs, même si la pédophilie et l’inceste peuvent
en principe être distingués grâce à la circonstance « commis par un ascendant », cette distinction n’est pas absolue, car il peut arriver qu’un pédophile agresse ses enfants ou ceux
de sa compagne.
LES VIOLS. Les infractions sexuelles se composent tout d’abord des agressions sexuelles,
à savoir « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise »
(art. 222-22). La plus grave agression sexuelle est le viol, défini comme « tout acte de
pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par
violence, contrainte, menace ou surprise » (art. 222-23). Le viol est puni de quinze ans de
réclusion criminelle au maximum (art. 222-23), mais ce maximum est porté à vingt ans
lorsque le viol est commis sur un mineur de moins de quinze ans (art. 222-24).
LES AUTRES AGRESSIONS SEXUELLES. Les agressions sexuelles autres que le viol – c’està-dire commises avec violence, contrainte, menace ou surprise, mais sans pénétration
sexuelle d’aucune sorte – sont punies au maximum de cinq ans d’emprisonnement et de
500 000 F d’amende (art. 222-27). Cette peine est portée à sept ans d’emprisonnement et
700 000 F d’amende au maximum lorsque ces agressions sont commises sur des mineurs
de moins de quinze ans (art. 222-29).
L’exhibitionnisme fait partie des « autres agressions sexuelles ». Il est réprimé par un
article spécifique qui énonce que « l’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans
un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de
100 000 F d’amende » (art. 222-32).
LES ATTEINTES SEXUELLES. Quant aux infractions sexuelles qui ne sont pas des agressions
sexuelles (c’est-à-dire qui sont commises « sans violence, contrainte, menace ni surprise », donc même si le mineur est consentant), et qui sont perpétrées par un majeur à
l’encontre d’un mineur de moins de quinze ans, elles sont punies au maximum de deux
ans d’emprisonnement et de 200 000 F d’amende (art. 227-25).
LA CORRUPTION DE MINEUR. Le fait de « favoriser ou de tenter de favoriser la corruption
d’un mineur » est puni au maximum de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 F
d’amende, peines qui sont portées à sept ans d’emprisonnement et 700 000 F d’amende
lorsque le mineur est âgé de moins de quinze ans (art. 227-22 du Code pénal). La corruption de mineur, qui correspond à « l’excitation de mineurs à la débauche » dans l’ancien
Code pénal, consiste par exemple pour un prévenu à avoir associé une mineure à son
comportement impudique avec la volonté d’éveiller ses pulsions sexuelles.
La répression de la pornographie enfantine
Le nouveau Code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 300 000 F d’amende le fait
de fixer, d’enregistrer, de transmettre ou de diffuser « l’image d’un mineur lorsque cette
image présente un caractère pornographique » (art. 227-23). Cette peine est portée à trois
ans d’emprisonnement et 500 000 F d’amende lorsqu’il s’agit d’un mineur de moins de
quinze ans.
Il n’existe pas à l’heure actuelle de texte qui incrimine de manière spécifique la détention individuelle de cassettes présentant des images de mineurs à caractère pornogra25
LA PEDOPHILIE
phique. Néanmoins, cette simple détention est poursuivie par certains tribunaux, mais pas
par tous, sur la base de l’article 321-1 du Code pénal qui concerne le recel :
« Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de
faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient
d’un crime ou d’un délit [...] Le recel est puni de cinq ans d’emprisonnement et de
2 500 000 F d’amende. »
Comme la réalisation et la transmission de « l’image d’un mineur lorsque cette image
présente un caractère pornographique » est un délit au termes de l’article 227-23, la
détention d’une revue ou d’une cassette de pornographie enfantine peut être considérée
comme un recel au sens de l’article 321-1. L’infraction de recel peut également être retenue en combinaison avec l’article 227-22 du Code pénal, qui concerne la corruption de
mineurs.
Le problème qui se pose, en l’absence d’une infraction spécifique relative à la détention, est que si l’infraction principale n’est pas caractérisée pour une raison ou pour une
autre (par exemple pour un vice de procédure), alors l’infraction secondaire de recel
tombe à son tour et ne peut donc plus être poursuivie (34).
La répression du tourisme sexuel
Le Code pénal permet de combattre le tourisme sexuel pratiqué à l’étranger par des pédophiles de nationalité française. L’article 113-6 stipule que :
« La loi pénale française est applicable à tout crime commis par un Français hors du
territoire de la République. Elle est applicable aux délits commis par des Français hors
du territoire de la République si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont
été commis. »
Le tourisme sexuel, s’il vise des mineurs de moins de quinze ans, et s’il est commis
« sans violence, contrainte, menace ni surprise », est un délit selon la loi française au titre
de l’article 227-25 du Code pénal (voir ci-dessus). Un pédophile français qui aurait pratiqué du tourisme sexuel peut donc en principe être poursuivi une fois revenu en France.
Il existe habituellement deux conditions restrictives à l’application des lois françaises
à un Français ayant commis à l’étranger un délit ou un crime. Tout d’abord, il faut que les
faits soient « punis par la législation du pays où ils ont été commis » (art. 113-6). Ensuite,
l’article 113-8 précise que la poursuite des délits commis à l’étranger par un Français « ne
peut être exercée qu’à la requête du ministère public. Elle doit être précédée d’une plainte
de la victime ou de ses ayants droit ou d’une dénonciation officielle par l’autorité du pays
où le fait a été commis ».
Ces deux conditions restrictives ont été levées, pour ce qui concerne le tourisme
sexuel, par la loi du 1er février 1994 (no 94-89, titre IV, art. 15). Désormais, une atteinte
sexuelle commise sans violence, contrainte, menace, ni surprise par un majeur à
l’encontre d’un mineur de moins de quinze ans est passible de la loi pénale française :
(34) C’est pourquoi il est question, dans le projet de loi de 1996 renforçant la prévention et la répression des
atteintes sexuelles contre les mineurs, de créer une infraction spécifique de détention d’images pornographiques
impliquant des enfants (voir ci-dessous la section consacrée à ce projet de loi).
26
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
• lorsqu’elle s’accompagne du versement d’une rémunération (circonstance aggravante),
• même si les faits ne sont pas punis par la législation du pays où ils ont été commis,
• et même si la victime ou ses ayants droit n’ont pas porté plainte (dans le pays en question), ou si l’autorité de ce pays n’a pas déposé une dénonciation officielle.
La peine maximale encourue est de dix ans d’emprisonnement et de 1 000 000 F
d’amende (art. 227-26 du Code pénal). À ce jour, cette loi n’a pas encore été appliquée
(35)
.
Les dispositions relatives aux crimes commis contre
les mineurs de moins de quinze ans (1994)
Les affaires de meurtre d’enfant obtiennent toujours une très forte répercussion médiatique, laquelle est encore accentuée lorsque le meurtre a été précédé de violences sexuelles.
Suite à plusieurs affaires marquantes survenues au début des années 1990, le Gouvernement a adopté le 1er février 1994 la loi no 94-89 (titre III) qui porte la période de sûreté à
trente ans pour les assassinats – meurtres avec préméditation, punis de la réclusion criminelle à perpétuité – dont la victime est un mineur de moins de quinze ans, et lorsque
« l’assassinat est précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie »
(art. 221-3).
La période de sûreté est la durée pendant laquelle un condamné à une peine de réclusion de plus de dix ans ne peut bénéficier des dispositions de suspension ou de fractionnement de la peine (permission de sortir, semi-liberté, libération conditionnelle). Avant la
loi no 94-89, la période de sûreté pour les condamnations à la réclusion criminelle à perpétuité ne pouvait dépasser vingt-deux ans (art. 132-23).
LE PROJET DE LOI RENFORÇANT LA PREVENTION
ET LA REPRESSION DES ATTEINTES SEXUELLES
CONTRE LES MINEURS (1996)
Dans le cadre du programme d’action décidé suite au congrès mondial de Stockholm
contre l’exploitation sexuelle des enfants (27–31 août 1996), le Gouvernement a préparé
un projet de loi destiné à renforcer la prévention et la répression des atteintes sexuelles
contre les mineurs. Ce projet se compose de trois grands volets (36) : instauration d’une
peine complémentaire de suivi médico-social à l’encontre des délinquants sexuels, protection accrue des mineurs contre la pornographie, renforcement des mesures permettant de
combattre le tourisme sexuel.
(35) Interview de Jean-Pierre ROSENCZWEIG, président du tribunal pour enfants de Bobigny, dans Le Point
du 28 septembre 1996, p. 99.
(36) GROUPE PERMANENT INTERMINISTERIEL DE L’ENFANCE MALTRAITEE, « Le programme gouvernemental :
prévenir et mieux réprimer la délinquance sexuelle », dossier Protection de l’enfance maltraitée : grande cause
nationale 1997, Paris, 13 mars 1997.
27
LA PEDOPHILIE
La peine complémentaire de suivi médico-social
Cette peine complémentaire est destinée aux délinquants et aux criminels ayant commis
une agression sexuelle, quelle qu’elle soit, ou une atteinte sexuelle sans violence sur des
mineurs (y compris les délits de corruption des mineurs, de diffusion d’images des mineurs présentant un caractère pornographique, et de diffusion de messages pornographiques susceptibles d’être vus par un mineur). Elle a pour objectif essentiel de réduire les
risques élevés de récidive liés à cette forme de délinquance.
Comme elle comprend une injonction de soin, cette peine ne pourra être prononcée
qu’après une expertise médicale indiquant que le condamné est susceptible de faire
l’objet d’un traitement.
MODALITES GENERALES D’EXECUTION DE LA PEINE. La peine de suivi serait applicable à
compter du jour où la privation de liberté a pris fin. Elle pourrait atteindre cinq ans au
maximum pour les délits, et dix ans au maximum pour les crimes.
Si un condamné ne respectait pas cette obligation de suivi, il devrait exécuter une
peine d’emprisonnement dont la durée maximum aurait été fixée par la condamnation
initiale : deux ans au maximum en matière de délit, et cinq ans au maximum en matière
de crime. Si par exemple il était condamné à quinze ans de réclusion criminelle, et refusait de respecter l’injonction de suivi, alors il pourrait être condamné à cinq années supplémentaires, soit en tout vingt ans de réclusion. C’est le juge d’application des peines
qui mettrait à exécution cet emprisonnement supplémentaire.
Comme il s’agit d’une peine complémentaire, elle pourra être prononcée à titre de
peine principale en matière correctionnelle. Un exhibitionniste pourra donc être condamné à la peine de suivi médico-social sans faire simultanément l’objet d’une peine
d’emprisonnement.
MODALITES DU SUIVI MEDICAL. Pour mettre en œuvre l’injonction de soins, le juge
d’application des peines désignera, dans une liste de praticiens du département ou du territoire établie par arrêté préfectoral, un médecin coordinateur qui sera chargé : 1o
D’inviter le condamné à choisir un médecin traitant (ce choix sera soumis à l’accord du
médecin coordinateur), 2o De conseiller le médecin traitant si celui-ci en fait la demande,
3o De transmettre au juge d’application des peines les éléments nécessaires au contrôle de
l’injonction de soins (de façon à ce que le médecin traitant puisse n’avoir aucun contact
direct avec les autorités judiciaires), 4o D’informer le condamné dont le suivi médicosocial est arrivé à son terme de la possibilité de poursuivre son traitement en l’absence de
tout contrôle de l’autorité judiciaire.
Le médecin traitant – et non le juge – sera chargé de prescrire le traitement adapté à
l’état du condamné, la nature et la périodicité de ce traitement, et les modifications qu’il
faut lui apporter en fonction de l’évolution de l’état du patient (37). Il sera également chargé de délivrer les attestations de suivi du traitement à intervalles réguliers, de façon à ce
que le condamné puisse lui-même justifier, auprès du juge d’application des peines, de
l’accomplissement de son obligation de soins.
Si le condamné interrompt son traitement, le médecin traitant pourra en informer le
juge d’application des peines ou le médecin coordinateur. Il sera donc délié du respect du
secret professionnel qui lui est par ailleurs imposé aux termes de l’article 226-13 du Code
(37) La question des traitements médico-psychologiques sera abordée ci-dessous au chapitre 5.
28
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
pénal (la violation du secret professionnel est punie d’un an d’emprisonnement et de
100 000 F d’amende).
CONTRAINTES SPECIFIQUES POUVANT VISER LE CONDAMNE. En plus des mesures de contrôles auxquelles doivent se soumettre les condamnés mis à l’épreuve (art. 132-44 du Code
pénal), les individus condamnés à la peine complémentaire de suivi médico-social pourront être soumis à l’une ou plusieurs des obligations suivantes (temporaires ou définitives) : 1o S’abstenir de paraître dans les lieux accueillant habituellement des mineurs, 2o
S’abstenir de fréquenter, ou d’entrer en relation avec, certaines personnes ou certaines
catégories de personnes, notamment des mineurs, 3o Ne pas exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.
Le renforcement de la protection des mineurs contre la pornographie
INTERDICTION DU MATERIEL PORNOGRAPHIQUE METTANT EN SCENE DES ENFANTS. Le délit
de diffusion d’images à caractère pornographique d’un mineur sera étendu aux images
virtuelles d’un mineur, aux images qui, sans être pornographiques, sont en réalité destinées à un public pédophile, et à l’importation ou l’exportation de telles images.
La simple détention de pornographie enfantine, même à titre privé et sans intention de
diffusion, sera incriminée. Les revues et cassettes vidéo pédophiles pourront être confisquées, ainsi que le produit financier de ces infractions.
L’utilisation d’un réseau de télécommunications (Minitel, Internet, etc.) constituera
une circonstance aggravante nouvelle dans les cas de proxénétisme, de corruption de mineur, et de diffusion d’images de mineurs présentant un caractère pornographique. En
d’autres termes, les peines seront aggravées à l’encontre des prévenus qui auront utilisé
ces réseaux de télécommunication pour entrer en contact avec leurs victimes ou tout simplement pour diffuser de la pornographie impliquant des enfants.
PROTECTION DES MINEURS CONTRE LA DIFFUSION DES PRODUITS PORNOGRAPHIQUES. Les
établissements offrant des biens ou services à caractère pornographique (sex-shop) ne
pourront s’établir dans un périmètre de 100 m autour des écoles et des lycées, des établissements d’animation culturelle ou de loisir pour la jeunesse, et des aires de jeu accueillant
habituellement des mineurs (38).
Le ministre de l’Intérieur pourra interdire des documents fixés sur un support électronique ou magnétique, mis à la disposition du public, et présentant un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère pornographique. Jusqu’à présent, la loi no 49-956 du 16
juillet 1949 modifiée sur les publications destinées à la jeunesse permettait d’interdire
aux mineurs la vente de certaines publications. Mais elle ne s’étendait pas aux vidéogrammes (vidéocassettes enregistrées sur support magnétique, vidéodisques enregistrés
sur support électronique) ni aux programmes informatiques (notamment les jeux vidéo).
Par ailleurs, la plupart des films pornographiques diffusés sur vidéocassette ne font pas
l’objet d’une exploitation en salle, et échappent donc à l’obligation d’obtenir un visa
d’exploitation.
Le projet de loi a pour but de combler ces vides juridiques en permettant d’interdire la
diffusion aux mineurs des documents utilisant ces nouveaux supports vidéo, et dont le
(38) À l’heure actuelle, cette mesure ne s’applique qu’aux établissements vendant des publications dont la vente
aux mineurs est interdite (art. 99 de la loi no 87-588 du 30 juillet 1987).
29
LA PEDOPHILIE
contenu serait contraire à la dignité humaine. Cette interdiction surviendrait par décision
de l’autorité administrative, après avis consultatif d’une commission présidée par un
conseiller d’État ou un conseiller à la Cour de cassation.
L’extension de la lutte contre le tourisme sexuel
D’après la loi du 1er février 1994, un Français majeur qui commet à l’étranger une atteinte
sexuelle sans violence, contrainte, menace ni surprise à l’encontre d’un mineur de moins
de quinze ans, est passible de dix ans d’emprisonnement et de 1 000 000 F d’amende, s’il
a versé une rémunération, et même si les faits ne sont pas punis dans la législation du
pays ou si la victime ou ses ayants droit n’ont pas porté plainte (39).
Cette loi va être étendue dans trois directions. Tout d’abord, elle concernera
l’ensemble des atteintes sexuelles, c’est-à-dire plus seulement celles commises sans violence, contrainte, menace ni surprise, mais également les viols et les autres agressions
sexuelles. Ensuite, elle s’appliquera même en l’absence du versement d’une rémunération. Et enfin, elle ne visera plus uniquement les ressortissants français mais aussi les
étrangers qui résident habituellement en France.
Par ailleurs, la responsabilité des personnes morales sera instituée dans le cas du délit
d’association de malfaiteurs, ce qui permettra notamment de poursuivre et de sanctionner
plus efficacement les agences de voyage proposant du tourisme sexuel.
Les autres mesures envisagées
Il est prévu d’aggraver les peines encourues pour les atteintes sexuelles sans violence
commises à l’encontre des mineurs de moins de quinze ans. Ces atteintes seront punies de
cinq ans d’emprisonnement et 500 000 F d’amende, au lieu de deux ans et 200 000 F à
l’heure actuelle (art. 227-25 du Code pénal).
La prescription des atteintes aux personnes (crimes et délits) commises à l’encontre
des mineurs ne commencera à courir qu’à partir de leur majorité. Cette règle, qui jusqu’alors ne s’appliquait qu’aux infractions commises par les parents du mineur ou par des
personnes ayant autorité sur lui, sera donc généralisée. Elle pourra être appliquée à certains agresseurs pédophiles.
Enfin, le projet prévoit la présence possible d’un psychologue lors des auditions ou
des confrontations auxquelles assistera un mineur. Ce praticien pourra soutenir moralement le mineur et éviter ainsi que les formalités de l’enquête n’aboutissent à accroître les
traumatismes subis par celui-ci.
(39) Voir ci-dessus la sous-section sur « La répression du tourisme sexuel ».
30
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
LES STATISTIQUES
ET LA PEDOPHILIE
Nous ne possédons malheureusement presque aucune statistique spécifique concernant le
phénomène de la pédophilie en France. Il nous faut nous contenter des statistiques officielles, malgré leur inadéquation dans la délimitation de l’objet qui nous occupe, et leur
incapacité à nous révéler l’ampleur réelle des phénomènes (elles ne mesurent pas la délinquance cachée, ou « chiffre noir » de la délinquance).
Dans un premier temps, nous verrons que les chiffres indiquent un accroissement très
conséquent de l’activité de la police et de la justice dans le domaine des affaires de
mœurs concernant les mineurs. Dans un second temps, il nous faudra déterminer la signification de ces chiffres, qui sont peut-être davantage le signe d’une augmentation du
nombre des révélations des atteintes sur mineurs que d’un accroissement du nombre global réel de ces affaires dans la société.
LES STATISTIQUES OFFICIELLES EN RELATION AVEC LA
PEDOPHILIE
Les statistiques de la Police et de la Gendarmerie
Deux types de statistiques sont mis à notre disposition par le ministère de l’Intérieur :
celles de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) d’une part, qui concernent
l’action de la police et de la gendarmerie, et celles de la Direction centrale de la sécurité
publique (DCSP) d’autre part, qui concernent les zones urbaines.
LES STATISTIQUES DE LA DCPJ. Chaque année, le ministère de l’Intérieur publie par
l’intermédiaire de la DCPJ un volume sur les Aspects de la criminalité et de la délinquance constatées en France (accompagné d’un volume d’annexes). Ce volume présente
un état de la criminalité et de la délinquance constatées par l’ensemble des services de
police et de gendarmerie au cours de l’année. Malheureusement, ces données sont peu
utilisables pour notre objet, car elles ne rentrent pas suffisamment dans le détail des catégories d’infraction qui nous intéressent.
Jusqu’en 1995, la catégorie d’infractions qui nous concernait était celle des « Atteintes au mœurs », à travers les trois sous-catégories suivantes : « Viols », « Attentats à la
31
LA PEDOPHILIE
pudeur », et « Excitation de mineurs à la débauche ». La catégorie des viols ne distinguait
pas les viols sur mineurs des viols sur majeurs, et encore moins les viols sur mineur de
moins de quinze ans des viols sur mineurs de plus de quinze ans. Ces statistiques
n’indiquent donc que le mouvement global de l’activité des services de Police et de Gendarmerie face aux atteintes aux mœurs : aucune distinction n’est effectuée entre les femmes victimes et les enfants victimes, sauf dans la dernière catégorie (voir tableau 4.1).
Atteintes aux mœurs
Viols
sur majeurs et mineurs
Attentats à la pudeur
sur majeurs et mineurs
Excitation de mineurs
à la débauche
1991
5 068
(+ 11 %)
9 164
(+ 5 %)
1 298
(+ 3%)
1992
5 356
(+ 6 %)
10 217
(+ 11 %)
1 188
(– 8 %)
1993
5 605
(+ 5 %)
11 192
(+ 10 %)
1 368
(+ 15 %)
1994
6 526
(+ 16 %)
12 661
(+ 13 %)
1 524
(+ 11 %)
1995
7 350
(+ 13 %)
11 503
(– 9 %)
(n’existe
plus)
Tableau 4.1. Atteintes au mœurs constatées par la DCPJ (1991–1995)
Depuis 1995, suite à la mise en application du nouveau Code pénal (1er mars 1994),
les statistiques qui nous intéressent sont plus détaillées. Elles comprennent désormais,
dans la catégorie des infractions sexuelles, les deux sous-catégories suivantes :
• viols sur mineur(e)s (sans distinction entre les mineurs de plus et de moins de quinze
ans, et sans distinction entre les agissements pédophiles et incestueux),
• harcèlements sexuels et autres agressions sexuelles sur mineur(e)s (même remarque).
On peut donc réaliser pour les années 1995–1996 un tableau plus détaillé, et qui
donne une première idée de l’évolution quantitative de ces données constatées (tableau
4.2).
Infractions sexuelles
1995
4 526
1996
Évolution
Viols sur mineurs
(62 % de l’ensemble des viols)
4 369
– 3,47 %
7 076
+ 14,18 %
Harcèlements et
autres agressions
sexuelles sur mineurs
6 197
(54 % de
l’ensemble)
Tableau 4.2. Infractions sexuelles sur mineurs constatées par la DCPJ (1995–1996)
LES STATISTIQUES DE LA DCSP. Ces statistiques nous intéressent particulièrement en ce
qu’elles distinguent les incestes des viols extra-familiaux contre mineurs. Il s’agit ici
comme précédemment de criminalité et de délinquance constatées, mais ce constat ne
32
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
s’étend pas à la France entière. Il est limité au secteur d’activité de la DCSP, c’est-à-dire
aux zones urbaines (à l’exclusion de Paris, qui est du ressort de la préfecture de Police).
Infractions sur mineurs
Incestes
Autres viols
sur mineurs
Total des viols
Autres agressions
sexuelles
1991
478
804
1 282
×
1992
383
938
(+ 17 %)
1 321
(+ 3 %)
1993
470
959
(+ 2 %)
1 429
(+ 8 %)
×
×
1994
1995
508
494
1 207
1 795
(+ 26 %)
(*)
1 715
2 289
(+ 20 %) (+ 33 %)
×
3488
1996
466
1771
(– 1 %)
2 237
(– 2 %)
4365
(+ 25 %)
Tableau 4.3. Infractions sur mineurs constatés par la DCSP (1991–1996)
Bien que l’on puisse regretter l’absence de statistiques tenant compte de la distinction
entre mineurs de plus et de moins de quinze ans, ce tableau est instructif. En six ans,
l’augmentation annuelle des viols sur mineurs enregistrés par la DCSP (en dehors des
incestes) est littéralement spectaculaire. Le nombre des incestes reste en revanche relativement stable. Les « Autres agressions sexuelles » ne sont mesurées que depuis l’entrée
en vigueur du nouveau Code pénal (c’est-à-dire depuis 1995).
(*) Remarque : l’évolution statistique entre 1994 et 1995 ne peut être calculée car le
nombre de cas pour 1995 a été obtenu à partir du 4001 (Aspects de la criminalité...) alors
que pour les années précédentes ce nombre provenait du rapport annuel du Bureau de
l’action préventive et de la politique de la ville (de la DCSP).
Les statistiques de la Justice
Le ministère de la Justice fournit des statistiques fondées sur le nombre de condamnations
portées sur le casier judiciaire. L’avantage de ces statistiques est qu’elles sont très détaillées en fonction des articles du Code pénal, mais elles présentent également un inconvénient : comme il s’agit des condamnations, elles ne nous indiquent pas le nombre
d’infractions commises – sachant qu’un individu condamné peut avoir commis plusieurs
infractions à l’encontre de la même victime, et peut bien sûr avoir eu plusieurs victimes.
Dans la catégorie des infractions sexuelles sur mineur de moins de quinze ans, nous
avons retenu les sous-catégories suivantes (40) :
•
•
•
•
•
les viols commis sur la personne d’un mineur de moins de quinze ans (2o de l’art. 222-24),
les agressions sexuelles imposées à un mineur de moins de quinze ans (1o du 222-29),
les atteintes sexuelles par un majeur sur un mineur de moins de quinze ans (227-25),
les atteintes sexuelles sur mineur de moins de quinze ans en réunion (« commises par
plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice », 3o du 227-26),
les atteintes sexuelles sur mineur de moins de quinze ans par personne abusant de
l’autorité que lui confèrent ses fonctions (2o du 227-26).
(40) Ces articles sont présentés in extenso dans l’annexe 1.
33
LA PEDOPHILIE
Nous avons donc exclu toutes les infractions caractérisées par la circonstance aggravante « commis par un ascendant légitime, naturel, ou adoptif, ou par toute autre personne
ayant autorité sur la victime », car cette sous-catégorie correspond en principe aux cas
d’inceste et ne nous intéresse donc pas directement ici (pour ce qui la concerne, voir le
tableau 4.7).
Infractions sexuelles sur mineurs
de moins de 15 ans
Viols
(art. 222-24, 2o)
Agressions sexuelles
(art. 222-29, 1o)
Atteintes sexuelles
(art. 227-25)
Atteintes sexuelles en réunion
Atteintes sexuelles (abus aut. fct)
1990
234
521
621
9
3
1991
1992
1993
1994
329
359
295
271
(+ 41 %) (+ 9 %) (– 18 %) (– 8 %)
556
706
819
885
(+ 7 %) (+ 27 %) (+ 16 %) (+ 7 %)
544
654
752
554
(– 14 %) (+ 17 %) (+ 13 %) (– 36 %)
5
10
15
12
3
5
4
1
Tableau 4.4. Condamnations portées sur le casier judiciaire pour viols, agressions
sexuelles, ou atteintes sexuelles sur mineurs de moins de quinze ans (1990–1994)
Nous effectuerons plus loin une comparaison entre les statistiques de condamnation
suivant la circonstance aggravante « commis sur mineur de quinze ans » (ce sont plutôt
les actes de pédophilie) et suivant la circonstance aggravante « commis par un ascendant
légitime, naturel, ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime »
(ce sont plutôt les actes d’inceste).
Les statistiques de l’Administration pénitentiaire
L’Administration pénitentiaire produit un rapport annuel d’activité, dans lequel on trouve
une répartition des condamnés incarcérés en métropole suivant l’infraction et le sexe (au
1er janvier de l’année correspondante). Nous y trouvons une catégorie « Viol et autres
agressions sexuelles sur mineur ». Cette catégorie ne permet, ni de distinguer les
condamnés pour inceste des pédophiles, ni de distinguer les atteintes commises sur mineurs de plus ou de moins de quinze ans.
Viols et autres
agressions sexuelles
sur mineurs
Nombre de détenus
Pourcentage sur
34
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1 593
1 690
(+ 6 %)
2 085
(+ 23 %)
2 267
(+ 9 %)
2 432
(+ 7 %)
2858
(+ 17 %)
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
l’ensemble des détenus
5,5 %
5,8 %
7,2 %
7,6 %
8,3 %
9,1 %
Tableau 4.5. Nombre et pourcentages de condamnés incarcérés en métropole
pour viol ou autre agression sexuelle sur mineurs (1991–1996)
Non seulement le nombre, mais également la proportion de détenus incarcérés pour le
motif de viol ou agression sexuelle sur mineur, est en augmentation très nette. Les statistiques ont presque été multipliées par deux en cinq ans. Selon Pierre TOURNIER, cette
augmentation du nombre des délinquants sexuels (sur mineurs et sur adultes) emprisonnés
s’explique par trois facteurs : « croissance du nombre d’affaires à juger, recours accru aux
peines privatives de liberté, allongement de celles-ci » (41).
Les statistiques du SNATEM
Le Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance maltraitée (SNATEM) est un
organisme financé par l’État et les départements, qui propose un numéro vert national
ayant pour but de concourir « à la mission de prévention des mauvais traitements et de
protection des mineurs maltraités » (art. 71 de la loi du 10 juillet 1989). Il a pris en charge
en 1995 une moyenne de 531 appels par jour.
Les statistiques réalisées par le SNATEM à partir des appels téléphoniques reçus sur
le numéro vert (« Allô enfance maltraitée », no 119) permettent d’avoir une idée de la
proportion des incestes et des actes de pédophilie subis par les enfants.
Infraction sexuelle perpétrée :
– par la famille proche (père, mère,
frère, sœur, beau-père, belle-mère,
grands-parents)
– par un gardien
Pourcentage d’appels
– par d’autres membres de la famille
9,92 %
– par un ami de la famille
3,17 %
– par un camarade
2,76 %
– par un voisin
2,30 %
– par un professionnel
– non déterminé
Total
3,08 %
6,41 %
100 %
67 %
0,37 %
Tableau 4.6. Appels téléphoniques pour atteintes sexuelles
(41) TOURNIER, « Agressions sexuelles : répression pénale et devenir des condamnés », Questions pénales,
CESDIP, mars 1996.
35
LA PEDOPHILIE
à « Allô enfance maltraitée » (pour l’année 1995)
On peut retenir ces pourcentages : 67 % d’appels pour dénoncer des infractions
sexuelles par des parents proches, 33 % pour dénoncer des parents plus éloignés ou des
personnes ne faisant pas partie du cercle familial. Il ne faut bien sûr pas en déduire qu’il y
a un tiers d’affaires de pédophilie et deux tiers d’affaires d’inceste. On pourrait avoir tendance à penser qu’il est plus difficile pour un enfant d’appeler pour dénoncer ses propres
parents que pour dénoncer un voisin ou un inconnu, et donc que la proportion des atteintes sexuelles en provenance des parents est sous-estimée dans les appels. Mais cette hypothèse reste purement conjecturale, car on peut également imaginer un effet jouant en sens
inverse : les enfants victimes de leurs parents n’ayant personne à qui se confier, ils pourront plus facilement être tentés d’avoir recours au numéro vert, ce qui conduirait à sousestimer la proportion des atteintes sexuelles pédophiles.
AMPLEUR ET EVOLUTION DU PHENOMENE
Les deux questions essentielles auxquelles on souhaiterait pouvoir répondre à l’aide des
statistiques sont : 1o Quelle est l’ampleur réelle du phénomène de pédophilie ? 2o Quelle
est l’évolution réelle du phénomène (augmentation, régression ou stagnation) ?
Il apparaît, malheureusement, que les chiffres dont nous pouvons disposer ne nous
permettent pas de répondre de façon rigoureuse à ces questions.
Ampleur
La question de l’ampleur du phénomène de pédophilie peut être décomposée en deux
questions bien distinctes : 1o Combien y a-t-il de pédophiles dans la population française
? 2o Combien y a-t-il de victimes, chaque année, d’actes pédophiles ?
NOMBRE DE PEDOPHILES. Seules les statistiques provenant du ministère de la Justice nous
renseignent sur des nombres d’auteurs d’infraction (celles qui proviennent de la police et
de la gendarmerie comptabilisent des infractions ou des victimes). Or ces statistiques sur
les condamnations ou les détenus ne nous permettent pas de déterminer le nombre total
réel de pédophiles sévissant en France, pour la bonne raison que nous ne savons pas
quelle est la part de ces pédophiles qui passe entre les mailles du filet judiciaire (c’est-àdire la proportion de pédophiles qui passent à l’acte mais ne se font pas prendre).
Tout ce que l’on peut connaître, c’est la fourchette basse du nombre total de pédophiles. On peut en obtenir une estimation approximative en faisant la somme du nombre des
condamnations enregistrées en 1994 pour atteintes sexuelles de tous ordres sur mineurs
de moins de quinze ans (42) (dernière colonne du tableau 4.4). On parvient au résultat sui-
(42) Rappelons que ces statistiques ne prennent pas en compte les viols, agressions ou atteintes
sexuelles commis sur mineurs de moins de quinze ans par un ascendant ou par toute autre
personne ayant autorité sur la victime.
36
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
vant (43) : le nombre total de pédophiles actifs annuellement est supérieur à 1 723. Il y a
donc des milliers de pédophiles qui commettent chaque année en France des atteintes
sexuelles de types divers, mais au vu des données disponibles on ne peut en dire plus.
Il est intéressant d’opérer une estimation de la comparaison entre le nombre de pédophiles et le nombre de pères incestueux. On croit souvent qu’il y a beaucoup plus de pères
incestueux que de pédophiles, mais les statistiques semblent indiquer une réalité différente.
Les statistiques de condamnations nous permettent en principe de réaliser une estimation de la valeur relative de ces deux nombres, puisqu’elles distinguent les deux circonstances aggravantes suivantes : (1) infractions sexuelles commises sur mineurs de moins
de quinze ans, et (2) infractions sexuelles commises par des ascendants (légitimes, naturels, ou adoptifs) ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime. En principe, la
circonstance aggravante « commis sur un mineur de quinze ans » recouvre les infractions
de nature pédophile, alors que la circonstance aggravante « commis par un ascendant légitime, naturel, ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime » recouvre les infractions de nature incestueuse.
Si l’on admet cette hypothèse, on s’aperçoit que le nombre des condamnations pour
pédophilie est du même ordre de grandeur que celui des condamnations pour inceste. Il
est même, en moyenne, et quel que soit le type d’infraction sexuelle, légèrement supérieur
(voir le tableau 4.7 ci-dessous). On peut donc penser que ces phénomènes sont d’ampleur
à peu près équivalente, car il n’y a pas de raison particulière pour que le système judiciaire filtre plus sévèrement les affaires de pédophilie que celles d’inceste ou inversement.
Infractions sexuelles sur
victimes mineures
Viols sur mineur de moins
de quinze ans
Viols de mineurs par ascendant ou
personne ayant autorité
Agressions sexuelles sur mineur de
moins de quinze ans
Agressions sexuelles de mineurs par
ascendant ou personne ayant autorité
Atteintes sexuelles sur mineurs de
moins de quinze ans
Atteintes sexuelles sur mineurs par
ascendant ou personne ayant autorité
1990
1991
1992
1993
1994
234
329
359
295
271
97
114
100
285
304
521
556
706
819
885
89
88
121
141
286
621
544
654
752
554
420
505
553
629
597
Tableau 4.7. Comparaison des condamnations pour « pédophilie »
et pour « inceste » (44) (casier judiciaire, 1990–1994)
(43) En toute rigueur, il faudrait tenir compte du fait que les condamnations prononcées pendant une année donnée peuvent, de par la durée des procès, se rapporter à des infractions commises au cours d’une année antérieure.
37
LA PEDOPHILIE
Néanmoins, ce résultat doit être nuancé. Face à une infraction commise par un ascendant sur un mineur de moins de quinze ans (c’est-à-dire face à un inceste), les tribunaux
ont le choix entre deux qualifications qui sont équivalentes du point de vue de la peine
encourue. Il se peut que les principes de catégorisation juridique ne soient pas toujours
respectés, et que l’on retrouve en pratique des cas d’inceste dans les catégories « commis
sur un mineur de quinze ans », et surtout des cas de pédophilie dans les catégories
« commis par un ascendant [...] ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime »
(par exemple, des responsables de groupes d’enfants dans un cadre scolaire ou associatif
(45)
).
NOMBRE DE VICTIMES D’ACTES PEDOPHILES. On retrouve les mêmes difficultés lorsque
l’on veut estimer l’ampleur de la victimisation due à la pédophilie. Les seules données
dont nous disposons sont des données constatées par les services de police et de gendarmerie. Or il est évident qu’une proportion importante des actes pédophiles ne vient jamais
à la connaissance de ces services : tout d’abord, ces actes peuvent ne pas être révélés par
les enfants eux-mêmes (soit parce qu’ils ont peur, soit parce qu’ils se sentent coupables et
honteux, soit tout simplement parce qu’ils n’ont pas compris le sens de ce qui leur était
arrivé), et ensuite, les parents, même s’ils sont mis au courant par leurs enfants ou s’ils
s’aperçoivent de quelque chose, peuvent ne pas vouloir porter plainte pour éviter de subir
les tourments d’un procès. Ce « chiffre noir » des victimisations non rapportées à la police ou à la gendarmerie, et donc non prises en compte par les statistiques de la DCPJ, est
inconnu, ce qui fait que l’on ne peut estimer le nombre réel total de victimes de la pédophilie.
Il paraît impossible, ici, de réaliser une estimation de la fourchette basse de la victimisation à partir des données constatées par la Police et la Gendarmerie. Le nombre constaté de mineurs victimes d’atteintes sexuelles est de l’ordre de 10 000 par an selon la
DCPJ (tableau 4.2). Mais on ignore comment ce nombre se décompose suivant les catégories de l’inceste et de la pédophilie (46).
En conclusion, les données dont nous disposons ne nous permettent pas de déterminer
l’ampleur du phénomène de pédophilie en France, que ce soit en termes de nombre
d’auteurs ou en termes de nombre de victimes.
(44) Ces deux termes sont placés entre guillemets pour indiquer que les catégories juridiques
d’une part, et psychologiques (ou sociologiques) d’autre part, ne se recouvrent pas de façon
stricte (voir le paragraphe sur « Les circonstances aggravantes » dans le chapitre sur « La répression pénale de la pédophilie »).
(45) Ce type de responsables relève en principe de la circonstance aggravante « commis par
une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions », mais il est apparemment très peu fait appel à cette qualification, comme on peut le constater à la dernière ligne du
tableau 4.4.
(46) La DCSP, dans ses statistiques sur les mineurs victimes de viol, effectue une distinction
entre les viols incestueux et les autres viols (tableau 4.3). Cette distinction ne recouvre pas
exactement celle entre inceste et pédophilie, car la catégorie « autres viols » comprend aussi
des infractions commises à l’encontre des mineurs de plus de quinze ans (il ne s’agit plus
alors de pédophilie au sens strict, mais plutôt de ce que les auteurs québécois appellent
« hébéphilie »).
38
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
Évolution
Y a-t-il davantage de pédophiles aujourd’hui qu’il y a quelques années ? Y a-t-il davantage de passages à l’acte pédophile ? La réponse relève, ici aussi, de la spéculation.
Il est incontestable que les statistiques augmentent. Le nombre des viols sur mineurs
et majeurs constatés par la DCPJ augmente (tableau 4.1), le nombre des viols sur mineurs
(hors inceste) constatés par la DCSP augmente (tableau 4.2), et le nombre des condamnations pour les différents types d’atteintes sexuelles sur mineurs de moins de quinze ans
augmente (tableau 4.3).
Ces augmentations constatées ne permettent toutefois pas de conclure que l’ampleur
des phénomènes augmente. En effet, nous ignorons quelle est la part de cette augmentation qui revient à l’augmentation de l’activité des institutions qui produisent ces statistiques. Toute une série de facteurs entrent en jeu, qui ont pour conséquence d’orienter une
part croissante de l’activité de la police et de la justice vers le phénomène des violences
sexuelles faites aux enfants : campagnes d’information d’origine associative ou publique,
prise de conscience collective, évolution législative qui facilite les poursuites (avec par
exemple la modification de la règle de prescription qui fait de nouveau courir le délai à
partir de la majorité de la victime), notes de service internes (par exemple dans la police)
concernant les violences sexuelles ou les mineurs victimes, forte couverture médiatique,
etc.
Le nombre de plaintes, l’activité de la police, de la justice et des associations, ont
donc toutes les chances d’augmenter, même si le nombre réel total de passages à l’acte
pédophile stagne, voire même diminue. Les statistiques dont nous disposons ne nous
permettent donc pas de savoir si ce nombre réel a tendance à s’accroître, à diminuer, ou à
rester stable.
39
LA PEDOPHILIE
LA PREVENTION DES
ACTES PEDOPHILES
La prévention des actes pédophiles doit prendre des formes diverses qui se complètent les
unes les autres. Nous les regrouperons par commodité dans les catégories suivantes :
•
•
•
prévention situationnelle : en informant les parents et les enfants sur la nature réelle
du danger encouru, on peut leur permettre d’adopter des comportements qui diminuent le risque de victimisation,
prévention pénale : elle vise d’une part à signaler en justice les agissements pédophiles, d’autre part à dissuader les passages à l’acte pédophile (par menace de poursuites
judiciaires et d’emprisonnement), et enfin à neutraliser les pédophiles condamnés
pendant toute la période où ils sont emprisonnés,
prévention médico-psychologique : elle consiste à appliquer des traitements médicaux
ou psychologiques, pénaux ou post-pénaux, avec du personnel public ou associatif,
pour prévenir le passage à l’acte ou la récidive des agresseurs sexuels pédophiles.
PREVENTION SITUATIONNELLE : INFORMER LES PARENTS ET
LES ENFANTS
La prévention situationnelle recouvre un ensemble de techniques qui visent à réduire ou
empêcher les occasions de passer à l’acte délinquant, en appliquant trois principes : augmenter l’effort du délinquant potentiel (en rendant plus difficile l’accès aux cibles qu’il
recherche), augmenter les risques qu’il encourt (principalement grâce à la surveillance
formelle ou informelle des cibles), et réduire les gains qu’il peut espérer obtenir (47). Les
techniques basées sur ces trois principes ont fait la preuve de leur efficacité dans de nombreux domaines qui concernent la délinquance classique (48).
(47) Prenons un exemple, très éloigné de la pédophilie. Le fait de remplacer des cabines téléphoniques à pièces
par des cabines téléphoniques à carte permet de supprimer les gains qu’un délinquant peut espérer en obtenir. C’est une méthode très efficace de prévention situationnelle contre le vol et le vandalisme de ces cabines.
(48) Par exemple, prévention du vandalisme, des vols, des hold-up, de la prostitution, des coups de téléphone
obscènes, etc. Voir les vingt-deux études de cas rassemblées par CLARKE, Situational crime prévention.
40
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
Elles n’ont malheureusement qu’une application limitée dans le cas de la pédophilie :
on ne peut réduire les gains du pédophile, mais on peut en revanche augmenter les risques
qu’il encourt grâce à une surveillance accrue des enfants, et on peut aussi essayer
d’augmenter l’effort qu’il devra mettre en œuvre pour atteindre ses cibles. La qualité de
l’information dont vont pouvoir bénéficier les parents et les enfants concernant le danger
pédophile présente à cet égard une importance particulière.
Informer les parents
LES PEDOPHILES SONT RAREMENT DES INCONNUS. Les parents doivent évidemment être
conscients de la gravité des actes pédophiles à l’encontre des enfants, mais ils doivent
aussi savoir que les pédophiles sont en général des individus qu’ils connaissent déjà.
D’après des études citées par VAN GIJSEGHEM (49), la proportion d’actes commis par des
agresseurs inconnus pourrait constituer entre 15 % et 33 % de l’ensemble des atteintes
sexuelles commises sur mineurs (inceste compris). Dans la majorité des cas, donc, la victime connaissait son agresseur.
Les pédophiles sont souvent loin de correspondre à l’image du satyre monstrueux que
l’on se fait d’eux. Ce sont au contraire des gens d’apparence tout à fait normale, et quand
ils exercent une profession qui les met en contact avec des enfants, ils peuvent s’avérer
particulièrement dévoués et être très appréciés par les enfants et leurs parents. Il est important que les parents ne tombent pas des nues quand ce type d’individu en vient à être
soupçonné de pédophilie. Il ne faut alors pas minimiser ses agissements ou lui trouver des
excuses sous prétexte qu’il s’est montré dévoué à sa tâche, mais au contraire comprendre
que ce dévouement n’est qu’un moyen dans sa recherche rationnelle de proies sexuelles.
PRETER ATTENTION AUX SIGNAUX DES ENFANTS. Les enfants victimes d’atteintes sexuelles
répétées adoptent des comportements inhabituels que les parents doivent essayer de décoder. Il faut d’abord savoir que ces enfants se sentent coupables, et ne veulent donc pas
trahir le secret qui leur est imposé par le pédophile. Ils vont s’exprimer d’une façon indirecte qui peut sembler anodine, par exemple en disant qu’ils n’aiment pas Monsieur Untel, ou qu’ils ne veulent pas aller à l’école. Ils peuvent également manifester des changements d’attitudes : devenir soudain plus craintifs, avoir des troubles du sommeil, subir
des échecs scolaires inhabituels, changer d’attitude vis-à-vis de la sexualité (dans le sens
d’une inhibition ou au contraire d’une désinhibition), etc.
On voit que ces symptômes peuvent être très divers, et que leur apparition n’est pas
nécessairement la conséquence d’une atteinte sexuelle, mais les parents doivent néanmoins y être attentifs et tenter d’en déterminer la cause sans exclure a priori la possibilité
d’une atteinte pédophile.
Informer les enfants
Il ressort de plusieurs études américaines que les enfants ont en général du mal à intégrer
le fait qu’ils puissent connaître leur agresseur. Ils s’imaginent que les méchants ont des
têtes de méchants, et il faut donc leur apprendre – soit dans la famille, soit à l’école – à ne
pas seulement se méfier des adultes inconnus mais aussi de ceux qu’ils connaissent. Dans
(49) VAN GIJSEGHEM, La personnalité de l’abuseur sexuel, p. 22–23.
41
LA PEDOPHILIE
tous les cas, il faut leur apprendre à savoir dire non à un adulte qui leur demande de le
suivre ou leur fait des propositions qui les gênent.
Entre autres initiatives, on peut citer le petit guide fort bien fait qui a été édité par la
Direction de l’action sociale et la Direction des écoles (50). Il donne aux enfants un certain
nombre de conseils utiles sous la forme d’un jeu-questionnaire. Pour que les enfants apprennent à se protéger, il leur indique les cinq questions qu’ils doivent se poser lorsqu’on
leur fait des propositions qui les embarrassent : « Est-ce que ça me fait vraiment plaisir ? », « Est-ce que mes parents sont d’accord ? », « Est-ce que j’ai les moyens de les
prévenir ou d’appeler la police (le 17) ? », « Est-ce que je peux aller seul(e) dans ces endroits sans prendre de risque ? », « Est-ce que quelqu’un viendra m’aider si j’en ai besoin ? ». S’ils répondent non à une seule de ces questions, ils ne doivent pas accepter les
propositions que leur fait l’adulte.
Les parents se trouvent confrontés à un arbitrage délicat : ils doivent inciter leurs enfants à la prudence, mais doivent en même temps leur donner la possibilité de faire
l’apprentissage de l’indépendance et de l’autonomie. Quant à l’école, elle peut jouer un
double rôle, tout d’abord en proposant des campagnes d’information à l’intention des enfants, et ensuite en affichant de façon systématique les numéros verts comme celui
d’ « Allô Enfance Maltraitée » (SNATEM).
PREVENTION PENALE : SIGNALER, DISSUADER
ET NEUTRALISER LES PEDOPHILES
La prévention pénale de la pédophilie s’opère tout d’abord par le signalement en Justice
des agissements pédophiles, ensuite par la dissuasion du passage à l’acte pédophile par
menace de sanction pénale, et enfin par la neutralisation temporaire du pédophile pendant
la période où il se trouve emprisonné.
Le signalement
Le signalement en justice – par les parents, par l’école, ou par les médecins – constitue un
maillon essentiel de la chaîne de la prévention pénale. Moins les plaintes ou les témoignages à l’encontre des pédophiles seront fréquents, moins la prévention pénale sera efficace.
LE SIGNALEMENT PAR LES PARENTS DE LA VICTIME. Si des parents s’aperçoivent que leur
enfant subit des atteintes sexuelles pédophiles, il est très important pour l’intérêt commun
qu’ils portent plainte, surtout s’ils connaissent l’identité de l’auteur présumé. La plainte
va en effet permettre (si elle est fondée) de repérer un pédophile et éventuellement de le
neutraliser pendant sa peine de prison. Cela n’empêchera pas une récidive ultérieure, mais
pourra en réduire le risque si le pédophile accepte de suivre un traitement pénal ou postpénal, ou s’il est forcé de renoncer aux fonctions associatives ou professionnelles qu’il
exerce (le cas échéant) auprès d’enfants.
On comprend que des parents puissent être réticents devant la perspective de devoir
ajouter au malheur de leur enfant les désagréments d’un dépôt de plainte et d’un procès.
(50) DIRECTION DE L’ACTION SOCIALE ET DIRECTION DES ECOLES, Passeport pour le pays de prudence, 1996.
42
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
Mais outre qu’ils protègent ainsi d’autres victimes potentielles, ils doivent savoir que les
conditions du dépôt de plainte à la police par des enfants victimes ont beaucoup évolué. Il
existe une volonté de mieux prendre en charge ce type d’affaires et de réserver un accueil
plus adapté aux victimes et aux familles.
Une note de service récente de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP)
indique quelles sont les nouvelles techniques d’audition des enfants victimes qui ont été
mises en place dans plusieurs circonscriptions : tout d’abord, des salles spécifiques ont
été aménagées, où l’on peut utiliser des poupées sexuées pour faciliter la désignation des
parties du corps et la description des atteintes subies, ensuite, des services spécialisés ont
été organisés, comme les services départementaux des mineurs et les brigades des mineurs, et enfin, quelques expériences pilotes ont été conduites concernant
l’enregistrement audiovisuel des auditions, qui permet de conserver l’intégralité du témoignage de l’enfant en lui évitant d’avoir à répéter à plusieurs reprises sa douloureuse
histoire (51).
LE SIGNALEMENT PAR L’ECOLE. Le personnel de l’institution scolaire fait face, du point de
vue du signalement, à des responsabilités particulières en vertu de l’article 40 du Code de
procédure pénale :
« [...] Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans
l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu
d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »
Lorsqu’un membre de l’institution scolaire (enseignant, animateur, surveillant, ou
autre) découvre ou apprend par les confidences d’un élève l’existence d’une affaire présumée de pédophilie (ou d’inceste), il doit donc impérativement le signaler.
Un document d’information à l’intention des personnels des établissements scolaires
a été diffusé dans plusieurs départements, et notamment en Seine-Saint-Denis (52). Il passe
en revue les décisions à prendre suivant les cas qui peuvent se produire (nous laissons de
côté la révélation des agressions sexuelles intra-familiales) :
•
•
si l’agresseur désigné est un individu extérieur à l’école et à la famille, le procureur de
la République doit être averti en urgence par téléphone par le chef d’établissement, ou
par le médecin scolaire, ou par l’assistante sociale scolaire ; ces derniers préviennent
également les parents de la victime présumée, et doivent faire parvenir au procureur le
jour même le signalement écrit (53) (qui reprend les termes utilisés par l’enfant pour
évoquer la violence subie),
si l’agresseur désigné est un élève de l’établissement, la même procédure doit être
appliquée ; il peut être envisagé dans ce cas de placer l’élève agresseur dans un autre
établissement, et il est recommandé d’organiser une réunion avec les adultes de
(51) MARIAGE-CORNALI, chargée d’études à l’IHESI, Vidéo et audition policière avec des enfants. De l’opportunité d’introduire la vidéo dans le cadre des auditions policières avec des enfants victimes, DUEPS, Université de
Tours, 1994.
(52) PREFECTURE D’ÎLE-DE-FRANCE, PREFECTURE, INSPECTION ACADEMIQUE ET CONSEIL GENERAL DE LA SEINESAINT-DENIS, Violences sexuelles : prise en charge et prévention en milieu scolaire, 1996.
(53) Une copie de ce signalement est transmise à l’Aide sociale à l’enfance, qui est chargée du recueil épidémiologique des données sur les violences exercées à l’encontre des enfants.
43
LA PEDOPHILIE
•
l’établissement, une réunion avec les parents d’élèves ou leurs représentants, et une
réunion avec les représentants du personnel, de façon à couper court aux rumeurs infondées qui risqueraient de déboucher sur la violence,
si l’auteur désigné fait partie du personnel scolaire, l’adulte de l’établissement auquel
l’élève s’est confié doit prévenir très rapidement le responsable de l’établissement, ou
l’inspecteur, ou le responsable de l’activité, ainsi que le médecin scolaire ou
l’assistante sociale ou l’infirmière ; le procureur de la République est alors averti par
téléphone, et doit recevoir un signalement écrit dans la journée ; les parents de
l’enfant doivent également être prévenus ; si l’agresseur présumé est mis en examen,
mais pas incarcéré, à la fin de sa période de garde à vue, il est suspendu de ses fonctions par l’autorité académique (inspecteur ou recteur), et ne doit pas revenir dans
l’établissement tant que la justice ne se sera pas prononcée ; le document recommande
l’organisation d’une réunion avec l’ensemble des adultes de l’établissement pour les
informer de la situation, d’une réunion avec les parents d’élèves ou leurs représentants, d’une réunion avec les représentants du personnel, et recommande aussi que le
chef d’établissement intervienne dans la (ou les) classe(s) concernée(s) et même dans
l’ensemble des classes, mais déconseille de désigner nommément l’auteur présumé
aux parents d’élèves.
En affirmant sa volonté d’appliquer ce type de procédure, l’école montre aux parents
d’élèves qu’elle assume pleinement ses responsabilités en matière de protection de
l’enfance.
LE SIGNALEMENT PAR LES MEDECINS ET LA QUESTION DU SECRET MEDICAL. Un médecin
peut être amené à prendre connaissance d’agissements pédophiles s’il examine un enfant
et constate sur lui des marques de sévices sexuels, ou encore s’il recueille en consultation
les confidences d’un pédophile.
Dans les deux cas, il est délié du secret professionnel en vertu de l’article 226-14 du
Code pénal, qui stipule que ce secret n’est pas applicable « 1o À celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de sévices ou privations dont il a eu
connaissance et qui ont été infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est
pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique ;
2o Au médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la
République les sévices qu’il a constatés dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences sexuelles de toute nature ont été commises ».
Dans le cas où un pédophile fait, au cours d’une consultation, des confidences à son
médecin sur des agressions sexuelles qu’il affirme avoir commises, le médecin peut informer les autorités judiciaires (d’après le 1o de l’art. 226-14 ci-dessus). Mais on voit,
d’une part qu’il n’y est pas obligé (il est délié du secret médical, mais ne sera pas poursuivi s’il ne signale pas l’affaire en question), et d’autre part qu’il peut se contenter de
prévenir des autorités « médicales ou administratives », sans que soit précisé ce que feront à leur tour ces dernières. Les médecins sont très attachés aux relations de confiance
qu’ils établissent avec leurs patients, et pourraient donc se montrer réticents à appliquer
une procédure de signalement en justice (54).
(54) Nous ne parlons pas ici du cas du médecin traitant qui sera choisi par un pédophile dans le cadre du projet
de loi sur la prévention et la répression des atteintes sexuelles contre les mineurs. Voir sur ce sujet la sous-section
sur « La peine complémentaire de suivi médico-social » au chapitre 3, et ci-dessous le paragraphe sur « Le traitement après la sortie de prison ».
44
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
La dissuasion
Dans le cas particulier des agresseurs sexuels pédophiles, la dissuasion par menace de
sanction pénale n’a qu’une efficacité limitée car ce type de délinquants présente une très
forte propension à la récidive. VAN GIJSEGHEM cite le chiffre de 80 % de taux de récidive
pour les agresseurs sexuels non traités de tous types (d’après une étude américaine (55)).
Même si cette statistique est surévaluée, on comprend aisément qu’une menace d’emprisonnement ne suffira pas à empêcher les pédophiles actifs en liberté d’essayer de passer à
l’acte.
La neutralisation
La neutralisation des agresseurs pédophiles (pendant la période où ils sont emprisonnés)
présente à l’évidence un degré d’efficacité plus élevé que la simple dissuasion. Mais il
faut avoir conscience que cette neutralisation est brève dans le cas des pédophiles non
violents. Rappelons que les atteintes sexuelles commises « sans violence, contrainte, menace, ni surprise » sur mineurs de moins de quinze ans sont passibles de deux ans
d’emprisonnement au maximum (art. 227-25 du Code pénal), et les agressions sexuelles
de sept ans d’emprisonnement au maximum (art. 222-29 du Code pénal). Si l’on tient
compte de la possibilité de libération conditionnelle (art. 729 du Code de procédure pénale), bon nombre de pédophiles ne resteront en prison que pendant quelques mois. Même
les pédophiles condamnés pour viol ne vont pas y rester indéfiniment. Le risque de récidive est donc d’autant plus important que le penchant pédophile peut perdurer jusqu’à un
âge avancé.
La prévention pénale n’opère que dans des limites assez étroites, et c’est pourquoi il
paraît indispensable de la combiner avec les traitements médicaux ou psychologiques que
l’on va évoquer maintenant.
PREVENTION MEDICO-PSYCHOLOGIQUE :
PEUT-ON TRAITER LES PEDOPHILES ?
Compte tenu de l’efficacité limitée de la prévention situationnelle et de la prévention pénale, il est nécessaire, pour tenter de prévenir la récidive des agresseurs sexuels pédophiles, d’avoir recours à des traitements psychologiques ou médicaux. Ces traitements semblent susceptibles de donner certains résultats, même s’ils sont très loin de présenter une
efficacité parfaite, et même s’ils ne s’appliquent pas à tous les types de pédophiles. Ils ont
en tout cas le mérite d’exister, et l’on doit s’interroger sur la façon dont ils pourraient
compléter le processus pénal, voire y être intégrés.
Il existe deux grands types de traitements, les thérapies psychologiques d’une part, et
les prescriptions médicamenteuses d’autre part. Avant de les passer en revue brièvement,
il est nécessaire de préciser ce que signifie « traiter » des préférences sexuelles déviantes.
(55) VAN GIJSEGHEM, La personnalité de l’abuseur sexuel, p. 23.
45
LA PEDOPHILIE
La pédophilie est-elle une maladie ? Non, mais elle constitue un trouble dans la terminologie psychiatrique du DSM-IV (56). Ce trouble peut dans une certaine mesure être
traité, mais à condition que le traitement entraîne l’adhésion du sujet. On ne peut traiter
quelqu’un contre sa volonté. Un individu qui ne veut pas changer pourra toujours
contourner les traitements, même médicamenteux, et les rendre inefficaces. Un pédophile
condamné qui continue à nier avoir agressé des enfants et qui persiste à se présenter
comme une victime ne pourra pas faire l’objet d’une thérapie. Mais il faut également reconnaître que l’obligation de soins peut être un moyen d’inciter des individus qui sont
dans le déni des faits qu’on leur reproche, à prendre conscience du problème que représente leur orientation, et à en venir à accepter la nécessité du traitement (ce qui constitue
une condition préalable à son efficacité).
Il est à remarquer que les différentes formes de traitement qui vont être présentées ne
sont aucunement exclusives les unes des autres. Bien au contraire, il est probable qu’elles
gagnent en efficacité lorsqu’elles sont appliquées de façon conjointe.
Les thérapies psychologiques
Ces différents types de thérapies présentent un point de convergence : elles soulignent
l’importance du contrôle, par les pédophiles, de leurs sentiments, de leurs affects. Ce
contrôle peut être renforcé par des techniques individuelles (traitements behaviorocognitifs), ou par des techniques de dynamique des groupes (psychothérapies de groupe),
ou encore grâce à l’aide du milieu familial (thérapies visant le réseau social).
LES TRAITEMENTS BEHAVIORO-COGNITIFS. Ils consistent, dans leur principe, à changer des
comportements jugés mal adaptés, ou à remettre en cause des façons de penser qui induisent le sujet en erreur par rapport à la réalité de sa situation individuelle ou sociale. Ils se
décomposent, pour ce qui concerne les agresseurs sexuels, en deux catégories principales
: la prévention de la récidive et l’entraînement aux habiletés sociales.
(1) Prévention de la récidive. Cette méthode de prévention constitue l’application
pratique du modèle théorique du passage à l’acte qui a été présenté au chapitre 2. Le passage à l’acte se décompose en une série d’éléments qui se succèdent dans le temps : un
état affectif négatif (solitude, ennui, dépression, colère, etc.), suivi d’une recrudescence
des fantasmes sexuels déviants, puis de choix apparemment anodins (le pédophile emprunte un raccourci, qui lui permet de passer devant une école où il verra des enfants),
puis d’une situation à risque où l’individu commence à envisager de passer à l’acte, puis
d’une phase de préméditation (approche et sélection de la victime), et enfin de la perpétration de l’acte sexuel déviant (57). Pour tenter de le prémunir contre ce passage à l’acte,
le thérapeute doit faire prendre conscience au pédophile de l’existence même de cet enchaînement (sachant qu’il présentera des formes différentes suivant les individus). Il doit
lui permettre d’éviter de chuter dans les différentes étapes, et s’il chute, il doit lui fournir
des méthodes pour ne pas être entraîné d’une étape à la suivante (58). Compte tenu du rôle
important que paraissent jouer la solitude et l’ennui chez les pédophiles dans la toute
(56) Voir la section « Les définitions psychiatriques » au chapitre 1.
(57) AUBUT, « La prévention de la récidive : une approche bio-psycho-sociale », in AUBUT et al., Les agresseurs
sexuels, p. 147–150.
(58) Idem, p. 152.
46
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
première phase de la chaîne vers un éventuel passage à l’acte déviant (59), il semble particulièrement utile de leur enseigner les compétences sociales qui vont leur faciliter les
contacts et les relations avec des partenaires adultes (60). Ceci nous conduit tout naturellement à la catégorie suivante.
(2) Entraînement aux habiletés sociales. Les pédophiles présentent assez souvent, en
plus de leurs préférences sexuelles déviantes, toute une série d’autres difficultés d’ordre
psychologique : ils ont une faible estime d’eux-mêmes, ils ont du mal à entretenir des
relations harmonieuses avec les adultes, ils ne parviennent pas à exprimer leurs sentiments, ils n’interprètent pas correctement les signaux qu’ils reçoivent de la part d’autrui,
etc. En les aidant à acquérir ces habiletés sociales, on espère du même coup améliorer
leur fonctionnement psychologique et leur permettre de réorienter leur penchant sexuel
vers des adultes (ou tout au moins leur permettre de maîtriser ce penchant). À raison
d’une à trois séances par semaine, le ou les thérapeutes peuvent, soit enseigner des habiletés qui ont été préalablement choisies (par exemple, initier une conversation, ou exprimer
une émotion), soit demander aux participants quelles difficultés particulières ils ont pu
rencontrer au cours des derniers jours et déterminer les habiletés qu’il serait utile de travailler. Différentes méthodes sont envisageables, comme enseigner la raison d’être et la
façon de mettre en œuvre une habileté sociale, ou bien procéder sous forme de jeu de rôle
(l’un des patients tente d’appliquer une habileté face à un autre patient), ou encore
présenter les situations sous forme de problèmes que les participants doivent essayer de
résoudre en déterminant la meilleure stratégie (61).
LES PSYCHOTHERAPIES DE GROUPE. Ce type de psychothérapies entre, d’un point de vue
théorique, dans un cadre psychanalytique ou dans un cadre systémique. On y considère le
groupe comme une entité globale qui va passer par un certain nombre de phases : phases
orale, anale, phallique et génitale dans le cadre psychanalytique, et phases d’affection, de
pouvoir et de communication dans le cadre systémique (62). Le thérapeute fait parler et
participer les agresseurs sexuels, les aide à explorer et à mieux comprendre leur fonctionnement psychologique et celui des autres membres du groupe, et joue un rôle de moins en
moins actif au fur et à mesure que se développe la dynamique du groupe. Cette forme de
psychothérapie présente l’avantage de faire participer les délinquants sexuels à un groupe,
alors qu’ils ont plutôt tendance à s’isoler individuellement. Elle permet également de mélanger des agresseurs sexuels qui ne reconnaissent pas le caractère déviant de leurs actes à
d’autres qui le reconnaissent, ce qui peut avoir une influence positive sur les premiers.
L’organisation peut prendre la forme de séances rassemblant une dizaine d’agresseurs
pendant une heure et demi une fois par semaine.
LES THERAPIES VISANT LE RESEAU SOCIAL. Si le pédophile continue à vivre avec une compagne, une épouse, ou ses parents, il est utile d’intégrer sa famille au programme thérapeutique. La conjointe peut par exemple, si elle le souhaite, participer à certaines séances
de traitement (mais sans être considérée comme une patiente). Elle pourra ainsi mieux
(59) Il est intéressant de noter que chez les agresseurs sexuels de femmes adultes, cette phase initiale prend en
général la forme d’un conflit interpersonnel. Les deux populations sont donc bien distinctes de ce point de vue.
(60) MCKIBBEN, PROULX et LUSIGNAN, « Relationships between conflict, affect and deviant sexual behaviors in
rapists and pedophiles », p. 574.
(61) DANIS, AUBUT, POIRIER et ROBERT, « L’entraînement aux habiletés sociales », in AUBUT et al., Les agresseurs sexuels, p. 129.
(62) TARDIF, « La psychothérapie de groupe », in AUBUT et al., Les agresseurs sexuels, p. 182.
47
LA PEDOPHILIE
comprendre le sens et l’origine des actes déviants de son conjoint, et l’aider à poursuivre
et terminer le traitement. Elle pourra également jouer un rôle dans la prévention de la récidive, car d’une part elle aura appris que le passage à l’acte est le résultat de
l’enchaînement d’un certain nombre d’étapes, et d’autre part elle pourra, grâce à sa présence et sa disponibilité, exercer une surveillance sur l’évolution de son conjoint et
l’aider à surmonter les difficultés des phases les plus délicates (63).
Les prescriptions médicamenteuses
Ces prescriptions prennent la forme de traitements hormonaux anti-androgènes qui ont
pour conséquence, d’une part de limiter ou de supprimer les fantasmes sexuels déviants
non désirés (et donc de réduire ou d’éliminer la tentation de passer à l’acte d’agression
sexuelle), et d’autre part de modifier certains aspects physiologiques du comportement
sexuel (moins d’érections spontanées, érections moins intenses, moins d’éjaculat) (64).
Ces traitements pharmacologiques consistent à remplacer, dans le cerveau et
l’hypophyse de l’individu, la testostérone (principale hormone sécrétée par les testicules)
par un produit aussi neutre que possible du point de vue de l’activité sexuelle. Ce produit
de remplacement doit avoir une structure moléculaire semblable à celle de la testostérone,
de façon à pouvoir occuper les mêmes emplacements dans les cellules visées. Les œstrogènes (principale hormone sécrétée par les ovaires) ont pendant un temps été utilisées,
mais, bien qu’elles se soient avérées efficaces, elles présentaient des effets secondaires
indésirables (nausées, vomissements, féminisation).
Les deux molécules sur lesquelles sont basés les médicaments actuels se nomment
l’Androcur et le Provéra.
Les traitements sont-ils efficaces ?
Quel que soit le type de traitement, psychologique ou pharmacologique, l’adhésion volontaire du pédophile est une condition sine qua non de sa réussite. Il faut qu’il veuille vraiment se soigner, et il ne suffit pas qu’il adhère aux objectifs thérapeutiques d’une façon
purement formelle, parce qu’il espère obtenir en échange une libération conditionnelle ou
parce qu’il veut faire plaisir à ses proches.
EFFICACITE DES TRAITEMENTS HORMONAUX. Elle ne fait aujourd’hui, après plus de deux
décennies d’utilisation, aucun doute. Ces traitements ont une action rapide. En quelques
semaines, ils peuvent changer du tout au tout la vie d’un individu en le libérant de ses
fantasmes sexuels déviants, et en lui permettant de retrouver une vie et même une sexualité normales (65). L’efficacité sera renforcée si le patient bénéficie du soutien de son entourage familial.
Des effets secondaires indésirables peuvent apparaître chez certaines personnes, mais
d’une part ils semblent ne présenter qu’un faible degré de gravité, et d’autre part ils cessent lorsque l’on arrête le traitement.
Compte tenu de ces résultats, il est regrettable que la France ne dispose pas d’une
réglementation prévoyant l’utilisation de ces substances pharmacologiques dans le traite(63) LAMOUREUX, « L’intervention dans le réseau social », in AUBUT et al., Les agresseurs sexuels, p. 214–222.
(64) GAGNE, « Le traitement hormonal », in AUBUT et al., Les agresseurs sexuels, p. 223–234.
(65) Idem, p. 231–232.
48
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
ment des agresseurs sexuels. Les psychiatres français spécialisés dans le domaine du traitement médical des pédophiles (66) ne peuvent prescrire de l’Androcur que par le biais de
médicaments destinés à d’autres usages (67).
Le traitement anti-androgène n’est cependant pas une panacée. Il est adapté aux individus qui ont des fantasmes sexuels déviants non désirés, mais il risque de n’avoir qu’une
efficacité limitée dans toute une série de cas : chez les pédophiles psychopathes (68), chez
ceux qui se droguent ou abusent de l’alcool, chez ceux qui vivent totalement repliés sur
eux-mêmes (et qui ne sont donc pas aidés et confortés par leur entourage dans leur intention de poursuivre le traitement), chez ceux qui sont « amoureux » d’un enfant en particulier, et chez ceux qui ne participent au traitement que pour bénéficier de la clémence de la
justice (sans avoir l’intention de renier ou d’abandonner leur comportement sexuel
délinquant) (69). Il faut aussi savoir qu’un pédophile sous traitement hormonal peut en
annuler les effets en s’injectant, à l’insu de son médecin, de la testostérone.
EFFICACITE DES THERAPIES PSYCHOLOGIQUES. Pour réaliser une évaluation objective de
l’efficacité de ces thérapies, il faudrait en principe pouvoir suivre pendant plusieurs années (entre trois et dix ans) deux groupes d’agresseurs sexuels pédophiles, le premier
composé d’individus en traitement ou ayant suivi un traitement, le second étant un groupe
témoin de pédophiles qui n’ont pas été traités. Au terme de l’enquête, il suffirait, toujours
en principe, de comparer les taux de récidive réels des deux groupes. Les traitements psychologiques pourraient alors être déclarés efficaces si le groupe traité présentait un taux
de récidive significativement moins élevé que le groupe non traité.
Or, une telle enquête se heurte à toute une série de difficultés. Première difficulté :
elle prend beaucoup de temps. Deuxième difficulté : elle ne peut porter que sur des groupes restreints de quelques dizaines ou quelques centaines de pédophiles. Troisième difficulté : il est quasiment impossible de former deux groupes similaires, qui ne se distinguent que par la valeur de la variable « Traitement » (le taux de récidive dépend de multiples facteurs, comme le type et la durée de la thérapie, les antécédents judiciaires de
l’individu, et même la façon de définir la récidive). Quatrième difficulté : on ne connaît
pas le taux de récidive réel car on ne peut savoir avec certitude si un pédophile a ou non
récidivé ; pour ne pas être dupe de ses éventuels mensonges, on est obligé de s’en tenir
aux mises en examen ou aux condamnations officielles, et on risque donc de ne voir que
la partie émergée de l’iceberg. Cinquième difficulté : la mise en œuvre d’une telle enquête scientifique se heurte à une considération morale, qui est que l’on ne peut refuser
de traiter un individu qui le demande sous prétexte de le faire participer pendant des années à un groupe témoin.
Une étude de Bruno PELLERIN et ses collègues fait le point sur la question de la récidive post-traitement des agresseurs sexuels judiciarisés (70). Elle rapporte les résultats de
trois enquêtes récentes évaluant l’impact des traitements behavioro-cognitifs sur la réci(66) Selon le Dr CORDIER, interviewé dans le Dauphiné Libéré du 11 janvier 1997, ils seraient en France moins
d’une dizaine.
(67) En l’occurrence, ils doivent prescrire des médicaments utilisés contre le cancer de la prostate. Voir
l’interview du Dr CORDIER dans Le Figaro du 21 août 1996, p. 6.
(68) Un psychopathe est un individu qui présente une personnalité radicalement anti-sociale. Il ne connaît aucun
sentiment de culpabilité et se moque éperdument des droits et des sentiments d’autrui.
(69) GAGNE, « Le traitement hormonal », p. 228.
(70) PELLERIN, PROULX, OUIMET, PARADIS, MCKIBBEN, et AUBUT, « Étude de la récidive post-traitement chez
des agresseurs sexuels judiciarisés », Criminologie, 1996, 29, p. 87–108.
49
LA PEDOPHILIE
dive. Les conclusions de ces enquêtes ne sont pas très encourageantes. Même si l’on observe que les pédophiles traités récidivent moins, en moyenne, que ceux qui n’ont pas été
traités, on s’aperçoit que la différence entre les taux de récidive n’est en général pas significative du point de vue statistique.
Dans la première étude (de MARSHALL et BARBAREE, 1988 (71)), le taux de récidive
sexuelle non officielle (72) du groupe des pédophiles traités est de 13,2 %, ce qui est significativement inférieur au taux constaté pour le groupe des pédophiles non traités (34,5
%). Le taux de récidive sexuelle officielle des pédophiles traités est lui aussi inférieur au
taux des pédophiles non traités, mais cette différence n’est pas significative (73).
Dans la deuxième étude (de MARQUES et al., 1994 (74)), une seule différence significative a pu être observée, celle entre le taux de récidive officielle violente des pédophiles
traités (4 %) et celui des pédophiles non traités ayant manifesté le souhait d’être traités
(13,9 %). Pour le reste, les taux de récidive des pédophiles traités sont inférieurs à ceux
des pédophiles non traités, mais pas de façon significative (ceci vaut en particulier pour la
récidive sexuelle). Cette étude a permis d’introduire un nouveau critère d’efficacité, qui
consiste à comparer le taux de récidive des pédophiles qui ont suivi le traitement jusqu’au
bout, à celui des pédophiles qui l’ont abandonné en cours de route. On s’aperçoit en effet
que le premier est significativement inférieur au second.
Dans la troisième étude (de PELLERIN et al., 1996 (75)), c’est ce nouveau critère qui est
exploré. On constate que le taux de récidive sexuelle officielle des pédophiles traités est
inférieur à celui des pédophiles qui ont commencé mais pas terminé le traitement, mais
que la différence n’est pas significative. Le fait de terminer le traitement (plutôt que de
l’abandonner) permet en revanche de diminuer de façon significative la récidive violente,
la récidive contre les biens, la récidive contre les personnes, et la récidive totale.
Tous ces résultats doivent être considérés avec prudence. Compte tenu des difficultés
méthodologiques que pose ce type d’enquêtes, on ne peut se permettre d’un point de vue
scientifique de conclure que les traitements psychologiques sont inefficaces. Néanmoins,
il faut bien admettre que ces résultats sont décevants, et ne plaident pas de façon très
convaincante en faveur des thérapies psychologiques pour combattre la récidive sexuelle
des pédophiles.
(71) Caractéristiques : traitement cognitivo-comportemental réalisé en externe (après la sortie de prison) ; 68
pédophiles traités pendant 4 mois ; 58 pédophiles non traités (groupe témoin) ; étude de la récidive sexuelle sur
une période moyenne de 4 ans (entre 1 et 11 ans).
(72) La récidive « officielle » est celle qui est évaluée à partir du dossier officiel de police ou de justice du délinquant ; c’est une récidive constatée sur des pièces officielles, et elle est donc en général sous-évaluée par
rapport à la récidive réelle totale. La récidive non officielle est celle qui est révélée aux chercheurs par le délinquant lui-même, avec bien sûr des possibilités de dissimulation, d’oubli, etc.
(73) Pour les pédophiles hétérosexuels, par exemple, le taux de récidive officiel (durant un suivi moyen de quatre
ans) est de 7,5 % pour ceux qui ont été traités, et de 19,2 % pour ceux qui ne l’ont pas été. Cette différence pourrait sembler démontrer l’efficacité du traitement, mais en réalité elle n’est pas significative du point de vue statistique.
(74) Caractéristiques : traitement cognitivo-comportemental réalisé en interne puis en externe ; 98 pédophiles
traités ; 76 pédophiles traités pendant une année ; 79 non traités mais motivés pour être traités ; 96 non traités et
ayant refusé d’être traités ; 7 ayant abandonné le traitement en cours de route ; étude de la récidive sexuelle pendant une période de 5 ans.
(75) Caractéristiques : traitement cognitivo-comportemental et (selon les individus) médicamenteux en interne
puis en externe ; 35 pédophiles ayant terminé le traitement (de 12 à 24 mois), 39 pédophiles n’ayant pas terminé
le traitement (moins de 12 mois), 28 pédophiles ayant subi un traitement prolongé (plus de 24 mois) ; étude des
récidives officielles sexuelle, violente, contre les biens, et contre les personnes, sur une période moyenne de 60
mois.
50
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
Comment intégrer le traitement des agresseurs sexuels au processus pénal ?
La peine, par définition, vise à punir, alors que le traitement a pour but d’aider les pédophiles (et plus généralement les agresseurs sexuels) à maîtriser des penchants qui pourraient les conduire à des agissements criminels. Les principes qui fondent respectivement
la peine et le traitement sont inconciliables : dans un cas, on impose à l’individu une
contrainte unilatérale, et dans l’autre, on attend de sa part une adhésion volontaire. On
pourrait donc penser qu’il est absurde de vouloir intégrer des traitements à un processus
pénal.
Mais en réalité, un processus pénal ne se réduit pas à l’application d’une peine. Il vise
également – et peut-être avant tout – à protéger la société en combattant la délinquance, et
en particulier en tentant de prévenir la récidive. Dans le cas des agresseurs sexuels, cet
objectif peut être poursuivi en leur proposant des soins pendant leur période d’incarcération et après leur remise en liberté.
Dans le système pénitencier fédéral du Québec, la solution suivante a été adoptée : les
agresseurs sexuels purgeant leur peine ne peuvent obtenir une libération conditionnelle
que s’ils acceptent en échange de participer à des séances de traitement. Il peut bien sûr
arriver que des pédophiles ne consentent au traitement que pour obtenir leur libération
sous condition, et sans avoir vraiment l’intention de modifier leurs conceptions et leur
comportement. Pour éviter au maximum ce type de manipulation, leur motivation fait
l’objet d’une évaluation par les psychologues du système pénitencier, qui émettent un
avis sur leur capacité à bénéficier d’un traitement. Si l’accès au traitement est refusé,
alors la
libération conditionnelle l’est aussi. Cela ne supprime pas complètement le risque de manipulation, mais contribue à le limiter.
Dès lors que l’on considère comme acquis le principe d’une combinaison de la peine
et du traitement, deux questions se posent. Tout d’abord, comment traiter en prison ? Et
ensuite, comment traiter après la sortie de prison ?
LE TRAITEMENT EN PRISON : MODELE FRANÇAIS CONTRE MODELE QUEBECOIS. Le traitement
des pédophiles au cours de leur incarcération peut être envisagé de deux façons :
1. Soit on regroupe les agresseurs sexuels dans un centre spécialisé : c’est le « modèle
québécois » représenté par l’Institut Philippe Pinel de Montréal, un hôpital psychiatrique qui est en même temps une prison de sécurité maximale ; on y admet les agresseurs sexuels qui présentent les cas les plus pathologiques du point de vue psychiatrique ;
2. Soit on donne aux agresseurs sexuels la possibilité de bénéficier d’un traitement dans
le centre même où ils sont détenus : c’est le « modèle français » représenté par les
Services médico-psychiatriques régionaux (SMPR) que l’on trouve dans plusieurs
centres de détention, et où le suivi psychologique de chaque patient est conduit par
des soignants (médecins, psychologues, infirmiers) qui ont avec lui des entretiens répétés.
51
LA PEDOPHILIE
Le Dr Claude BALIER, dans le rapport du groupe de travail qu’il a présidé (76),
s’oppose au modèle québécois. Il ne lui semble pas opportun de regrouper les auteurs de
crimes et délits sexuels dans des établissements spécialisés :
« Tout regroupement permanent d’individus, selon leur pathologie, risque de renforcer celle-ci. Ceci est d’autant plus vrai pour les auteurs d’infraction sexuelle, que
leur mode de défense s’appuie sur les mécanismes de mise en scène et de déni » (p. 40).
L’institution des SMPR lui paraît en outre présenter l’avantage de la souplesse, puisqu’elle permet à un détenu de demander des soins sur place, sans qu’il ait besoin d’être
transféré dans un centre spécialisé. A contrario, si les délinquants sexuels sont dispersés
dans les différents établissements, il se pourrait qu’ils n’osent pas demander à participer à
un traitement car cela risquerait de les faire repérer en tant qu’agresseurs sexuels, ce qui
est très mal vu par les autres détenus.
Quelle que soit la valeur de ces arguments, il faut savoir qu’au Québec, seule une petite minorité d’agresseurs sexuels peut bénéficier d’un traitement à l’Institut Philippe Pinel, qui ne dispose que d’une vingtaine de lits et de 100 à 150 places en externe. Ce système est en outre extrêmement onéreux : les places en interne reviennent à 400 000 F par
patient, ce qui fait que le Gouvernement canadien envisage purement et simplement de
fermer l’unité pour délinquants sexuels (77). Il serait intéressant de savoir combien coûte
par patient l’institution des SMPR, mais la question du financement n’est pas abordée
dans le rapport « BALIER ».
Signalons que le Comité consultatif national d’éthique a émis en 1993, suite à une
demande de l’inspecteur général des Affaires sociales, un avis sur la possibilité de prescrire des médicaments anti-hormonaux aux agresseurs sexuels emprisonnés (78). Constatant que les molécules anti-androgènes ont pour conséquence de faire diminuer
l’appétence sexuelle de façon réversible, le Comité souligne néanmoins que « l’efficacité
et la tolérance à long terme de ces produits sont insuffisamment connues ». Des essais
thérapeutiques doivent donc être conduits, mais qui « nécessitent un consentement libre,
éclairé, et exprès dont toutes les conditions pourraient ne pas être réunies dans le milieu
carcéral ».
LE TRAITEMENT APRES LA SORTIE DE PRISON. Il est question, dans le projet de loi de 1996
renforçant la répression et la prévention des atteintes sexuelles contre les mineurs,
d’instaurer une peine de suivi médico-social qui s’appliquerait dès la sortie de prison et
qui s’ajouterait à la peine classique d’emprisonnement (79). L’idée d’une telle peine complémentaire était déjà défendue, sous le nom de « suivi post-pénal », dans le rapport
« CARTIER » (80).
(76) MINISTERE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES ET MINISTERE DE LA JUSTICE, Traitement et suivi médical
des auteurs de délits et crimes sexuels, 1995.
(77) Interview de Marie-Andrée TRUDEAU, procureur en chef adjoint au tribunal de Montréal, Le Parisien,
19 novembre 1996.
(78) COMITE CONSULTATIF NATIONAL D’ETHIQUE, « Avis sur la prescription de substances antiandrogéniques à
des détenus condamnés pour des infractions à caractère sexuel », 2 novembre 1993.
(79) Voir la section sur « Le projet de loi renforçant la prévention et la répression des atteintes sexuelles contre
les mineurs (1996) » au chapitre 3.
(80) MINISTERE DE LA JUSTICE, Rapport de la commission d’étude pour la prévention de la récidive des criminels, présidée par Marie-Élisabeth CARTIER, 1994, 3e partie, 2e section (« Instaurer un suivi post-pénal »).
52
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
Cette peine de suivi médico-social devrait prendre la forme d’une injonction thérapeutique, en l’occurrence d’une obligation de soins médicaux ou psychologiques, qui
s’étendrait sur une période plus ou moins longue en fonction de la gravité de l’infraction
commise (par exemple, cinq ans pour les délits, dix ans pour les crimes). La mise en
place d’une mesure de ce type pose tout le problème de la coopération entre le monde
médical d’une part, et le monde judiciaire d’autre part.
Dans le système québécois, cette coopération ne semble pas poser de problème. Les
médecins ou les psychologues auxquels est confié le suivi d’agresseurs sexuels, font partie d’une équipe clinique qui comprend l’agent de probation de ces agresseurs. Les soignants rendent compte à leur équipe du déroulement du suivi, et en particulier des absences aux séances de traitement prévues.
Une telle solution serait difficile à appliquer en France. Le Pr. Bernard GLORION, président de l’Ordre national des médecins, explique que « le médecin n’a pas à faire état du
contenu de consultations aux autorités. Il ne peut être un auxiliaire de justice ». Selon lui,
pour que puissent s’établir les relations de confiance indispensables entre un médecin et
son patient, « le secret médical doit être le plus absolu possible » (81). Pour contourner ce
blocage compréhensible de la part du monde médical, le projet de loi prévoit que ce ne
sera pas le médecin traitant qui informera la justice sur le déroulement du traitement,
mais le pédophile lui-même qui devra fournir régulièrement à son juge d’application des
peines des certificats médicaux indiquant que le suivi se poursuit sans interruption.
Cette précaution n’empêchera pas que se posent de délicats problèmes de conscience
pour les médecins. Si un médecin se rend compte que son patient pédophile est sur une
pente qui risque de le conduire à récidiver et à agresser de nouvelles victimes, que devrat-il faire ?
Il ne sera pas tenu au secret médical, puisque le projet de loi prévoit qu’il en sera délié. Mais il ne sera pas non plus obligé de révéler le mauvais déroulement ou l’arrêt du
traitement. L’exposé des motifs du projet de loi précise explicitement, à propos de la
transmission de l’information concernant les difficultés ou la cessation du traitement,
qu’il « ne s’agira nullement d’une obligation, mais d’une possibilité laissée à la conscience du thérapeute ». Il est prévu que ce type d’information sur la dangerosité accrue
d’un patient pourra être transmis par le médecin traitant à un « médecin coordinateur »
désigné par le juge d’application des peines. Ce médecin coordinateur évitera au thérapeute d’être en contact direct avec les autorités judiciaires. Mais le même problème de
conscience pourra se poser à ce médecin coordinateur, et on n’évitera donc pas que dans
un certain nombre de cas la logique médicale et la logique pénale puissent entrer en
conflit.
(81) Interview, Le Point, 11 janvier 1997, p. 31.
53
LA PEDOPHILIE
LA MOBILISATION INTERNATIONALE
CONTRE L’EXPLOITATION
SEXUELLE DES ENFANTS
La lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants entre dans le cadre d’une prévention
pénale élargie au niveau international, qui met en œuvre l’action des États et des organismes internationaux comme les Nations unies ou Interpol. Les associations, de leur côté, ont joué et continuent à jouer un rôle déterminant dans l’évolution et l’application des
législations des différents pays concernés.
Les raisons d’engager et de conduire ce combat sont multiples. La déclaration du
congrès de Stockholm d’août 1996 (reproduite en annexe 2) rappelle que :
« L’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales peut provoquer de
graves conséquences, qui perdureront et pourront mettre en péril le développement physique, psychologique, spirituel, moral et social des enfants pendant toute leur vie, y
compris des risques de grossesse précoce, de mortalité maternelle, de lésions, de développement retardé, d’incapacités physiques et de maladies sexuelles transmissibles, dont
le HIV/SIDA. »
La plupart des organismes signalent en effet que les enfants prostitués connaissent
fort mal les risques liés à la sexualité (maladies sexuelles, modes de transmission du virus
HIV). Ceci est d’autant plus vrai que, par crainte de contracter le SIDA, les clients
s’intéressent à des enfants de plus en plus jeunes et donc de plus en plus ignorants.
PROSTITUTION ENFANTINE, PORNOGRAPHIE ENFANTINE,
ET TOURISME SEXUEL
L’exploitation sexuelle des enfants présente trois aspects différents : prostitution, pornographie, et tourisme sexuel. Ces différents aspects, non seulement se combinent, mais se
renforcent les uns les autres, et il faut en tenir compte dans le combat contre cette forme
d’exploitation. Le réseau international ECPAT, qui regroupe des organisations et des individus combattant la prostitution et la pornographie impliquant des enfants, a pris la mesure de la tâche et a modifié en conséquence son appellation (82) : End Child Prostitution
(82) Info ECPAT France, lettre d’information no 1, décembre 1996.
54
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
And Trafficking (« Mettre fin à la prostitution et au trafic d’enfants ») est devenu End
child prostitution, child pornography and trafficking in children for sexual purposes
(« Mettre fin à la prostitution, à la pornographie et au trafic des enfants à des fins sexuelles »).
De la pédophilie à la pornographie enfantine
Un pédophile, même lorsqu’il ne passe pas à l’acte et se limite à des fantasmes, constitue
un danger potentiel pour les enfants. Le fantasme sexuel déviant n’est pas en soi un délit
criminel, mais il peut conduire à l’utilisation de matériaux pornographiques. Or ces matériaux – images, films – ne peuvent exister que parce que l’on a exploité sexuellement les
enfants qui en sont les objets ou les « acteurs » (sauf dans le cas où il s’agit d’images virtuelles).
Il arrive que cette pornographie soit utilisée par un pédophile auprès de ses victimes
potentielles : il peut leur faire visionner ces films afin de vaincre leur inhibition et leur
résistance aux contacts sexuels avec d’autres enfants ou avec des adultes. Cette pornographie constitue donc par elle-même une exploitation des enfants, mais elle peut en outre
être utilisée pour une exploitation ultérieure.
Il est aujourd’hui possible d’utiliser des images virtuelles pour faire de la pornographie enfantine sans mettre en scène de vrais enfants. Cette pornographie est néfaste, elle
aussi, en ce qu’elle consolide les intérêts sexuels déviants de ceux qui la visionnent. Un
pédophile « fantasmeur » devrait être réorienté vers des fantasmes moins déviants, et non
pas renforcé dans son penchant initial. En effet, suivant le modèle de la prévention de la
récidive (83), si sa situation affective connaît une dégradation plus ou moins soudaine, il
risque de commencer à être tenté de passer à l’acte.
Tout ceci justifie l’attention qui est portée aujourd’hui par les services de police et de
gendarmerie sur les techniques vidéo (vidéocassettes, cédéroms) lors des perquisitions.
De la pornographie enfantine au tourisme sexuel
Bien que, dans leur très grande majorité, les pédophiles agissent seuls, ils sont à la recherche d’adresses, de revues ou de livres spécialisés, de cassettes. Ils collectionnent, sur
des supports divers (papier, vidéo, informatique), des films ou des images où l’on voit des
enfants subir des atteintes sexuelles de toutes natures.
Selon Nicole TRICARD, chef de la brigade de protection des mineurs de la préfecture
de Police de Paris, il vaut mieux ne pas parler de « réseaux » pédophiles, car cela pourrait
laisser à croire qu’il s’agit d’organisations hiérarchisées. Or, il n’y a pas « d’un côté, des
commanditaires, des chefs qui s’enrichissent, de l’autre, des clients. En matière de pédophilie, les structures mises à jour sont plutôt horizontales » (84). Elle préfère donc parler
de « cercles » pédophiles, composés d’individus isolés mais qui ont un centre d’intérêt
commun, et qui peuvent dialoguer par Minitel ou sur Internet, et s’échanger des revues,
des cassettes, voire des enfants.
La technologie nécessaire à la réalisation d’images pornographiques impliquant des
enfants est en général plus facilement disponible dans les pays industrialisés, mais la pro(83) Voir chapitre 2.
(84) Interview dans Le Journal du dimanche, 16 mars 1997.
55
LA PEDOPHILIE
duction est réalisée dans le monde entier. Cependant, une grande partie du matériel pornographique saisi aux Pays-Bas et en Suède au cours des dernières années a été produite
par des touristes qui s’étaient rendus en Asie pour des raisons sexuelles, et qui pouvaient
être eux-mêmes des acteurs de ces films.
Il existe donc un lien direct entre pornographie enfantine et tourisme sexuel, ce dernier rendant plus facile la réalisation de la première. Mais il existe aussi un lien indirect :
cette pornographie peut donner envie à un pédophile « fantasmeur » de se livrer à son
penchant dans les pays où se pratique le tourisme sexuel, et où les risques d’être pris et
condamné sont limités.
Les types de touristes sexuels et la prostitution des enfants
Nous ne nous intéressons ici qu’au tourisme sexuel qui vise les mineurs pré-pubères,
étant entendu que ce tourisme peut également viser des mineurs pubères et des majeurs.
Ces touristes peuvent tout d’abord être des pédophiles au sens strict de la « pédophilie
préférentielle » (85). Ils s’informent par des guides et des revues spécialisées sur les possibilités de rencontrer à l’étranger des enfants dans un but sexuel. Mais il peut aussi s’agir
d’hommes qui profitent sans scrupule d’une situation, qui exploitent les offres existantes
en se déliant des contraintes morales auxquelles ils obéissent dans leur vie de tous les
jours dans leur pays d’origine. Ils relèvent alors de ce que l’on a appelé la « pédophilie
situationnelle ».
Le touriste sexuel occidental adhère à toute une série de stéréotypes injustifiés. Il
croit par exemple que les enfants avec lesquels il noue des relations ne subissent aucun
traumatisme. Il décrit souvent les cultures des pays fréquentés comme plus émancipées du
point de vue sexuel que celles des pays occidentaux, avec en particulier un âge de mariage très inférieur à celui qui a cours en occident. Or ceci ne peut en aucun cas justifier
une prostitution enfantine ou adolescente.
En plus de cette utilisation abusive des habitudes sexuelles, il a recours à des arguments économiques : la prostitution enfantine constituerait un soutien financier pour les
familles. Le fait que ces enfants et leurs familles aient besoin d’argent est pour le touriste
sexuel une preuve que les enfants sont consentants et que les relations sexuelles leur sont
profitables (86). Ceci est d’autant moins évident que la manne financière risque fort de
tomber entre les mains d’adultes exploiteurs qui ne sont pas les parents (tenanciers de
bars, gérants d’hôtels, etc.).
Il ne faut pas non plus oublier que les clients ne sont pas tous des touristes mais également des autochtones (87). Certaines coutumes ou mythes culturels peuvent favoriser le
clientélisme local, comme par exemple l’idée que des relations sexuelles avec une jeune
fille présentent des effets bénéfiques sur la virilité (88). La présence massive de forces militaires étrangères, par exemple lors d’une intervention ou d’une interposition, favorise
également la prostitution des jeunes voire des très jeunes filles. Lors d’un colloque international réunissant des policiers de 82 pays différents, les représentants de certains pays
(85) Voir le paragraphe « Pédophilie préférentielle et pédophilie situationnelle » dans la section sur « Les définitions psychiatriques » du chapitre 1.
(86) LOUSTAU, « Prostitution des petites filles et tourisme sexuel », in DAYRAS, Femmes et violences dans le
monde, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 73–80.
(87) BRUCE, Enfants et prostitution, Les Cahiers du Bureau international catholique de l’enfance, Genève, 1996,
p. 13.
(88) Idem, p. 14.
56
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
d’Afrique noire ont signalé que des cas de viols d’enfants existaient notamment dans les
situations de conflit entraînant des flux de réfugiés (89).
GEOGRAPHIE DE LA PROSTITUTION ENFANTINE
L’exploitation sexuelle des enfants s’appuie souvent sur des terrains fragiles. Les pays
pauvres, ceux qui connaissent des bouleversements politiques ou économiques, y sont les
plus propices. L’expansion d’une industrie de la prostitution et de la pornographie enfantines est liée au tourisme sexuel, mais elle est aussi le fruit de facteurs comme la pauvreté, le chômage, le manque d’instruction, la corruption, et le manque de formation des personnes ayant en charge la lutte contre ce phénomène. L’Asie est traditionnellement le
continent le plus touché, mais on observe une évolution inquiétante en Amérique latine,
en Afrique, et en Europe centrale et orientale.
Nous allons passer en revue la situation de la prostitution des enfants, et plus généralement des mineurs, telle qu’elle se présente dans les différentes parties du monde (soulignons que dans la plupart des cas, ce sont les filles qui en sont victimes). Nous nous appuyons pour cela sur un document récent de l’UNICEF (90), qui rassemble des données en
provenance de différentes sources (sources nationales, UNICEF, ECPAT et autres organisations non gouvernementales). Si un pays n’apparaît pas dans les tableaux qui suivent,
cela ne veut pas nécessairement dire qu’on n’y pratique pas la prostitution des enfants,
mais plutôt que l’on ne possède pas de données quantifiées.
Asie
Un certain nombre de pays d’Asie constituent des destinations traditionnelles pour le tourisme sexuel impliquant des enfants. La prostitution s’y pratique aussi bien dans la rue
que dans des maisons closes.
Villes ou PAYS
Estimation du nombre de mineurs prostitués
(UNICEF, 1996)
Dhaka (BANGLADESH)
Phnom-Penh (CAMBODGE)
Grandes villes de l’INDE
INDONÉSIE
PHILIPPINES
SRI LANKA
TAIWAN
THAÏLANDE
environ 2 000
entre 3 000 et 5 000
entre 20 000 et 30 000
environ 40 000
entre 60 000 et 100 000
environ 30 000
entre 40 000 et 60 000
entre 30 000 et 200 000
(89) Atelier sur « Tourisme sexuel et trafic d’enfant », XVIIIe Cours international de haute spécialisation pour les
forces de Police, IHESI et Intercenter, Paris, septembre 1996.
(90) UNICEF, Prostitution enfantine, note d’information, août 1996.
57
LA PEDOPHILIE
VIÊT-NAM
entre 4 000 et 10 000
Tableau 6.1. La prostitution des mineurs en Asie
Afrique
Nous ne possédons pas, pour ce qui concerne l’Afrique subsaharienne, d’évaluation quantitative de la prostitution des mineurs. Des problèmes très graves à tous points de vue (pas
seulement pour la prostitution enfantine) se posent dans les pays où sévissent des conflits
armés, et où l’on assiste à des déplacements massifs de population. L’exploitation
sexuelle des enfants, rémunérée ou non, y est en général le fait des forces militaires. Par
ailleurs, l’épidémie de SIDA a multiplié le nombre d’orphelins, et l’on peut penser qu’un
grand nombre d’entre eux ne pourra survivre dans les villes qu’en se livrant à la prostitution, et cela pourrait éventuellement attirer des touristes sexuels.
Amérique latine et Caraïbes
La pornographie y est moins courante que dans certains pays d’Asie, mais le tourisme
sexuel y est en augmentation. Les enfants des rues sont nombreux dans les grandes villes.
Ce sont, soit des orphelins, soit des enfants qui ont fui leur famille parce qu’ils y étaient
maltraités. Ils se prostituent pour avoir de quoi vivre, mais aussi parfois pour pouvoir se
payer de la drogue ou parce qu’ils y sont obligés par le chef de leur bande.
Ville ou PAYS
Estimation du nombre de mineurs prostitués
(UNICEF, 1996)
BRÉSIL
plusieurs dizaines de milliers
Bogota (COLOMBIE)
entre 5 000 et 7 000
COSTA RICA, SALVADOR, la moitié des prostituées interrogées lors d’une enquête
GUATEMALA, HONDURAS,
de l’UNICEF ont révélé qu’elles avaient commencé à
NICARAGUA, PANAMA
se prostituer entre 9 et 13 ans
San José (COSTA RICA)
plus de 3 000
RÉPUBLIQUE DOMINICAINE
environ 25 000
VENEZUELA
environ 40 000
Tableau 6.2. La prostitution des mineurs en Amérique latine et aux Caraïbes
Europe
58
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
L’Europe centrale et orientale connaît une évolution très préoccupante. Depuis la fin du
communisme, le nombre d’enfants et d’adolescents qui errent dans les rues a considérablement augmenté. Désœuvrés, démunis, peu instruits, il constituent des proies faciles
pour une exploitation sexuelle par la prostitution de rue. Prague et Budapest sont ainsi
devenues, depuis la chute du Mur de Berlin, des centres reconnus de prostitution et de
production pornographique enfantines. En Roumanie, de nombreux enfants placés en orphelinat après la chute du régime de Ceaucescu sont devenus des victimes potentielles de
pédophiles qui multiplient les actions de mécénat et d’adoption.
L’ACTION DES ASSOCIATIONS, DES ÉTATS,
ET DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES
L’exploitation sexuelle des enfants se combat dans son principe par des conventions internationales (comme la Convention des droits de l’enfant), dans ses sources de financement par des actions ciblées contre le tourisme sexuel (en sensibilisant et informant les
professionnels du tourisme), et dans sa mise en œuvre par la coopération policière et judiciaire internationale (avec le rôle joué par Interpol).
La Convention des droits de l’enfant
Cette convention a été adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 20 novembre 1989,
et elle a été ratifiée par 187 pays, ce qui fait d’elle la convention onusienne la plus signée
à ce jour. Son article 34 stipule que :
« Les États parties s’engagent à protéger l’enfant contre toutes les formes
d’exploitation sexuelle et de violence sexuelle. À cette fin, les États prennent en particulier toutes les mesures appropriées sur le plan national, bilatéral et multilatéral pour empêcher : 1o Que des enfants ne soient incités ou contraints à se livrer à une activité
sexuelle illégale, 2o Que des enfants ne soient exploités à des fins de prostitution ou autres pratiques sexuelles illégales, 3o Que des enfants ne soient exploités aux fins de la
production de spectacles ou de matériels de caractère pornographique. »
L’article 35 ajoute que :
« Les États parties prennent toutes les mesures appropriées sur les plans national,
bilatéral et multilatéral pour empêcher l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants à
quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit. »
Lors du congrès mondial contre l’exploitation des enfants à des fins commerciales,
qui s’est tenu à Stockholm du 27 au 31 août 1996, les Nations unies ont désigné
l’exploitation sexuelle des enfants comme une forme moderne d’esclavage. La déclaration
et le plan d’action (voir annexe 2) ont été votés à l’unanimité par les 125 gouvernements
présents.
Une anomalie a été soulignée dans les conclusions de ce congrès : alors que les enfants prostitués sont avant tout des victimes, ils sont, dans certains pays, considérés
comme des délinquants et poursuivis par la Police et la Justice. Ils le sont, soit en tant
qu’immigrés illégaux car ils ont souvent fait l’objet d’un trafic, soit parce que la prostitu-
59
LA PEDOPHILIE
tion est interdite aussi bien pour les majeurs que pour les mineurs (notamment en Asie du
Sud-Est). L’exploiteur sexuel, de son côté, peut continuer son négoce en toute liberté.
Les agences de voyage
Le tourisme sexuel constitue l’une des principales causes de l’exploitation sexuelle des
enfants. Pour le combattre, l’Organisation mondiale du tourisme a adopté, lors d’une
assemblée générale du 26 septembre 1985, une Charte internationale du tourisme, ainsi
qu’un Code du touriste :
« Les États devraient empêcher toute possibilité d’utilisation du tourisme aux fins
de l’exploitation de la prostitution d’autrui » (Charte internationale du tourisme, art. 4).
« Les professionnels et gestionnaires de services du tourisme et des voyages, devraient notamment s’abstenir de tout encouragement à l’utilisation du tourisme aux fins
de l’exploitation d’autrui sous toutes les formes » (Charte internationale du tourisme, art.
8).
« Les touristes devraient, par leur comportement, favoriser la compréhension et les
relations amicales entre les hommes, sur le plan national et international, et contribuer
ainsi au maintien de la paix [...] s’abstenir de toute exploitation de la prostitution
d’autrui » (Code du touriste, art. 10).
Sous l’impulsion de la Fédération universelle des associations d’agents de voyage, les
industries du tourisme s’impliquent de plus en plus dans la lutte contre ces phénomènes,
par la multiplication d’actions d’information vers les professionnels du tourisme, ou par
la création de modules de formation comme par exemple celui introduit dans les programmes des écoles hôtelières et de tourisme. Des dépliants sont distribués par les agences de voyage et les compagnies aériennes pour informer les touristes à destination des
pays du Sud-Est asiatique. Le gouvernement français lancera conjointement, dans le courant de l’année 1997, une campagne d’information auprès des touristes français (91).
Des sanctions pénales à l’encontre du tourisme sexuel commencent à tomber. Pour la
première fois, un agent de voyage (Paradise Express) a été condamné à 16 ans de prison
par un tribunal philippin pour promotion de, et incitation à, la prostitution des enfants.
C’est là le résultat de l’activité conjointe d’associations britannique et philippines : un
membre de l’association britannique s’est fait passer pour un touriste auprès de cette
agence, et il s’est vu proposer une jeune fille âgée de douze ans. Dans un registre complémentaire, une cour de justice hollandaise a, là aussi pour la première fois, condamné
un homme à 5 ans de prison pour avoir abusé d’enfants aux Philippines (92).
La France peut, elle aussi, agir dans ce domaine. En plus des articles du Code pénal
qui répriment le tourisme sexuel visant les mineurs de moins de quinze ans (93), elle dispose grâce à la loi no 92-645 du 13 juillet 1992 d’un outil qui permet d’éviter que des
filières de tourisme sexuel ne soient créées sous couvert d’activités d’organisation et de
vente de voyages à l’étranger. Cette loi impose que les personnes physiques ou morales
qui souhaitent se consacrer à l’organisation de voyages ou de séjours individuels ou collectifs, soient titulaires d’une licence d’agent de voyage. Cette licence est délivrée par
(91) Info ECPAT France, lettre d’information no 1, décembre 1996.
(92) Article du Guardian Weekly du 20 octobre 1996, p. 7.
(93) Voir la sous-section sur « La répression du tourisme sexuel » dans le chapitre 3.
60
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
arrêté du Préfet de la région où l’entreprise a son siège, et elle n’est accordée que si les
dirigeants présentent des garanties de moralité et ne sont pas frappés d’une incapacité ou
d’une interdiction d’exercer. L’agent de voyage doit en outre ne pas avoir fait l’objet
d’une condamnation pour certains délits parmi lesquels figure le délit de proxénétisme.
Interpol
Cette organisation internationale de police criminelle, qui sert de plate-forme en matière
de coopération policière, porte un intérêt croissant aux infractions dont sont victimes les
mineurs (94). Elle a organisé en 1992 le premier colloque mondial sur ce thème. Son intérêt pour ces questions est récent mais il n’en est pas moins marqué, puisqu’il a conduit à
la création d’un groupe de travail permanent sur les infractions dont sont victimes les mineurs. Trente pays y sont représentés par des policiers spécialisés de haut rang. Interpol
forme en outre, dans soixante-quatre pays dont la France, un officier de liaison spécialisé
par pays chargé de faciliter les échanges concernant ce type de criminalité.
D’un point de vue opérationnel, le secrétaire général d’Interpol a mis en place des
outils pour combattre les pédophiles et autres délinquants sexuels qui commettent des
infractions qui ont un caractère international.
Interpol édite ainsi auprès de ses pays membres des « notices vertes » qui ont pour but
de prévenir la probabilité de répétition d’infractions par des individus ayant des antécédents criminels internationaux reconnus, par exemple des pédophiles regroupés en réseaux ou des producteurs de pornographie enfantine. Ces notices mentionnent l’identité
de la personne, sa façon d’opérer, et ses possibles complices. Libre ensuite aux différents
pays membres d’adopter la position la mieux en rapport avec leur législation nationale :
leur refuser l’entrée, ou bien les placer sous surveillance discrète, ou encore, malheureusement, les ignorer purement et simplement. Cette procédure a par exemple donné lieu en
1995 à l’arrestation en Colombie et l’expulsion vers la France d’un pédophile producteur
de pornographie enfantine qui faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international.
Le secrétariat général d’Interpol diffuse également des « notices jaunes » qui portent,
elles, sur les enfants disparus et présumés victimes dont on ignore la destination et les
motifs de la disparition. Ces notices comportent la photo, les empreintes et le schéma
dentaire de l’enfant (si on les possède). Elles peuvent être éditées en l’espace de trois
jours vers l’ensemble des 177 pays membres, par l’intermédiaire de leurs bureaux
d’Interpol respectifs. Chaque pays peut alors décider ou non de diffuser le signalement à
ses services de police et ses services frontaliers.
Depuis 1994, Interpol édite un poster qui réunit périodiquement une douzaine de photos d’enfants disparus depuis longtemps, et pour lesquels il a été dans certains cas nécessaire de produire une photo vieillie artificiellement. Ce poster bénéficie d’une diffusion
élargie (gares, aéroports, presse, organisations non gouvernementales), de façon à toucher
l’ensemble du public.
Interpol prépare également un guide de formation à toutes ces questions, destiné aux
différents pays membres.
Insistons encore sur le fait que cet engagement important de la part d’Interpol ne
prend son sens, et ne possède une efficacité, que s’il est relayé par les autorités locales.
(94) Les informations présentées dans cette sous-section consacrée à l’action d’Interpol proviennent d’une conférence prononcée à l’IHESI par Mme FOURNIER DE SAINT-MAUR, officier de liaison spécialisé, chargé des crimes
contre les mineurs à Interpol (« La lutte contre la pédophilie au plan international », IHESI, 26 novembre 1996).
61
LA PEDOPHILIE
Or une coopération internationale est d’autant plus nécessaire que les phénomènes dont il
a été question prennent une ampleur mondiale, et qu’ils s’accélèrent avec l’emploi de
nouvelles technologies de communication liées à l’informatique.
62
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
NOTE TERMINALE
Ce rapport documentaire, qui présente une réflexion d’ensemble sur le phénomène de la
pédophilie, a été préparé en parallèle avec la mise en place d’une recherche internationale
sur la rationalité des agresseurs sexuels pédophiles. Cette dernière est réalisée sous
l’égide d’une équipe de chercheurs québécois, et nous y participons conjointement avec
une équipe scientifique belge. Dans le cadre de cette recherche, nous menons une enquête
de terrain à la maison d’arrêt de Fresnes auprès d’un échantillon d’une trentaine de pédophiles condamnés à au moins deux ans de détention. Un questionnaire approfondi sur leur
mode opératoire – notamment sur les phases de préméditation et de perpétration du délit –
est passé auprès des détenus volontaires. Deux objectifs sont poursuivis. L’un, d’ordre
théorique, est de comparer des échantillons de pédophiles de ces trois pays. L’autre,
d’ordre opérationnel, est de pouvoir apporter en France une information novatrice sur ce
phénomène afin de permettre une meilleure prévention.
63
LA PEDOPHILIE
64
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
ANNEXES
65
LA PEDOPHILIE
1
ARTICLES DU CODE PENAL
RELATIFS A LA PEDOPHILIE
Les articles du Code pénal relatifs directement
ou indirectement à la question de la pédophilie
sont présentés ci-dessous. Rappelons, d’une
part que la pédophilie n’est pas une catégorie
juridique mais que l’on peut la rattacher à
certaines infractions sexuelles commises sur
mineurs de moins de quinze ans, et d’autre part
que les peines indiquées sont les peines maximales que peut encourir un prévenu.
LIVRE DEUXIEME
Des crimes et délits contre
les personnes.
TITRE DEUXIEME
Des atteintes à la personne humaine.
CHAPITRE PREMIER
Des atteintes à la vie de la personne.
SECTION PREMIÈRE
Des atteintes volontaires à la vie.
Art. 221-1. Le fait de donner volontairement
la mort à autrui constitue un meurtre. Il est
puni de trente ans de réclusion criminelle.
Art. 221-3. Le meurtre commis avec préméditation constitue un assassinat. Il est puni de la
réclusion criminelle à perpétuité.
Les deux premiers alinéas de l’article 132-23
relatif à la période de sûreté [voir ci-dessous]
sont applicables à l’infraction prévue dans le
66
présent article. Toutefois, lorsque la victime
est un mineur de quinze ans et que l’assassinat
est précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, la cour d’assises
peut, par décision spéciale, soit porter la période de sûreté jusqu’à trente ans, soit, si elle
prononce la réclusion criminelle à perpétuité,
décider qu’aucune des mesures énumérées à
l’article 132-23 ne pourra être accordée au
condamné ; en cas de commutation de la peine,
et sauf si le décret de grâce en dispose autrement, la période de sûreté est alors égale à la
durée de la peine résultant de la mesure de
grâce.
Art. 221-4. Le meurtre est puni de la réclusion
criminelle à perpétuité lorsqu’il est commis :
1o Sur un mineur de quinze ans ;
2o Sur un ascendant légitime ou naturel ou
sur les père ou mère adoptifs ;
3o Sur une personne dont la particulière
vulnérabilité, due à son âge, à une maladie,
à une infirmité, à une déficience physique
ou psychique ou à un état de grossesse, est
apparente ou connue de son auteur ;
4o Sur un magistrat, un juré, un avocat,
un officier public ou ministériel ou toute
autre personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service
public, dans l’exercice ou à l’occasion de
l’exercice de ses fonctions ou de sa mission,
lorsque la qualité de la victime est apparente
ou connue de l’auteur ;
5o Sur un témoin, une victime ou une
partie civile, soit pour l’empêcher de dénon-
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
cer les faits, de porter plainte ou de déposer
en justice, soit en raison de sa dénonciation,
de sa plainte ou de sa déposition.
Les deux premiers alinéas de l’article 132-23
relatif à la période de sûreté [voir ci-dessous]
sont applicables à l’infraction prévue dans le
présent article. Toutefois, lorsque la victime
est un mineur de quinze ans et que l’assassinat
est précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, la cour d’assises
peut, par décision spéciale, soit porter la période de sûreté jusqu’à trente ans, soit, si elle
prononce la réclusion criminelle à perpétuité,
décider qu’aucune des mesures énumérées à
l’article 132-23 ne pourra être accordée au
condamné ; en cas de commutation de la peine,
et sauf si le décret de grâce en dispose autrement, la période de sûreté est alors égale à la
durée de la peine résultant de la mesure de
grâce.
Les réductions de peines accordées pendant
la période de sûreté ne seront imputées que sur la
partie de la peine excédant cette durée.
CHAPITRE II
Des atteintes à l’intégrité physique
ou psychique de la personne.
SECTION III
Des agressions sexuelles.
Art. 222-22. Constitue une agression sexuelle
toute atteinte sexuelle commise avec violence,
contrainte, menace ou surprise.
§ 1. – Du viol.
Art. 132-23. En cas de condamnation à une
peine privative de liberté, non assortie du sursis,
dont la durée est égale ou supérieure à dix ans,
prononcée pour les infractions spécialement
prévues par la loi, le condamné ne peut bénéficier, pendant une période de sûreté, des dispositions concernant la suspension ou le fractionnement de la peine, le placement à l’extérieur, les
permissions de sortir, la semi-liberté et la libération conditionnelle.
La durée de la période de sûreté est de la
moitié de la peine ou, s’il s’agit d’une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, de dixhuit ans. La cour d’assises ou le tribunal peut
toutefois, par décision spéciale, soit porter ces
durées jusqu’aux deux tiers de la peine ou, s’il
s’agit d’une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, jusqu’à vingt-deux ans, soit
décider de réduire ces durées.
Dans les autres cas, lorsqu’elle prononce
une peine privative de liberté d’une durée supérieure à cinq ans, non assortie du sursis, la juridiction peut fixer une période de sûreté pendant
laquelle le condamné ne peut bénéficier d’aucune
des modalités d’exécution de la peine mentionnée au premier alinéa. La durée de cette période
de sûreté ne peut excéder les deux tiers de la
peine prononcée ou vingt-deux ans en cas de
condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité.
Art. 222-23. Tout acte de pénétration
sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence,
contrainte, menace ou surprise est un viol.
Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle.
Art. 222-24. Le viol est puni de vingt ans de
réclusion criminelle :
1o Lorsqu’il a entraîné une mutilation
ou une infirmité permanente ;
2o Lorsqu’il est commis sur un mineur
de quinze ans ;
3o Lorsqu’il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due
à son âge, à une maladie, à une infirmité, à
une déficience physique ou psychique ou à
un état de grossesse, est apparente ou
connue de l’auteur ;
4o Lorsqu’il est commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par
toute autre personne ayant autorité sur la
victime ;
5o Lorsqu’il est commis par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
6o Lorsqu’il est commis par plusieurs
personnes agissant en qualité d’auteur ou de
complice ;
7o Lorsqu’il est commis avec usage ou
menace d’une arme.
67
LA PEDOPHILIE
Art. 222-25. Le viol est puni de trente ans
de réclusion criminelle lorsqu’il a entraîné
la mort de la victime.
Le deux premiers alinéas de l’article
132-23 relatif à la période de sûreté sont
applicables à l’infraction prévue par le présent article.
Art. 222-26. Le viol est puni de la réclusion
criminelle à perpétuité lorsqu’il est précédé,
accompagné ou suivi de tortures ou d’actes
de barbarie.
Le deux premiers alinéas de l’article
132-23 relatif à la période de sûreté sont
applicables à l’infraction prévue par le présent article.
Art. 222-30. L’infraction définie à l’article
222-29 est punie de dix ans d’emprisonnement et de 1 000 000 F d’amende :
1o Lorsqu’elle a entraîné une blessure
ou une lésion ;
2o Lorsqu’elle est commise par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par
toute autre personne ayant autorité sur la
victime ;
3o Lorsqu’elle est commise par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
4o Lorsqu’elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur
ou de complice ;
5o Lorsqu’elle est commise avec usage
ou menace d’une arme.
§ 2. – Des autres agressions sexuelles.
Art. 222-27. Les agressions sexuelles autres
que le viol sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 F d’amende.
Art. 222-28. L’infraction définie à l’article
222-27 est punie de sept ans d’emprisonnement et de 700 000 F d’amende :
1o Lorsqu’elle a entraîné une blessure
ou une lésion ;
2o Lorsqu’elle est commise par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par
toute autre personne ayant autorité sur la
victime ;
3o Lorsqu’elle est commise par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
4o Lorsqu’elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur
ou de complice ;
5o Lorsqu’elle est commise avec usage
ou menace d’une arme.
Art. 222-29. Les agressions sexuelles autres
que le viol sont punies de sept ans d’emprisonnement et de 700 000 F d’amende lorsqu’elles sont imposées :
1o À un mineur de quinze ans ;
2o À une personne dont la particulière
vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à
une infirmité, à une déficience physique ou
psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l’auteur.
68
Art. 222-31. La tentative des délits prévus
par les articles 222-27 à 222-30 est punie
des mêmes peines.
Art. 222-32. L’exhibition sexuelle imposée
à la vue d’autrui dans un lieu accessible au
regard du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 100 000 F d’amende.
CHAPITRE VI
Des atteintes à la personnalité.
SECTION IV
De l’atteinte au secret.
§ 1. – De l’atteinte au secret professionnel.
Art. 226-13. La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui
en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une
mission temporaire, est punie d’un an
d’emprisonnement
et
de
100 000 F
d’amende.
Art. 226-14. L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou
autorise la révélation du secret. En outre, il
n’est pas applicable :
1o À celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de
sévices ou privations dont il a eu connais-
ARTICLES DU CODE PENAL RELATIFS A LA PEDOPHILIE
sance et qui ont été infligés à un mineur de
quinze ans ou à une personne qui n’est pas
en mesure de se protéger en raison de son
âge ou de son état physique ou psychique ;
2o Au médecin qui, avec l’accord de la
victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices qu’il a
constatés dans l’exercice de sa profession et
qui lui permettent de présumer que des violences sexuelles de toute nature ont été
commises.
CHAPITRE VII
Des atteintes aux mineurs et à la famille.
SECTION V
De la mise en péril des mineurs.
Art. 227-22. Le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d’un mineur
est puni de cinq ans d’emprisonnement et de
500 000 F d’amende. Ces peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et
700 000 F d’amende lorsque le mineur est
âgé de moins de quinze ans.
Les mêmes peines sont notamment applicables au fait, commis par un majeur,
d’organiser des réunions comportant des
exhibitions ou des relations sexuelles auxquelles un mineur assiste ou participe.
Art. 227-23. Le fait, en vue de sa diffusion,
de fixer, d’enregistrer ou de transmettre
l’image d’un mineur lorsque cette image
présente un caractère pornographique est
puni d’un an d’emprisonnement et de
300 000 F d’amende.
Le fait de diffuser une telle image, par
quelque moyen que ce soit, est puni des
mêmes peines.
Les peines sont portées à trois ans
d’emprisonnement et à 500 000 F d’amende
lorsqu’il s’agit d’un mineur de quinze ans.
La détention individuelle de pornographie
enfantine peut être poursuivie au titre de
l’article qui vise le recel :
Art. 321-1. Le recel est le fait de dissimuler,
de détenir ou de transmettre une chose, ou de
faire office d’intermédiaire afin de la
transmettre, en sachant que cette chose
provient d’un crime ou d’un délit.
Constitue également un recel le fait, en
connaissance de cause, de bénéficier, par tout
moyen, du produit d’un crime ou d’un délit.
Le recel est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 2 500 000 F d’amende.
Art. 227-25. Le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni
surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans est puni de
deux ans d’emprisonnement et de 200 000 F
d’amende.
Art. 227-26. L’infraction définie à l’article
227-25 est punie de dix ans d’emprisonnement et de 1 000 000 F d’amende :
1o Lorsqu’elle est commise par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par
toute autre personne ayant autorité sur la
victime ;
2o Lorsqu’elle est commise par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
3o Lorsqu’elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur
ou de complice ;
4o Lorsqu’elle s’accompagne du versement d’une rémunération.
Dans le cas où l’infraction prévue par le
o
4 du présent article est commise à l’étranger, la loi pénale française est applicable par
dérogation au deuxième alinéa de l’article
113-6 [voir ci-dessous] et les dispositions de
la seconde phrase de l’article 113-8 [voir cidessous] ne sont pas applicables.
Art. 113-6. La loi pénale française est applicable à tout crime commis par un Français
hors du territoire de la République.
Elle est applicable aux délits commis par
des Français hors du territoire de la République si les faits sont punis par la législation du
pays où ils ont été commis.
Il est fait application du présent article
lors même que le prévenu aurait acquis la nationalité française postérieurement au fait qui
lui est imputé.
Art. 113-8. Dans les cas prévus aux articles
113-6 et 113-7, la poursuite des délits ne peut
être exercée qu’à la requête du ministère public. Elle doit être précédée d’une plainte de la
victime ou de ses ayants droit ou d’une dénon-
69
LA PEDOPHILIE
ciation officielle par l’autorité du pays où le
fait a été commis.
Art. 227-28. Lorsque les délits prévus aux
articles 227-18 à 227-21 et 227-23 sont
commis par la voie de la presse écrite ou
audiovisuelle, les dispositions particulières
des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.
70
2
DECLARATION ET PROGRAMME
D’ACTION DU CONGRES DE STOCKHOLM
(AOUT 1996)
Projet final soumis par les Comités de planifications et de rédaction du Congrès mondial
contre l’exploitation sexuelle des enfants à des
fins commerciales, juin 1996.
DECLARATION
1. Nous, réunis à Stockholm à l’occasion du
Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle
des enfants à des fins commerciales, représentant les gouvernements de 125 pays, conjointement avec les organisations non gouvernementales, avec la campagne internationale
pour mettre fin à la prostitution enfantine liée
au tourisme en Asie (ECPAT), l’UNICEF et
les autres agences de la famille des Nations
unies ainsi qu’avec les autres organisations et
personnes concernées au niveau mondial, nous
engageons par le présent document à un partenariat global contre l’exploitation sexuelle des
enfants à des fins commerciales.
Le défi
2. Chaque jour, de plus en plus d’enfants dans
le monde sont assujettis à une exploitation
sexuelle et sont victimes d’abus sexuel. Une
action concertée est nécessaire aux niveaux
local, national, régional et international afin de
mettre fin à ces phénomènes.
3. Chaque enfant a le droit d’être pleinement
protégé contre toutes les formes d’exploitation
sexuelle et d’abus sexuel. Ceci est réaffirmé
par la Convention relative aux droits de
l’enfant, instrument légal international de portée universelle (dont 187 États sont parties).
Les États sont tenus de protéger les enfants
contre toute forme d’exploitation sexuelle
ainsi que contre les abus sexuels, et de promouvoir la réadaptation physique et psychologique ainsi que la réinsertion sociale des enfants qui en sont les victimes.
4. Selon la Convention relative aux droits de
l’enfant, l’intérêt supérieur de l’enfant doit
être une considération primordiale dans toutes
les décisions les concernant, et ils doivent
pouvoir jouir de tous leurs droits sans aucune
discrimination quelle qu’elle soit. Dans tous
les domaines concernant les enfants, leur opinion doit être dûment prise en considération eu
égard à leur âge et à leur degré de maturité.
5. L’exploitation sexuelle des enfants à des
fins commerciales est une violation fondamentale de leurs droits. Elle comprend l’abus
sexuel par l’adulte et une rétribution en nature
ou en espèces versée à l’enfant ou à une ou
plusieurs tierces personnes. L’enfant y est
traité comme un objet sexuel et comme un
objet commercial. L’exploitation sexuelle des
enfants à des fins commerciales constitue une
forme de coercition et de violence exercée
67
LA PEDOPHILIE
contre les enfants, et équivaut à un travail forcé et à une forme contemporaine d’esclavage.
6. La pauvreté ne peut pas être invoquée en
justification de l’exploitation sexuelle des
enfants à des fins commerciales même si elle
contribue à créer un environnement qui peut
conduire à une telle exploitation. Il existe toute
une gamme d’autres facteurs complexes qui y
contribuent, telles que disparités économiques,
structures socio-économiques inégalitaires,
dysfonctionnement des familles, manque
d’éducation, développement de la société de
consommation, migration des campagnes vers
les centres urbains, discrimination basée sur le
sexe, comportements sexuels masculins irresponsables, pratiques traditionnelles dangereuses, conflits armés et le trafic des enfants.
Tous ces facteurs exacerbent la vulnérabilité
des filles et des garçons vis-à-vis de ceux qui
essayent de les entraîner dans l’exploitation
sexuelle à des fins commerciales.
7. Les criminels et les réseaux criminels participent à l’approvisionnement en enfants vulnérables et à leur entraînement dans
l’exploitation sexuelle à des fins commerciales
ainsi qu’à la perpétuation de cette exploitation.
Ces éléments criminels répondent à la demande du marché du sexe créée par les
consommateurs, principalement des hommes,
qui recherchent un plaisir sexuel illégal avec
des enfants. La corruption et la collusion,
l’absence de lois appropriées et/ou l’existence
de lois inadéquates, le laxisme dans
l’application des lois et une faible sensibilisation du personnel chargé d’appliquer ces lois
aux effets néfastes pour les enfants, sont tous
des facteurs supplémentaires qui conduisent,
directement ou indirectement, à l’exploitation
sexuelle des enfants à des fins commerciales.
Cette exploitation sexuelle peut être le fait
d’individus, ou être organisée à petite échelle
(par exemple, par la famille et les relations) ou
à une grande échelle (par exemple, réseau
criminel organisé).
8. Des individus et des groupes très divers, à
tous les niveaux de la société, contribuent à
ces pratiques d’exploitation. On y trouve des
intermédiaires, des membres de la famille, le
monde des affaires, des prestataires de servi-
68
ces, des clients, des dirigeants de communautés et des fonctionnaires du gouvernement, qui
tous peuvent contribuer à cette exploitation par
indifférence, par ignorance des graves conséquences que subiront les enfants, ou bien en
perpétuant des attitudes et des systèmes de
valeurs qui considèrent les enfants comme des
objets commerciaux.
9. L’exploitation sexuelle des enfants à des
fins commerciales peut provoquer de graves
conséquences qui perdureront et pourront mettre en péril le développement physique, psychologique, spirituel, moral et social des enfants pendant toute leur vie, y compris des
risques de grossesse précoce, de mortalité
maternelle, de lésions, de développement retardé, d’incapacités physiques et de maladies
sexuelles transmissibles, dont le VIH/SIDA.
Le droit des enfants à profiter de leur enfance
et de mener une vie productive, gratifiante et
digne, sera gravement compromis.
10. Bien qu’il existe des lois, politiques et
programmes pour lutter contre l’exploitation
sexuelle à des fins commerciales des enfants,
il faut une plus grande volonté politique, des
mesures d’application plus efficaces, et
l’allocation de ressources adéquates afin
d’appliquer l’esprit et la lettre de ces lois, politiques et programmes.
11. C’est à l’État et aux familles qu’il incombe
en premier lieu de combattre l’exploitation
sexuelle des enfants à des fins commerciales.
La société civile a également un rôle essentiel
à jouer en matière de prévention et de protection des enfants contre l’exploitation sexuelle
à des fins commerciales. Il est impératif de
construire un puissant partenariat entre les
gouvernements, les organisations internationales et tous les secteurs de la société afin de
lutter contre une telle exploitation.
L’engagement
12. Le Congrès mondial réitère son engagement en faveur des droits de l’enfant, en ayant
à l’esprit la Convention relative aux droits de
l’enfant, et prie tous les États, en coopération
avec les organisations nationales et internationales et avec la société civile, de :
DECLARATION DE STOCKHOLM (AOUT 1996)
•
•
•
•
•
•
•
•
•
accorder une grande priorité à l’action
contre l’exploitation sexuelle des enfants à
des fins commerciales et d’allouer des ressources adéquates,
promouvoir une coopération renforcée
entre les États et tous les secteurs de la
société afin d’empêcher les enfants
d’entrer dans le marché du sexe et de renforcer le rôle des familles dans leur protection des enfants contre l’exploitation
sexuelle à des fins commerciales,
criminaliser l’exploitation sexuelle des
enfants à des fins commerciales, ainsi que
les autres formes d’exploitation sexuelle
des enfants, et condamner et sanctionner
tous ceux qui y prennent part, que ce soit
dans le pays même ou à l’étranger, tout en
s’assurant que les enfants victimes de cette
pratique ne seront pas sanctionnés,
revoir et réviser, où cela est nécessaire, les
lois, politiques, programmes et pratiques
afin d’éliminer l’exploitation sexuelle des
enfants à des fins commerciales,
mettre en œuvre les lois, politiques et programmes destinés à protéger les enfants de
l’exploitation sexuelle à des fins commerciales et à renforcer la communication et
la coopération entre les autorités chargées
de l’application des lois,
promouvoir l’adoption, la mise en œuvre
et la diffusion des lois, politiques et programmes soutenus par des mécanismes régionaux, nationaux et locaux pertinents,
contre l’exploitation sexuelle des enfants à
des fins commerciales,
concevoir et mettre en œuvre des plans et
programmes complets prenant en compte
les différences de sexe afin d’empêcher
l’exploitation sexuelle des enfants à des
fins commerciales, de protéger et d’aider
les enfants qui en sont victimes et de faciliter leur adaptation et leur réinsertion
dans la société,
créer grâce à l’éducation, à la mobilisation
sociale, et à des activités de développement, un climat garantissant aux parents et
autres responsables légaux des enfants
l’exercice de leurs droits, devoirs et responsabilités de protection des enfants
contre l’exploitation sexuelle à des fins
commerciales,
mobiliser les partenaires politiques et autres, les communautés nationales et internationales y compris les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, afin d’aider les pays à éliminer
l’exploitation sexuelle des enfants à des
fins commerciales,
• et accroître le rôle de la participation populaire, y compris la participation des enfants, afin d’empêcher et d’éliminer
l’exploitation sexuelle des enfants à des
fins commerciales.
13. Le Congrès mondial adopte cette Déclaration et son Programme d’action afin d’aider à
protéger les droits des enfants, en particulier
par l’application de la Convention relative aux
droits des enfants et des autres instruments
pertinents, en vue de mettre fin universellement à l’exploitation sexuelle des enfants à
des fins commerciales.
PROGRAMME D’ACTION
1. Objectif
Le programme d’action a pour objectif de mettre en lumière les engagements internationaux
existants, d’identifier les priorités d’action et
d’aider à la mise en œuvre des instruments
internationaux pertinents (voir annexe). Il demande aux États, à tous les secteurs de la société, et aux organisations nationales, régionales
et
internationales,
d’agir contre
l’exploitation sexuelle des enfants à des fins
commerciales.
2. Coordination et coopération
i) Aux niveaux local et national
a) renforcer de toute urgence les stratégies et
mesures globales intersectorielles et intégrées,
afin qu’en l’an 2000 il y ait des programmes
d’action nationaux ainsi que des indicateurs de
progrès nationaux, avec des objectifs et un
calendrier d’opération précis, en vue de réduire le nombre d’enfants menacés
d’exploitation sexuelle à des fins commerciales et en développant un environnement, des
attitudes et des pratiques en accord avec les
droits de l’enfant ;
69
LA PEDOPHILIE
b) développer de toute urgence la mise en
place d’un (de) mécanisme(s) de contrôle ou
d’un (de) point(s) d’information centraux aux
niveaux national et local, en collaboration avec
la société civile, afin qu’en l’an 2000 il y ait
des banques de données portant sur les enfants
menacés d’exploitation sexuelle, ainsi que sur
les exploiteurs, accompagnées de recherches
pertinentes, en accordant une attention particulière à la ventilation des données par âge, sexe,
origine ethnique, statut indigène, conditions
influant sur l’exploitation sexuelle commerciale, tout en veillant à respecter la vie privée
des enfants victimes de ce commerce, particulièrement en ce qui concerne les déclarations
publiques ;
c) encourager une interaction et une coopération étroites entre les gouvernements et les
secteurs non gouvernementaux afin de planifier, mettre en œuvre et évaluer les mesures de
lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants
à des fins commerciales, associées à des campagnes de mobilisation des familles et des
communautés afin qu’elles protègent les enfants contre l’exploitation sexuelle à des fins
commerciales, et avec une allocation de ressources adéquates.
cun d’entre eux s’appuyant sur le programme
d’action afin de mener ses activités conformément à son mandat respectif ;
e) plaider et mobiliser des soutiens pour les
droits de l’enfant, et s’assurer que des ressources adéquates sont disponibles afin de protéger
les enfants de l’exploitation sexuelle à des fins
commerciales ; et
f) insister pour que la Convention relative aux
droits de l’enfant soit appliquée dans sa totalité par les États parties, y compris le devoir de
compte rendu au Comité des droits de l’enfant
en accord avec le calendrier existant, et encourager le suivi des progrès des différents pays
en ce qui concerne la pleine réalisation des
droits de l’enfant dans le cadre des autres organes, corps et mécanismes pertinents des
Nations unies, y compris auprès de la Commission des droits de l’homme des Nations
unies et de son Rapporteur spécial chargé des
questions relatives à la vente des enfants.
3. Prévention
a) donner aux enfants accès à une éducation
comme moyen d’améliorer leur statut et rendre
l’éducation primaire obligatoire, gratuite et
accessible à tous ;
ii) Aux niveaux régional et international
d) promouvoir une meilleure coopération entre
les pays et les organisations internationales, y
compris les organisations régionales, ainsi
qu’avec les autres catalyseurs ayant un rôle clé
dans l’élimination de l’exploitation sexuelle
des enfants à des fins commerciales, parmi
lesquels le Comité des droits de l’enfant,
l’UNICEF, l’OIT, l’UNESCO, le PNUD,
l’OMS, l’ONUSIDA, le HCR, l’OIM, la Banque mondiale/FMI, Interpol, la Division des
Nations unies pour la prévention du crime et la
justice pénale, le FNUAP, l’Organisation
mondiale du tourisme, le Haut Commissaire
des Nations unies aux droits de l’homme, le
Centre des Nations unies pour les droits de
l’homme, la Commission des droits de
l’homme des Nations unies ainsi que son Rapporteur spécial chargé des questions relatives à
la vente d’enfants, et le Groupe de travail sur
les formes contemporaines d’esclavage, cha-
70
b) améliorer l’accès aux services de santé, à
l’éducation, à la formation, à la récréation et à
un environnement encourageant pertinents aux
familles et aux enfants menacés d’exploitation
sexuelle à des fins commerciales, y compris
aux enfants déplacés, sans domicile, réfugiés,
apatrides, non déclarés, en détention et/ou
dans des institutions étatiques ;
c) développer au maximum l’éducation sur les
droits de l’enfant et inclure, de façon appropriée, la Convention relative aux droits de
l’enfant dans l’éducation formelle et non formelle pour toutes les communautés, familles et
pour tous les enfants ;
d) lancer des campagnes de communication, de
presse et d’information respectueuses des différences de sexe afin de sensibiliser et de former les employés du gouvernement et les autres membres du public aux droits de l’enfant,
DECLARATION DE STOCKHOLM (AOUT 1996)
ainsi qu’à l’illégalité et aux conséquences
dangereuses de l’exploitation sexuelle des
enfants à des fins commerciales, et promouvoir au sein de la société des attitudes et des
comportements sexuels responsables qui respectent le développement de l’enfant ainsi que
sa dignité et son respect de lui-même ;
e) promouvoir les droits de l’enfant dans
l’éducation au niveau de la famille, et dans
l’assistance à son développement, y compris
développer la compréhension de l’égalité des
responsabilités parentales, avec des interventions spéciales visant à prévenir les violences
sexuelles contre les enfants ;
f) définir ou établir des programmes d’éducation de groupes de pairs et des réseaux de surveillance afin d’empêcher l’exploitation
sexuelle des enfants à des fins commerciales ;
g) formuler ou renforcer et appliquer les politiques et programmes nationaux respectueux
des différences de sexe, tant sociaux qu’économiques, afin d’aider les enfants exposés au
risque d’exploitation sexuelle à des fins commerciales, ainsi que les familles et les communautés, à résister aux actes conduisant à
l’exploitation sexuelle des enfants à des fins
commerciales, en portant une attention particulière aux violences familiales, aux pratiques
traditionnelles dangereuses et à leurs conséquences pour les filles, et à promouvoir la
valeur des enfants en tant qu’êtres humains
plutôt que marchandises, et réduire la pauvreté
moyennant la promotion d’emplois rémunérés,
générateurs de revenus et autres ;
h) établir ou renforcer, mettre en œuvre et faire
connaître les lois, politiques et programmes
pertinents visant à empêcher l’exploitation
sexuelle des enfants à des fins commerciales,
en gardant à l’esprit la Convention relative aux
droits de l’enfant ;
i) réviser les lois, politiques, programmes et
pratiques qui permettent ou facilitent
l’exploitation sexuelle des enfants à des fins
commerciales et adopter des réformes efficaces ;
j) mobiliser le monde des affaires, y compris
l’industrie du tourisme, contre l’utilisation de
ses réseaux et établissements à des fins
d’exploitation sexuelle commerciale des enfants ;
k) encourager les professionnels des médias à
concevoir des stratégies qui renforcent le rôle
des médias afin de fournir une information de
la meilleure qualité possible, de la plus haute
fiabilité et selon des normes éthiques, concernant tous les aspects de l’exploitation sexuelle
des enfants à des fins commerciales ; et
l) cibler ceux qui participent à l’exploitation
sexuelle commerciale des enfants afin de les
atteindre par des campagnes d’information,
d’éducation et de contact visant à promouvoir
des changements de conduite afin de lutter
contre cette pratique.
4. Protection
a) élaborer ou renforcer et mettre en œuvre les
lois, politiques et programmes visant à protéger les enfants et à interdire leur exploitation
sexuelle à des fins commerciales, en tenant
compte du fait que les différentes catégories de
coupables et les différents âges et contextes
des victimes appellent des réponses juridiques
et des programmes différents ;
b) élaborer ou renforcer et mettre en œuvre des
lois nationales afin d’établir la responsabilité
pénale des prestataires de services, des clients
et des intermédiaires impliqués dans la prostitution des enfants, le trafic d’enfants, la pornographie enfantine, y compris la possession
de matériel pornographique mettant en scène
des enfants, et toute autre activité sexuelle
illégale ;
c) élaborer ou renforcer et mettre en œuvre les
lois, politiques et programmes nationaux qui
protègent les enfants victimes d’exploitation
sexuelle à des fins commerciales contre des
sanctions pénales et veiller à ce que les enfants
aient pleinement accès à du personnel et à des
services d’aide ayant une attitude amicale avec
eux, dans tous les secteurs, particulièrement
dans les domaines légaux sociaux et sanitaires
;
71
LA PEDOPHILIE
d) dans le cas du tourisme sexuel, élaborer ou
renforcer et mettre en œuvre des lois qui pénalisent les actes commis par des ressortissants
du pays d’origine à l’encontre d’enfants du
pays de destination (« lois pénales extraterritoriales »), promouvoir l’extradition et les autres
dispositions garantissant qu’une personne
exploitant un enfant dans un but sexuel dans
un autre pays (pays de destination) soit poursuivie soit dans le pays d’origine soit dans le
pays de destination ; renforcer les lois et leur
application contre les coupables de crimes
sexuels envers des enfants des pays de destination, en particulier en confisquant et saisissant
les biens et les bénéfices ainsi qu’en appliquant d’autres sanctions ; et partager les informations pertinentes ;
e) dans le cas du trafic d’enfants, élaborer et
mettre en œuvre des lois, politiques et programmes nationaux visant à protéger les enfants contre le trafic à l’intérieur ou au travers
des frontières et sanctionner les trafiquants ;
dans les situations de passage de frontière,
traiter ces enfants de façon humaine dans le
cadre des législations nationales sur
l’immigration, et établir des accords de réadmission garantissant leur retour sains et saufs
dans leur pays d’origine avec l’aide de services de soutien ; et mettre en commun toutes les
informations pertinentes ;
f) identifier et renforcer ou établir des réseaux
entre les services nationaux et internationaux
chargés de l’application des lois nationales et
internationales, y compris Interpol, et la société civile en vue de surveiller l’exploitation
sexuelle des enfants à des fins commerciales ;
instituer des unités spéciales parmi le personnel chargé d’appliquer les lois, disposant de
ressources suffisantes et de services adaptés
aux enfants, afin de lutter contre l’exploitation
sexuelle commerciale des enfants ; nommer
des agents de liaison chargés de protéger les
droits des enfants lors des enquêtes policières
et des procédures judiciaires engagées afin
d’échanger des informations clés ; et donner à
tout le personnel chargé d’appliquer les lois
une formation sur le développement des enfants et les droits des enfants, en particulier sur
la Convention relative aux droits de l’enfant,
ainsi que sur les autres normes applicables en
72
matière de droits de l’homme et sur la législation nationale ;
g) identifier et encourager l’instauration de
réseaux et de coalitions nationaux et internationaux au sein de la société civile afin de
protéger les enfants contre l’exploitation
sexuelle à des fins commerciales ; encourager
l’action et l’interaction entre les communautés,
les familles, les organisations non gouvernementales, le monde des affaires, y compris les
agences de voyage, l’Organisation mondiale
du tourisme, les employeurs et les syndicats,
l’industrie de l’informatique et de la technologie, les médias, les associations professionnelles, et les prestataires de services, afin de surveiller et de dénoncer les cas d’exploitation
sexuelle aux autorités, et d’adopter volontairement des codes d’éthique appropriés ; et
h) créer des refuges pour les enfants qui
s’échappent de l’exploitation sexuelle à des
fins commerciales, et protéger les personnes
qui portent assistance aux enfants victimes de
l’exploitation sexuelle à des fins commerciales
contre toute forme d’intimidation et de harcèlement.
5. Réadaptation et réinsertion
a) adopter une approche non répressive à
l’encontre des enfants victimes d’exploitation
sexuelle à des fins commerciales conformément aux droits de l’enfant, en prenant tout
particulièrement soin que les procédures judiciaires n’aggravent pas le traumatisme déjà
subi par l’enfant et que la réponse du système
aille de pair avec une assistance judiciaire,
quand c’est approprié, et avec une ouverture
de recours aux enfants victimes concernés ;
b) offrir des services d’aide sociale, médicale,
psychologique ou autre aux enfants victimes
d’exploitation sexuelle à des fins commerciales, ainsi qu’à leurs familles, avec une attention particulière envers ceux qui sont atteints
de maladies sexuellement transmissibles, notamment le VIH/SIDA, en vue de leur rendre
le respect d’eux-mêmes ainsi que leur dignité,
et leurs droits ;
DECLARATION DE STOCKHOLM (AOUT 1996)
c) fournir au personnel médical, aux enseignants, aux travailleurs sociaux, aux organisations non gouvernementales et aux autres organismes travaillant avec les enfants victimes
d’exploitation sexuelle à des fins commerciales, une formation prenant en compte les différences sexuelles, tout en gardant à l’esprit la
Convention relative aux droits de l’enfant et
les autres normes pertinentes en matière de
droits humains ;
ANNEXE
Le plan d’action fait référence à de nombreux
instruments, recommandations et objectifs
internationaux qui ont des implications pour
les enfants et leurs familles. Ils s’agit notamment des textes suivants :
•
d) prendre des mesures efficaces pour empêcher et supprimer toute stigmatisation par la
société des enfants victimes d’exploitation
sexuelle et de leurs propres enfants ; faciliter
la réadaptation et la réinsertion des enfants
victimes dans les communautés et les familles
; et s’assurer, dans les cas où la mise en institution de l’enfant est nécessaire, que c’est pour
une période la plus courte possible conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant ;
•
e) offrir des moyens alternatifs de vie aux enfants victimes et à leurs familles avec l’aide de
services de soutien nécessaires, afin
d’empêcher le retour à l’exploitation sexuelle
à des fins commerciales ; et
f) adopter non seulement des sanctions pénales
contre les coupables de crimes sexuels envers
des enfants, mais également des mesures socio-médicales et psychologiques afin de créer
chez eux des modifications du comportement.
•
6. Participation de l’enfant
•
a) promouvoir la participation des enfants, y
compris des enfants victimes, des jeunes, de
leurs familles, de leur pairs et des autres
personnes susceptibles de les aider, afin qu’ils
puissent exprimer leurs opinions et agir pour
empêcher l’exploitation sexuelle à des fins
commerciales et protéger les enfants contre
cette pratique, et aider les enfants victimes à se
réinsérer dans la société ;
b) identifier ou mettre en place des réseaux
d’enfants et de jeunes qui plaideront en faveur
des droits de l’enfant, et inclure les enfants,
selon leur stade de développement, dans les
processus d’élaboration et de mise en œuvre
de programmes gouvernementaux ou autres les
concernant.
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Convention no 29 de 1930 de l’OIT
concernant le travail forcé ou obligatoire,
Déclaration universelle des droits de
l’homme de 1948,
Convention de 1949 pour la répression de
la traite des êtres humains et de
l’exploitation de la prostitution d’autrui,
Convention no 105 de 1957 de l’OIT
concernant l’abolition du travail forcé,
Pacte international de 1966 sur les droits
civils et politiques,
Pacte international de 1966 sur les droits
économiques, sociaux et culturels,
Convention no 138 de 1973 de l’OIT
concernant l’âge minimum pour être admis
à l’emploi,
Convention de 1979 sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination à
l’égard des femmes,
Convention relative aux droits de l’enfant
de 1989,
Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement
de l’enfant et son plan d’action, 1990,
Programme d’action de 1992 de la Commission des droits de l’homme des Nations
unies pour la prévention de la vente
d’enfants, de la prostitution enfantine et de
la pornographie enfantine,
Déclaration de Vienne et Programme
d’action de la Conférence mondiale sur les
droits de l’homme, 1993,
Déclaration des Nations unies de 1993 sur
l’élimination de la violence envers les
femmes,
Déclaration du Caire et Programme
d’action de la Conférence mondiale sur la
population et le développement, 1994,
Déclaration de Copenhague et Plan
d’action du Sommet mondial pour le développement social, 1995,
73
LA PEDOPHILIE
•
•
Déclaration de Pékin et Plate-forme
d’action de la 4e Conférence mondiale sur
les femmes, 1995,
Programme d’action de la Commission des
droits de l’homme des Nations unies sur la
prévention du trafic des êtres humains et
l’exploitation de la prostitution d’autrui,
1996.
Le programme d’action prend note des recommandations du Comité sur les droits de
l’enfant et du Rapporteur spécial chargé des
questions relatives à la vente d’enfants. Il reconnaît les initiatives prises par de nombreuses
organisations internationales et régionales,
dont Interpol, l’Organisation mondiale du tourisme sur la prévention du tourisme (en particulier la Déclaration de 1995 de l’Organisation
mondiale du tourisme sur la prévention du
tourisme organisé à but sexuel), et le Conseil
de l’Europe (en particulier, la Recommandation no R91 11 de 1991 portant sur
l’exploitation sexuelle, la pornographie et la
prostitution des enfants et des jeunes adultes ,
ainsi que leur trafic). Il reconnaît également le
processus d’établissement d’un éventuel Protocole facultatif sur la vente d’enfants, la prostitution enfantine et la pornographie enfantine.
74
BIBLIOGRAPHIE
ABDELFATTAH Ali, À propos des agressions sexuelles en victimologie et du syndrome du
stress post-traumatique, mémoire pour le Diplôme de Victimologie du Centre
International de Sciences Criminelles de Paris, 1996.
ADMINISTRATION PENITENTIAIRE, Rapports annuels d’activité, Direction de l’administration pénitentiaire, 1990, 1991, 1992, 1993, 1994, 1995.
ASSOCIATION AMERICAINE DE PSYCHIATRIE, DSM-IV. Manuel diagnostique et statistique
des troubles mentaux, Paris, Masson, 1996.
AUBUT Jocelyn et al., Les agresseurs sexuels. Théorie, évaluation et traitement, Paris,
Maloine, 1993.
BARKER James G. et HOWELL Robert J., « The plethysmograph : a review of recent litterature », Bulletin of the American Academy of psychiatry and law, 1992, 20, p. 13–25.
BOUDON Raymond, L’art de se persuader, Paris, Fayard, 1990.
BRUCE Florence, Enfants et prostitution, Genève, Les Cahiers du Bureau international
catholique de l’enfance, 1996.
CLARKE Ronald V., « Introduction », in Ronald V. CLARKE (éd.), Situational crime prevention, New York, Harrow and Heston, 1992, p. 3–36.
Code de procédure pénale, Paris, Dalloz, 1990–1991.
Code pénal, Paris, Dalloz, 1995–1996.
COMITE CONSULTATIF NATIONAL D’ETHIQUE, « Avis sur la prescription de substances
antiandrogéniques à des détenus condamnés pour des infractions à caractère sexuel »,
2 novembre 1993.
CUSSON Maurice, Délinquants pourquoi ?, nouv. éd., Bibliothèque Québécoise, 1989.
75
LA PEDOPHILIE
CUSSON Maurice et CORDEAU Gilbert, « Le crime du point de vue de l’analyse stratégique », in Denis SZABO et Marc LEBLANC (éd.), Traité de criminologie empirique,
Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1993, p. 91–112.
DAYRAS Michèle (éd.), Femmes et violences dans le monde, Paris, L’Harmattan, 1995.
DIETZ Park Elliot, « Sex offenses : behavioral aspects », in KADISH et al., Encyclopedia of
crime and justice, New York, The Free Press, 1983.
DIRECTION DE L’ACTION SOCIALE
prudence, Paris, 1996.
ET
DIRECTION
DES ECOLES,
Passeport pour le pays de
GABEL Marceline (éd.), Les enfants victimes d'abus sexuel, Paris, PUF, 1992.
GIJSEGHEM Hubert van, La personnalité de l'abuseur sexuel. Typologie à partir de l'optique psychodynamique, Montréal, Éditions du Méridien, 1988.
GROTH Nicholas et WOLBERT BURGESS A., « Motivational intent in sexual assault of children », Criminal justice and behavior, 1977, 4, p. 253–264.
GROTH Nicholas et al., « The child molester : clinical observations », in Jon CONTE et
David SHORE, Social work and child sexual abuse, New York, Hawthorne Press,
1982.
GROUPE PERMANENT INTERMINISTERIEL POUR L’ENFANCE MALTRAITEE, Rapport du ministre chargé de la famille au Parlement sur l’enfance maltraitée (loi du 10 juillet
1989), 1995.
GROUPE PERMANENT INTERMINISTERIEL POUR L’ENFANCE MALTRAITEE, Protection de
l’enfance maltraitée : grande cause nationale 1997, Paris, 13 mars 1997.
KNIGHT Raymond A. et PRENTKY Robert A., « Classifying sexual offenders », in
MARSHALL, LAWS et BARBAREE, The handbook of sexual assault. Issues, theories,
and treatment of the offender, New York, Plenum Press, 1990, p. 23–52.
LANNING Kenneth V., Child molesters : a behavioral analysis, 3e éd., Quantico, FBI
Academy, 1992.
LANNING Kenneth V. et WOLBERT BURGESS Ann, Child molesters who abduct, National
Center for Missing and Exploited Center, 1995.
LARCHE Jacques, La première journée nationale des droits de l’enfant au Sénat. Compterendu des auditions de la commission des lois, Les rapports du Sénat, n° 110, 1996–
1997.
LARGUIER Jean, Le droit pénal, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 12e éd., 1994.
76
DECLARATION DE STOCKHOLM (AOUT 1996)
LOPEZ Gérard et PIFFAUT-FILIZZOLA Gina, Le viol, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? »,
1993.
MARIAGE-CORNALI Carole, Vidéo et audition policière avec des enfants. De l’opportunité
d’introduire la vidéo dans le cadre des auditions policières avec des enfants victimes,
Diplôme Universitaire d’Études de la Pratique Sociale (DUEPS), Université de Tours,
1994.
MCKIBBEN André, PROULX Jean et LUSIGNAN Richard, « Relationships between conflict,
affect and deviant sexual behaviors in rapists and pedophiles », Behaviour research
and therapy, 1994, 32, p. 571–575.
MINISTERE DE LA J USTICE, Rapport de la commission d’étude pour la prévention de la
récidive des criminels, présidée par Marie-Élisabeth CARTIER, 1994.
MINISTERE DE LA SANTE PUBLIQUE ET DE L'ASSURANCE MALADIE, MINISTERE DE LA
J USTICE, Groupe de travail sur les possibilités de traitement des auteurs de délits et
crimes sexuels, présidée par Claude BALIER, 1994.
MINISTERE DE L’INTERIEUR, Aspects de la criminalité et de la délinquance constatées en
France, Paris, La Documentation française, 1991, 1992, 1993, 1994, 1995.
MINISTERE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES, MINISTERE DE LA J USTICE, Traitement
et suivi médical des auteurs de délits et crimes sexuels, rapporteur Claude BALIER,
1995.
PELLERIN Bruno, PROULX Jean, OUIMET Marc, PARADIS Yves, MCKIBBEN André, et
AUBUT Jocelyn, « Étude de la récidive post-traitement chez des agresseurs sexuels
judiciarisés », Criminologie, 1996, 29, p. 87–108.
PROULX Jean, MCKIBBEN André, et LUSIGNAN Richard, « Relationships between affective
components and sexual behaviors in sexual agressors », Sexual abuse, 1996, 8,
p. 279–289.
PROULX Jean et OUIMET Marc, « Criminologie de l'acte et pédophilie », Revue internationale de criminologie et de police technique, 1995, 48, p. 294–310.
PITHERS W. D. et al., « Relapse prevention with sexual agressors », in J. G. GREER et
I. R. STUART (éd.), The sexual agressor, New York, Van Nostrand, 1983, p. 214–239.
QUINSEY, RICE et HARRIS, « Actuarial prediction of sexual recidivism », Journal of interpersonal violence, 1995, 10, p. 85–105.
SNATEM, Rapport d’activité 1995.
STRAUS Pierre, MANCIAUX Michel, GABEL Marceline, GIRODET Dominique, MIGNOT
Caroline, et ROUYER Michèle, L'enfant maltraité, Paris, Éditions Fleurus, 1993.
77
LA PEDOPHILIE
TOURNIER Pierre, « Agressions sexuelles : répression pénale et devenir des condamnés »,
Questions pénales, CESDIP, mars 1996.
UNICEF, Prostitution enfantine, note d’information, août 1996.
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier, pour des discussions très fructueuses ainsi que pour des apports
bibliographiques qui se sont avérés indispensables, l’équipe québécoise avec laquelle
nous avons la chance de travailler sur un projet de comparaison internationale (QuébecFrance-Belgique) des modes opératoires des agresseurs sexuels pédophiles : Luc
GRANGER, professeur de psychologie à l’Université de Montréal, André MCKIBBEN, criminologue/sexologue à l’Institut Philippe Pinel, Christine PERREAULT, psychologue au
Centre régional de réception du Service correctionnel canadien, Jean PROULX, professeur
de psychologie à l’École de criminologie de l’Université de Montréal, et Michel ST-YVES,
psychologue au Centre régional de réception. Nous tenons également à remercier le Service correctionnel canadien, et plus particulièrement Jacques BIGRAS, psychologue senior
au Centre régional de réception, qui a bien voulu recevoir l’un d’entre nous pendant une
semaine dans son service, pour pouvoir observer comment était réalisée au Québec
l’évaluation psychologique des agresseurs sexuels entrant dans le système pénitentiaire
fédéral canadien.
Nous sommes également reconnaissants à la Direction centrale de la sécurité publique, notamment aux responsables du Bureau de la délinquance urbaine et des affaires
judiciaires et du Bureau de l’action préventive et de la politique de la ville, à la Division
des études et de la prospective de la Direction centrale de la Police judiciaire, et à JeanPaul BESSON, magistrat de la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère
de la Justice, de nous avoir permis de disposer des statistiques officielles les plus récentes
en provenance de leurs directions ou ministères respectifs.
Nos remerciements vont enfin à Pierre COMPAGNON, responsable de ECPAT-France,
qui nous a fourni des documents fort utiles.
78