Crise énergétique : portrait mondial et contexte québécois
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Crise énergétique : portrait mondial et contexte québécois
TITRE DE LA PRÉSENTATION : Crise énergétique : portrait mondial et contexte québécois AUTEUR : Normand MOUSSEAU, Ph.D., professeur agrégé Département de physique, Université de Montréal Montréal (Auteur du livre Au bout du pétrole, tout ce que vous devez savoir sur la crise énergétique, Éditions MultiMondes, 2008) Il y a un an, à la fin février 2008, le baril de brut traversait le seuil psychologique de 100 $ US et, poursuivant sur sa lancée, augmentait de plus de 40 % en 4 mois, dépassant les 140 $ US, pour retomber autour de 40 $ US cet automne. En moins de deux ans, le prix du pétrole aura été multiplié par 2,5 et divisé par 4, prenant de court consommateurs, gouvernements et analystes. Trois questions se posent face au comportement erratique des prix de l’énergie : (1) Qu’estce qui a pu causer ce mouvement en dents de scie des cours du pétrole? (2) À quoi peut-on s’attendre pour les prochaines années? (3) Comment s’y préparer? L’augmentation rapide des prix du pétrole, à partir de 2004, a certes une origine spéculative : la chute du dollar américain causée par les déficits récurrents de notre voisin du Sud et la crise du papier commercial ont favorisé l’envolée des cours, aidée en cela par des spéculateurs agressifs toujours à l’affût de secteurs volatils. Mais, au-delà de ces raisons strictement financières, la flambée des cours du pétrole ces quatre dernières années a aussi une origine géologique à laquelle il est impossible d’échapper. Alors que depuis 150 ans, la production de pétrole s’ajuste sans effort à la demande, nous avons atteint le sommet de la production au début de 2008. Les grands gisements en mer du Nord et au Moyen-Orient, qui fournissent une fraction importante du pétrole mondial, se tarissent rapidement et les nouveaux puits, qui coûtent beaucoup plus cher à exploiter, parviennent à peine à compenser le manque à gagner. À partir de maintenant, c’est donc la demande qui devra s’ajuster à une offre qui entre dans une phase de déclin inéluctable, ce qui rendra le marché de l’énergie très instable. Ainsi, si les prix du pétrole ont chuté brutalement à partir de septembre 2008, ce n’est pas à cause d’une augmentation de la production, mais bien d’une baisse brutale de la consommation associée à la crise financière qui nous frappe et, dès que l’économie reprendra, les cours s’envoleront à nouveau. 1 Colloque ÉNERGIE et AGRICULTURE Devant l’ampleur de la crise énergétique, au début de 2008, les politiciens ont multiplié les déclarations accusant les pays producteurs de pétrole, les spéculateurs ou les deux. Aucune action majeure n’a toutefois été mise en place pour diminuer l’impact de la hausse et, dès que le prix est retombé sous la barre de 80 $ US, le problème a tout simplement disparu des discours politiques; aucun mot sur la crise énergétique durant les campagnes fédérale et provinciale. Pourtant, la récession qui nous frappe est une occasion inespérée d’enclencher un programme visant la diminution significative de notre dépendance envers les combustibles fossiles. Afin de minimiser l’impact de la récession et de relancer l’économie, nos gouvernements se préparent à investir massivement dans les infrastructures. La tentation sera forte de poursuivre le développement des 50 dernières années, ajoutant de nouvelles routes et terminant des tronçons laissés à l’abandon. Il est essentiel d’éviter cette solution de facilité et d’inscrire plutôt les investissements des prochaines années dans le cadre, beaucoup plus rentable à moyen terme, de l’indépendance énergétique. Les projets de relance devraient dont soutenir avant tout la diminution de notre consommation d’énergie fossile, qu’il s’agisse de mettre en place un système ferroviaire autonome pour les trains de banlieue, de doubler les voies ferrées sur les grands axes de transport, de tester le redéploiement de services de proximité, de financer des mesures d’économies d’énergie ou de subventionner les énergies alternatives. En plus d’aider à sortir de la récession, ces investissements positionneraient le Québec et le Canada parmi les leaders mondiaux dans le domaine des énergies alternatives. Pour le moment, malheureusement, rien n’est fait. La tentation est forte, à la suite de la chute récente des prix du pétrole, de reléguer la question énergétique à l’arrière-plan; il y a tant d’autres problèmes à traiter. Mais, si on n’agit pas dès maintenant, la proportion grandissante de notre richesse nationale qui servira à nous procurer notre part d’énergie fossile nous enlèvera chaque année un peu plus de marge de manœuvre pour préserver un société qui reflète nos valeurs et nos aspirations. La campagne présidentielle américaine a montré que nos voisins du Sud ont compris les risques associés à la crise énergétique des dernières années et le président Barack Obama veut mettre en place un plan ambitieux visant l’indépendance énergétique. Qu’attendons-nous pour faire de même? 2 Colloque ÉNERGIE et AGRICULTURE