C`est l`arbitraire - Orphanet Suisse

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C`est l`arbitraire - Orphanet Suisse
LA LIBERTÉ MARDI 21 FÉVRIER 2012
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MARDI
FESTIVAL DE BIENNE
est à
Maladies rares: «C’est l’arbitraire» L’heure
l’optimisme
SANTÉ • En Suisse, les patients atteints de maladies orphelines ont peur de se voir couper les
remboursements médicaux. Explications d’Esther Neiditsch, présidente de l’Alliance ProRaris.
ANNICK MONOD
C’est combien, un traitement médical
«trop cher»? Depuis un peu plus d’une année, un demi-million de Suisses atteints
de maladies dites «rares» se posent cette
question. Avec inquiétude. En novembre
2010, en effet, le Tribunal fédéral (TF) a
donné raison à un assureur qui refusait de
rembourser les soins d’un patient atteint
d’une maladie rare au-delà d’un plafond
de 100 000 fr. par année. Dans ce cas particulier, le traitement aurait coûté entre
750 000 et 900 000 fr. par an. Trop cher,
pour une efficacité thérapeutique non
prouvée, ont estimé les juges.
Le problème, c’est que dans le sillage
de ce cas particulier, c’est toute la relation
entre assurances et patients atteints de
maladies orphelines qui s’est durcie. Le
parlement s’en est ému dès le printemps
dernier: trois interventions ont dénoncé
un «rationnement» des soins, et le risque
d’arbitraire ou d’inégalités. Rapidement,
l’Office fédéral de la santé publique et le
Conseil fédéral ont rappelé que l’arrêt du
TF ne constitue pas une nouvelle norme.
Et que chaque demande de remboursement doit être évaluée au cas par cas.
«Pour un même
cas, une assurance
remboursera, et
l’autre refusera»
Les maladies rares (moins d’un individu sur 2000) causent un grand isolement à ceux qui en souffrent. KEYSTONE
ESTHER NEIDITSCH
Pas de quoi rassurer complètement
les patients atteints de maladies rares. A
en croire l’Alliance ProRaris, qui chapeaute une quarantaine d’associations,
plus de nombreux patients isolés en
Suisse, ceux-ci ont toujours peur de se
trouver unilatéralement privés de soins,
simplement pour avoir la malchance
d’être porteurs d’une maladie peu
connue, et dont les traitements, parfois
coûteux, ne sont pas toujours reconnus.
Pour la Journée des maladies rares, ce samedi, ProRaris relance le débat sous
forme d’un congrès à Lausanne. Le point
avec sa présidente, Esther Neiditsch.
Le jugement du Tribunal fédéral a suscité
beaucoup de craintes. A-t-il eu des conséquences concrètes pour les patients?
Esther Neiditsch: Oui. Le jugement du
TF devait s’appliquer à un cas particulier.
Mais dans les faits, beaucoup d’assurances
en ont tiré une règle générale. Plusieurs de
nos membres ont vu leurs prestations
coupées, parfois aussi pour des frais médicaux inférieurs à 100 000 fr. par an. La si-
tuation légale actuelle génère
une grande insécurité. Et avec la modification de l’ordonnance sur l’assurance-maladie OAMal, début 2011, il incombe aux
assureurs de décider de ce qu’ils remboursent ou non. Sur quelle base? Ce n’est pas
clair. Une assurance peut décider de rembourser ici, et pour un cas analogue dans
un autre canton elle ne remboursera pas.
C’est très arbitraire.
Comment changer cela?
Les médecins-conseils des assurances ne
sont pas outillés pour décider de ces soins.
Sur les 7000 à 8000 maladies rares recensées, il y a des cas qu’un non-spécialiste ne
voit qu’une fois dans sa vie professionnelle.
Ce qu’il faut, c’est créer des centres d’experts pour les maladies rares: à eux de décider quelle thérapie est adéquate pour quel
patient. Et une fois que ces spécialistes ont
défini les soins, ceux-ci devraient être pris
en charge, quelle que soit l’assurance.
Justement, l’OFSP a annoncé fin 2011 le
projet d’une «stratégie nationale» maladies
rares. C’est le fruit de votre mobilisation?
6% DE LA POPULATION TOUCHÉE
On dit d’une maladie qu’elle
est «rare» lorsqu’elle touche
moins d’un individu sur 2000.
Aujourd’hui, on en recense
entre 7000 et 8000, et 80%
d’entre elles ont une origine
génétique. Elles concernent 6
à 8% de la population, soit un
demi-million de Suisses.
Caractéristiques: les maladies
rares sont des affections chroniques, évolutives, souvent
graves et qui peuvent à terme
menacer la vie.
Les maladies rares sont des
affections complexes, peu
connues et aux symptômes
très divers, donc difficiles à
diagnostiquer. Les patients
doivent souvent recourir à plusieurs médecins avant de
savoir enfin de quoi ils souffrent – au risque d’être pris
pour des simulateurs.
On dit des maladies rares
qu’elles sont «orphelines», car
elles sont trop peu fréquentes
pour susciter des recherches
importantes, avec les frais que
cela suppose. Raison pour
laquelle la plupart des maladies rares sont à ce jour sans
traitement pour les guérir.
Quant aux traitements existants, leur reconnaissance
pose problème: sur une centaine de médicaments «rares»
autorisés par Swissmedic, une
quarantaine seulement ont
leur place sur la liste des spécialités remboursées par l’assurance de base. AMO
En grande partie, certainement. Dans le
monde entier, les plans nationaux ont toujours été lancés sous la pression des patients et des familles. Le pays le plus
avancé en la matière étant la France.
Et pourquoi la Suisse est-elle en retard?
Globalement, notre système de santé
marche assez bien. Mais dans le cas des
maladies rares, le système est très compliqué, notamment à cause du fédéralisme.
On aurait par exemple besoin de registres
nationaux des maladies, et ça pose problème au niveau de la législation.
Ne faudrait-il pas carrément viser une
échelle internationale?
Si, bien sûr! Face à des maladies qui ne
comptent que quelques centaines de cas
dans le monde, on ne peut pas se permettre d’agir seuls. C’est beaucoup plus efficace et économique de travailler en réseau plutôt que de tout réinventer chez
nous. Dans l’idéal, le diagnostic et la thérapie devraient être posés dans un centre
expert, situé en Suisse ou à l’étranger selon
les cas. Ce centre donnera ensuite des ins-
tructions au médecin de proximité qui
suit le patient.
Certains traitements d’une maladie rare
peuvent dépasser les 500 000 fr. par an.
Pourra-t-on vraiment payer cela?
Dit comme cela, ça paraît énorme. Mais
toutes les maladies rares n’occasionnent
pas des coûts de ce genre. Pour 98% d’entre elles, il n’existe tout simplement pas de
traitement. Et d’après les statistiques de la
caisse Helsana, le coût total des médicaments «rares» ne représente que 3,5% des
remboursements de médicaments de l’assurance de base. Un pays riche comme la
Suisse peut se le permettre.
Le débat actuel a-t-il sensibilisé le public?
Oui: ce n’est pas parce que ses maladies
sont «rares» qu’elles concernent peu de
gens. Toutes ne sont pas gravissimes ni invalidantes, mais cela fait beaucoup de
monde qui doit faire face à de grandes
contraintes au quotidien. I
> Congrès à l’occasion de la Journée mondiale des
maladies rares, samedi 25 février à l’Université de
Lausanne. Progr. et inscr.: www.proraris.ch
«Le ciel est tombé sur ma tête»
«Lorsque ma fille est née, tous les médecins ont
accouru en salle d’accouchement pour voir le «petit
monstre». Mélina pesait seulement 1,6 kilo, et ses
pleurs avaient exactement le son d’un chat qui
miaule.» Brigitte Jaques, d’Estavayer-le-Lac, a
connu le dignostic au bout d’une semaine: sa fille
souffre du syndrôme du cri du chat. Une maladie
génétique rarissime (elle touche une naissance sur
50 000), qui cause de graves handicaps physiques et
mentaux. Ce printemps, Mélina fêtera ses 18 ans à
la Fondation Les Buissonnets à Fribourg, où elle vit.
Pour mère et fille, la vie avec cette maladie rare a été
un vrai parcours du combattant.
«Les médecins ne savaient presque rien de
cette maladie. Ils ont seulement pu me dire que
c’était très grave, et que ma fille ne vivrait probablement pas. Ça a été très dur», raconte Brigitte Jaques.
«Je ne connaissais aucun autre parent dans ce cas,
et il n’existait aucune plate-forme où m’adresser.»
En 1999, la Staviacoise, entre-temps mère de 3 enfants, a lancé une association qui regroupe une cin-
quantaine de familles en Suisse, France, Belgique
et au Canada. L’occasion d’échanger aussi des
tuyaux médicaux. «Pour les médecins, la maladie
rare est un «cas intéressant». Mais quand on a essayé un traitement et que ça ne marche pas, ils
n’ont souvent rien d’autre à proposer. J’ai beaucoup
dû aller à la pêche aux renseignements, sur internet
ou à l’étranger, constate Brigitte Jaques. «Oui, un
centre de compétences où des experts travaillent
en réseau, ce serait vraiment bien.»
Financièrement, la maladie pèse aussi. Brigitte
Jaques s’est arrêtée de travailler 12 ans pour s’occuper de sa fille, totalement dépendante. «On a dû
payer beaucoup de choses de notre poche», notet-elle. Et affronter des montagnes de papiers, entre
assurance-invalidité et caisse-maladie. «Les assurances ne savent jamais où nous classer: la maladie
rare, ce n’est pas prévu. Résultat: différentes familles sont enregistrées sous différents chiffres, et
ne touchent pas les mêmes prestations.» AMO
Les organisateurs du Festival
du film français d’Helvétie
(FFFH) peuvent préparer sereinement la 8e édition de la manifestation qui se déroulera à
Bienne du 12 au 16 septembre.
Le FFFH ne connaît en effet plus
les mêmes soucis financiers que
ceux rencontrés en 2011.
«Le ton est moins dramatique
que l’année dernière et nous partons optimistes», a lancé hier à
Bienne Christian Kellenberger,
membre du comité d’organisation. Il y a une année, la manifestation avait dû faire face au départ de son principal sponsor.
Aujourd’hui, plus de 90% des
partenaires ont confirmé leur
soutien au FFFH. Le comité d’organisation doit encore réunir
80 000 francs, la moitié du montant de 2011. Mais il n’est pas inquiet grâce à la campagne de récolte de fonds «Les Amis du
FFFH.» Le budget pour 2012
s’élève à 1,9 million de francs. La
programmation ne sera dévoilée
qu’en septembre. L’objectif est de
réaliser à Bienne un grand festival de cinéma au niveau de la
qualité, a souligné Christian Kellenberger. L’année dernière, ce
sont 10 400 festivaliers qui ont assisté aux projections du FFFH,
une fréquentation en hausse de
10%.
Cette manifestation doit faire
face à une concurrence avec
d’autres festivals de cinéma qui
se déroulent aussi en automne,
comme ceux de Zurich, Genève
ou Lucerne. Autre inquiétude, le
FFFH, qui s’adresse aussi au public
germanophone,
est
confronté à la diminution du
nombre de films français sous-titrés en allemand. Ce procédé
coûte très cher aux distributeurs
et n’est guère rentable. ATS
EN BREF
UN CASTING POUR
CHANTER À LA TÉLÉ
FRIBOURG Vous adorez chanter en public et vous rêvez de
passer à la télé? Alors «Paquebot», le nouveau projet d’émission musicale de la Radio
Télévision suisse, est pour
vous. Pour choisir les protagonistes de cette série qui offrira
un «cocktail original de réalité
et de fiction», la chaîne
romande organise un casting,
jeudi 1er mars au CO de Jolimont à Fribourg. Renseignements et inscription sur le site
internet de la TSR. AMO
> www.tsr-ch/divertissement
LA MIGRATION COMME
MÉTAPHORE
CONFÉRENCE Le pédopsychiatre Jean-Claude Métraux,
qui travaille depuis longtemps
avec les migrants, sera jeudi à
Fribourg pour présenter son
ouvrage intitulé «La Migration
comme Métaphore», paru aux
Editions La Dispute. Dans ce
livre, l’auteur réfléchit aux sens
de la migration, qu’elle soit
géographique, sociale, culturelle, temporelle… La conférence commence à 10 h 30, ch.
des Mazots 2, à Fribourg. LIB