1594 le regicide
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1594 le regicide
1594 LE REGICIDE Ce fut au retour de son voyage de Picardie que le roi Henri IV faillit être victime d’un nouvel attentat (1) dirigé contre sa personne, et qui eut cette fois un début d’exécution. Le 27 décembre 1594, le roi était encore botté et éperonné, quand un jeune homme qui s’était mêlé à la foule des seigneurs venus pour le saluer, se précipita sur lui, et le frappa à la bouche d’un coup de couteau. Heureusement le prince en ce moment inclinait la tête de sorte que le coup, au lieu de porter à la gorge, avait atteint la mâchoire inférieure. La blessure était sans gravité ; seule une dent fut brisée et la lèvre fendue. L’assassin fut aussitôt arrêté, mais il ne s’appelait pas Ravaillac. On sut bientôt qu’il se nommait Jean Chastel et d’une manière plus moderne Châtel. Son père était un marchand drapier de la rue Barillerie, en face du Palais, et de plus, qu’il avait enseigné chez les Jésuites. Le père, la mère et les deux sœurs de Châtel avaient été également mis en état d’arrestation. L’assassin, jeune homme de 18 à 19 ans, d’un caractère sombre taciturne, de mœurs dépravées, confessait que, les grandes ébauches auxquelles il s’était livré l’ayant fait désespérer de son salut, il avait conçut la pensée de tuer le roi, dans l’espoir que cet acte lui serait méritoire devant Dieu. Interrogé sur ses relations avec les Pères Jésuites, il dit avoir ouï dire que le roi était hors l’Eglise et qu’il était loisible de le tuer. Ces déclarations arrachées par la torture étaient vagues et peu précises. Jean n’accuse aucun des Jésuites, mais il dit qu’il à « ouï dire » sans indiquer si c’était par des maîtres ou des écoliers. Par cet arrêté qui condamna Jean Châtel à la peine des parricides, le Parlement ordonna que les prêtres et écoliers du collège de Clermont videraient Paris dans les trois jours et le royaume dans les quinze, les déclarants corrupteurs de la jeunesse, perturbateurs du repos public, ennemis du roi et de l’Etat. En vertu de cet arrêté Jean Châtel fut mené le 29 décembre, nu en chemise, un cierge à la main, devant la principale porte de l’église Notre-Dame, Histoire de la Ligue sous les règnes de henri III et de Henri IV/Victor Chalambert/1854Gallica.bnf 1594 LE REGICIDE où il fit amende honorable, répétant les paroles de la formule qu’on lui lisait. De là il fut conduit à la place de Grève, où il eut le poing droit coupé par le bourreau, et enfin le corps tiré et démembré à quatre chevaux. Le roi, habillé de noir, portait à la lèvre inférieure les traces de sa blessure, non encore cicatrisée. La tristesse, empreinte sur ses traits, révélait les douloureux sentiments dont son âme était affectée. Cependant, il voulut suivre la procession jusqu’à l’église Sainte-Geneviève. Quelques jours après le supplice, les Jésuites de la rue Saint-Jacques et ceux de la rue Saint-Antoine furent conduits sous escorte jusqu’en Lorraine où ils devaient désormais résider. Le 7 janvier 1595, le P. Guignard fut conduit, comme l’avait été Jean Châtel neuf jours auparavant, nu en chemise, la corde au cou pour faire amende honorable, mais le religieux, fort de son innocence, refusa de prononcer aucune parole. « Je demande bien pardon à Dieu, répondit le Père, mais au roi, pour quel motif ? Je ne l’ai pas offensé. » On le mena à la place de Grève, où son corps fut attaché à la potence et ses cendres jetées au vent. Quant à son confrère le Père Guéret, coupable d’avoir été le professeur de philosophie de l’assassin, on se contenta de le mettre à la question, et de le bannir à perpétuité du royaume. Le père de Châtel fut également condamné à l’exil hors du royaume pendant 9 années, et à perpétuité hors de Paris et des faubourgs. En outre, le Parlement ordonna qu’il paierait une amende de 2.000 francs que sa maison serait rasée et qu’on érigerait à la place un pilier en pierres de taille, avec une table de marbre noir, sur laquelle l’arrêt contre Jean Châtel et les Jésuites serait inscrit en lettre d’or. (1) Henri IV subit au total environ une vingtaine d’attentats. Histoire de la Ligue sous les règnes de henri III et de Henri IV/Victor Chalambert/1854Gallica.bnf