Hier la bulle Internet, aujourd`hui le subprime et demain…
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Hier la bulle Internet, aujourd`hui le subprime et demain…
N° 69 – 6 septembre 2007 Hier la bulle Internet, aujourd’hui le subprime et demain… Les marchés traversent depuis cet été une période de fortes turbulences, avec en toile de fond une réappréciation brutale et généralisée du prix du risque. L’épicentre de la crise se trouve aux EtatsUnis, avec des craintes liées à la crise immobilière, à l’ampleur des difficultés du marché du subprime (crédits accordés à des clientèles à risque), et ses possibles effets de contagion aux autres segments de marché. Les difficultés rencontrées par certains acteurs financiers (Bear Stearns, IKB…), détenteurs de titres adossés à ces crédits risqués ont ajouté à l’incertitude. Par effet de contagion et face à l’illiquidité de certains actifs, les investisseurs se sont désengagés de leurs positions, risquées pour certaines mais peu ou très peu pour d’autres, provoquant une correction marquée sur plusieurs marchés (actions, obligations émergentes, commodities, débouclages des carry trade…). Cette crise d’origine subprime a entraîné dans la tourmente le marché monétaire par des mécanismes transitant par le marché des Asset Backed Commercial Paper1. Il en est résulté un assèchement brutal de la liquidité, jusqu’à l’interbancaire. Ceci a nécessité des interventions de 3 d’un resserrement généralisé et non discriminé des conditions d’accès au crédit (credit crunch). En dépit de son caractère brutal, cette correction est, dans son essence, plutôt salutaire. Elle s’assimile, encore à ce stade, à une normalisation, vu les niveaux de valorisation atteints sur ces différentes catégories d’actifs risqués. Les excès d’endettement mis en cause aujourd’hui (subprime, LBO, financement des hedge funds…) et les excès de valorisation associés sont nés de la gestion monétaire post-bulle et des innovations financières. Des politiques monétaires durablement accommodantes ont nourri la liquidité mondiale et des déséquilibres financiers croissants ; couplés à des produits nouveaux, ils ont étendu encore cette liquidité et réduit le risque perçu. Dans l’urgence, les autorités monétaires ont réagi, pour évidemment éviter un ajustement trop brutal, mais sans en reporter trop l’échéance. Il s’agit en réalité de permettre des ajustements et des restructurations, au-delà de « sanctions ». S preads s ur oblig ations ris quées bp Corporate (BAA) bp Emergents (EMBI+) Avers ion au ris que 400 1200 (indice centré réduit s ur la période 1990-2005) 350 1000 300 800 250 600 200 400 150 200 11 s ept. Corée du Nord 2 Cris e du crédit 1 0 100 0 00 -1 01 02 03 04 05 06 07 S ource : Bloomberg, CA -2 S candale Enron... Une bulle peut en cacher une autre -3 00 01 02 S ource : Bloomberg, CA 03 04 05 06 07 indice d'avers ion au ris que (CA) dernier ressort des banques centrales (injections de liquidité et baisse du taux d’escompte aux EtatsUnis) pour juguler la crise et ainsi parer l’éventualité 1 Ce marché finance les « conduits » des banques, des structures d’investissement hors bilan investis en de nombreuses classes d’actifs dont des titres adossés à des crédits subprime. Au cours de la seconde moitié des années 90, le choc des nouvelles technologies de l’information a été à l’origine d’une vague d’investissements financés par endettement (intermédié ou de marché). Ce développement des capacités et l’euphorie boursière qui l’accompagnait étaient à ce moment « compatibles » avec des anticipations de progression de demande et de profits exagérément optimistes, et qui se sont donc trouvées fausses. Avec le reflux de la demande et le retournement (Suite page 2) Isabelle JOB Tél. +33 (0)1 43 23 69 32 [email protected] Internet : http://www.creditagricole.fr/Rubrique kiosque Eco Isabelle JOB Tél. +33 (0)1 43 23 69 32 [email protected] brutal des anticipations, le triptyque « hausse du prix des actifs (actions surtout), dette, investissement » a fini par se déboucler conduisant à une période de krach boursier rampant, d’assainissement des bilans privés et d’apurement des surcapacités. Ces débouclages cumulatifs ont alors fait craindre que se déclenche une spirale déflationniste, selon des mécanismes semblables à ceux décrits par Fisher (1933) suite à la Grande Dépression. Tous les ingrédients – de la réduction du levier d’endettement en passant par la chute du prix des actifs financiers, de la profitabilité des entreprises, de la confiance et de l’activité – étaient présents, au moins jusque fin 2001. 1 500 US : E clatement de la B ulle Internet 1 300 1 100 10 9 8 700 7 500 6 300 5 100 4 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 S &P 500 Inves tis s ement en % du PIB S ource : Fed, Crédit Agricole S .A. Face à ce risque, l’objectif majeur de la politique monétaire américaine a été d’assurer la stabilité du système financier et de court-circuiter les enchaînements vicieux menant à la déflation, en évitant notamment qu’un rationnement du crédit ne se combine au dégonflement des valeurs boursières. La baisse des Fed funds de 6 % à 1,75 % en 2001, puis à 1 %, alors que l’instabilité financière était à son point culminant durant l’automne 2002, a cherché à répondre à cette problématique. La politique monétaire américaine a ainsi permis d’absorber un choc de grande ampleur, en évitant des faillites bancaires et une franche récession, mais sans pour autant venir à bout des déséquilibres financiers qui ont continué d’enfler, cette fois-ci sur le tandem ménages/immobilier. Un trop plein de liquidité Cet activisme monétaire mondial post-bulle a en effet joué un rôle de corne d‘abondance en déversant un flot de liquidités dans la sphère financière, responsable de niveau excessivement bas des taux d’intérêt (le fameux conundrum). En retour, l’accès à une ressource financière bon marché a permis à beaucoup de s’endetter. Les ménages surtout, ce qui a alimenté la montée des prix de l’immobilier. Dans le même temps, une vague d’innovations financières, notamment le développement du modèle bancaire d’originationstructuration-distribution ont permis de repousser les N° 69 – 6 septembre 2007 % PIB L iquidité de s pays dé v e loppé s % (agrégat M1 en % du PIB nominal) 30 16 25 12 20 8 15 4 12 11 900 limites de l’endettement. Dans un univers de taux bas, la recherche de rendement a contribué à pousser l’ensemble des acteurs financiers vers des positions de plus en plus audacieuses, comme si le risque avait disparu, masquant sans doute des zones de fragilités croissantes. * calcul s ur 5 pays /zones : US , UEM, UK, J apon, Canada 0 10 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 Agrégat M1 Tendance Taux 10 ans moyen (droite) S ource : Datas tream, Crédit Agricole Ce phénomène liant endettement des ménages, boom de l’immobilier résidentiel et consommation a connu un essor de dimension mondiale. Ce sont néanmoins dans les pays anglo-saxons que ces boucles auto-renforçantes ont été les plus prégnantes. Le dynamisme de la consommation a ainsi été le principal vecteur de la croissance mondiale, mais aussi la source de ses déséquilibres, avec en toile de fond le creusement du déficit courant américain. La montée en puissance de pays comme la Chine, pratiquant des politiques mercantilistes de sous-évaluation de leur taux de change, a assuré cependant un bouclage mondial assez aisé. La mise à disposition d’une épargne abondante, prête à s’investir dans des actifs dollar, a permis de pérenniser ce schéma de croissance forte, garant pour ces pays de rattrapage économique. Ce modèle possède encore aujourd’hui sa cohérence, mais les déséquilibres associés témoignent d’une plus grande vulnérabilité de l’économie mondiale aux chocs, avec le risque que ne se développe une instabilité financière chronique dans un monde globalisé, donc d’interdépendances croissantes. Subprime : petit problème devenu grand Le cas du subprime est de ce point de vue assez parlant. L’épisode d’instabilité actuelle prouve en effet combien l’assainissement d’un segment de marché en surchauffe peut secouer la planète financière et finalement générer des pertes bien supérieures aux montants initialement en jeu. La crise couvait depuis plusieurs mois, avec un ralentissement marqué du marché immobilier américain. A mesure que les prix gonflaient, l’offre et la demande de crédits sont devenues progressivement toutes deux fonction croissante de la valeur du prix des actifs. L’inflation de la valeur 2 Isabelle JOB Tél. +33 (0)1 43 23 69 32 [email protected] des collatéraux et la baisse de la perception du risque ont conduit à un relâchement des conditions d’accès au crédit, permettant aux ménages financièrement fragiles d’accéder à la propriété. L’ensemble a alimenté de nouvelles hausses de prix, ce qui par ricochet rendait soutenable la dynamique d’endettement sous-jacente. Avec la remontée de toute la gamme des taux dans le sillage des taux courts (suite à la normalisation de la politique monétaire américaine initiée au printemps 2004), le marché immobilier américain a amorcé son retournement. L’arrêt des hausses de prix et le renchérissement du coût du crédit sont alors venus révéler des situations d’insolvabilité sur le segment du subprime. Comme souvent dans les cas de contagion financière, la réponse du marché, face à un problème normalement circonscrit à un petit segment de marché, a été démesurée. Cette crise du subprime a, en fait, été le catalyseur d’un mouvement plus général de réappréciation du risque, après des années de complaisance, poussant les investisseurs à se désengager de leurs positions les plus risquées. On s’est retrouvé dans un schéma typique de retournement brutal du sentiment de marché, après une phase d’euphorie, et de contagion financière transitant en partie par des facteurs psychologiques. Des effets mécaniques ont également joué, avec des ventes sur les marchés les plus liquides pour faire face aux appels de marge et autres engagements sur les marchés devenus illiquides. Voies de sorties : des banques centrales bienveillantes Que va-t-il se passer maintenant ? La réaction adaptée et mesurée des banques centrales, lesquelles ont rapidement compris les canaux de propagation de la crise, est un point plutôt rassurant. À ce stade la correction étant plutôt jugée salutaire : les banques centrales n’ont pas de raison de répondre aux turbulences financières audelà des interventions visant à assurer le niveau de liquidité suffisant au bon fonctionnement du marché. C’est dans le cadre de leur mandat que ces dernières pourraient être amenées à infléchir leur politique, suivant l’impact estimé des turbulences actuelles sur la croissance et l’inflation. US : E ndettement et éparg ne % du revenu dis ponible 14 US : encours de AB CP Mrds $ certaines liées au subprime… Dans un climat de défiance généralisée, les investisseurs ont alors refusé de renouveler le papier commercial arrivant à échéance, conduisant les gérants des conduits à tirer sur les lignes de crédit contingentes sur lesquelles s’étaient engagées leurs maisons mères. Le stress sur le marché monétaire provient de l’ampleur des demandes (l’encours des ABCP atteignant la somme vertigineuse de 1 200 Mds USD) et de la défiance des banques entre elles du fait du manque de transparence sur les expositions du système bancaire européen aux subprimes et aux autres classes d’actifs surévaluées (financements LBO…). » ratio (en années de revenu dis ponible) 1,6 12 1200 10 1100 8 6 1000 4 900 2 800 0 700 1,4 1,2 1,0 0,8 0,6 -2 0,4 1952 1957 1962 1967 1972 1977 1982 1987 1992 1997 2002 2007 600 500 01 02 03 S ource : 04 05 06 07 As s et-Backed Commercial Paper Ce qui est nouveau, c’est que la finance moderne a fait naître de nouveaux canaux de transmission qui ont notamment été à l’origine d’une crise de liquidité sur le marché monétaire, nécessitant des interventions en dernier ressort des banques centrales (injections de liquidité, abaissement du taux d’escompte de la Fed). Comme l’explique notre spécialiste des banques, Rémy Contamin : « la crise de liquidité vient de l’assèchement du marché de l’Asset-Backed Commercial Paper, qui finançait les fameux « conduits » des banques, qui sont des véhicules d’investissement hors bilan investis en de nombreuses classes d’actifs (CDO, ABS…) dont N° 69 – 6 septembre 2007 taux d'épargne taux d'endettement (dr.) S ource : Rés erve fédérale, BEA, CA. Aux Etats-Unis, avec le resserrement des conditions de crédit en cours, la crise immobilière risque de se prolonger jusque fin 2008, avec un impact récessif sur la croissance. La réévaluation du risque baissier sur la croissance (déclaration du 17 Août du FOMC) appelle sans doute un recalibrage de la politique monétaire. La Fed devrait ainsi concéder une baisse de 25 pdb des Fed funds le 18 septembre, suivie de deux nouvelles baisses d’ici à la fin de l’année, ramenant ainsi le taux cible à 4,5%. Un régime durable de croissance molle pourrait être le prix à payer pour assainir la situation financière des ménages (et la remontée correspondante du taux d’épargne), selon un mode graduel et ordonné. En adoptant au départ une posture plus neutre, la Fed 3 Isabelle JOB Tél. +33 (0)1 43 23 69 32 [email protected] se laisserait la possibilité d’utiliser une politique de fine tuning pour piloter en douceur cette phase d’atterrissage. En Europe, la croissance paraît aujourd’hui plus robuste et plus autonome que par le passé. Elle devrait donc faire preuve de résilience face au ralentissement américain. Néanmoins, la phase de consolidation en cours devrait ramener progressivement la croissance en zone Euro vers son rythme potentiel (2,6% en 2007, autour de 2,1% en 2008). Dans un contexte de grande nervosité, la BCE devrait normalement passer son tour en septembre tout en maintenant un biais haussier, une manière de dire qu’une fois le calme revenu un nouveau resserrement pourrait s’avérer nécessaire pour juguler les pressions inflationnistes à moyen terme. Le maintien d’un discours plus musclé témoignerait aussi de l’inconfort persistant de la BCE face à la montée des prix de certains actifs (dont l’immobilier), sur fond d’endettement croissant, et du faible degré de complaisance de l’institution à l’égard de prises de risque jugées inconsidérées En Asie, les turbulences actuelles ne devraient coûter que quelques dixièmes de points de croissance dans cette zone très dynamique, l’impact transitant essentiellement par le canal réel des échanges en lien avec le ralentissement anticipé de la croissance américaine. En revanche, la persistance d’importants déséquilibres domestiques (inflation des bases monétaires et du crédit), nés d’une liquidité abondante, appelle d’autres politiques monétaires et de change. Des hausses de taux sont possibles et un mouvement général d’appréciation des monnaies paraît souhaitable. La question demeure cependant de la résistance de la croissance mondiale sous l’effet d’une contagion américaine, surtout lorsque le consommateur risque de faire défaut. On reste encore ici au stade du pari. Sur le plan financier, on se dirige vers un scénario de normalisation des primes de risque et d’assainissement semi-ordonné des acteurs et des marchés trop endettés. Les marchés vont devoir s’habituer à un nouvel environnement globalement plus averse au risque (hausse des spreads, baisse de la plupart des valorisations des classes d’actifs…). Dans tous les cas, la période d’incertitude actuelle devrait profiter aux valeurs sûres. Les taux longs ne devraient pas se retendre rapidement même si, à la faveur d’une accalmie sur le front financier, une certaine normalisation pourrait suivre (autour de 4,8% aux Etats-Unis et 4,4% en Europe d’ici la fin de l’année). Le dollar va continuer de jouer son rôle de valeur refuge et osciller autour des valorisations actuelles (dans une fourchette 1,30-1,35). Les monnaies impliquées dans les opérations de carry trade vont s’ajuster, à la hausse pour les devises de financement (yen, franc suisse), à la baisse pour les devises d’investissement (dollar australien, dollar néozélandais…), avec les mouvements de débouclage en cours. Il s’agit là bien évidemment d’un scénario central, qui dans le contexte actuel de grande nervosité, est soumis à de nombreux aléas. L’intervention des banques centrales est évidemment essentielle mais elle ne suffit pas. Pour recréer les conditions d’un retour de la liquidité sur le marché monétaire, il faudra que les banques acceptent de nouveau de se prêter entre-elles. Tout est une question de confiance, de garantie, d’information et de transparence. Crédit Agricole S.A. — Direction des Études Économiques 75710 PARIS Cedex 15 — Fax : +33 (0)1 43 23 58 60 Directeur de la Publication : Jean-Paul Betbèze Secrétariat de rédaction : Véronique Champion-Faure Contact : [email protected] Internet : http://www.credit-agricole.fr — Kiosque Eco Cette publication reflète l’opinion du Crédit Agricole à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cette opinion est susceptible d’être modifiée à tout moment sans notification. Elle est réalisée à titre purement informatif. 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