Du redoublement … à la différenciation pédagogique

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Du redoublement … à la différenciation pédagogique
Direction de l’Enseignement de la Nouvelle-Calédonie – Mars 2008
Du redoublement … à la différenciation pédagogique
Quelques données statistiques et quelques références pour situer les enjeux.
Depuis une vingtaine d'année, la question du redoublement fait l'objet de recherches toutes concordantes quant aux conclusions et
aux hypothèses auxquelles elles aboutissent. Le caractère nocif du redoublement y est systématiquement mis en exergue. Celui là même qui a
justifié, pour partie, la mise en œuvre de cycles d'enseignement au sein du système éducatif français.
Alors que plusieurs pays d'Europe du Nord, entre autres, se sont prononcés pour le passage automatique des élèves dans la classe
supérieure jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire, le taux de redoublement en France reste particulièrement élevé. Le taux observé en
Nouvelle-Calédonie est même largement supérieur et se situe en décalage important par rapport aux deux autres pays de la région (NouvelleZélande et Australie).
Pourtant, les dernières études internationales (PISA et PIRLS) confirment qu'il n'y a pas de relation positive entre l'efficacité et l'équité
d'un système éducatif et son usage plus ou moins intense du redoublement. Il convient donc de mettre en œuvre d’autres solutions pour
répondre à la difficulté scolaire…
Quelques données statistiques
ème
Evaluations 6
– Septembre 2007
(Source : Ministère Education nationale)
Situation des élèves de CM2 en décembre 2007 par circonscription
ème
(Source : bordereaux d’admission en 6 transmis à la DENC)
Score moyen en français
Retard scolaire au CM2 en 2007
80
37,9%
40,0%
69,5
37,7%
70
60,7
60
35,0%
30,0%
50
28,4%
28,2%
27,4%
24,1%
25,0%
26,1%
30
19,5%
17,5%
20,0%
43,3
40
20
10
15,0%
0
un an d'avance
(nés en 1997)
10,0%
à l'heure
(nés en 1996)
un an de retard
(nés en 1995)
5,0%
Score moyen en mathématiques
0,0%
1
2
3
4
5
6
7
NC
France
90
80
77,6
68,2
70
60
49,9
50
Etat des effectifs de rentrée 2007 et 2008
(Source : enquêtes de rentrée de la DENC)
40
30
Nouvelle-Calédonie
Effectifs 2007
Projections 2008
Effectifs 2008
PS
MS
GS
CP CE1 CE2 CM1
2969 3067 3380 3736 3790 3398 3425
2969 2969 3067 3380 3736 3790 3398
2931 3047 3182 3694 3775 3603 3309
CM2 CLIS Total
3272 318 27355
3524 250 27083
3433 275 27249
20
10
0
un an d'avance
(nés en 1997)
à l'heure
(nés en 1996)
un an de retard
(nés en 1995)
Quelques documents de référence
1 - Extraits du rapport 2007 du Haut Conseil de l’Education
Les chances d’accomplir une scolarité sans heurt et conduisant à une qualification réelle sont très fortement liées au niveau initial des
compétences au cours préparatoire (CP). Les enfants qui bénéficient à la maison d’un environnement favorable aux premiers apprentissages
réussissent nettement mieux que les autres. La scolarité préélémentaire ne compense pas ces disparités sociales : l’institution scolaire semble
ainsi valider des acquis préalablement transmis au lieu de rendre possible la réussite de tous.
Il existe une forte corrélation entre le niveau de compétences à l’entrée du CP et l’accès en sixième à l’âge normal.
Ainsi, les élèves qui sont en difficulté dès leur entrée au CP le sont toujours, dans leur quasi-totalité, par la suite : l’école élémentaire
ne permet pas, en général, de réduire les difficultés repérées au début de la scolarité obligatoire.
Le redoublement précoce est inefficace et contraire à l’égalité des chances
Même si le redoublement à l’école primaire a fortement diminué en France depuis cinquante ans (à la fin du CM2, on est passé de
plus de 50 % d’élèves ayant redoublé à moins de 20 %), notre pays reste celui qui le pratique le plus en Europe, alors que d’autres pays
l’ignorent ou le refusent, comme le Danemark, la Finlande, l’Irlande, le Royaume-Uni et la Suède.
Or il semble avéré que le redoublement précoce est inefficace. Son but est de remettre les élèves à niveau, mais il n’y parvient
pas, comme deux enquêtes effectuées à plus de vingt ans d’intervalle l’ont montré.
Les élèves qui redoublent le CP le répètent en général à l’identique sans améliorer leurs performances en français ni en
mathématiques, à la différence de leurs camarades passés en CE1 de justesse. De plus, quand ces redoublants passent à leur tour en CE1,
leur progression dans ces deux disciplines demeure très faible. L’inefficacité du redoublement se prolonge ainsi un an plus tard et même un peu
plus loin dans leur scolarité : à niveau de performances comparable en CP, les résultats des élèves en français et en mathématiques au début
de l’année de CE2, qu’ils aient redoublé le CP ou non, sont identiques. Le redoublement n’a donc servi à rien, et l’année perdue
précocement désavantagera durablement les redoublants.
La corrélation forte qui existe entre le redoublement précoce et l’origine sociale suggère en outre qu’il est contraire à l’égalité des
chances des enfants devant l’école. Alors que 3 % des enfants d’enseignants et 7 % des enfants de cadres entrés au CP en 1997 ont redoublé
à l’école primaire, les taux s’élèvent à 25 % pour les enfants d’ouvriers et à 41 % pour les enfants d’inactifs. Sept ans après l’entrée au CP, 93
% des enfants de cadres et d’enseignants accèdent en classe de quatrième sans avoir redoublé, mais seulement 64 % des enfants d’ouvriers,
et moins d’un enfant d’inactifs sur deux. Le redoublement précoce entérine donc largement des disparités sociales.
2 - Extrait de l’étude du Ministère de l’Education nationale sur l’évaluation PISA 2003
PISA a suscité des interrogations sur un point très important du fonctionnement de notre système éducatif, celui de la pratique du
redoublement : il ressort des résultats internationaux que les pays qui pratiquent le passage automatique affichent, globalement, de meilleurs
résultats que les pays qui ont recours au redoublement. En France, il faut savoir qu'à l'âge de 15 ans, les élèves sont près de 40% à avoir déjà
redoublé : si les français ont un résultat global qui les situe à la moyenne des pays participants, ce résultat cache des écarts de performance
très grands au sein de notre population.
On constate qu'à âge égal (15 ans), les
élèves scolarisés en classe de seconde
ont des résultats très supérieurs à ceux
qui sont encore au collège. Lors de
l'évaluation PISA 2003, objet de ce
dossier, ces résultats se sont confirmés,
et une étude complémentaire menée par
la France montre que contrairement à ce
que l'on pouvait penser, l'apport de la
classe de Seconde joue beaucoup plus
faiblement
que
le
paramètre
"redoublement" pour expliquer ces écarts
de performance : les élèves qui sont "à
l'heure" en troisième (14 ans) ont des
résultats très proches de ceux de leurs
camarades "à l'heure" en seconde (15
ans), et très supérieurs à ceux de leurs
camarades de troisième en retard.
Le retard scolaire est le facteur le plus
"explicatif"
des
variations
de
performances
entre
les
élèves
français de 15 ans ; les élèves ayant
redoublé ont des difficultés scolaires qui
perdurent au cours de leur scolarité.
3 - Extrait de l'interview de Jean FERRIER (IGEN) parue dans Le Monde du 25 février 2003
Le redoublement peut-il constituer une solution ?
Que des élèves mettent plus ou moins de temps pour faire leurs études à l'école primaire n'a pas une importance primordiale. Mais le
redoublement qui consiste à faire refaire à l'identique à l'élève ce qu'il a fait l'année précédente a le plus souvent une efficacité faible ou nulle.
La difficulté scolaire, même provoquée par des exigences momentanément trop élevées, et sa conséquence fréquente qu'est le
redoublement sont souvent vécues comme une humiliation par les élèves et par leurs parents. C'est la raison pour laquelle il faut pratiquer
autrement : un élève peut avoir besoin de quelques semaines ou mois supplémentaires pour assimiler ce qu'il a appris et pour aborder des
savoirs plus exigeants. À l'école de lui laisser ce temps et de gérer cette hétérogénéité.
4 - Extrait du livre « Le redoublement: pour ou contre ? » de Jean-Jacques Paul, Collection Pratiques & enjeux pédagogiques,
Editions E.S.F. (1996)
Les conséquences du redoublement sur les élèves.
Leboulanger (1995) qui a soumis à un ensemble d'élèves de collège du département de l'Aube un test déterminant l'importance de
l'estime de soi conclut ainsi son étude : « Plus de la moitié des élèves ont, après une année de redoublement, une image d'eux-mêmes
dévalorisée. L'image de soi des doublants s'est fortement détériorée d'un point de vue général et dans le contexte social qui les environne ; elle
s'est même extrêmement dégradée dans leur milieu familial ce qui pose le problème des représentations du redoublement chez les parents.
Quelle image les parents renvoient-ils à leurs enfants qui redoublent ? Quels mots, quels propos tiennent-ils pour que la très grande majorité
des élèves se sentent déconsidérés dans leur milieu familial ? »
Crahay (1996) cite diverses études, menées par lui-même à Genève ou par certains chercheurs américains, qui montrent que le
redoublement se passe dans le silence. Les redoublants de sept-neuf ans qu'il a interrogés ne savent pas pourquoi ils redoublent, il s'agit d'un
sujet tabou ; rares sont les institutrices qui parlent ouvertement de la situation avec eux. Et les redoublants hésitent à parler de leur situation à
leurs nouveaux condisciples. Sa recherche conforte les observations réalisées par Leboulanger, en ce qu'il semble qu'il n'y ait qu'à la maison
que l'on parle du redoublement. «Et là, c'est le plus souvent l'engueulade ».
Nous ne résistons pas à reproduire les propos de certains enfants tels que les présentent Crahay, tellement ils apparaissent
significatifs du sentiment de honte et de punition qui accompagne la décision de redoublement : « C'est normal (de redoubler)... parce que
quand on n'est pas trop intelligent il, faut doubler ». « J'ai eu l'impression qu'une sorte d'éclair est venu sur moi comme si j'avais une malchance
qui venait sur moi. Ça m'a un petit peu mis en désordre... ça voulait dire que j’étais un mauvais élève. » « C'est comme une punition de refaire
toujours la même chose et de perdre ses copines ! ». « Quand j'ai appris que je doublais, j'ai pensé que je ne savais pas lire ». « J'étais triste et
j'ai pleuré... je sais pas trop à quoi ça sert (le redoublement)... C'est aussi embêtant de refaire toujours la même chose et d'être le plus âgé de la
classe ! » . « C'était gênant pour moi... parce que j'avais peur que les enfants se moquent de moi. J'étais un peu triste... Quand les autres se
moquent de nous, ils rigolent et tout... j'aime pas ça.! » (p.70-71)

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