Comment sortir de la Crise ?

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Comment sortir de la Crise ?
Conjoncture
La Note
Comment sortir
de la crise ?
Jean-Paul Betbèze,
Chef économiste de Crédit agricole S.A.
Jamais, dans le passé, nous n’avons réussi à sortir pacifiquement d’une crise mondiale.
Nous connaissons donc les risques que nous encourons. Jamais, dans le passé, nous
n’avons affronté autant de difficultés interdépendantes, autant d’enjeux, autant de
complexité. Mais, jamais non plus, les grands acteurs n’ont été aussi conscients de
leurs responsabilités. C’est ce qui fonde l’espoir d’une solution favorable pour tous, à
partir d’un effort sans précédent d’explications économiques et d’actions politiques
concertées. Nous n’aurons pas les unes sans les autres.
P
our sortir de cette crise mondiale, il faut d’abord savoir comment nous y
sommes entrés. La réponse est simple : par la dette. Donc la sortie se fera
par le désendettement ; mais tout dépendra de la manière, car c’est elle qui
en fera un succès ou un échec.
La montée de la dette des uns1 a évidemment été financée par la montée des créances
des autres. C’étaient les États pour les bons du Trésor, et les banques pour le crédit.
Les banques étaient soutenues par la crédibilité des banques centrales, le tout s’opérant dans un climat de confiance inégalé. Et, s’il faut donner des noms, disons que la
Chine a financé les États-Unis, au temps de la célèbre great moderation, que la crédibilité d’Alan Greenspan a permis d’endetter à taux bas les entreprises et les ménages
américains, ces derniers empruntant notamment pour leur immobilier, un immobilier
1. États, entreprises, ménages.
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qui sera ensuite titrisé2. La scène ne se passe évidemment pas entre les seuls ÉtatsUnis et Chine. La zone euro y joue son rôle, en retrait certes, mais trop heureuse d’en
profiter, avec une montée de l’endettement public partout, un endettement financé par
les Européens eux-mêmes et, de plus en plus, par les « marchés financiers », alias les
fonds de pension et les compagnies d’assurances. À côté de cet endettement public,
l’endettement privé monte, avec une intervention croissante des banques.
Brutalement, cette architecture de la dette s’est effondrée à partir de son centre : le
système bancaire américain. Il a donc fallu le consolider, pour éviter une dépression
d’ensemble, ce qui a impliqué une intervention massive
du Trésor américain et de la Fed. Mais cette consolidation n’a pas suffi, pour les États-Unis eux-mêmes,
Brutalement,
cette
comme on le voit encore actuellement. Elle a révélé par
architecture
ailleurs les multiples faiblesses de la zone euro, faiblesse
de la dette s’est
de surveillance, faiblesse d’organisation, faiblesse de
effondrée à
partir de son
cohésion surtout.
centre :
le système
Pour en sortir, il faut mettre en œuvre une politique
bancaire
globale de désendettement et une action de renforceaméricain.
ment de l’architecture financière mondiale, ce renforcement passant par une modification profonde de sa
logique. Cette modification implique, mais on ne le dit pas, en tout cas pas assez,
plus de supervision que de régulation, puisque la dernière crise en date a bien montré
qu’il ne s’agit pas tant d’édicter des règles que de les appliquer ! Et puisqu’il s’agit
surtout de superviser, encore faut-il en avoir les moyens, à la fois techniques (les
experts) et politiques (les appuis). En même temps, cette politique globale dans sa
finalité demande des adaptations régionales3 et nationales qui s’intègrent dans la
logique d’ensemble. La cure globale de désendettement doit donc être constamment
surveillée dans sa double cohérence, intertemporelle et internationale. Il ne s’agit
donc pas d’être non coopératif ni brutal dans sa mise œuvre, car rien ne se passerait,
mais d’être inflexible dans sa logique, sinon rien ne se passerait « bien ». Il faut donc
faire en sorte que, « pendant les travaux » de désendettement, la croissance continue
– en lui donnant du temps, celui qu’il lui faut, un peu moins peut-être, pour entretenir la pression. Tout le problème est là : un choix coopératif sous pressions interne
et externe.
2. Les fameux subprimes.
3. Asie, Europe…
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Logique contradictoire
Le désendettement comporte à la fois une diminution de ressources financières et
une consolidation dans le temps. La diminution de ressources a des effets négatifs directs sur la demande à court terme, et des effets potentiellement positifs sur
la demande à moyen et long terme. En effet, si l’État réduit ses coûts, il stimule
moins la demande immédiate mais son déficit structurel se réduit. Les ménages et
les entreprises peuvent donc se montrer plus confiants dans sa solidité, avec notamment l’idée que les impôts nécessaires pour stabiliser la dette seront réduits et qu’ils
peuvent donc continuer à acheter des bons d’État. On reconnaît là l’équivalence
ricardienne, qui agit contre le multiplicateur keynésien.
Mais la crise actuelle a également mis en avant l’importance macroéconomique
d’un système bancaire solide, en liaison avec la solidité même du système public.
L’économie de crédit, qui peut soutenir la croissance, devient autrement l’économie
de dette, avec le risque qui pèse sur la solvabilité des banques, au pire le risque de
bank runs et de faillites en chaîne, avec celui de faillites publiques ensuite. Pour en
sortir, là aussi la logique contradictoire du désendettement bien géré va jouer : stabilisation de l’endettement des agents puis désendettement, ceci ayant certes des effets
négatifs sur la demande nominale à court terme, comme nous le répètent sans cesse
nos « experts », mais renforçant à moyen terme la qualité des systèmes de financement, privé et public, donc la croissance potentielle.
Ainsi, par opposition à la mécanique des multiplicateurs de crédit de consommation
et d’investissement, intervient une autre logique de soutenabilité des trajectoires de
croissance. Au-delà des oppositions théoriques et de leurs liens politiques, on voit
que les explications des enjeux seront décisives, auprès
les entreprises comme auprès des ménages. Il n’est pas,
L’épargne permet
en effet, si sûr que l’épargne soit un « solde », comme le
le financement
disait Keynes, pour l’euthanasier ensuite. Elle est au
et la croissance,
il serait bon de
moins aussi réfléchie que la consommation, de plus en
le reconnaître
plus même quand monte l’endettement, et c’est là qu’il
par ces temps
faut agir. L’épargne permet le financement et la croisde marchés
financiers.
sance, il serait bon de le reconnaître par ces temps de
marchés financiers.
Le désendettement n’a pas d’effet mécaniquement négatif à terme s’il est expliqué
dans ses motivations – le renforcement de la croissance à terme – et illustré par le
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renforcement des acteurs du financement – des États qui placent mieux les bons du
Trésor, des banques plus solides et mieux surveillées, dont la valeur boursière monte.
Ce désendettement doit donc s’inscrire dans une stratégie d’explications et de gestion, dans la durée, des anticipations.
Par quoi commencer ?
On pourrait dire que les États-Unis doivent montrer l’exemple de la nouvelle voie,
après avoir illustré celle des excès ; mais ce n’est évidemment pas si facile. D’abord, les
entreprises américaines, surtout les grosses, sont tirées d’affaire, ainsi que l’essentiel du
système bancaire américain. Mais ce n’est pas le cas pour les ménages et encore moins
pour l’État. C’est lui qui va entamer une période de réduction de ses coûts, quasi certaine, et de hausse des impôts, politiquement hypothétique. C’est alors que la Fed
intervient pour faire directement pression à la baisse sur
les taux longs américains4, avec l’idée indirecte et souvent
Les États-Unis
avouée de faire baisser le dollar par rapport au renminbi.
doivent montrer
La partie américano-américaine de l’ajustement passe
l’exemple de la
nouvelle voie,
ainsi par l’aplatissement de la courbe des taux, négative
après avoir
en termes réels, et l’affaiblissement souhaité du dollar : il
illustré celle
s’agit de soutenir le logement et les entreprises. Est-ce
des excès.
suffisant ? Est-ce coopératif ?
Car la Chine ne l’entend pas du tout de cette oreille. Elle souhaite maintenir sa croissance tout en en changeant les moteurs, mais à son rythme. Les autorités chinoises
perçoivent bien l’impossibilité de poursuivre une croissance par l’export qui suscite
partout des tensions et leur fait accumuler des dettes publiques5 dont la valeur est
de moins en moins certaine. En même temps, leur monnaie faible leur fait importer
de l’inflation. La Chine veut désormais se développer par la production de biens
de consommation, ce qui implique de pouvoir gérer l’appréciation de son change,
notamment pour en assumer les effets sociaux, donc politiques. Ceci bloque, en tout
cas freine, la « solution » américaine, mais n’aide pas, non plus, à aller rapidement
dans la voie de l’équilibre, autrement dit de la réduction conjointe des déséquilibres.
4. Réinvestissement des remboursements du secteur immobilier et allongement de la maturité de la dette publique.
5. Notamment américaine.
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La zone euro ne peut évidemment attendre qu’États-Unis et Chine règlent leurs
différends, car elle en est aussi partie prenante, pour ne pas dire qu’elle en est le
point faible, même si ce n’est pas « juste ». Les membres de la zone euro indiquent
ainsi6 – après les mesures de sauvegarde prises envers la Grèce, puis l’Irlande, puis le
Portugal, et celles de soutien à l’Espagne, puis à l’Italie, en attendant d’autres – qu’ils
vont agir surtout sur la Grèce. Celle-ci est, officiellement, dans une situation « exceptionnelle », exceptionnelle par sa gravité certes, mais aussi par les moyens qui seront
mis en place pour la soutenir, elle et elle seule… A priori, par différence7, les autres
pays, dont l’Italie, sont invités à poursuivre leurs efforts d’assainissement public, sans
compter autant sur l’aide du Fond européen de stabilité financière (FESF) et de la
BCE… Mais nous voyons bien que tel ne peut être le cas, puisque les autres pays
périphériques sont soutenus, ainsi que maintenant l’Espagne et l’Italie. Jusqu’où ?
L’exceptionnel de la Grèce se traduit en haircut, à 60 % désormais, et la sollicitation
de la BCE pour les autres ne cesse de monter, avec des achats hebdomadaires sur le
second marché qui vont bientôt atteindre 20 milliards d’euros.
Nous verrons bien. Car si les pays ont, en général, accepté de faire des efforts, ils
souffrent de la phase mécanique de récession à court terme qu’implique tout processus de désendettement, plus la défiance des marchés ; et ils souffrent plus encore
de l’incertitude qui pèse sur leur coopération et donc sur le résultat. En fait, il s’agit
non seulement d’un effort exceptionnel de la part de la Grèce, mais d’un effort de la
part de tous. On peut comprendre l’intérêt de partager cet ajustement, en montrant
qu’il dépasse les frontières et la gestion de tel ou tel membre, un peu à la manière
d’un groupe de Weight Watchers. Mais si tous les pays sont invités à agir ensemble,
la récession peut s’amplifier d’autant, si le soutien à la croissance n’est pas de la partie.
Nous entrons donc dans une nouvelle phase en zone euro, non plus celle où on
ne reconnaît pas le problème ni celle où on refuse les thérapies. Nous sommes
aujourd’hui dans ce moment où il faut se donner les moyens d’agir. Car tous les pays
sont invités à avancer conjointement en Europe. Ce nécessaire synchronisme des
politiques, lié à la crise même, accentue les contradictions internes, en zone euro et
au-delà. C’est pourquoi la « logique G20 » a un rôle décisif à jouer.
6. Après les mesures de sauvegarde prises envers la Grèce, puis l’Irlande, puis le Portugal, et celles de soutien à
l’Espagne, puis à l’Italie, en attendant d’autres.
7. Et le G20 de Cannes l’a bien illustré en son temps.
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La « logique G20 »
Le G20 est devenu l’instance décisive de gestion de la crise mondiale de surendettement. Le G8 n’est plus le club des riches, mais celui des endettés qui attendent
l’appui des émergents. Mais ces émergents, eux aussi, doivent changer. Ils ne peuvent
avoir comme stratégie de « rattraper » les autres en leur vendant des biens et services,
quitte à en recycler les résultats en leur achetant des bons du Trésor. Ce Ponzi mondial est arrivé à sa fin. Les émergents doivent revoir leur modèle, Chine en tête,
Brésil ensuite. Pour les « endettés », nous, le problème ne peut se déboucler par des
« solutions » simples : plus de dette encore, ou une dette
allongée, ou bien une dette réduite par la dévaluation ou
l’inflation, ou encore, pourquoi pas, une dette répudiée,
Le G20 est
devenu
l’instance
en tout ou partie. La voie de la dette sous contrainte
décisive
de
forte s’ouvre.
gestion de la
crise mondiale de
Même plus « sympathiques » en apparence, les solutions
surendettement.
ne peuvent pas venir d’une logique keynésienne adaptée
aux circonstances, avec l’idée de demander aux pays qui
auraient de l’ « espace budgétaire » d’accroître leur déficit public, les autres ayant
alors moins de peine à réduire le leur. Ce transfert a en effet un défaut : si le ratio
mondial dette/PIB reste le même voire s’améliore, puisque les meilleurs s’endettent
tandis que les endettés s’ajustent, ceci ne dit rien de ce qui se passe ensuite pour les
entreprises et les comptes extérieurs. On pourrait concevoir, en effet, que les « meilleurs » qui s’endettent en profitent pour augmenter encore leur avance et bénéficier
ainsi de leur espace budgétaire – en voulant bien faire, bien sûr. Ils pourraient, par
exemple, réduire les impôts sur les sociétés de leurs entreprises8. Il faut donc être
réaliste : même si les pays qui le peuvent acceptent de faire bénéficier les pays qui en
ont besoin d’une certaine amélioration, ils en tireront eux-mêmes plus d’avantages.
Inutile également de rêver que l’Allemagne « veuille » plus d’inflation ou achète
directement plus de produits grecs ou espagnols, ou encore que la Chine fasse monter plus vite sa monnaie, ou même que les États-Unis aillent plus rapidement dans
la voie des coupes budgétaires.
On comprend donc pourquoi la logique de sortie de crise ne peut être séquentielle
entre pays, mais qu’elle doit être coordonnée, et qu’elle ne peut pas jouer, non plus,
d’un seul outil. C’est une architecture, là-aussi, multipays, multioutils. La logique
8. Ce qui se passe en Allemagne n’a évidemment rien à voir avec ce point.
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d’ensemble, celle qui doit animer les anticipations de tous, est celle d’une phase
de stabilisation de l’économie mondiale où sa croissance sera plus réduite et moins
déséquilibrée. Cette démarche, qui doit établir l’avantage global à terme et voir comment en répartir les coûts et avantages intermédiaires, est tout sauf évidente. Mais
c’est elle qu’il faut expliquer.
De proche en proche, on voit que chaque pays va devoir réduire ses dépenses
publiques9 et soutenir surtout son activité privée, en fonction de ses problèmes et de
ses possibilités bien sûr à court terme, mais dans le cadre d’un programme pluriannuel. Ce soutien privé passe, au niveau global, par une nouvelle gestion des parités,
avec une montée du renminbi et sans doute une remontée du dollar par rapport à
l’euro. Ce programme implique, toujours au niveau global, une meilleure surveillance
des banques et des assurances, notamment les plus importantes. Il requiert aussi un
effort particulier de stabilisation des marchés financiers, à la fois par des modes de
calcul comptables qui n’ajoutent pas de la volatilité, et par un meilleur suivi des opérations de marché, notamment les transactions à haute fréquence. Il faut enfin que
les normes comptables soient homogénéisées autant
que possible dans le temps. On le voit, tout ceci n’est pas
Chaque pays,
simple. On voit aussi que l’Europe doit avancer dans ses
en même temps,
solutions internes, en combinant les rôles de la BCE, du
doit adapter
des politiques
FESF et des futurs eurobons.
d’assainissement
et de croissance
Chaque pays, en même temps, doit adapter des polidans la durée et
s’engager, avec
tiques d’assainissement et de croissance dans la durée et
les autres, dans
s’engager, avec les autres, dans des actions de réduction
des actions de
des déséquilibres globaux. Si l’on veut éviter une crise
réduction des
majeure, qui n’est pas du tout écartée, que faire d’autre ?
déséquilibres
globaux.
Rien ne peut être simple, égoïste, immédiat. Il faut
expliquer, convaincre et oser.
Un nouveau monde ?
Il est évident que le monde de l’après-crise sera fondamentalement différent de l’ancien, parce que les pays industrialisés ont préféré s’endetter plutôt que de se réformer,
9. Et augmenter le moins possible ses impôts.
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et que les pays émergents eux-mêmes ont souvent préféré prêter aux premiers que
de développer leur propre demande interne, avec les réformes que cela implique
chez eux aussi. Il est évident pour tous que, pour éviter un plongeon dépressif, toute
« solution en coin » est exclue, puisqu’elle en entraînerait immédiatement une autre,
antagonique. Un dollar qui se veut trop faible, c’est ainsi un renminbi qui se raidit ;
une BCE qu’on voudrait plus « compréhensive », c’est celle qui ne veut rien entendre.
Il ne peut donc y avoir qu’un programme complexe, transparent, graduel, aussi équilibré que possible. Mais il est clair aussi que cette mise en œuvre va renforcer les
émergents puis les États-Unis, sans doute moins la zone euro et la France si elles ne
saisissent pas les enjeux des ajustements en cours.
Nous avons donc une responsabilité particulière si nous ne voulons pas être les
« ajustés ». Ce nouveau monde en construction, avec, du moins au début, une croissance plus faible et plus stabilisée, risque en effet de
nous offrir des débouchés moindres si nous n’y prenons
Ce nouveau
pas garde.
monde en
construction
risque de
La stratégie de croissance européenne par l’innovation
nous offrir
doit donc être renforcée vers les émergents, BRICS
des débouchés
et autres, couplée à une logique de modernisation
moindres si nous
n’y prenons
publique, donc de diminution des coûts d’organisation
pas garde.
publics, et de modération salariale.
L’économie politique de sortie de crise est complexe à mettre en œuvre, mais très
compréhensible. Il ne s’agit plus du tout d’une logique keynésienne de demande et
d’endettement, ni même libérale de meilleur fonctionnement des marchés. Il s’agit
d’une politique mixte, publique et privée, sous le regard des marchés et des électeurs,
pour réduire dans la durée les déséquilibres globaux qui ont conduit aux problèmes
et aux baisses de liquidité que l’on voit actuellemvent. Elle sera, si on cherche des
qualificatifs, libérale et sociale.
Et pour la France ?
Pour la France, il s’agit spécifiquement, de la part des entreprises, de renforcer leur
compétitivité en offrant à leurs salariés des packages de rémunération qui laisseront aux entreprises une part plus forte de résultats, mais en contrepartie d’engage1
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ments notamment en matière de formation, d’emploi et de retraite complémentaire.
Cela implique donc pour elles d’ouvrir un dialogue nouveau. Il s’agit, de la part des
investisseurs, d’avoir des produits de placement simples et inscrits, là aussi, dans la
durée. Il s’agit, pour les instances de surveillance bancaire et financière, de garder un
regard permanent à la dynamique du crédit, notamment titrisé. En effet, à quoi bon
demander toujours plus de fonds propres bancaires si on laisse se développer des crédits de plus en plus importants accordés à des clients de plus en plus fragiles, crédits
de moins en moins margés ! Enfin, il s’agit, pour l’État et les collectivités publiques,
de se moderniser, d’être plus efficaces et surtout plus transparents sur leurs moyens
et leurs résultats, afin de mieux mesurer, comparer, dynamiser. On l’a compris, chacun doit faire des efforts importants, cohérents, transparents, justes. La peur de la
dépression ne peut suffire à éclairer ce chemin. Il faut le construire.
À écouter les discours politiques, une claire conscience de la nouvelle architecture à
bâtir et de la stratégie de sortie n’est pas évidente ici. Et, pourtant, la France a moins
d’efforts d’ajustement à faire que d’autres si l’on regarde son niveau de dette, et
davantage de moyens si l’on regarde ses entreprises et
son capital humain. C’est évidemment sur ces points
La France a
qu’il faut mettre l’accent, en expliquant la stratégie de
moins d’efforts
sortie retenue, et le fait qu’elle donnera à la France une
d’ajustement
position éminente dans le concert européen. Il faut faire
à faire que
d’autres si l’on
du temps notre allié, dans la gestion des anticipations au
regarde son
niveau global, et dans les cultures d’entreprise au niveau
niveau de dette,
microéconomique.
et davantage
de moyens si
l’on regarde
Autrement dit, après cette sévère semonce, la France
ses entreprises
pourra repartir de l’avant, avec une structure publique
et son capital
simplifiée et allégée, un État et des régions modernisés,
humain.
des PME plus réactives et innovantes et un emploi qui
sera, enfin, amélioré. Ceci est possible, mais implique
une ferme volonté de changer, d’utiliser les nouvelles technologies et les nouveaux
réseaux sociaux de communication et de productivité, d’avancer dans la transparence
et la reconstruction de la confiance.
La sortie de crise existe pour une France qui ne peut être ni apeurée ni solitaire. Elle
dépend des efforts faits ici pour combiner réduction des déficits et croissance privée
et pour soutenir, ailleurs et notamment en Europe, les efforts conjoints de nos partenaires. La sortie est solidaire.
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