Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation en France et

Transcription

Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation en France et

Arnaud Régnier-Loilier* et Daniele Vignoli**
Intentions de fécondité et obstacles
à leur réalisation en France et en Italie
Dans les pays où les couples peuvent contrôler efficacement leurs
naissances, la compréhension des comportements de fécondité
nécessite l’analyse des intentions et de leur réalisation. En
particulier, quels sont les facteurs (économiques, sociaux, culturels)
conduisant à une révision (à la hausse ou à la baisse) du projet
initial de fécondité ? Utilisant des données longitudinales et
comparables issues des enquêtes GGS (Generations and Gender
Surveys), Arnaud Régnier-Loilier et Daniele Vignoli procèdent à
une confrontation des projets de fécondité et de leur réalisation
en France et en Italie, deux pays où les intentions des couples
sont assez proches (au moins 2 enfants pour une majorité d’entre
eux) mais où leur concrétisation diffère ensuite sensiblement.
Ils montrent qu’en dehors de l’âge et du nombre d’enfants,
les facteurs socioéconomiques jouent un rôle important sur
l’ajournement comme sur le renoncement au projet initial mais
selon des modalités différentes dans les deux pays.
Les sociétés modernes ont aujourd’hui accès à une contraception efficace,
permettant de choisir le nombre d’enfants que l’on souhaite mais aussi le
moment auquel les avoir. Les préférences et les choix en matière de fécondité
jouent ainsi un rôle de premier plan dans l’étude des comportements familiaux
(Ongaro, 1982 ; Palomba, 1991 ; De Sandre et al., 1997 ; Borra et al., 1999 ;
Sorvillo et Marsili, 1999 ; Goldstein et al., 2004 ; Testa et Grilli, 2006 ; Mills
et al., 2008 ; Régnier-Loilier et Solaz, 2010). Transposée à l’étude de la fécondité, la « théorie des comportements planifiés » de Ajzen (1991) invite à considérer les intentions comme un préalable aux comportements. Ces intentions
dépendent elles-mêmes de la situation des personnes (conjugale, économique,
etc. : Mazuy, 2009 ; Régnier-Loilier et Vignoli, 2009), du contexte plus général
dans lequel elles se trouvent (politique par exemple), et elles évoluent à mesure
que se constitue la descendance (Monnier, 1987 ; Régnier-Loilier, 2006).
* Institut national d’études démographiques, Paris.
** Université de Florence.
Correspondance : Arnaud Régnier-Loilier, Institut national d’études démographiques, 133 boulevard
Davout, 75980 Paris Cedex 20, tél : 33 (0)1 56 06 20 71, courriel : [email protected]
Population-F, 66 (2), 2011, 401-432
A. Régnier-Loilier, D. Vignoli
On distingue classiquement les intentions dites « positives » des intentions
« négatives », les premières traduisant le désir d’avoir un (autre) enfant à l’avenir, les secondes l’intention de ne pas ou de ne plus en avoir. Les études s’intéressant au lien entre intentions et réalisation ne sont pas très nombreuses,
principalement en raison du manque de données adaptées, même si les enquêtes
longitudinales se sont développées ces dernières années. Les résultats obtenus
convergent et montrent que les intentions négatives sont un très bon indicateur
des comportements futurs, tandis que les intentions positives, tout en gardant
un bon pouvoir prédictif, surestiment systématiquement la fécondité observée
(Westoff et Ryder, 1977 ; Monnier, 1987 ; Schoen et al., 1999 ; Symeonidou,
2000 ; Noack et Østby, 2002 ; Toulemon et Testa, 2005 ; Meggiolaro, 2009 ;
Rinesi, 2009). Bongaarts (2001) met en évidence certains facteurs qui peuvent
conduire les couples à réviser à la hausse leur projet de fécondité : avoir eu un
enfant non désiré, que l’un soit décédé, avoir un enfant du sexe souhaité. À
l’inverse, le projet initial peut être revu à la baisse pour différentes raisons :
retard du calendrier de fécondité, problèmes de fertilité, ou encore concurrence
entre le projet familial et d’autres activités. Ces trois derniers facteurs sont
selon lui les plus fréquents dans les pays développés, expliquant pourquoi la
taille de la famille attendue est généralement surestimée dans ces pays.
Malgré une relative uniformisation des modèles de fécondité en Europe,
des contrastes relativement importants demeurent entre pays. D’un côté, certains comme l’Allemagne, l’Espagne, le Portugal ou l’Italie enregistrent des
taux de fécondité particulièrement bas (compris entre 1,3 et 1,5 enfant par
femme), tandis que d’autres comme le Danemark, la Finlande, la Norvège, la
Suède, l’Irlande ou la France gardent un niveau de fécondité proche du seuil
de remplacement des générations (entre 1,9 et 2,0 enfants par femme ; Pison,
2011). Si le contexte politique propre à chaque pays peut rendre compte d’une
partie des différences observées (Thévenon et Gauthier, 2010), on sait finalement peu de chose sur la manière dont, au niveau individuel, un projet de
fécondité se concrétise ou non et, notamment, si dans des contextes différents
les caractéristiques des couples jouent à l’identique sur la réalisation des intentions de fécondité.
Le choix de mettre en regard la France et l’Italie se justifie pour au moins
deux raisons. La première est théorique. Elle repose sur le fait qu’il s’agit de
deux pays voisins, relativement proches en termes d’intentions de fécondité
(Régnier-Loilier et Vignoli, 2008) mais aux modèles de fécondité contrastés
(2 enfants par femme en France contre 1,4 en Italie) et dont les contextes institutionnels sont différents, avec des politiques sociales, familiales et des
infrastructures de garde d’enfants nettement plus favorables en France. Cette
comparaison doit ainsi permettre de mieux comprendre les situations qui, à
l’échelle du couple, font obstacle à la réalisation des intentions positives de
fécondité, dans un contexte donné. La seconde raison est pragmatique. La
confrontation des intentions de fécondité à leur réalisation nécessite de disposer
402
Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation
de données longitudinales et comparables entre pays. Les données des enquêtes
Generations and Gender Survey (GGS) offrent pour la première fois cette opportunité (annexe), mais pour quelques pays seulement. Si 17 pays ont réalisé la
première vague de l’enquête GGS, la seconde n’a pas encore été conduite dans
tous et, lorsqu’elle l’a été, les données ne sont pas encore disponibles.
Dans un premier temps, nous décrivons les situations de fécondité françaises et italiennes, selon le calendrier, le nombre d’enfants et les intentions à
court terme. On se demande ensuite si les intentions positives se réalisent dans
les mêmes proportions dans les deux pays et si les obstacles à la réalisation
des intentions sont les mêmes. Enfin, approche peu développée jusqu’à présent,
les données de l’enquête GGS permettent de voir dans quelle mesure la nonréalisation d’un projet de court terme conduit à son ajournement ou au
renoncement.
I. Faire famille en France et en Italie :
cadre théorique et empirique
Un contexte différent
En France, au cours des quarante dernières années, l’institution matrimoniale s’est profondément transformée : le nombre de mariages a diminué au
profit de l’union libre et les unions se sont fragilisées, occasionnant une transformation du paysage familial et notamment une forte augmentation des familles
monoparentales. Toutefois, ces évolutions ne se sont pas accompagnées d’une
désaffection vis-à-vis de la famille, la majorité des couples souhaitant avoir
des enfants. Plus de la moitié des naissances surviennent ainsi aujourd’hui en
dehors du cadre du mariage (Pla et Beaumel, 2010). Par ailleurs, dans la majorité
des pays européens – dont la France et l’Italie –, l’un des phénomènes les plus
marquants de la dynamique de construction de la famille a été le report de
plus en plus tardif du premier enfant. Celui-ci a été expliqué, pour le cas de
la France, par l’allongement des études (Robert-Bobée et Mazuy, 2005) et l’entrée de plus en plus tardive sur le marché du travail, le souhait de s’assurer que
le couple soit stable (Mazuy, 2009), mais aussi par le désir de profiter un temps
de sa vie de couple sans enfant (Régnier-Loilier et Solaz, 2010). Ces évolutions
sont indissociables de la diffusion des méthodes modernes de contraception
(en particulier la pilule, méthode la plus utilisée en France) à partir des années
1970 et de l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail.
En Italie, à l’inverse, la majorité des couples continuent à avoir leurs
enfants dans le cadre du mariage (20 % de naissances hors mariage en 2008
selon l’Istat). Toutefois, malgré la persistance de cette spécificité du faire
famille en Italie (Dalla Zuanna et Micheli, 2004), le pays est entré depuis peu
dans une nouvelle phase démographique marquée par davantage de divorces,
d’unions libres et de mariages célébrés uniquement de manière civile (Rosina,
403
A. Régnier-Loilier, D. Vignoli
2007 ; Vignoli et Ferro, 2009). Dans ce contexte, les obstacles à franchir pour
devenir parents sont sans doute plus importants en Italie qu’en France en
raison de l’absence d’un support institutionnel à la famille et au rôle de mère.
Les opportunités professionnelles des femmes semblent en effet sérieusement
compromises par la vie familiale, principalement lorsque le conjoint ne
contribue pas ou peu aux activités domestiques et à l’éducation des enfants.
Cette situation conduit beaucoup de femmes à reporter l’arrivée d’un enfant,
à limiter le nombre d’enfants qu’elles souhaitent, voire à renoncer à en avoir
(Mencarini, 2007). À ceci s’ajoute ces dernières années un taux de chômage
élevé chez les jeunes et une précarisation des emplois, notamment féminins
(Salvini et Ferro, 2007). Parmi les raisons du retard à la parentalité en Italie,
et en plus de celles communes à la France et plus généralement aux sociétés
modernes, comme l’allongement de la scolarisation et les difficultés accrues
d’insertion sur un marché du travail de plus en plus difficile à définir (Vignoli,
2011), il ne faut pas oublier d’autres spécificités comme l’importance des liens
familiaux et le marché du logement particulièrement peu favorable en Italie
(Dalla Zuanna et Billari, 2008). Sur le premier point en effet, la solidarité
entre les membres d’une même famille est particulièrement forte en Italie, à
chaque étape du cycle de vie : les jeunes restent vivre plus longtemps chez
leurs parents et, une fois partis, ils élisent souvent domicile à proximité. Sur
le second point, les difficultés d’accès à la propriété et le coût prohibitif des
rares logements disponibles sur le marché locatif représentent un frein à la
construction de la famille chez les jeunes.
Cette différence de contexte dans lequel les couples construisent leurs
choix familiaux en France et en Italie s’accompagne aussi de modèles de fécondité qui se sont en certains points différenciés ces dernières décennies.
Intensité et calendrier de fécondité :
des différences de plus en plus marquées
Le nombre moyen d’enfants par femme ayant entre 45 et 64 ans (au moment
de la première vague d’enquête) est relativement proche dans les deux pays,
bien que légèrement inférieur en Italie avec 1,9 contre 2 en France. En termes
de distribution, les familles à deux enfants sont les plus fréquentes (39 % en
France et 44 % en Italie), mais les familles de trois enfants ou plus sont nettement plus répandues en France (32 % contre 24 %).
Le déclin de la fécondité italienne, commencé à la fin des années 1970, se
retrouve dans l’évolution du calendrier de fécondité des générations plus jeunes
(figure 1). Pour les femmes âgées de 45 à 64 ans, on n’observe aucune différence
entre les deux pays quant à l’arrivée du premier enfant : à 25 ans, 58 % des
femmes en France et 55 % en Italie avaient eu leur premier enfant et, au terme
de leur vie féconde (à 45 ans), 90 % des premières et 88 % des secondes avaient
eu un premier enfant. Pour ces générations de femmes, on note cependant un
léger retard dans l’arrivée du deuxième enfant en Italie. À 30 ans, 49 % des
femmes avaient eu un deuxième enfant en Italie contre 58 % en France, et il
404
Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation
en résulte, à terme, une moindre proportion de femmes ayant eu un deuxième
enfant en Italie (67 %) qu’en France (71 %). Cette différence est encore plus
marquée pour le troisième enfant.
Figure 1. Proportions cumulées de femmes ayant eu un premier
(second, troisième) enfant à un âge donné (France, Italie)
Femmes âgées de 45 à 64 ans
100
P. 100
Femmes âgées de 35 à 44 ans
Ined 2011
Premier enfant
90
80
Italie Deuxième enfant
70
France
France
100
50
30
Italie
70
50
Troisième enfant
Premier enfant
80
60
Italie
Ined 2011
90
60
40
P. 100
France
Deuxième enfant
Italie
40
France
30
France
20
20
Italie
10
10
0
0
15
20
25
30
35
40
45
15
20
25
30
35
40
Âge
France : N = 1 980 ; Italie : N = 6 525
45
Âge
France : N = 1 125 ; Italie : N = 3 951
Sources : France : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005 ; Italie : Istat-FSS-GGS, 2003.
S’il n’est pas possible d’observer la descendance finale des femmes plus
jeunes (35-44 ans) dans la mesure où elles n’ont pas toutes achevé leur vie
reproductive, on note cependant un retard dans l’arrivée des premier et deuxième enfants dans les deux pays, mais plus marqué en Italie : à 25 ans, 42 %
des femmes en France et 35 % en Italie ont eu un premier enfant (soit une
différence de 7 points de pourcentage contre 3 points pour les 45-64 ans) et à
30 ans, 43 % des premières et 32 % des secondes ont eu un deuxième enfant
(soit un contraste de 11 points contre 9 points pour les 45-64 ans). Ces différences ne marquent pas seulement un retard des naissances plus important en
Italie qu’en France puisque les écarts demeurent à 35 ans : 84 % des femmes
en France ont alors un premier enfant et 61 % un deuxième, contre respectivement 74 % et 47 % en Italie. Enfin, pour les plus jeunes (25-34 ans, résultats
non présentés ici), le retard à l’arrivée du premier enfant est encore plus accentué en Italie.
Des intentions de fécondité différentes
Les différences de comportements de fécondité entre la France et l’Italie
se retrouvent dans une certaine mesure au niveau des intentions de fécondité
(figure 2). Parmi les femmes sans enfant âgées de 20 à 40 ans, l’intention d’avoir
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A. Régnier-Loilier, D. Vignoli
un enfant dans les trois prochaines années(1) est moins fréquente en France
(74 %) qu’en Italie (85 %). Cela tient à un effet de sélection : dans cette classe
d’âges en effet, on compte proportionnellement plus de mères en France (71 %
contre 49 % en Italie). À l’inverse, les mères ont plus souvent l’intention d’avoir
un autre enfant dans les trois prochaines années en France : 62 % des femmes
ayant un enfant en souhaitent un second contre 53 % en Italie, écart que l’on
retrouve également dans l’intention d’avoir un troisième enfant (respectivement
23 % contre 10 %).
Figure 2. Proportions de femmes ayant l’intention d’avoir un enfant
dans les trois prochaines années selon le nombre d’enfants déjà nés,
en France et en Italie
100
P. 100
Ined 2011
90
France
80
Italie
70
60
50
40
30
20
10
0
0
1
2
3
Nombre d’enfants
Champ : Femmes en couple âgées de 20 à 40 ans (France : N = 1 229 ; Italie : N = 3 766).
Sources : France : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005 ; Italie : Istat-FSS-GGS, 2003.
De manière générale, le nombre désiré d’enfants (y compris les enfants
déjà nés) des femmes de 20 à 40 ans est un peu plus élevé en France, avec
2,4 enfants par femme en moyenne contre 2,1 en Italie (Régnier-Loilier et
Vignoli, 2009) : en France, 43 % désirent deux enfants et 41 % trois enfants
ou plus, tandis que le nombre désiré se concentre largement sur 2 enfants en
Italie (60 %). Malgré cette différence, la référence symbolique à une famille
comptant au moins deux enfants persiste dans les deux pays et rares sont les
femmes qui n’en souhaitent qu’un seul (15 % en Italie et 11 % en France), y
compris en Italie où la conjoncture actuelle montre pourtant que de plus en
plus de femmes n’ont qu’un seul enfant au terme de leur vie féconde (Breton
et Prioux, 2009). Si la plupart des femmes ont l’intention d’avoir un ou des
(1) Cumul des réponses « Oui certainement » et « Oui probablement ».
406
Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation
enfants, la différence actuelle de fécondité observée entre la France et l’Italie
laisse supposer que le projet n’est pas toujours concrétisé, notamment en Italie.
Afin de mieux comprendre les différences de comportements, il importe de
vérifier a posteriori si les intentions déclarées ont été ou non réalisées et de
caractériser les couples qui n’ont pas eu l’enfant qu’ils souhaitaient.
II. Les intentions ont-elles été réalisées trois ans plus tard ?
Les données longitudinales de GGS permettent de confronter intentions
de fécondité et réalisation. Les deux premières vagues, réalisées à trois années
d’intervalle dans chacun des pays (annexe), offrent en effet la possibilité de
rapprocher les réponses données à la question « Avez-vous l’intention d’avoir
un enfant dans les trois prochaines années ? » aux comportements observés
dans les trois années qui ont suivi.
Brève revue de la littérature
Une contribution récente au débat sur la correspondance entre intentions
de fécondité et réalisation a été développée en Italie par Rinesi (2009). À partir
d’une base de données croisant les résultats d’une enquête conduite auprès de
mères d’au moins un enfant (renseignant sur leurs intentions) avec les registres
de population (afin de voir si une naissance a suivi), elle montre que les intentions exprimées, parmi d’autres caractéristiques démographiques et socioéconomiques, représentent le facteur qui pèse le plus sur les comportements, tant
dans la transition vers le second que le troisième enfant.
Parmi les variables démographiques, l’âge et le nombre d’enfants déjà nés
jouent un rôle de premier plan (Noack et Østby, 2002 ; Quesnel-Vallée et
Morgan, 2003 ; Berrington, 2004 ; Testa et Toulemon, 2006). Le report des
naissances ne réduit pas seulement le nombre désiré d’enfants mais également
la probabilité d’avoir les enfants souhaités. En outre, plus la différence entre
le nombre d’enfants déjà nés et le nombre attendu d’enfants est importante,
plus la probabilité d’expérimenter la transition vers la parité suivante est faible
(Symeonidou, 2000).
Le type d’union apparaît central dans certaines études, dont deux menées
aux États-Unis (Schoen et al., 1999 ; Quesnel-Vallée et Morgan, 2003) où l’on
note qu’à parité donnée, les couples mariés réalisent plus souvent leurs intentions positives de fécondité. En France, à l’inverse, le type d’union ne semble
pas influer de manière significative sur la réalisation des projets, toutes choses
égales par ailleurs(2) (Toulemon et Testa, 2005). Le rôle des indicateurs de genre
au sein du couple n’est pas non plus univoque selon les pays. En Grèce par
exemple, les femmes ayant une vision moins traditionnelle des relations de
genre réalisent moins souvent leur projet de fécondité (Symeonidou, 2000),
corrélation non mise en évidence aux États-Unis (Thomson, 1997).
(2) Notamment en tenant compte de la durée de l’union.
407
A. Régnier-Loilier, D. Vignoli
Concernant l’effet des caractéristiques socioéconomiques, les femmes les
plus diplômées paraissent plus souvent réaliser leurs intentions positives de
fécondité, tant en France qu’en Italie (Toulemon et Testa, 2005 ; Rinesi, 2009).
Toutefois, Quesnel-Vallée et Morgan (2003) montrent qu’au-delà de la réalisation
des intentions de court terme, les femmes les plus instruites ont au final moins
d’enfants qu’elles n’en désirent aux États-Unis.
Enfin, parmi les facteurs économiques, le rôle des conditions de logement
et de la sécurité économique (dont la situation d’emploi) est souvent mis en
avant (Thomson, 1997 ; Symeonidou, 2000 ; Berrington, 2004). Rinesi (2009)
montre, par exemple, comment dans le contexte italien les couples en situation
de meilleure stabilité ont plus fréquemment le nombre d’enfants qu’ils souhaitent. L’incertitude économique joue également en France, une situation de
chômage compromettant la réalisation des projets initiaux de fécondité (Testa
et Toulemon, 2006).
Une moindre réalisation des intentions de fécondité en Italie
Parmi les couples cohabitants dont la femme était encore en âge d’avoir un
enfant lors de la première vague, 19 % ont eu un enfant en France dans les
trois années qui ont suivi contre 15 % en Italie(3), résultats conformes à ceux
obtenus dans les deux pays à partir d’autres données (France : Toulemon et
Testa, 2005 ; Italie : Rinesi, 2009).
Derrière cette proportion d’ensemble, de très nettes différences apparaissent
selon les intentions déclarées trois ans auparavant et leur degré de certitude(4).
De manière générale d’abord, et quel que soit le pays considéré, les intentions
négatives de fécondité (ne plus vouloir d’enfant) ont un excellent pouvoir
prédictif des comportements à venir (figure 3). Les personnes qui déclaraient
ne pas du tout vouloir d’enfant (réponse « Non ») sont très rares à avoir eu un
enfant entre les deux vagues (seules 6 % ont eu un enfant en France et 2 % en
Italie). À l’inverse, les intentions positives tendent à surestimer les comportements : parmi les personnes qui avaient l’intention ferme (réponse « Oui
certainement ») d’avoir un enfant dans les trois ans, seuls les deux tiers ont
réalisé ce projet, en France comme en Italie(5).
Outre ces similitudes entre pays, une spécificité se dégage : la proportion
de couples ayant eu un enfant est systématiquement supérieure en France, quel
(3) La proportion pour l’Italie est légèrement surestimée dans la mesure où la seconde vague d’enquête a eu lieu un peu plus de trois ans après la première (annexe). Les couples dont la femme est
enceinte au moment de la seconde vague sont considérés comme ayant eu un enfant : on peut en effet
estimer qu’ils ont déjà, au moment de la seconde vague, concrétisé leur projet d’enfant.
(4) Selon les 4 modalités « Oui certainement ; oui probablement ; non probablement pas ; non certainement pas ». Il est à noter que l’exclusion du terme « certainement » en France ne semble pas
conduire à une sous-estimation des intentions les plus fermes, celles-ci étant proportionnellement
plus nombreuses qu’en Italie, tant pour les intentions positives que négatives.
(5) L’effet gradué de la variable d’intention, et notamment le meilleur pouvoir prédictif des intentions négatives, ne surprend guère en raison d’un effet de sélection : on trouve en effet, parmi les
couples ne souhaitant plus d’enfant, davantage de couples dont l’âge de la femme rend moins probable l’arrivée d’un enfant.
408
Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation
Figure 3. Proportion de couples ayant eu au moins un enfant
selon les intentions déclarées trois ans avant (France, Italie)
80
% ayant eu un enfant entre 2005 et 2008
Ined 2011
70
France
60
50
40
Oui (15 %)
30
Oui
probablement
(13 %)
20
Non probablement pas (5 %)
10
Non (67 %)
0
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Répartition des intentions en 2005 (p. 100)
80
% ayant eu un enfant entre 2003 et 2007
Ined 2011
70
Italie
60
50
40
Oui (12 %)
30
Oui probablement
(17 %)
20
10
0
Non (49 %)
Non probablement
pas (22 %)
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Répartition des intentions en 2003 (p. 100)
Champ : Personnes en couple cohabitant et encore en âge d’avoir des enfants lors de la première
vague (dont la femme est âgée de moins de 50 ans et dont les deux membres du couple pensent
pouvoir encore avoir des enfants) (France : N = 2 225 ; Italie : N = 3 390).
Sources : France : Ined-Insee, Erfi-GGS1-2, 2005-2008 ; Italie : Istat-FSS-GGS1-2, 2003-2007.
que soit le degré d’intentionnalité. En particulier, parmi les 5 % de personnes
incertaines ayant répondu en France « Probablement pas » à la question, 32 %
ont tout de même eu un enfant contre seulement 9 % en Italie (la catégorie
« Probablement pas » rassemblant 22 % des intentions dans ce pays). Il semble
y avoir en France une attitude plus flexible vis-à-vis du futur parmi les « incer-
409
A. Régnier-Loilier, D. Vignoli
tains » qui pourrait tenir à des politiques familiales contrastées. Installées de
longue date en France, elles atténueraient au niveau individuel l’effet de certains
obstacles à l’arrivée d’un enfant, contrairement à l’Italie où la politique familiale
reste peu développée, notamment en termes de conciliation entre travail et
famille (Matysiak et Vignoli, 2010).
Dans le but de repérer d’éventuels obstacles à la réalisation des intentions
de fécondité, on se limite pour la suite à l’étude des intentions positives (personnes
ayant répondu « Oui » et « Oui probablement » à la question des intentions), en
opposant celles qui ont été suivies d’une naissance à celles qui ne l’ont pas été.
Caractéristiques des couples n’ayant pas eu l’enfant souhaité
La revue de littérature présentée précédemment indique qu’un ensemble
de caractéristiques influent sur la réalisation des intentions : âge, situation de
couple, nombre d’enfants déjà nés, mais aussi situation professionnelle des
conjoints (notamment la stabilité de l’emploi), statut d’occupation du logement
(propriétaire ou locataire), niveau d’instruction des conjoints, éloignement du
domicile de la mère du répondant (laquelle peut être un soutien pour la garde
des enfants), pratique religieuse (dont dépendent les intentions de fécondité).
Afin de démêler l’effet net de ces différents facteurs, notamment en tenant
compte du degré d’intentionnalité, et repérer les caractéristiques qui contrarient
le plus la réalisation d’un projet d’enfant, nous avons modélisé la probabilité
d’avoir un enfant dans les trois années suivantes parmi les couples en ayant
eu l’intention, en Italie et en France. Le tableau 1 présente les coefficients β
issus de la régression logistique, les probabilités estimées (%)(6) et le seuil de
significativité de chacun des facteurs.
Les caractéristiques retenues se rapportent toutes à la situation observée
lors de la première vague d’enquête, sauf l’indicateur de rupture d’union qui
décrit les changements survenus entre les deux vagues. Les autres caractéristiques ont pu évoluer dans le même temps (évolution du statut professionnel
par exemple), mais nous ne disposons pas d’informations sur la datation de
ces événements, rendant impossible l’interprétation que nous pourrions en
faire. D’autres caractéristiques auraient mérité d’être prises en compte, au rang
desquelles l’intention du conjoint(7), la participation relative de chacun des
conjoints aux travaux domestiques, la durée de l’union(8) ou encore des problèmes de fertilité. Ces informations ne sont cependant pas présentes simultanément dans les deux enquêtes, ou pas suffisamment comparables. En outre,
les effectifs limités empêchent la création d’interactions entre certaines variables.
Par exemple, il eût été intéressant de croiser le nombre d’enfants déjà nés et
l’activité de la femme, ces deux variables étant liées (Neyer et al., 2011).
(6) Méthode de calcul (p. 100): 1 / [1 + exp (– β(constante) – β(facteur))].
(7) L’intention du conjoint influe sur la réalisation des projets (Thomson, 1997). Plus spécifiquement,
la réalisation des intentions est plus fréquente si les conjoints ont les mêmes intentions (Istat, 2010).
(8) Celle-ci n’est pas retenue dans le modèle car trop corrélée à l’âge de la femme.
410
Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation
La situation prise comme référence correspond à un couple sans enfant,
marié, n’ayant pas rompu son union entre les deux vagues, dont la femme a
moins de 25 ans lors de la première vague et travaille dans le secteur public,
dont le conjoint est actif, ayant l’un et l’autre un bas niveau de diplôme(9),
propriétaires de leur logement (y compris accédant), habitant à une distance
lointaine de la mère du répondant(10), n’assistant jamais ou rarement aux services religieux et dont l’intention d’avoir un enfant dans les trois ans était la
plus ferme (« Oui certainement »). Ce « couple de référence » a plus souvent
réalisé ses intentions positives de fécondité en France (71 %) qu’en Italie (56 %).
La comparaison des résultats pour les deux pays fait d’abord ressortir quelques
similitudes, notamment le rôle prépondérant des intentions (Ajzen, 1991) et de
leur fermeté sur les comportements (Toulemon et Testa, 2005). La probabilité
d’avoir eu un enfant est deux fois plus élevée pour les personnes ayant répondu
« Oui certainement » à la question des intentions par rapport à celles ayant
répondu « Oui probablement ». Toutes choses égales par ailleurs, on retrouve
un effet très marqué de l’âge en France comme en Italie, avec cependant quelques
nuances. La probabilité d’avoir eu un enfant est plus forte pour les couples dont
la femme était âgée de 25 à 34 ans au moment de la première vague (relativement
aux couples dont la femme avait moins de 25 ans), mais seulement en France,
tandis qu’elle est plus élevée dans les deux pays au-delà de 35 ans. En France,
les intentions exprimées sont sans doute moins « réalistes » aux jeunes âges,
dans la mesure où nombre de couples souhaitent préalablement réunir un
ensemble de conditions avant d’entrer en parentalité : avoir une situation professionnelle installée, être « sûr » que l’union va tenir, avoir profité de sa vie de
couple à deux sans enfant (Régnier-Loilier, 2007), mais aussi que les deux
conjoints soient « prêts » ensemble (Mazuy, 2009). La période 25-34 ans est celle
durant laquelle la majorité des couples ont leurs enfants en France comme en
Italie, la plupart des conditions préalables étant alors réunies. Après 35 ans, l’âge
peut devenir un obstacle à la réalisation des intentions, la fertilité déclinant
progressivement au cours de la vie féconde (Leridon, 2010).
Parmi les autres points communs aux deux pays, la proximité géographique
des ascendants, en particulier de la mère, principale pourvoyeuse de l’aide
apportée pour la garde des petits-enfants, favorise la réalisation des intentions.
Ce soutien intergénérationnel desserre sans doute dans une certaine mesure
les contraintes qui pèsent sur les mères actives, en particulier en Italie où les
structures de garde ne sont pas très développées. L’effet reste cependant modeste,
mais sans doute atténué en raison de l’imprécision de l’indicateur utilisé
(cf. supra). À l’inverse, avoir rompu son union entre les deux vagues contrarie
(9) Les systèmes éducatifs n’étant pas directement comparables, trois catégories ont été construites :
« Bas », « Moyen », « Haut ». Le niveau « Bas » regroupe l’ensemble des diplômes inférieurs au baccalauréat, le niveau « Moyen » rassemble les titulaires d’un Bac jusqu’au niveau Bac + 2, et le niveau
« Haut » correspond aux diplômes supérieurs à Bac + 2.
(10) Il s’agit de la distance séparant le domicile de la mère de celui du répondant, lequel peut être
un homme ou une femme (dans GGS, la distance séparant le domicile du répondant de celui des
beaux-parents n’est pas indiquée).
411
412
Situation professionnelle du conjoint
Situation professionnelle de la femme
Niveau de diplôme du conjoint
Niveau de diplôme de la femme
Rupture d’union
Type de couple
Nombre d’enfants
Âge de la femme
Constante
– 0,11
– 0,86
– 0,65
0,00
0,00
– 2,00
0,00
0,43
0,25
0,00
0,00
0,17
0,00
– 0,43
– 0,77
– 0,20
0,17
0,00
– 0,17
Haut
Bas
Moyen
Haut
Active dans le public
Active dans le privé, CDI
Active dans le privé, CDD
Au chômage
Sans activité (foyer, etc.)
Actif occupé
Ne travaille pas
– 1,16
0,00
0,00
0,94
0,61
1
2 ou plus
Non marié
Marié
Non
Oui
Bas
Moyen
35 ans et plus
Aucun
Moins de 25 ans
25 à 29 ans
30 à 34 ans
0,91
Coef. β
76,0
71,2
71,2
74,6
71,2
61,7
53,5
66,9
74,6
71,2
67,6
69,0
51,2
56,4
71,2
71,2
25,0
71,2
79,2
43,7
71,2
n.s
Réf.
n.s
n.s
Réf.
*
**
n.s
n.s
Réf.
n.s
n.s
***
***
Réf.
Réf.
***
Réf.
*
***
Réf.
Réf.
***
*
71,2
86,4
82,0
n.s
Seuil
71,2
p
France
216
240
210
181
177
271
63
46
74
572
59
204
172
297
334
589
42
158
257
140
255
87
214
190
–
Effectif
0,73
0,00
0,22
0,45
0,00
0,49
0,34
– 0,03
0,73
0,00
0,19
0,37
– 0,14
0,30
0,00
0,00
– 1,51
0,00
0,30
– 1,59
0,00
0,00
0,14
– 0,24
0,24
Coef. β
p
72,4
55,9
61,2
66,4
55,9
67,5
64,0
55,1
72,3
55,9
60,4
64,7
52,3
63,1
55,9
55,9
21,9
55,9
63,1
20,5
55,9
55,9
59,2
49,9
55,9
***
Réf.
n.s
**
Réf.
**
n.s
n.s
***
Réf.
n.s
**
n.s
n.s
Réf.
Réf.
***
Réf.
***
***
Réf.
Réf.
n.s
n.s
n.s
Seuil
Italie
227
462
563
193
207
535
66
56
354
1 178
40
583
191
110
1 108
1 157
61
322
669
465
444
27
281
445
–
Effectif
Tableau 1. Probabilité (coefficient β et %) d’avoir eu un enfant entre les deux vagues d’enquête versus ne pas en avoir eu,
parmi les personnes ayant l’intention d’en avoir un lors de la première vague (France, Italie)
A. Régnier-Loilier, D. Vignoli
Locataire
Propriétaire
Autre (logé gratuitement, etc.)
Proche
Moyen
Loin
Mère décédée
Au moins une fois par mois
Moins souvent
Certainement
Probablement
N’a pas eu d’enfant
A eu un enfant
Pseudo R2 (degré d’intention uniquement)
Pseudo R2 (modèle complet)
0,63
0,00
0,02
0,44
0,27
0,00
0,50
0,50
0,00
0,00
– 0,83
Seuil
82,2
***
71,2
Réf.
71,6
n.s
79,4
*
76,4
n.s
71,2
Réf.
80,4
n.s
80,3
Réf.
71,2
Réf.
71,2
Réf.
52,0
***
41,0 %
59,0 %
0,0417
0,3334
p
323
285
23
222
214
144
51
48
583
342
289
259
372
Effectif
0,15
0,00
– 0,24
0,12
0,46
0,00
0,24
0,06
0,00
0,00
– 1,19
Coef. β
Seuil
59,5
n.s
55,9
Réf.
49,9
n.s
58,9
n.s
66,7
**
55,9
Réf.
61,6
n.s
57,2
n.s
55,9
Réf.
55,9
Réf.
27,9
***
47,0 %
53,0 %
0,0524
0,1639
p
Italie
205
847
166
455
420
237
106
630
583
482
736
572
646
Effectif
Lecture : Un coefficient positif (resp. négatif) et statistiquement significatif indique que l’on est en présence d’un facteur qui accroît (resp. diminue) la probabilité d’avoir eu un enfant,
toutes choses égales par ailleurs. Plus le coefficient est fort (positif ou négatif), plus le facteur pèse sur cette probabilité.
Seuils de significativité : * : 10 % ; ** : 5 % ; *** : 1 % ; n.s : non significatif.
Champ : Personnes ayant exprimé l’intention d’avoir un enfant « dans les trois ans », vivant en couple cohabitant et encore en âge d’avoir des enfants lors de la première vague (dont
la femme est âgée de moins de 50 ans, dont les deux membres du couple pensent pouvoir encore avoir des enfants).
Sources : France : Ined-Insee, Erfi GGS1-2, 2005-2008 ; Italie : Istat-FSS-GGS1-2, 2003-2007.
Qualité du modèle
Répartition
Degré d’intention
Pratique religieuse
Éloignement du domicile de la mère
du répondant
Statut d’occupation du logement
Coef. β
France
Tableau 1 (suite). Probabilité (coefficient β et %) d’avoir eu un enfant entre les deux vagues d’enquête versus ne pas en avoir eu,
parmi les personnes ayant l’intention d’en avoir un lors de la première vague (France, Italie)
Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation
413
A. Régnier-Loilier, D. Vignoli
sans surprise la réalisation des intentions. Enfin, la religion, dont le nombre
désiré d’enfants dépend fortement – les plus pratiquants souhaitant davantage
d’enfants (Régnier-Loilier et Vignoli, 2009) –, n’a aucun effet significatif sur la
réalisation des intentions de court terme.
Contrairement à l’étude des caractéristiques affectant le nombre désiré
d’enfants qui montraient majoritairement des similitudes entre la France et
l’Italie (Régnier-Loilier et Vignoli, 2009), on observe ici davantage de différences.
Le nombre d’enfants joue, mais à des niveaux différents selon le pays. En
France, la probabilité d’avoir réalisé son projet est de 71 % pour les couples
sans enfant mais n’atteint que 51 % chez les parents d’au moins deux enfants.
Si l’arrivée d’un deuxième enfant est pour la plupart des couples une « évidence » pour chacun des conjoints, le choix d’en avoir un troisième est en
revanche moins consensuel. L’arrivée d’un troisième enfant implique en outre
davantage de changements dans l’organisation du couple (Régnier-Loilier,
2007), pouvant expliquer une remise en cause des intentions. En Italie en
revanche, ce sont les intentions positives des couples ayant déjà un enfant qui
se sont le plus souvent réalisées entre les deux vagues. Sans doute peut-on y
voir un effet de sélection. Dans un contexte sociopolitique donné et de manière
générale peu favorable à la famille, on peut faire l’hypothèse que les couples
ayant un premier enfant ont des intentions de fécondité plus « réalistes » que
ceux n’ayant pas encore expérimenté la parentalité.
Le statut matrimonial joue également, mais uniquement en France où le
mariage n’est pas aussi « systématique » qu’en Italie. Les couples mariés ont
ainsi plus souvent concrétisé leur projet que les couples non mariés. Le mariage
étant en perte de vitesse, il concerne d’une certaine manière des couples de
plus en plus « sélectionnés » aux valeurs familiales plus affirmées. Si le mariage
renvoie à une vision plus traditionnelle de la famille et à des comportements
familiaux spécifiques, il concerne aussi davantage des couples formés depuis
plus longtemps(11) pour lesquels on peut faire l’hypothèse que l’intention d’avoir
un enfant est plus construite. Toutefois, leur probabilité d’avoir eu un enfant
est plus faible, toutes choses égales par ailleurs (modèle non présenté ici)(12).
Il est intéressant de noter que lorsque l’on introduit cette variable, l’effet du
statut matrimonial demeure, contredisant les résultats obtenus en France à
partir d’une précédente étude. Toulemon et Testa (2005) ne trouvaient en effet
aucune différence selon le statut matrimonial. Cela pourrait tenir au fait que
la temporalité retenue entre intention et réalisation couvrait une période plus
longue (5 ans contre 3 ans ici) ou encore que les couples mariés sont aujourd’hui
de plus en plus sélectionnés(13).
(11) En France par exemple, les couples mariés cohabitent depuis plus de 7 ans en moyenne contre
4 ans pour les couples non mariés (sur le champ ici considéré).
(12) En raison de la forte corrélation entre la durée de l’union et l’âge de la femme, nous avons
choisi de ne présenter que le modèle incluant l’âge, les autres résultats n’étant pas contredits, que
l’on ajoute ou non cette variable.
(13) En outre, dans l’enquête « Intentions de fécondité » 1998-2003 (Ined) sur laquelle ils s’appuyaient, l’attrition particulièrement forte entre les vagues d’enquête a pu conduire à certains biais
(La Rochebrochard et al., 2005).
414
Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation
Le niveau d’instruction des conjoints n’affecte les comportements qu’en
Italie, les plus diplômés ayant plus souvent réalisé leur projet, résultat qui
confirme une récente recherche pour ce même pays (Rosina et Testa, 2009).
Ceci pourrait s’expliquer par un effet « revenu », le diplôme étant un bon proxy
des chances de réussite et d’insertion sur le marché du travail, et donc du
revenu du couple (Kreyenfeld, 2002). On peut ainsi avancer l’hypothèse d’une
plus grande possibilité pour ces couples de surmonter certains obstacles (pour
la garde des enfants par exemple), facteur qui aurait d’autant plus d’importance
en Italie en raison d’une politique familiale peu favorable, tant sur le plan
économique qu’en termes de moyens facilitant l’articulation entre vie familiale
et vie professionnelle. Dans ce contexte, l’hypothèse d’une meilleure capacité
à se projeter dans l’avenir ou d’intentions plus « réalistes » de la part des plus
diplômés peut également être avancée.
En France en revanche, on ne retrouve pas ici d’effet du diplôme(14). C’est
la stabilité professionnelle qui semble primer. Le projet de fécondité a d’autant
plus de chances d’avoir été concrétisé que la femme occupe un emploi stable :
alors que la probabilité estimée d’avoir eu un enfant pour un couple dont la
femme occupe un emploi en contrat à durée déterminée n’est que de 53 %, elle
est de 62 % si elle est titulaire d’un contrat à durée indéterminée et de 71 % si
elle travaille dans le secteur public, suivant ainsi une sorte de gradation en
fonction du degré de sécurité de l’emploi (OCDE, 2009). Celui-ci pèse sur la
situation économique du couple, mais aussi sur les possibilités de conciliation
entre activité et vie familiale, l’aménagement du temps de travail étant par
exemple plus simple dans le secteur public que lorsque l’on est en contrat à
durée déterminée dans le secteur privé. En Italie, l’effet est différent. Les couples
dont la femme est titulaire d’un CDI dans le privé ont plus souvent eu un enfant
que celles exerçant dans le secteur public, cette situation allant de paire avec
une maximisation du salaire potentiel du couple (les salaires y sont supérieurs
à ceux des emplois publics). De même, les couples dont la femme est au foyer
– situation plus fréquente en Italie qu’en France – ont plus souvent eu un enfant.
La situation professionnelle de l’homme lors de la première vague n’a en revanche
aucun effet significatif, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre. Les
interprétations microéconomiques traditionnelles mettent en effet l’accent sur
le rôle central de la situation économique du conjoint dans la réalisation des
intentions de fécondité. L’absence de significativité tient peut-être à un manque
de précisions quant à la situation d’activité de l’homme retenue ici et au petit
nombre de couples dans lesquels il n’a pas d’emploi.
Enfin, le statut d’occupation du logement (propriétaire ou non) influe sur
la réalisation des projets, mais uniquement en France et dans un sens qui peut
surprendre. Alors que l’on se serait attendu à ce que les propriétaires (ou
(14) Toutes choses égales par ailleurs, contrairement aux résultats de précédents travaux (Toulemon et Testa, 2005). Comme évoqué auparavant pour le statut matrimonial, on notera que la temporalité retenue n’est pas la même et que les modèles ne sont pas identiques terme à terme. On tient
notamment compte ici du secteur d’activité et du type de contrat.
415
A. Régnier-Loilier, D. Vignoli
a­ ccédants) réalisent plus fréquemment leur projet, ce statut pouvant aller de
paire avec une situation économique, géographique et conjugale plus installée,
c’est l’inverse que l’on observe. La réalisation des intentions est plus fréquente
chez les locataires que chez les propriétaires ou accédants. Une explication
pourrait être que le coût de l’accession à la propriété entre en concurrence avec
celui de la maternité (Courgeau et Lelièvre, 1992). Concernant l’Italie, il n’est
guère surprenant de ne pas trouver d’effet significatif. Une précédente étude a
montré que le statut d’occupation du logement n’affectait pas les intentions de
fécondité, celles-ci dépendant davantage du sentiment de sécurité qu’une
personne a de sa situation d’habitat dans les trois années à venir(15) (Vignoli
et al., 2011). Une majorité de ménages doit en effet faire face à des contraintes
de divers ordres : prix élevé des logements, parc locatif réduit ou encore difficultés pour obtenir un prêt immobilier (Ström, 2010). On ne peut cependant
donner plus de précisions ici dans la mesure où les données françaises et italiennes ne contiennent pas le même niveau de détail : il n’est pas possible de
distinguer dans l’enquête italienne les propriétaires des accédants à la propriété ;
à l’inverse, on ne dispose d’aucune précision sur le sentiment de sécurité relatif
à l’habitat dans l’enquête française.
III. Ne pas avoir eu l’enfant souhaité :
ajournement du projet ou renoncement ?
L’étude de la non-réalisation des intentions de fécondité reste incomplète
si l’on ne s’interroge pas sur sa signification, en particulier du fait que l’analyse
porte sur une courte période (3 ans). On court en effet le risque de mettre sur
le même plan le report d’un projet de fécondité et le renoncement à celui-ci,
risque d’autant plus élevé si l’on considère les femmes au début de leur vie
féconde (Noack et Østby, 1985 ; Berrington, 2004). Or on peut penser que
certaines caractéristiques du couple peuvent amener à reporter le projet tandis
que d’autres conduiront à y renoncer.
Afin de distinguer renoncement et ajournement du projet exprimé lors de
la première vague, on peut s’intéresser aux intentions déclarées lors de la
seconde vague pour les trois années suivantes par les personnes n’ayant pas
réalisé leurs intentions positives de fécondité. Trois cas de figure se présentent :
soit la personne exprime de nouveau l’intention d’avoir un enfant, soit elle
exprime une intention négative (ne veut pas d’enfant dans les trois prochaines
années), soit enfin elle est « hors champ » lors de la seconde vague d’enquête
(la question des intentions ne lui a alors pas été posée, soit parce qu’il s’agit
d’un couple dont la femme a atteint ou dépassé 50 ans, soit parce que le couple
a déclaré ne plus pouvoir avoir d’enfant). Ces deux dernières situations peuvent
(15) La question était : « Quanto si sente tranquillo nei prossimi 3 anni rispetto alle sue condizioni
abitative? – Molto, abbastanza, poco, per niente » (« Dans quelle mesure vous sentez-vous serein(e)
dans les trois prochaines années relativement à vos conditions de logement ? Très serein(e), plutôt,
peu, pas du tout »).
416
Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation
être considérées à l’horizon des trois années suivantes comme un « renoncement » au projet de fécondité, la première situation comme un « report ».
La non-réalisation des intentions positives de fécondité correspond à un
renoncement dans 56 % des cas en Italie et 52 % des cas en France. Derrière
cette statistique d’ensemble se cachent d’importantes disparités selon les caractéristiques des couples et, en particulier, leur avancée dans la vie reproductive.
Figure 4. Proportion de couples ayant ajourné et renoncé
au projet d’enfants selon l’âge de la femme lors de la première
vague d’enquête (France, Italie)
France
100
P. 100
Italie
Ined 2011
100
90
90
80
80
70
70
60
60
50
50
40
40
30
30
20
20
10
10
0
P. 100
Ined 2011
0
< 25 ans
25-29 ans
30-34 ans
35 ans et plus
< 25 ans
25-29 ans
Âge
A renoncé
30-34 ans
35 ans et plus
Âge
A encore l'intention
Champ : Personnes ayant exprimé l’intention d’avoir un enfant « dans les trois ans » mais n’en n’ayant
pas eu, vivant en couple cohabitant lors des deux vagues d’enquête avec le même conjoint et encore en
âge d’avoir des enfants lors de la première vague (France : N = 219 ; Italie : N = 445).
Sources : France : Ined-Insee, Erfi-GGS1-2, 2005-2008 ; Italie : Istat-FSS-GGS1-2, 2003-2007.
Le renoncement au projet d’enfant est particulièrement rare chez les plus
jeunes (couples dont la femme est âgée de moins de 25 ans lors de la première
vague d’enquête) : tous ou presque ont encore l’intention d’avoir un enfant à
court terme (dans les trois ans), tant en France qu’en Italie (figure 4). Ce résultat
n’est guère surprenant dans la mesure où, parmi les plus jeunes, beaucoup
n’ont pas encore d’enfant et très peu souhaitent rester sans enfant. Différents
événements ont pu venir contrarier leur projet, par exemple une insertion
professionnelle retardée ou une rupture d’union. En revanche, le rapport s’inverse avec l’avancée en âge, et à partir de 35 ans la majorité des intentions non
réalisées se soldent par un renoncement : 76 % en France et 55 % en Italie(16).
Si à cet âge on renonce moins en Italie qu’en France, cela tient sans doute à un
(16) Il y a là un effet de « construction » dans la mesure où parmi ces couples, un certain nombre
d’entre eux sont devenus « hors champ » du fait de l’âge de la femme.
417
418
Statut d’occupation du logement (vague 2)
Situation professionnelle du conjoint
(France : vague 2; Italie: vague 1)
Situation professionnelle de la femme
(vague 2)
Niveau de diplôme du conjoint (vague 2)
Niveau de diplôme de la femme (vague 2)
Type de couple (évolution vagues 1-2)
Nombre d’enfants (vague 2)
Âge de la femme (vague1)
Constante
Moins de 25 ans
25 à 29 ans
30 à 34 ans
35 ans et plus
Aucun
1
2 ou plus
Non marié - non marié
Marié - marié
Marié entre les 2 vagues
Bas
Moyen
Haut
Bas
Moyen
Haut
Active dans le public
Active dans le privé, CDI
Active dans le privé, CDD
Au chômage
Inactive (foyer, etc.)
Actif occupé
Ne travaille pas
Propriétaire
Locataire
Autre (logé gratuitement, etc.)
0,67
– 2,09
– 1,15
0,00
1,35
– 0,66
0,00
0,12
– 0,45
0,00
– 0,56
0,00
0,43
– 0,10
0,00
0,65
0,12
0,00
– 0,57
0,16
1,29
0,93
0,00
– 0,81
0,00
– 0,65
– 0,87
Coef. β
66,1
19,4
38,2
66,1
88,3
50,2
66,1
68,8
55,3
66,1
52,6
66,1
74,9
63,8
66,1
79,0
68,8
66,1
52,5
69,7
87,6
83,1
66,1
46,5
66,1
50,5
45,1
p
n.s
***
**
Réf.
***
n.s
Réf.
n.s
n.s
Réf.
n.s
Réf.
n.s
n.s
Réf.
n.s
n.s
Réf.
n.s
n.s
n.s
n.s
Réf.
n.s
Réf.
n.s
n.s
Seuil
France
–
33
47
56
89
71
68
86
94
115
16
71
78
76
95
69
61
67
117
18
13
10
214
11
150
65
10
Effectif
– 0,74
–
– 0,45
0,00
0,90
– 0,98
0,00
1,32
0,31
0,00
–
0,00
– 0,48
– 1,31
0,00
0,31
– 1,49
0,00
– 0,51
0,21
– 0,14
– 0,70
0,00
– 0,05
0,00
0,06
0,13
Coef. β
32,3
–
23,3
32,3
54,0
15,2
32,3
64,1
39,5
32,3
–
32,3
22,9
11,4
32,3
39,3
9,7
32,3
22,2
37,2
29,3
19,2
32,3
31,2
32,3
33,6
35,2
p
Réf.
*
***
Réf.
n.s
***
Réf.
n.s
n.s
n.s
**
Réf.
n.s
Réf.
n.s
n.s
n.s
Réf.
***
***
Réf.
***
n.s
Réf.
n.s
Seuil
Italie
Tableau 2. Probabilité (coef. β et %) d’avoir renoncé au projet versus l’avoir reporté (France, Italie)
–
–
78
134
233
152
212
81
46
399
–
142
230
73
188
197
60
87
175
28
24
131
429
16
308
70
67
Effectif
A. Régnier-Loilier, D. Vignoli
Proche
Moyen
Loin
Mère décédée
Au moins une fois par mois
Moins souvent
Certainement
Probablement
A renoncé
A reporté
Pseudo R2 (degré d’intention
uniquement)
Pseudo R2 (modèle complet)
0,00
– 0,32
0,00
0,07
– 1,06
0,00
0,00
1,45
Seuil
0,5031
66,2
n.s
58,5
n.s
66,1
Réf.
67,7
n.s
40,3
*
66,1
Réf.
66,1
Réf.
89,3
***
52,1 %
47,9 %
0,0864
p
75
73
55
22
16
209
97
128
114
105
Effectif
0,38
0,75
0,00
1,11
– 0,11
0,00
0,00
0,72
Coef. β
Seuil
0,1963
41,0
n.s
50,3
**
32,3
Réf.
59,2
**
29,9
n.s
32,3
Réf.
32,3
Réf.
49,6
**
55,6 %
44,4 %
0,0442
p
Italie
176
132
93
44
239
206
116
329
248
197
Effectif
Lecture : Un coefficient positif (resp. négatif) et statistiquement significatif indique que l’on est en présence d’un facteur qui accroît (resp. diminue) la probabilité d’avoir renoncé au
projet d’enfants, toutes choses égales par ailleurs. Plus le coefficient est fort (positif ou négatif), plus le facteur pèse sur cette probabilité.
Seuils de significativité : * : 10 % ; ** : 5 % ; *** : 1 % ; n.s : non significatif.
Champ : Personnes ayant exprimé l’intention d’avoir un enfant « dans les trois ans » mais n’en n’ayant pas eu, vivant en couple cohabitant lors des deux vagues d’enquête avec le même
conjoint et encore en âge d’avoir des enfants lors de la première.
Sources : France : Ined-Insee, Erfi-GGS1-2, 2005-2008 ; Italie : Istat-FSS-GGS1-2, 2003-2007.
Qualité du modèle
Répartition des effectifs
Degré d’intention (vague 1)
Pratique religieuse (vague 1)
Éloignement du domicile de la mère du
répondant (vague 2)
Coef. β
France
Tableau 2 (suite). Probabilité (coef. β et %) d’avoir renoncé au projet versus l’avoir reporté (France, Italie)
Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation
419
A. Régnier-Loilier, D. Vignoli
effet de structure lié au nombre d’enfants déjà nés, celui-ci étant moindre à ces
âges en Italie. Corrélativement à l’âge, on retrouve un effet similaire selon le
nombre d’enfants déjà nés : plus celui-ci est élevé et plus la part de renoncement
au projet est importante.
Au-delà de l’âge et du nombre d’enfants, on peut s’interroger sur l’influence
d’autres facteurs pouvant conduire à renoncer au projet plutôt qu’à le reporter.
Afin de tenir compte des effets de structure, une régression logistique a été
mise en place pour confronter, parmi les couples n’ayant pas eu l’enfant qu’ils
projetaient d’avoir, ceux ayant renoncé au projet de ceux ayant toujours l’intention d’en avoir. La modélisation reprend globalement les mêmes variables
que celles utilisées lors du précédent modèle, en les « actualisant ». Les intentions exprimées lors de la seconde vague n’ont en effet pas lieu d’être rapportées
à la situation des personnes observées lors de la première vague(17). On tient
compte de la situation professionnelle des conjoints, de l’éloignement du domicile de la mère et du statut d’occupation du logement au moment de la seconde
interrogation, et on repère l’évolution du statut matrimonial entre les deux
vagues. Le champ est limité aux personnes n’ayant pas connu de séparation
entre les deux vagues afin de disposer des caractéristiques des deux conjoints.
Certaines modalités sont absentes en Italie (« moins de 25 ans », tous souhaitant encore avoir un enfant, et « mariage entre les deux vagues »).
Comme pour la réalisation des intentions, la comparaison entre les deux
pays fait apparaître quelques similitudes mais surtout des différences. Le degré
d’intention déclaré en première vague joue sur les intentions déclarées en
seconde vague : la probabilité d’avoir renoncé au projet est plus élevée pour les
personnes qui avaient exprimé une intention moins ferme (« Oui, probablement »), effet commun aux deux pays. Et de la même manière, l’avancée en âge
de la femme conduit davantage de couples à renoncer au projet d’enfants dans
les deux pays.
Au-delà de ces caractéristiques, les couples renonçant ou ajournant leur
projet ne se distinguent que très peu en France sur la base des critères retenus
dans la modélisation (tableau 2). Seuls les plus pratiquants (assister aux offices
religieux au moins une fois par mois) ont moins souvent renoncé à leur projet
d’enfants, toutes choses égales par ailleurs. Cet effet ne se retrouve pas en Italie.
Ceci pourrait tenir à un effet de sélection des personnes les plus pratiquantes
en France. Par le passé, l’adhésion à la religion était massive et pouvait s’apparenter à un certain conformisme social (aller à l’église était la norme) alors
qu’aujourd’hui, elle correspond davantage à un choix individuel. La pratique
religieuse est ainsi devenue plus « discriminante » en France (Régnier-Loilier
et Prioux, 2009), alors qu’elle l’est moins en Italie où elle reste très fréquente
et diffuse.
(17) À titre d’exemple, la mère du répondant peut être décédée entre les deux vagues, rendant inadaptée la question de la proximité géographique. Il en est de même pour la situation matrimoniale,
le logement, l’activité.
420
Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation
En Italie en revanche, le renoncement ou l’ajournement du projet dépend
de davantage de facteurs, en particulier de la parité atteinte et du niveau de
diplôme des conjoints. En premier lieu, parmi les couples n’ayant pas eu l’enfant
prévu, ceux sans enfant ont une probabilité deux fois plus faible que les parents
d’un enfant d’avoir renoncé à leur projet (respectivement 15 % contre 32 %),
et inversement pour les parents d’au moins deux enfants pour lesquels la probabilité d’avoir renoncer à leur projet exprimé en première vague est double
(64 %). En second lieu, l’effet marqué du niveau de diplôme des conjoints sur
la probabilité d’avoir réalisé leurs intentions se rejoue ici à l’identique. Plus le
niveau d’instruction des conjoints est élevé et moins la probabilité d’avoir
renoncé au projet est importante. Le diplôme apparaît donc comme un facteur
clé des comportements de fécondité en Italie, contrairement à la France où il
ne joue pas.
La proximité géographique avec la mère, comme aide potentielle à la garde
d’enfants, joue également de manière significative en Italie lorsque la mère est
décédée : dans ce cas, la probabilité d’avoir renoncé au projet est plus forte.
Par contre, effet qui reste difficilement explicable, une distance « moyenne »
plutôt que « lointaine » augmente également la probabilité d’avoir renoncé au
projet. L’imprécision de l’indicateur (proximité de la mère du répondant mais
sans connaître la proximité de la belle-mère) rend ce résultat fragile.
Enfin, en France comme en Italie, et par contraste avec la probabilité d’avoir
ou non réalisé ses intentions positives de fécondité entre les deux vagues, ni
le statut matrimonial, ni le fait d’être ou non propriétaire n’influent sur le fait
d’avoir renoncé ou reporté le projet, toutes choses égales par ailleurs.
Conclusion
On pourrait s’attendre à une forte correspondance entre intentions de fécondité et réalisation en Europe dans la mesure où l’on dispose à la fois de moyens
permettant de planifier les naissances (Thomson et Brandreth, 1995) et de techniques médicales d’aide à la reproduction en cas de difficultés (Sobotka et al.,
2008), bien que ces dernières ne permettent pas toujours d’avoir un enfant en
cas de problèmes de fertilité. Cependant, bien des raisons peuvent conduire à
réviser les intentions initiales de fécondité ou à ne pas parvenir à les réaliser.
La comparaison de la France avec l’Italie du point de vue de la réalisation
des intentions se justifie, puisqu’il s’agit de deux pays presque « opposés » en
termes de niveau de fécondité, malgré un nombre désiré d’enfants proche (la
majorité des couples souhaitant, en France comme en Italie, au moins deux
enfants). Les enquêtes GGS se prêtent bien à cette comparaison en offrant des
données comparables (même formulation des questions) et longitudinales
permettant la mise en regard des intentions déclarées « dans les trois ans »
avec les comportements observés dans les trois années suivantes. Plusieurs
résultats émergent de cette étude.
421
A. Régnier-Loilier, D. Vignoli
En premier lieu, le fort pouvoir prédictif des intentions négatives de fécondité et, à l’inverse, le fait que les intentions positives surestiment largement les
comportements des couples sont ici confirmés.
En second lieu, la comparaison met en lumière une différence importante :
la proportion de couples réalisant leurs intentions positives de fécondité est
systématiquement plus élevée en France. Ce pays bénéficie de longue date
d’une politique encourageant la fécondité, avec des modes de garde plus développés favorisant une meilleure articulation entre vie familiale et vie professionnelle, des mesures fiscales, des allocations familiales, et plus généralement
une meilleure couverture de certains risques (comme la perte de son emploi).
En Italie, si la participation des femmes au marché du travail s’est nettement
accrue ces dernières décennies, les institutions ne se sont pas suffisamment
ajustées aux récents changements (Livi Bacci et Salvini, 2000 ; McDonald,
2000).
Mais, de la même manière, lorsque les couples n’avaient pas l’intention
d’avoir un enfant, la proportion de ceux en ayant eu un est également supérieure
en France, laissant supposer que le futur y est toujours plus « ouvert » (en
particulier pour les personnes ayant répondu « Probablement pas » à la question des intentions). Cet écart pourrait tenir au fait que les intentions ne
découlent pas seulement des désirs des couples mais aussi des normes sociales
dominantes (Livi Bacci, 2001), lesquelles sont peut-être plus prononcées dans
un pays à forte empreinte familialiste comme l’Italie (Dalla Zuanna, 2001). Les
couples répondraient alors à la question des intentions de manière moins
réaliste qu’en France, où il serait plus dicible de ne pas souhaiter d’enfants.
Cette « surestimation » des intentions de fécondité en Italie pourrait expliquer
la moindre réalisation des intentions dans le court terme. Une interprétation
complémentaire pourrait être qu’en France, la possibilité de changer d’avis
serait plus « ouverte » en raison de politiques familiales plus avantageuses,
tandis qu’en Italie, au contraire, le système institutionnel peu favorable à la
famille rendrait les couples beaucoup plus « réalistes » face à l’avenir et définitifs dans leur choix de ne pas avoir d’enfant.
En troisième lieu, au-delà de l’effet classique de l’âge ou du nombre d’enfants
sur la réalisation des intentions, les facteurs socioéconomiques jouent un rôle
de premier plan au niveau individuel. Mais, contrairement aux déterminants
du nombre désiré d’enfants qui sont relativement proches en France et en Italie
(Vignoli et Régnier-Loilier, 2009), les facteurs pesant sur la réalisation des
intentions sont sensiblement différents (c’est le cas pour le niveau d’instruction,
la pratique religieuse, etc.). L’une des différences les plus notables est l’importance du niveau d’études des conjoints en Italie sur la réalisation des intentions
de fécondité, facteur non significatif en France. Parmi les caractéristiques
jouant sur les comportements en France, on retiendra en particulier que les
situations de précarité professionnelle se posent en obstacle à la réalisation
d’un projet d’enfant.
422
Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation
Enfin, si les couples n’ont pas réalisé leurs intentions dans les trois années
observées, certains peuvent l’avoir simplement reporté, d’autres y avoir renoncé.
À cet égard, les déterminants de la non-réalisation des intentions de fécondité
(partie II) ne sont pas tous identiques à ceux qui jouent sur le renoncement au
projet (partie III) : c’est notamment le cas de la religion ou du statut matrimonial en France, et des caractéristiques d’emploi dans les deux pays. Par contre,
en Italie, le niveau d’instruction joue à la fois sur la réalisation des intentions
et sur le renoncement au projet, indiquant l’importance de ce facteur sur les
comportements de fécondité dans ce pays. Mêmes si nos résultats restent à cet
égard exploratoires, notamment en raison d’effectifs peu conséquents, et qu’ils
mériteraient d’être approfondis, ils montrent l’intérêt de ne pas s’en tenir à
l’étude des obstacles à la réalisation des intentions dans le court terme mais
d’aller au-delà en distinguant renoncement et ajournement du projet.
Remerciements : Daniele Vignoli a bénéficié du soutien financier du PRIN 2007 via
deux projets financés par le ministère de l’Instruction, de l’université et de la recherche :
The cost of children coordonné par Gustavo De Santis et Life Course Dynamics between
Context and Strong Ties coordonné par Francesco Billari. Les données longitudinales
italiennes ont été obtenues suite à un accord entre l’Istat (Istituto nazionale di Statistica)
et les universités de Florence, Milan Catholica, Milan Bocconi, Padova et La Sapienza
(Rome). Les auteurs tiennent à remercier Gerda Neyer pour ses commentaires sur une
version préliminaire du texte ainsi que les relecteurs anonymes sollicités par le comité
de rédaction de Population pour leurs suggestions et remarques constructives.
423
A. Régnier-Loilier, D. Vignoli

Annexe
Données et champ de l’étude
Les données : les deux premières vagues de l’enquête Generations
and Gender Survey
Le projet d’enquêtes longitudinales et internationales Generations and
Gender Survey (GGS), initié par la Commission économique des Nations unies
pour l’Europe (Vikat et al., 2007), offre l’opportunité de confronter les intentions
de fécondité aux comportements effectifs dans différents pays, dont la France
et l’Italie. Le questionnaire de chaque vague, construit dans une optique prospective, permet entre autres choses de disposer d’un ensemble d’informations
factuelles sur la situation des personnes (situations professionnelle et conjugale,
nombre d’enfants, religion, etc.) et sur leurs intentions de fécondité.
En France, la première vague d’enquête (rebaptisée Études des relations
familiales et intergénérationnelles, Erfi) a été réalisée fin 2005 par l’Ined et l’Insee
auprès de 10 079 hommes et femmes âgés de 18 à 79 ans (Régnier-Loilier,
2009a). Une personne tirée au hasard dans le ménage était interrogée et donnait
un ensemble d’informations la concernant elle-même (d’ordre factuel mais
aussi sur ses intentions personnelles) ou relatives à son conjoint (niveau
d’études, situation d’activité, etc.). Parmi elles, 6 534 ont été réinterrogées
trois ans plus tard (fin 2008). Le calcul d’une variable de redressement corrige
les biais liés à l’attrition, laquelle a davantage concerné les plus jeunes, les plus
âgés, les personnes en mauvaise santé, vivant seules, les étudiants, etc. (RégnierLoilier, 2009b). Une troisième et dernière vague est programmée fin 2011.
L’Italie n’a pas réalisé à part entière l’enquête GGS mais a intégré dans une
opération déjà en cours, l’Indagine Famiglia e Soggetti Sociali (FSS), un certain
nombre de questions de GGS dont celles sur les intentions de fécondité. Cette
enquête a été conduite par l’Istat (Institut national de la statistique italienne)(18)
fin 2003 dans le cadre du programme Multiscopo sur les familles. À cette occasion, 24 000 ménages ont été interrogés, soit environ 50 000 personnes (chaque
membre du ménage étant interrogé)(19). Deux membres d’un même couple ont
donc pu être interrogés mais ils répondaient pour eux-mêmes de manière
indépendante. Un sous-échantillon de 10 000 personnes âgées de 18 à 64 ans
(18) Grâce au financement du ministère du Travail et des politiques sociales (Ministero del Lavoro
e delle Politiche Sociali).
(19) http://www.istat.it/strumenti/rispondenti/indagini/famiglia_societa/famigliesoggettisociali/
indagine_2003
424
Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation
a été reinterrogé un peu plus de trois ans après (début 2007)(20). Comme pour
la France, une variable de redressement corrige les biais liés à la structure de
l’échantillon et à l’attrition. Il n’y a pas de troisième vague prévue.
Cette étude s’appuie essentiellement sur une question, commune aux deux
enquêtes : « Avez-vous l’intention d’avoir un enfant dans les trois prochaines
années ? Oui, certainement ; oui, probablement ; non, probablement pas ; non,
certainement pas »(21). Si cette question était directement posée aux personnes
en âge d’avoir des enfants en Italie, elle était pour des raisons méthodologiques(22)
filtrée en France par une question préalable : « Cherchez-vous actuellement à
avoir un enfant ? Oui ; non, pas pour l’instant ; non, je ne veux plus d’enfants
ni maintenant ni plus tard ». Seules les personnes ayant répondu « Non, pas
pour l’instant » étaient interrogées sur leurs intentions de fécondité. Celles
ayant répondu « Oui » ont été considérées comme des personnes souhaitant
assurément avoir un enfant dans les trois prochaines années ; celles ayant
répondu « Non, ni maintenant ni plus tard » pouvant être assimilées à des
personnes ne souhaitant assurément pas avoir d’enfant dans les trois prochaines
années.
Parmi les informations disponibles, seules celles communes aux deux
enquêtes ont été retenues afin de garantir la comparabilité des résultats (situations conjugale, familiale, de logement, d’activité, etc.). D’autres, comme la
répartition des tâches au sein du couple, ne l’étaient pas suffisamment pour
pouvoir être retenues.
Champ de l’étude
La première partie porte sur les femmes âgées de 35 à 64 ans lors de la
première vague d’enquête afin de proposer un cadre d’ensemble de l’évolution
des niveaux et calendriers de fécondité dans chacun des pays, puis sur les
femmes en couple âgées de 20 à 40 ans afin de décrire leurs intentions de
fécondité.
La seconde partie se limite aux personnes en couple cohabitant dont la femme
était âgée de moins de 50 ans à la première vague et réinterrogées trois ans plus
tard, l’objectif étant de voir dans quelle mesure leurs intentions ont été ou non
réalisées. Puis, parmi celles-ci, seules les personnes ayant exprimé l’intention
d’avoir un enfant dans les trois ans sont prises en compte afin de repérer les
caractéristiques qui conduisent à ne pas avoir eu l’enfant souhaité.
(20) http://www.istat.it/strumenti/rispondenti/indagini/famiglia_societa/otticadigenere/
(21) Dans l’enquête française, les modalités de réponse étaient « Oui ; oui, probablement ; non,
probablement pas ; non ». Le « certainement » avait été exclu des modalités suite au test de l’enquête
dans la mesure où ce mot prêtait parfois à confusion avec « probablement » et que cette formulation
affaiblissait finalement dans l’esprit des répondants la fermeté de l’intention par rapport à un simple
« Oui » ou « Non ».
(22) Les tests de l’enquête avaient notamment montré que les questions d’intentions étaient trop
nombreuses et trop insistantes pour les couples dont la femme était déjà relativement avancée en âge
(mais moins de 50 ans) et ayant déjà le nombre d’enfants souhaité.
425
A. Régnier-Loilier, D. Vignoli
Enfin, dans la troisième partie, seules les personnes n’ayant pas réalisé
leurs intentions « positives » de fécondité sont prises en compte afin de différencier le profil des couples ayant renoncé à leur projet de fécondité de ceux
l’ayant reporté.
Dans les seconde et troisième parties, les répondants hommes et femmes
sont regroupés afin de disposer d’effectifs suffisants. La comparaison des
réponses des deux membres d’un même couple à la question des intentions de
fécondité montre que leur réponse est très majoritairement la même (RégnierLoilier et Solaz, 2010), permettant d’opérer ce regroupement malgré les limites
que cela peut induire.
426
Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation

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Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation
Arnaud Régnier-Loilier, Daniele Vignoli • Intentions de fécondité et obstacles
à leur réalisation en France et en Italie
Cet article confronte intentions de fécondité et réalisation en France (2005-2008) et en Italie (2003-2007),
pays où les modèles de fécondité sont contrastés, en s’appuyant sur des données comparables issues du programme d’enquête longitudinale Generations and Gender Survey (GGS). Quatre principaux résultats ressortent.
Le fort pouvoir prédictif des intentions négatives de fécondité et, à l’inverse, le fait que les intentions positives
surestiment les comportements sont d’abord mis en évidence. La comparaison met ensuite en lumière une
différence importante : la proportion de couples réalisant leurs intentions positives de fécondité est systématiquement plus élevée en France et, lorsqu’ils n’avaient pas l’intention d’avoir un enfant, la proportion de ceux
en ayant eu un est également supérieure. Outre l’effet classique de l’âge et du nombre d’enfants, les facteurs
socioéconomiques jouent un rôle important, les situations moins favorables apparaissant comme un obstacle
à la réalisation des intentions. Les déterminants des intentions ne sont cependant pas tous identiques et il
n’existe pas un unique modèle transposable d’un pays à l’autre : le rôle du contexte reste central. Enfin, lorsque
les couples n’ont pas réalisé leurs intentions, certains ont reporté leur projet tandis que d’autres y ont renoncé.
Les déterminants sont cependant différents selon le pays considéré. La distinction entre renoncement et
ajournement, rarement faite dans les études, s’avère de ce point de vue intéressante.
Arnaud Régnier-Loilier, Daniele Vignoli • Fertility Intentions and Obstacles to
their Realization in France and Italy
This article compares fertility intentions and realization in France (2005-2008) and in Italy (2003-2007), two
countries with contrasting fertility models, using comparable data from the longitudinal Generations and
Gender Survey (GGS). Four main findings are presented. First, the strong predictive power of negative fertility
intentions and, conversely, the fact that positive intentions over-estimate actual outcomes, are highlighted.
The comparison then reveals an important difference: the proportion of couples who realized their positive
fertility intentions was systematically higher in France and, for those who did not intend to have a child, the
proportion who went on to have one was also higher. Alongside the classic effects of age and number of
children, socioeconomic factors play an important role, and less favourable situations appear to hinder the
realization of intentions. The determinants of intentions are not all identical, however, and there is no single
model that applies to both countries: the role of context remains primordial. Last, among couples who did not
realize their intentions, some had postponed their childbearing plans while others had abandoned them altogether. Here too, the determinants are not the same in both countries. In this respect, the distinction between
those who postpone and those who forego, rarely made in the literature, is an interesting question.
Arnaud Régnier-Loilier, Daniele Vignoli • Intenciones de fecundidad y obstáculos
a su realización en Francia y en Italia
Este articulo confronta las intenciones de fecundidad y su realización en France (2005-2008) y en Italia (20032007), países con modelos de fecundidad contrastados, sobre la base de datos comparables provenientes de
la Encuesta longitudinal Generations and Gender Survey (GGS). Cuatro resultados principales se destacan. En
primer lugar, se pone en evidencia el fuerte poder predictivo de las intenciones negativas e inversamente el
hecho de que las intenciones positivas sobrestiman los comportamientos. La comparación entre los dos países
pone también de manifiesto una diferencia importante: la proporción de parejas que realizan sus intenciones
positivas de fecundidad es sistemáticamente plus elevada en Francia y, cuando no tenían la intención de tener
un hijo, la proporción de las que lo han tenido es también más elevada. Además del efecto clásico de la edad
y del número de hijos, los factores socioeconómicos juegan un papel importante y las situaciones menos
favorables aparecen como un obstáculo a la realización de las intenciones. Sin embargo, los determinantes de
las intenciones no son todos idénticos y no existe un modelo único transportable de un país al otro: el rol del
contexto es central. En fin, cuando las parejas no han realizado sus intenciones, ciertas de ellas han diferido
su proyecto mientras que otras han renunciado a él. Pero los determinantes son diferentes de un país al otro.
La distinción entre renunciamiento y aplazamiento, que los estudios hacen raramente, se revela interesante
desde este punto de vista.
Mots-clés : Intentions de fécondité, réalisation des intentions, données longitudinales,
Generations and Gender Survey (GGS), Étude des relations familiales et intergénérationnelles (Erfi), Indagine Famiglia e Soggetti Sociali (FSS), France, Italie.
Keywords: Fertility intentions, realization of intentions, longitudinal data, Generations
and Gender Survey (GGS), Étude des relations familiales et intergénérationnelles
(ERFI), Indagine Famiglia e Soggetti Sociali (FSS), France, Italy.
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