partie 3

Transcription

partie 3
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Avertissement
La Faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans
cette thèse ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.
Le présent travail a été présenté publiquement le 28 juin à la Sorbonne.
Trois exemplaires papiers ont été déposés au Centre de Documentation de la Sorbonne et
sont accessibles en libre accès.
Toute citation extraite de ce travail peut utiliser la pagination actuelle en mentionnant la localisation du document au Centre de Documentation de la Sorbonne.
La diffusion électronique de ce document est possible avec mention de l’auteur, de
l’OMNSH, en l’état, et à usage non commercial.
Olivier Mauco, « Introduction », Jeux vidéo, problèmes publics, régulations privées, Thèse de doctorat, Univesité Paris 1, 2012, disponible en ligne sur : OMNSH.org
Dr. Olivier Mauco
Résumé
Cette thèse se propose d’étudier comment les contenus des jeux vidéo grand public sont
façonnés par les relations entre les industriels et les pouvoirs publics. Les jeux vidéo,
comme biens culturels produits en masse connaissant un succès populaire, font l’objet de
nombreuses condamnations. En particulier, la question de la violence des contenus est au
cœur de nombreux débats pouvant mener à des mises en politiques. Le « moment régulatoire », où les pouvoirs publics se saisissent de cette question, est alors un moment privilégié pour observer les différents rapports de force entre les acteurs du monde du jeu vidéo
(studios, éditeurs, fabricants de console). Les dispositifs de régulation retenus traduisent
ainsi des relations complexes entre les environnements techniques, informatifs et institutionnels, traversés par les compétitions entre industriels et associatifs pour l’administration
du contrôle des contenus et des pratiques du jeu vidéo. A la croisée d’une approche néoinstitutionnelle et d’une sociologie de la production des biens culturels, cette thèse
s’intéresse à l’élaboration de référentiels cognitifs et normatifs, notamment les définitions
et les mises en forme plurielles du jeu et du joueur dans l’environnement informatif par les
industriels, les pouvoirs publics et les acteurs associatifs et scientifiques. Ces différentes interprétations notamment, le paradigme de la performance technique contre celui de la création de jeux, d’une part, et la figure du joueur-comme-consommateur opposée à celle du
joueur-comme-public, d’autre part, structurent ainsi le monde du jeu vidéo. Les stratégies
d’évitement des problèmes publics ou de mises en politique influencent durablement les
contenus des jeux vidéo.
Mots clefs : jeux vidéo, régulation, politiques publiques, action publique, problèmes publics, violence, addiction, joueur, consommateur, public, sociologie, production, culture de
masse, culture populaire, néo-institutionnalisme, instruments, game studies, console, plateforme, idéologie, contenus
3
Videogames, public issues, private
regulations
This PhD thesis intends to study how the contents of the mass video games are affected
by the relations between industrials and authorities. Video games, as cultural goods massproduced with a popular success, are subject to numerous condemnations. Particularly, the
issue relating to the violence of the contents is in the middle of many debates which could
lead to the politicization. The « regulation moment » (« moment régulatoire »), where the
authorities take over the question, is consequently a special moment in order to analyze the
various balances of power between the actors in the world of videogames (studios, publishers, console manufacturers). The accepted regulation systems translate the complicated
relations between the technical environment, the informative environment and the institutional environment, gone through by competitions between industrials and associative actors for the management of the control of the contents and the practices of video game.
At the crossroad between a neo-institutional approach and a sociologic approach pertaining to the production of cultural items, this PhD thesis is interested in the drawing up of
cognitive and prescriptive frames, notably the definitions and the plural illustrations of the
game and of the player within the informative environment by the industrials, the authorities, the associative actors and the scientists. These various interpretations notably firstly
the paradigm of the technical performance against the paradigm of the game’s creation and
secondly the figure of the player-as-consumer against the figure of the player-as-audience,
structure the video game world. The avoidance strategies (« stratégies d’évitement ») of
public problems or the politicization affect durably videogames contents.
Keywords :
Videogames, regulation, public policies, public action, public issues publics, violence, addiction, player, gamer, consumer, sociology, production, mass culture, popular culture,
new-institutionalism, device, plateform, game studies, console, ideology, contents
5
Remerciements
Ce travail n’aurait jamais pu être mené à son terme sans le soutien et l’aide de nombreuses
personnes. Je tiens ainsi à leur exprimer toute ma gratitude.
Je pense en tout premier lieu à Frédérique Matonti, m’ayant récupéré au milieu du guet, a
accepté de m’accompagner dans cette aventure. Sa très grande disponibilité et son extrême
rigueur m’ont entraîné tout du long de cette thèse. Je pense ensuite à l’École doctorale et
le département de Science politique de l’Université Paris 1 qui, en plus d’avoir accepté un
objet aussi étrange que les jeux vidéo, m’a soutenu, encouragé et m’a accordé le temps nécessaire pour mener à bien ce travail.
Je pense à mes camarades qui ont eu la gentillesse téméraire de se plonger dans les premières versions du texte, décelant pièges et fausses routes. Ces premiers explorateurs, Nicolas Hubé et Pierre Mayance, ont été rejoints par Nicolas Maïsetti, Raphaël Koster, Alexis
Blanchet. Je pense aussi à tous ceux qui se sont manifestés et les remercie de cette attention.
Je pense à mes partenaires de recherche, d’abord ceux de l’École doctorale, dont les journées sans eux, tapis dans le grenier, n’auraient pas été aussi agréables : Guillaume Girard,
Tania Navarro, Lorenzo Barrault, Sylvain Antichan, et d’autres déjà mentionnés. Puis la
fine équipe du serious game de la Maison des Sciences de l’Homme de Paris-Nord, qui m’a
donné le goût du game design.
Je pense ensuite à mes compagnons des espaces ludo-fictionnels, l’Observatoire des
Mondes Numériques en Sciences Humaines, où les échanges intellectuels et amicaux ont
su à des périodes de solitude, stimuler ma curiosité pour des disciplines variées, notamment les anciens : Thomas Gaon, Etienne Armand Amato, Fanny Georges, Sébastien
Genvo, Yann Leroux, Nicolas Rosette, Michael Stora, Jean-Baptiste Labrune et tous les
nouveaux qui ont su rafraichir nos instances.
Enfin, mes dernières pensées vont à ma famille, qui a subi les affres de l’écriture, Papa,
Maman, Ketty, Raphaël et Florian, mes grands parents, oncles et tantes qui depuis le Paysbasque et la Gascogne pouvaient entendre le bruissement de la manette et le tapotis du
clavier pendant de longues heures. Et bien entendu, ma femme, pour toutes les qualités
évoquées, et bien plus encore.
7
9
Remerciements _____________________________________________ 7
Table des figures ___________________________________________ 21
Table des tableaux _________________________________________ 26
INTRODUCTION ____________________________________ 29
1.
Usages sociaux des lectures idéologiques des jeux vidéo _________________ 34
2.
La production de la figure du joueur ________________________________ 44
3.
Marché et politique du jeu vidéo : les productions du contrôle ____________ 55
PARTIE 1. UNE NAISSANCE SOUS CONTRÔLES. GÉNÉALOGIE
DES RAPPORTS SOCIAUX, FILIATIONS TECHNIQUES ET
RÉCEPTION SOCIO-POLITIQUE DES PREMIERS JEUX VIDÉOERREUR ! SIGNET NO
Chapitre 1. Des jeux publics aux publics des jeux vidéo : les racines
historiques des problèmes publics du jeu (vidéo)Erreur ! Signet non défini.
1.
Jeux et ordres politiques et sociaux : une mise en tensionErreur ! Signet non défini.
1.1.
1.1.1.
La production des jeux intégrée à l’ordre social : les ritesErreur ! Signet non défini.
1.1.2.
Les jeux romains : vers un dispositif de communicationErreur ! Signet non défini.
1.2.
2.
La production publique des jeux : rites et jeux publics _ Erreur ! Signet non défini.
La privatisation des instances de production : vers la séparation du publicErreur ! Signet non défini.
1.2.1.
La sécularisation des jeux et l’opposition entre jeu et sociétéErreur ! Signet non défini.
1.2.2.
La séparation du public des jeux : le cas de la sportification des passe-tempsErreur ! Signet non défin
Usages politiques et condamnations morales ______ Erreur ! Signet non défini.
2.1.
Industrialisation et condamnations morales ________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.1.
Le problème des biens culturels produits en masse Erreur ! Signet non défini.
2.1.2.
L’importation des thèses sur les effets des biens culturelsErreur ! Signet non défini.
2.2.
De l’aliénation aux effets des jeux : les usages sociaux des théoriesErreur ! Signet non défini.
2.2.1.
Les usages politiques des jeux : l’aliénation du peuple par les jeuxErreur ! Signet non défini.
2.2.2.
Usages politiques des effets des biens culturels ___Erreur ! Signet non défini.
2.2.3.
La question du populaire : une catégorisation par les publicsErreur ! Signet non défini.
Chapitre 2. L’influence de la règlementation du marché du flipper dans la
naissance du marché du jeu vidéo __________ Erreur ! Signet non défini.
1. L’exclusion des jeux d’argent et la naissance du jeu vidéo : des flippers et cartes à
jouer aux jeux vidéo (1931 – 1971) _________________ Erreur ! Signet non défini.
1.1.
L’influence de la règlementation législative des machines à sous et du flipper dans la
naissance du jeu vidéo ___________________________ Erreur ! Signet non défini.
1.1.1.
Un enjeu de qualification ___________________ Erreur ! Signet non défini.
1.1.2.
Nouveaux usages et qualifications juridiques restrictivesErreur ! Signet non défini.
1.1.3.
L’organisation du marché par les industriels _____ Erreur ! Signet non défini.
1.1.4.
La structuration du marché par les pouvoirs publicsErreur ! Signet non défini.
1.2.
L’entrée de Sega et Nintendo dans le jeu vidéo ______ Erreur ! Signet non défini.
1.2.1.
SEGA, entreprise d’amusement en territoire militaireErreur ! Signet non défini.
1.2.2.
Quelques répétitions. ______________________ Erreur ! Signet non défini.
1.2.3.
La double domination de Nintendo, entre légalité et illégalitéErreur ! Signet non défini.
2. Du flipper aux jeux vidéo sur borne d’arcade : importation des logiques de
production et répétition des discours ________________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.
La relation du joueur aux jeux : problème d’industrialisation et d’individualisationErreur ! Signet non d
2.1.1.
La relation mécanique et consumériste du flipper _ Erreur ! Signet non défini.
2.1.2.
La thèse de l’échappatoire comme stigmatisation du populaireErreur ! Signet non défini.
2.1.3.
Le jeu vidéo comme contestation du système : fonctionnalisation du cognitif _
2.2.
Le monopole financier et la pacification de l’économie __ Erreur ! Signet non défini.
2.2.1.
Le monopole financier _____________________ Erreur ! Signet non défini.
2.2.2.
La compétition normative __________________ Erreur ! Signet non défini.
Chapitre 3. La réglementation des jeux vidéo sur borne d’arcade comme
problématique économique et politique (1971 – 1985)Erreur ! Signet non défini.
1. Le bon usage des quarters : la saillance de la problématique du coût du jeu sur
borne d’arcade (1979 – 1985)______________________ Erreur ! Signet non défini.
1.1.
Les jeux vidéo sur bornes d’arcade : jeux public et enjeux de monopole fiscalErreur ! Signet non défini.
1.1.1.
Les entrées journalistiques de la qualification du jeu vidéo sur borne d’arcade _
1.1.2.
La mise en culture du jeu vidéo ______________ Erreur ! Signet non défini.
1.2.
D’un bien de consommation à la bonne consommation : premières interprétations
utilitaristes du jeu vidéo __________________________ Erreur ! Signet non défini.
1.2.1.
Le jeu vidéo, apprendre avec du plaisir _________ Erreur ! Signet non défini.
11
1.2.2.
Economie domestique : apprendre à dépenser ___Erreur ! Signet non défini.
1.2.3.
L’émergence du débat social : une question de consommationErreur ! Signet non défini.
2. La réglementation des jeux vidéo sur borne d’arcade comme problématique
économique et politique (1981 – 1985) ______________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.
L’émergence de la question de la violence des jeux vidéo : sollicitation morale et enjeux
politiques ___________________________________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.1.
L’émergence de la violence des jeux vidéo : le glissement moral par une
entrepreneuse de normes ___________________________Erreur ! Signet non défini.
2.1.2.
2.2.
Le début de politisation du problème __________Erreur ! Signet non défini.
La règlementation des bornes d’arcade comme protection des mineursErreur ! Signet non défini.
2.2.1.
L’affaire d’Irvington, micro-récit des rapports de forceErreur ! Signet non défini.
2.2.2.
Préserver l’ordre public par la loi _____________Erreur ! Signet non défini.
Conclusion ___________________________ Erreur ! Signet non défini.
PARTIE 2. LA NAISSANCE DU MONDE DES JEUX VIDÉO
DOMESTIQUES : FORMES DE CONTRÔLE DU MARCHÉ ET
EFFETS PUBLICS ______________ ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.
Chapitre 4. Le contrôle de la culture et de la morale : un enjeu de
constitution de l’environnement technique du marchéErreur ! Signet non défini.
1.
Les valeurs culturelles et le contrôle des consoliers _ Erreur ! Signet non défini.
1.1.
Les jeux vidéo pornographiques sur Atari _________ Erreur ! Signet non défini.
1.1.1.
L’offre pornographique : Custer’s Revenge______Erreur ! Signet non défini.
1.1.2.
La politisation du sexe _____________________Erreur ! Signet non défini.
1.1.3.
Vers la marginalisation des marchés et contrôle de la distributionErreur ! Signet non défini.
1.2.
Le contrôle de la production de Nintendo : entre façade morale et stratégie industrielleErreur ! Signet non défin
1.2.1.
La politique éditoriale de Nintendo : éviter le politiqueErreur ! Signet non défini.
1.2.2.
Stratégies anticoncurrentielles : sceau de qualité et anti-piratageErreur ! Signet non défini.
1.3.
La mise en adéquation avec les valeurs sociales ______ Erreur ! Signet non défini.
1.3.1.
Interdiction générales : l’absence de violence et de sexeErreur ! Signet non défini.
1.3.2.
La censure des thèmes de la déviance comme anticipation de débatsErreur ! Signet non défini.
1.3.3.
Les effets du contrôle ______________________Erreur ! Signet non défini.
2. La reconfiguration du marché par Sega : nouvel environnement technique et
redéfinition du jeu vidéo _________________________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.
L’entrée de Sega : une opposition frontale à Nintendo__ Erreur ! Signet non défini.
2.1.1.
L’échec de la Master System _________________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.2.
Sega et la politique libérale de contrôle _________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.3.
L’offre de jeux Megadrive : stratégie de portage de l’arcade et licencesErreur ! Signet non défin
2.2.
La guerre marketing de Sega __________________ Erreur ! Signet non défini.
2.2.1.
La pratique de la publicité comparative : l’antécédent Mattel et AtariErreur ! Signet non défini.
2.2.2.
La publicité anti-Nintendo de Sega : définition du publicErreur ! Signet non défini.
Chapitre 5. La production publicitaire du joueur comme consommateur :
les promesses de la technique _____________ Erreur ! Signet non défini.
1. L’entrée du jeu vidéo dans le foyer : une pédagogie des usages techniques et
ludiques ______________________________________ Erreur ! Signet non défini.
1.1.
1.1.1.
Ceci n’est pas une télévision : un apprentissage technique du jeu vidéoErreur ! Signet non défin
1.1.2.
L’art de bien se tenir_______________________ Erreur ! Signet non défini.
1.1.3.
Le dispositif et les effets ____________________ Erreur ! Signet non défini.
1.2.
2.
L’apprentissage de l’usage technique du jeu vidéo _____ Erreur ! Signet non défini.
Apprendre à consommer : le marché des programmes de jeuxErreur ! Signet non défini.
1.2.1.
Please, insert cartdrige : l’offre de programmes vidéoludiquesErreur ! Signet non défini.
1.2.2.
La qualité : vers une autonomie du marché du programmeErreur ! Signet non défini.
1.2.3.
Parker : la distribution et le marketing _________ Erreur ! Signet non défini.
Les mises en forme de la pratique vidéoludique ____ Erreur ! Signet non défini.
2.1.
Des jeux pour la famille aux jeux pour ses membres : un jeu sur les dispositionsErreur ! Signet non déf
2.1.1.
Une invitation au partage en famille ___________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.2.
La privatisation de la pratique : genre et contrôle des passionsErreur ! Signet non défini.
2.1.3.
La masculinisation du jeu vidéo : la mise en forme du joueur cœur de cibleErreur ! Signet non
2.2.
Des machines productrices d’expériences : l’imaginaire de la puissance techniqueErreur ! Signet non défi
2.2.1.
Imaginaire des dispositifs : mise en scène du jeu __ Erreur ! Signet non défini.
2.2.2.
La puissance du dispositif : différenciations technologiquesErreur ! Signet non défini.
2.2.3.
Imaginaire de la déviance ___________________ Erreur ! Signet non défini.
2.2.1.
Le Mega-Cd : l’expérience de la puissance et de la vitesseErreur ! Signet non défini.
Chapitre 6. Le jeu vidéo, au prisme de la presse et de la télévisionErreur ! Signet non déf
1.
Une analyse comparative du traitement médiatique de la violence des jeux vidéoErreur ! Signet n
1.1.
Les courbes d’exposition médiatique de la violence des jeux vidéoErreur ! Signet non défini.
1.1.1.
Le cas français : les journaux télévisés et la presse quotidienne nationaleErreur ! Signet non déf
13
1.1.2.
Noël
2.
Les premiers traitements : l’information du consommateur pour les fêtes de
Erreur ! Signet non défini.
L’émergence des potentiels de la déviance des jeux vidéoErreur ! Signet non défini.
2.1.
Des définitions du jeu vidéo au prisme des risques potentiels : effets d’assimilationErreur ! Signet non défini.
2.1.1.
La question des contenus : les jeux vidéo politiques extrémistesErreur ! Signet non défini.
2.1.2.
Les jeux vidéo comme discours : une illustration du traitement journalistique
ordinaire _______________________________________Erreur ! Signet non défini.
2.2.
La question du réalisme ou la fascination technique ___ Erreur ! Signet non défini.
2.2.1.
Le réalisme des discours : Envoyé Spécial _______Erreur ! Signet non défini.
2.2.2.
L’émergence de la théorie des effets directs : irréel et drogueErreur ! Signet non défini.
PARTIE 3 – LE MOMENT RÉGULATOIRE AMÉRICAINERREUR ! SIGNET NON DÉFIN
Chapitre 7. Les effets de la politique industrielle de l’encastrement culturel :
l’affaire Mortal Kombat _________________ Erreur ! Signet non défini.
1.
Les conditions de possibilité de la crise : le contrecoup moralErreur ! Signet non défini.
1.1.
1.1.1.
Les périphériques de contrôle : du faire-semblant à l’hyperréalisme virtuelErreur ! Signet non défini.
1.1.2.
La numérisation et les films interactifs _________Erreur ! Signet non défini.
1.2.
2.
La concurrence pour les techniques de rendu graphique _ Erreur ! Signet non défini.
Sexe et violence : la politique éditoriale de Sega contre celle de NintendoErreur ! Signet non défini.
1.2.1.
Le jeu de « baston » : du beat‘em up au jeu de combatErreur ! Signet non défini.
1.2.2.
Les contenus violents ______________________Erreur ! Signet non défini.
La mise en politique_________________________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.
Marketing contre moralel ____________________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.1.
La violence comme produit et le marketing de la violenceErreur ! Signet non défini.
2.1.2.
La réaction de Nintendo : le recours à la morale __Erreur ! Signet non défini.
2.2.
La réception de Mortal Kombat : violence et fascination graphiqueErreur ! Signet non défini.
2.2.1.
La fascination technique : la presse généraliste ___Erreur ! Signet non défini.
2.2.2.
L’intériorisation de la question technique par la presse spécialiséeErreur ! Signet non défini.
2.2.3.
Le début du problème public ________________Erreur ! Signet non défini.
Chapitre 8 –la régulation américaine ________ Erreur ! Signet non défini.
1. La tradition de l’autorégulation américaine : isomorphisme institutionnel et
incorporation culturelle __________________________ Erreur ! Signet non défini.
1.1.
Labellisation et avertissements, du côté de la musique__ Erreur ! Signet non défini.
1.1.1.
La régulation du cinéma ou l’incorporation morale Erreur ! Signet non défini.
1.1.2.
La naissance des Parental Advisory ___________ Erreur ! Signet non défini.
1.2.
Les formes préexistantes de régulation privée des jeux vidéoErreur ! Signet non défini.
1.2.1.
Logiques d’avertissement des premiers jeux : intégration du contrôle comme
dispositif communicationnel ________________________ Erreur ! Signet non défini.
1.2.2.
1.3.
Signalétique des films : la double position de Sega Erreur ! Signet non défini.
De la protection des mineurs à la liberté du marché aux USAErreur ! Signet non défini.
1.3.1.
La publicité des programmes jeunesse : le Children’s Television ActErreur ! Signet non défini.
1.3.2.
La mise au pas des industriels : l’imposition de l’autorégulationErreur ! Signet non défini.
1.3.3.
Vers la division du travail technique de production de la signalétiqueErreur ! Signet non défini
2. Luttes concurentielles pour l’administration des dispositifs de régulation des
contenus en contexte global ______________________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.
L’organisation forcée de l’industrie ______________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.1.
La constitution du syndicat « console » : l’IDSA __ Erreur ! Signet non défini.
2.1.2.
L’association des acteurs du marché du jeu pour ordinateur : la SPAErreur ! Signet non défini.
2.2.
Création contre publication : deux visions du monde de la production des jeux vidéoErreur ! Signet non d
2.2.1.
Deux marchés de plateformes en concurrence ___ Erreur ! Signet non défini.
2.2.2.
Deux visions du produit ____________________ Erreur ! Signet non défini.
2.3.
La technicisation du débat ___________________ Erreur ! Signet non défini.
2.3.1.
La régulation par le marché _________________ Erreur ! Signet non défini.
2.3.2.
Construire la crédibilité : procédure et représentativitéErreur ! Signet non défini.
2.4.
Intégrer les dispositions sociales et culturelles ________ Erreur ! Signet non défini.
2.4.1.
Entre description et prescription : informer le publicErreur ! Signet non défini.
2.4.2.
L’incorporation des dispositions culturelles : catégories d’âge et descripteur.Erreur ! Signet non
PARTIE 4 – L’EXPORTATION DES DISPOSITIFS DE CONTRÔLE
EN EUROPE _________________ ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.
Chapitre 9. L’échec de la régulation française _ Erreur ! Signet non défini.
1. Les conditions de possibilité de la croisade morale : la conflictualisation de
l’environnement informatif _______________________ Erreur ! Signet non défini.
1.1.
Le traitement spécialisé des jeux vidéo ____________ Erreur ! Signet non défini.
1.1.1.
Critique populaire et information consumériste __ Erreur ! Signet non défini.
1.1.2.
La conflictualisation de l’environnement informatifErreur ! Signet non défini.
1.2.
Le travail ordinaire de la comparaison : tisser le réseau cognitifErreur ! Signet non défini.
15
2.
1.2.1.
L’entrée du jeu vidéo dans les industries culturelles et médiatiquesErreur ! Signet non défini.
1.2.2.
Cinéma et jeu vidéo : le travail d’association des critiquesErreur ! Signet non défini.
1.2.3.
La moralité des contenus médiatiques : les jeunes et la violenceErreur ! Signet non défini.
Faits divers et jeux vidéo : une lecture sécuritaire ___ Erreur ! Signet non défini.
2.1.
Les conditions d’une lecture sécuritaire ___________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.1.
Vers une lecture policière ___________________Erreur ! Signet non défini.
2.1.2.
La surexposition de la problématisation des contenus par le Syndicat Général
de Police _______________________________________Erreur ! Signet non défini.
2.2.
3.
Configurations politiques, et montées en généralités ___ Erreur ! Signet non défini.
2.2.1.
La mise en politique : Chevènement et les sauvageons du virtuelErreur ! Signet non défini.
2.2.2.
La montée en moralité dans la presse écrite _____Erreur ! Signet non défini.
2.2.3.
Du côté de la presse spécialisée ______________Erreur ! Signet non défini.
La reconfiguraiton du contrôle par Familles de FranceErreur ! Signet non défini.
3.1.
Une entreprise de normes et de morale contre le monde du jeu vidéoErreur ! Signet non défini.
3.1.1.
Une attaque du monde du jeu vidéo ___________Erreur ! Signet non défini.
3.1.2.
Produire l’accusation de l’immoralité des contenus Erreur ! Signet non défini.
3.2.
Un double relais médiatique __________________ Erreur ! Signet non défini.
3.2.1.
Presse et télévision : accompagnement et renforcementErreur ! Signet non défini.
3.2.2.
La mise en forme du joueur comme enfant _____Erreur ! Signet non défini.
3.2.3.
Le succès de la condamnation morale dans la presse écriteErreur ! Signet non défini.
3.2.4.
La réaction de la presse spécialisée ____________Erreur ! Signet non défini.
3.3.
Mise en politique et débat technique : la signalétique du SELL et la « commission
cassette »____________________________________ Erreur ! Signet non défini.
3.3.1.
La tentative de réponse de l’industrie : la signalétique SELLErreur ! Signet non défini.
3.3.2.
Naissance et mort d’un doublon : la commission cassetteErreur ! Signet non défini.
Chapitre 10 – La régulation Européenne des jeux vidéoErreur ! Signet non défini.
1.
Conditions préalables à la régulation européenne des jeux vidéoErreur ! Signet non défini.
1.1.
Des appels périphériques à réguler les contneus : les recommandations du conseil de
l’Europe ____________________________________ Erreur ! Signet non défini.
1.1.1.
Vers l’autorégulation ______________________Erreur ! Signet non défini.
1.1.2.
L’invocation systématique de la protection de la jeunesse à la protection des
mineurs Erreur ! Signet non défini.
1.2.
Des organisations professionnelles nationales à l’organisation européenneErreur ! Signet non défini.
1.2.1.
Les trois fédérations nationales initiales ________Erreur ! Signet non défini.
2.
1.2.2.
La naissance du syndicat européen ____________ Erreur ! Signet non défini.
1.2.3.
La mise en place du PEGI par l’Union européenneErreur ! Signet non défini.
Construire la reconnaissance publique du dispositif de contrôleErreur ! Signet non défini.
2.1.
La composition du PEGI comme levier à sa reconnaissanceErreur ! Signet non défini.
2.1.1.
Syndicats et éditeurs : le double ancrage du marché européenErreur ! Signet non défini.
2.1.2.
La représentation politiques ou l’européanisation du contrôle par les comitésErreur ! Signet no
2.1.3.
La délégation aux éditeurs de la production des classementsErreur ! Signet non défini.
2.2.
Incorporer les dispositions culturelles locales ________ Erreur ! Signet non défini.
2.2.1.
La signalétique néerlandaise : fondement du PEGI Erreur ! Signet non défini.
2.2.2.
Les premières catégories comme problématisation initialeErreur ! Signet non défini.
2.2.3.
L’adaptabilité de la signalétique comme script des problématisation à venirErreur ! Signet non
PARTIE 5 – L’EXTENSION DU CONTRÔLE : LE MARCHÉ DE LA
PRÉDICATION _______________ ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.
Chapitre 11. Remises en causes des dispositifs par la morale : le cas des
tueries scolaires ________________________ Erreur ! Signet non défini.
1.
Les tueries scolaires : paniques morales et le récit de causalitéErreur ! Signet non défini.
1.1.
Faire sens du tragique par le jeu vidéo : les tueries scolairesErreur ! Signet non défini.
1.1.1.
La production du récit de causalité ____________ Erreur ! Signet non défini.
1.1.2.
Les paniques morales comme mode de mobilisationErreur ! Signet non défini.
1.2.
Les conditions de possibilité de la mise en accusation des jeux vidéoErreur ! Signet non défini.
1.2.1.
Quand le fait divers redistribue les cartes : LittletonErreur ! Signet non défini.
1.2.2.
Controverses sur la théories des effets dans le cas de tueries scolairesErreur ! Signet non défin
1.3.
L’affaire Littleton _________________________ Erreur ! Signet non défini.
1.3.1.
La genèse du récit de causalité _______________ Erreur ! Signet non défini.
1.3.2.
La thèse du conditionnement militaire appliquée aux jeux vidéoErreur ! Signet non défini.
1.3.3.
La réactualisation du débat de 1993 et la circulation globasliée du récit de
causalité Erreur ! Signet non défini.
2.
Deux formes d’action publique pour la gestion des crises moralesErreur ! Signet non défini.
2.1.
L’intégration des dispositions morales par revendeurs américains : une logique de
positionnement dans le monde du jeu vidéo ______________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.1.
2.2.
La participation de revendeurs _______________ Erreur ! Signet non défini.
Les effets de la tuerie d’Erfurt : la morale faite loi ____ Erreur ! Signet non défini.
17
Chapitre 12 – La responsabilité parentale comme consécration d’une vision
du contrôle par le marché ________________ Erreur ! Signet non défini.
1.
Le sexe et le contrôle des contenus : deux croisades moralesErreur ! Signet non défini.
1.1.
Un usage stratégique de la morale : le cas français ____ Erreur ! Signet non défini.
1.1.1.
Les revendeurs comme intermédiaires _________Erreur ! Signet non défini.
1.1.2.
Politiques de la marge : la bataille de l’Association Française des Revendeurs
Spécialisés ______________________________________Erreur ! Signet non défini.
1.1.3.
1.2.
L’alliance avec Familles de France : un code moral des contenusErreur ! Signet non défini.
L’Européanisation de la panique morale : circulations transnationales et relocalisations
locales _____________________________________ Erreur ! Signet non défini.
2.
1.2.1.
L’espace européen de la circulation de la panique moraleErreur ! Signet non défini.
1.2.2.
La traduction française : alerter par la loi _______Erreur ! Signet non défini.
1.2.3.
Amendement “alerte“ et usage politique de la morale : communiquer par la loi
Produire la responsabilité parentale _____________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.
Recoder l’autorité parentale :une lecture psychologique des pratiquesErreur ! Signet non défini.
2.1.1.
La naissance du problème de la pratique : retour sur l’arcadeErreur ! Signet non défini.
2.1.2.
Construire la remise en cause de l’autorité parentaleErreur ! Signet non défini.
2.1.3.
Mettre en forme le drame de l’addiction ________Erreur ! Signet non défini.
2.1.4.
La routinisation de la demande sociale _________Erreur ! Signet non défini.
2.2.
Le succès de la responsabilité parentale ___________ Erreur ! Signet non défini.
2.2.1.
La publicité professionnelle de la responsabilité parentaleErreur ! Signet non défini.
2.2.2.
Les associations comme relais des dispositifs de contrôle : informer les parents
sur les pratiques du jeu vidéo ________________________Erreur ! Signet non défini.
PARTIE 6. LA NORMALISATION DES CONTENUS DES JEUX
VIDÉO ______________________ ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.
Chapitre 13 : la standardisation des univers de référenceErreur ! Signet non défini.
1.
2.
La standardisation des conditions de production ___ Erreur ! Signet non défini.
1.1.1.
Contrôler un marché de masse : les instruments de la reproductionErreur ! Signet non défini.
1.1.2.
Standardisation de la chaîne de production ______Erreur ! Signet non défini.
1.1.3.
L’intégration de la production dans la publication_Erreur ! Signet non défini.
La standardisation des univers par la technique ____ Erreur ! Signet non défini.
2.1.
Innovations techniques, logiques ludiques __________ Erreur ! Signet non défini.
Erreur
2.1.1.
Contrainte technique : modéliser le terrain de jeu _ Erreur ! Signet non défini.
2.1.2.
Standardisation des modes d’action avec les objets et de navigation dans
l’environnement __________________________________ Erreur ! Signet non défini.
2.2.
Ecrire le monde des jeux vidéo _________________ Erreur ! Signet non défini.
2.2.1.
Lire l’espace du jeu vidéo : Remédiation et pluralité des médiasErreur ! Signet non défini.
2.2.2.
Écrire l’univers du jeu vidéo : transformations professionnelles et
interculturalité ___________________________________ Erreur ! Signet non défini.
2.2.3.
Des univers de référence standardisés _________ Erreur ! Signet non défini.
Chapitre 14. Le conformisme des contenus des jeux vidéo d’actionErreur ! Signet non d
1. L’avatar ludique dans un monde simulé : les capacités transformatives comme
pouvoir ______________________________________ Erreur ! Signet non défini.
1.1.1.
L’avatar comme interface ___________________ Erreur ! Signet non défini.
1.1.2.
Points de vue, ressources d’action ____________ Erreur ! Signet non défini.
1.2.
2.
Pouvoir dans un monde simulé_________________ Erreur ! Signet non défini.
1.2.1.
Interactivité et gameplay____________________ Erreur ! Signet non défini.
1.2.2.
Simulation et langage des jeux vidéo : le poids des procéduresErreur ! Signet non défini.
1.2.3.
La capacité transformative comme coeur du pouvoir dans les jeux vidéoErreur ! Signet non dé
Des contenus normalisés : héros, ennemis et contexteErreur ! Signet non défini.
2.1.
La surreprésentation des héros américains _________ Erreur ! Signet non défini.
2.1.1.
Héros américains, univers contemporains ______ Erreur ! Signet non défini.
2.1.2.
Les quatre figures du héros _________________ Erreur ! Signet non défini.
2.2.
Rôles des protagonistes dans l’espace social _________ Erreur ! Signet non défini.
2.2.1.
Types de récits et univers de référence _________ Erreur ! Signet non défini.
2.2.2.
Progression et logiques d’augmentation des capacités d’action des militairesErreur ! Signet non
2.3.
L’esthétique de la déviance : une remise en cause relative du monopole de l’usage de la
violence légitime________________________________ Erreur ! Signet non défini.
2.3.1.
Le déviant doublé du marginal : double une labellisationErreur ! Signet non défini.
2.3.2.
Etre déviant dans un monde fictionnel totalitaire : l’esthétique du contrôleErreur ! Signet non d
2.3.3.
Déviance et intertextualité : une mise à distance du politiqueErreur ! Signet non défini.
2.4.
Le suivisme politique et marché de masse __________ Erreur ! Signet non défini.
2.4.1.
Evolution des référentiels des jeux de guerre : prégnance du contexte
contemporain____________________________________ Erreur ! Signet non défini.
2.4.2.
Technologisation et subjectivisation de la guerre : marquage d’un discours
idéologique _____________________________________ Erreur ! Signet non défini.
2.4.3.
Eviter tout sujet politique ___________________ Erreur ! Signet non défini.
19
Chapitre 15. GTA IV et la critique du rêve américainErreur ! Signet non défini.
1.
La production du sens dans GTA IV ____________ Erreur ! Signet non défini.
1.1.
Ecrire GTA IV : espaces de jeux et narration dans GTA IVErreur ! Signet non défini.
1.1.1.
GTA IV : Pac-man et Space invaders en 3D _____Erreur ! Signet non défini.
1.1.2.
Architecture ludo-narrative du jeu : naviguer dans la narrationErreur ! Signet non défini.
1.2.
Faire sens du rêve américain : terrain de jeu et énonciation de la critiqueErreur ! Signet non défini.
1.2.1.
Liberty City comme dispositif d’énonciation plurielle de la critiqueErreur ! Signet non défini.
1.2.2.
L’environnement médiatique : énonciations polyphoniques du rêve américain
1.2.3.
La familiarité de Liberty City : congruence avec l’environnement médiatique et
économique : ____________________________________Erreur ! Signet non défini.
2.
Mobilité et capacité transformative : la distance comme critiqueErreur ! Signet non défini.
2.1.
La carrière de Bellic : déviance et marginalité _______ Erreur ! Signet non défini.
2.1.1.
Carrière de criminel et histoires de famille ______Erreur ! Signet non défini.
2.1.2.
Fréquenter liberty city : centre et périphérie comme matérialisation de la
marginalisation ___________________________________Erreur ! Signet non défini.
2.2.
Economie politique de Liberty City : l’incapacité transformativeErreur ! Signet non défini.
2.2.1.
La surdétermination par les ressources ludiques __Erreur ! Signet non défini.
2.2.2.
Le rêve américain de la consommation _________Erreur ! Signet non défini.
2.2.3.
Capital et patrimoine acquis par Niko Bellic : l’argent comme marqueur de
l’ascension sociale_________________________________Erreur ! Signet non défini.
2.3.
L’impossible désengagement final : individualisme, famille et rêve américainErreur ! Signet non défini.
CONCLUSION GÉNÉRALE_______ ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.
Bibliographie _________________________ Erreur ! Signet non défini.
Ludographie ______________________________________________ 80
ANNEXE 1 : LISTES DES JEUX D’ACTION CONSTITUANT LA BASE
DE DONNÉES (1999 – 2009) ___________________________ 84
Erreur
Table des figures
Figure 1 - Capture d'écran, Space Invaders, 1978 ______ Erreur ! Signet non défini.
Figure 2 - Borne d'arcade Space Invaders, 1978 ______ Erreur ! Signet non défini.
Figure 3 - Plaquette de présentation du jeu Asteroids __ Erreur ! Signet non défini.
Figure 4 – Publicité du jeu, Death Race, Exidy, 1976 ___ Erreur ! Signet non défini.
Figure 5 – Image du jeu, Death Race, Exidy, 1976 ____ Erreur ! Signet non défini.
Figure 6 - Ecran de jeu, Red Baron, Atari, 1981 ______ Erreur ! Signet non défini.
Figure 7 - Jaquette de jeu Custer's Revenge, Mystique, 1982Erreur ! Signet non défini.
Figure 8 - avertissement et utilisation du logo Atari, Custer's Revenge, 1983Erreur ! Signet non défini.
Figure 9 - Burning Desire/Jungle Fever, Playaround, visuel de la cartouche pour Atari
2600_______________________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 10 – Comparatif : à gauche, General Re-Treat, Playaround, 1983. A droite,
Westward Ho!, Playaround, 1983 _____________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 11 - Publicité Megadrive, l'arcade à la maison __ Erreur ! Signet non défini.
Figure 12- Évolution de la quantité de titres sortis sur la Megadrive (1989 - 1998)Erreur ! Signet non
Figure 13 - Nombres cumulé de jeux par genres sur Megadrive (1989 - 1998)Erreur ! Signet non déf
Figure 14 - évolution des catégories sports, combat et plate-forme, Megadrive (1989 –
1998) ______________________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 15 - Publicité sports, 1989, « La Megadrive de Sega, un nouveau monde entier de
balle » ______________________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 16 - Exemples de publicités comparatives produites par Mattel, 1981 – 1983Erreur ! Signet no
Figure 17 - Publicité comparative d'Atari, en réponse à celle de MattelErreur ! Signet non défini.
Figure 18 - Publicité Moonwalker, Sega, 1991 ______ Erreur ! Signet non défini.
Figure 19 - Publicité comparative Sega, Nintendo ____ Erreur ! Signet non défini.
Figure 20 - Publicité, “Blast Processing”, Sega, 3 janvier 1993Erreur ! Signet non défini.
Figure 21 - Mise en scène de l'installation du dispositif vidéoludique, Publicité Odyssey,
1973_______________________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 22 - Publicité française Odyssey, 1973. Source Ralph BaerErreur ! Signet non défini.
Figure 23 - Papa, concentré _________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 24 - La fillette, à l'aise ________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 25 - l'aventurier, publicité pour le jeu Toutankham, Parker, 1982Erreur ! Signet non défini.
Figure 26 - Publicité, Videopac, Philips, 2 novembre 1983Erreur ! Signet non défini.
21
Figure 27 - Publicité Atari, 12 décembre 1982 ______ Erreur ! Signet non défini.
Figure 28 - Publicité Punch Out!, Nintendo, 1990 ___ Erreur ! Signet non défini.
Figure 29 - Publicité Master System, 1er décembre 1992 Erreur ! Signet non défini.
Figure 30 - Punk frappant la cartouche de jeu, Publicité Megadrive, Sega, 1991Erreur ! Signet non défini
Figure 31 - Publicité Popeye, Parker, 1983. Mise en abîme et récit transmédiatiqueErreur ! Signet non défi
Figure 32 - Compétition père – fille ____________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 33 - « Aller, laisse gagner papa gagner » _____ Erreur ! Signet non défini.
Figure 34 – « La pratique collective masculine du jeu vidéo », Publicité Nes, 1er septembre
1987, 33 secondes ______________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 35 – « Séquence de décollage de la maison. », Publicité Nes, 1er septembre 1987, 33
secondes ____________________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 36 - Publicité Punch Out, Nintendo, 1er novembre 1989, 33sErreur ! Signet non défini.
Figure 37- Publicité Nes, Nintendo, 1er sept. 1987, durée 33sErreur ! Signet non défini.
Figure 38 – Publicité lancement Super Nintendo : la puissance du dispositif prend le
contrôle de l’individu, qui se transforme en machine __ Erreur ! Signet non défini.
Figure 39 - Anthropomorphisation de la télévision, publicité master system, SegaErreur ! Signet non défin
Figure 40 - Jeux vidéo violents et violence des jeux vidéo dans le corpus de textes
américains ___________________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 41 - Traitement médiatique des "jeux vidéo", corpus françaisErreur ! Signet non défini.
Figure 42 - Traitement médiatique : Violence et jeux vidéo, presse nationale, corpus
français ____________________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 43 - reportages sur le jeu vidéo, global, journaux télévisés, FranceErreur ! Signet non défini.
Figure 44 - reportages sur le jeu vidéo, répartition par journaux télévisés, franceErreur ! Signet non défin
Figure 45 - Reportages de journaux télévisés sur la violence des jeux vidéo et les jeux vidéo
violent, corpus français ___________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 46 - Publicité presse, Adaptation Nes de Double Dragon, 1988Erreur ! Signet non défini.
Figure 47 - Message d'introduction, Mortal Kombat, Megadrive, 1993Erreur ! Signet non défini.
Figure 48 - Chiller, Arcade, 1986. _____________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 49 - Chiller, Nes, 1990 _______________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 50 – Nombre des occurrences des mots-clefs, 1993 – 1994, corpus américainErreur ! Signet non dé
Figure 51 - Médiatisation de Night Trap de décembre 1992 à décembre 1995 dans la presse
américaine, corpus américain ________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 52 - Médiatisation de Mortal Kombat de décembre 1992 à décembre 1994, corpus
américain ____________________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 53 - Comparatif Night Trap (bleu) et Mortal Kombat (rouge), corpus américainErreur ! Signet no
Figure 54 - classification et jeux vidéo, corpus américain Erreur ! Signet non défini.
Figure 55 - Pictogrammes Sega, édictés par le Videogame Rating CounselErreur ! Signet non défini
Figure 56 - signalétique 3DO ________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 57 - signalétique informative de la FDA _____ Erreur ! Signet non défini.
Figure 58 - Couvertures de la presse spécialisée sur l’épilepsieErreur ! Signet non défini.
Figure 59 - Violence jeux vidéo - Affiliation partisane - 11ème législatureErreur ! Signet non défini
Figure 60 - Ganja Farmer, Evilx, 1998 ___________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 61 - Phantasmagoria, Sierra On-Line, 1995. ____ Erreur ! Signet non défini.
Figure 62 - Sanitarium, ASC Game, 1998 _________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 63 - Carmageddon, Stainless Game, 1997 ______ Erreur ! Signet non défini.
Figure 64 - Nouveaux logos pour la signalétique SELL, juin 1999Erreur ! Signet non défini.
Figure 65 - Evolution du nombre de register coders (sur la base de données ISFE)Erreur ! Signet non
Figure 66 - logos des catégories d'âge ___________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 67 - Evolution du nombre de critères pour le descripteur "violence"Erreur ! Signet non défin
Figure 68 - Singles (Montechristo, 2006) _________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 69 - Mod Hot coffee, GTA San Andreas, Rockstar, 2005Erreur ! Signet non défini.
Figure 70 - Couverture sur Rule of Rose _________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 71 - Illustrations du jeu Rule of Rose (505 Games, PS2, 2006)Erreur ! Signet non défini.
Figure 72 - Traitement médiatique : Addiction et jeux vidéo, corpus françaisErreur ! Signet non défi
Figure 73 - Action Innocence, septembre 2006 _____ Erreur ! Signet non défini.
Figure 74 – Ensemble des calques à poser sur l'écran de télévisionErreur ! Signet non défini.
Figure 75 - Mario Bros, Nes ________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 76 - Defender, Atari, 1982 _____________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 77 - item livre dans Oblivion, Bethesda, 2006 ___ Erreur ! Signet non défini.
Figure 78 – interface document livre ouvert, Oblivion, Bethesda, 2006Erreur ! Signet non défini.
Figure 79 – Publicités murales, Bioshock, 2008 _____ Erreur ! Signet non défini.
Figure 80 - Personnages portant propagande, Bioshock : infinite, 2012Erreur ! Signet non défini.
Figure 81 - Call of duty Modern Warfare 2 - Abri bus avec afficheErreur ! Signet non défini.
Figure 82 - traces d'un conflit, Uncharted 2, Naughty Dogs, 2009Erreur ! Signet non défini.
Figure 83 - Jefferson's Memorial, Fallout 3, 2010_____ Erreur ! Signet non défini.
23
Figure 84 - XIII, Ubisoft, 2003 ______________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 85- Okami, Capcom, 2008 _____________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 86 - référentiels des univers de l'action ______ Erreur ! Signet non défini.
Figure 87 - Nationalité du héros dans les mondes contemporains et futuristesErreur ! Signet non défini.
Figure 88 – Jaquette de Medal of Honour: Resistance, Dreamworks Interactive, Sony
Playstation, 2000 ______________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 89 - Répartition des protagonistes à incarener _ Erreur ! Signet non défini.
Figure 90 - Répartition de la fonction du héros dans l'espace socialErreur ! Signet non défini.
Figure 91 - Rencontre avec Kennedy, au Pentagone, Call of Duty: Black Ops, 2010Erreur ! Signet non déf
Figure 92 -La première quête d'Oblivion (Bethesda, 2007)Erreur ! Signet non défini.
Figure 93 - Place dans la hiérarchie en fonction de l'univers de référenceErreur ! Signet non défini.
Figure 94 - Rapport du joueur face au monopole de la violence légitimeErreur ! Signet non défini.
Figure 95 - Répartition de l'ennemi en fonction de la déviance des hérosErreur ! Signet non défini.
Figure 96 – Séquences de jeu dans Mirror’s Edge _____ Erreur ! Signet non défini.
Figure 97 – Interface de choix des améliorations ____ Erreur ! Signet non défini.
Figure 98 – utilisation d’une amérlioration physique ( _ Erreur ! Signet non défini.
Figure 99 - Artwork figurant le héros ___________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 100 - Architecture art-déco de Rapture, Introduction, BioshockErreur ! Signet non défini.
Figure 101 - Iconographie représentant la menace de l'interventionnisme étatique, Bioshock,
Cinématique d’introduction ________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 102 - Évolution des référentiels des mises en scènes du conflit (données brutes)Erreur ! Signet non
Figure 103 - Evolution des référentiels des mises en scènes du conflit (données relatives)Erreur ! Signet no
Figure 104 - Evolution de la nationalité des ennemis américainsErreur ! Signet non défini.
Figure 105 - Desert Storm 2 - back to Bagdad (Pivotal Games, 2003)Erreur ! Signet non défini.
Figure 106 - Séquence de tir depuis hélicoptère _____ Erreur ! Signet non défini.
Figure 107 - Ecran de présentation d’une mission de jeu Erreur ! Signet non défini.
Figure 108 - séquence du documentaire _________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 109- Répartition du statut de l'ennemi ______ Erreur ! Signet non défini.
Figure 110- arrivée à Damas, partie 1 - chapitre 1____ Erreur ! Signet non défini.
Figure 111 - Phase d'infiltration ______________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 112- Bombardement, Call of duty Modern WarfareErreur ! Signet non défini.
Figure 113 - Chase HQ, Taito, arcade, 1988 _______ Erreur ! Signet non défini.
Figure 114 - Death Race, Exidy, Arcade, 1976 _____ Erreur ! Signet non défini.
Figure 115 - Destruction Derby, Reflection/Spygnosis, PC et Playstation, 1995Erreur ! Signet non d
Figure 116 - cascade GTA IV, changement de caméra pour une esthétisation de l'actionErreur ! Signet
Figure 117 - vol de voiture avec explusion du passager _ Erreur ! Signet non défini.
Figure 118 – Exposition narrative et objectifs de jeux _ Erreur ! Signet non défini.
Figure 119 – choix du moyen de transport ________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 120 première phase de réalisation : conduite vers le point de rendez-vousErreur ! Signet non d
Figure 121 – Arrivée au point de rendez-vous. Tournant narratifErreur ! Signet non défini.
Figure 122 – Fuite ______________________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 123 – Retour au point d’extraction / validation et fin de la missionErreur ! Signet non défin
Figure 124 - répartition des entreprises dans GTA IV, en fonction des secteurs d'activitéErreur ! Signe
Figure 125 - Circulation du joueur dans le temps, en fonction du scénarioErreur ! Signet non défin
Figure 126 - introduction GTA IV _____________ Erreur ! Signet non défini.
Figure 127 - magasin Russe, pour immmigrants _____ Erreur ! Signet non défini.
Figure 128 – Magasin Modo, classes moyennes _____ Erreur ! Signet non défini.
Figure 129 - Perseus, pour classes supérieures ______ Erreur ! Signet non défini.
25
Table des tableaux
Tableau 1- Comparatif des dialogues dans Doom ___ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 2- Travail graphique de censure des jeux par NintendoErreur ! Signet non défini.
Tableau 3 - L’art de bien tenir sa manette, Publicités françaises, Atari, 1982Erreur ! Signet non défini.
Tableau 4 - Publicité française Vidéopac, Philips, 2 et 15 novembre 1982Erreur ! Signet non défini.
Tableau 5 - Séquence d’introduction de la cartouche __ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 6 - L’offre de programmes, publicités, Atari, 1982 – 1983Erreur ! Signet non défini.
Tableau 7 - Publicité Toutankham, Synopsis abrégé et commentéErreur ! Signet non défini.
Tableau 8- Publicité Atari, 1er janvier 1982. Déroulé des séquencesErreur ! Signet non défini.
Tableau 9- Mise en scène de la famille dans la publicité d’Atari, 12 décembre 1982Erreur ! Signet non défi
Tableau 10 - Les pièges de la Megadrive _________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 11- Travail corporel de l'acteur sur des effets comiques et burlesquesErreur ! Signet non défini.
Tableau 12- Portrait des joueurs interviewés – Publicité Mega-CD, 23 mai 1993Erreur ! Signet non défini
Tableau 13 - Publicité Mega-CD, coupes et plans____ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 14 - Journal télévisé, 23 décembre 1977 ____ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 15 - JT 20h, IT1, mercredi 21 décembre 1983 _ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 16- déroulé du reportage sur le jeu sur l'intifada, JT IT1 20h, 28 mai 1989, durée
1minute 35 __________________________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 17 - Envoyé Spécial, 1990, sur le pouvoir, 22 février 1990 - Reportage « Jeu
Vidéologie. », durée 7 min 13 _______________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 18 - alternances d’images du jeu « Opération Jupiter » et d’images d’archives d’un
entraînement du GIGN ___________________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 19- Publicité Nintendoscope, 1991 _______ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 20- Night Trap, Digital Picture, 1992 ______ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 21– Circulation des différents jeux de combats Erreur ! Signet non défini.
Tableau 22 - Évolutions des beat’em all, 1984 – 1989 _ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 23 - Street of Rage, environnements de jeu __ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 24 - Figuration de la violence dans les premiers FPSErreur ! Signet non défini.
Tableau 25 - Introduction, Street Fighter 2, Arcade, 1992. Durée 11s.Erreur ! Signet non défini.
Tableau 26 Publicité française Mortal Kombat : mise en forme de l’attente du publicErreur ! Signet non dé
Tableau 27 - comparatif des trois versions de Mortal KombatErreur ! Signet non défini.
Tableau 28 - Question relatives à l’age, Leisure Suit Larry Erreur ! Signet non défini.
Tableau 29- récapitulatif RSAC _______________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 30- Descripteur des catégories de contenu du RSACErreur ! Signet non défini.
Tableau 31 - pictogrammes des tranches d'âges de l’ESRBErreur ! Signet non défini.
Tableau 32 - Evolution des descripteurs de l'ESRB ___ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 33 - Ca se discute, 26 septembre 1994 - Travail de mise en scène esthétisant du jeu
vidéo ______________________________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 34 - Illustration jeune enfant jouant à GTA. __ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 35 - Reportage, Journal télévisé, 20h, France 2, 12 janvier 1998Erreur ! Signet non défini.
Tableau 36- Jeux incriminés par Familles de France___ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 37 - Évolution de la mise en forme du joueur _ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 38- Classification du Video Standard Counsil _ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 39 - Les Associations nationales et éditeurs membres de l'ISFEErreur ! Signet non défini.
Tableau 40 - Advisory Board 2003 - 2005 ________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 41 - Advisory Board, 2005 - 2009 ________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 42- Descripteurs du Kijkwijzer __________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 43 - Descripteurs du PEGI ____________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 44- Evolution des critères du PEGI _______ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 45 - Technicisation des catégories ________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 46- Jaquette des jeux au contenu moral répréhensibleErreur ! Signet non défini.
Tableau 47 - Le Label Familles de France ________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 48 - Déroulé "Driss, accro aux jeux vidéo", Ca se discuteErreur ! Signet non défini.
Tableau 49- Mise en scène de la violence au sein de la familleErreur ! Signet non défini.
Tableau 50 - La mise en scène de "l'addict", Reportage, France 2, 12 décembre 2007Erreur ! Signet no
Tableau 51 - Metascore Modern Warfare _________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 52 - Premiers terrains de jeu, écran fixe _____ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 53 - touches de contrôle génériques pour les FPSErreur ! Signet non défini.
Tableau 54 - Affiches politiques comme élément de décor et d'ambianceErreur ! Signet non défini.
Tableau 55 - Ensemble de rendu photo-réaliste - "Comparatif réalité - Crysis"Erreur ! Signet non dé
Tableau 56 - Exemple de rendu graphique en cell-shadingErreur ! Signet non défini.
Tableau 57- les différents points de vue __________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 58 - Deus Ex: Human Revolution ________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 59 - Bioshock, une esthétique du contrôle ___ Erreur ! Signet non défini.
27
Tableau 60 - Évolution des scénarii ____________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 61 - Récapitulatif des jeux de guerre contemporaine en 2003Erreur ! Signet non défini.
Tableau 62- Delta force : Black Haw down, Novalogic, Ubisoft, PC, 2003 – IllustrationsErreur ! Signet non
Tableau 63- Phases de gamepay, Assassin's Creed, Ubisoft, 2007Erreur ! Signet non défini.
Tableau 64 - Illustrations des jeux de course poursuite précédant GTAErreur ! Signet non défini.
Tableau 65 – Vision schématique de la répartition des missions à choisir pour le joueurErreur ! Signet non
Tableau 66 - déroulé type d'une mission _________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 67 - La caricature des bâtiments _________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 68 - Médias écrits _________________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 69 - Republican Space Rangers _________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 70 - références sémiotiques à la Fox ______ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 71 - Affichages publicitaires détournant les séries télévisées à succèsErreur ! Signet non défini.
Tableau 72 - Evolution des socialisations, graphe social, partie 1 : centralité de Roman
Bellic ______________________________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 73 - Mission Roman's Sorrow __________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 74- Mission "hostile negotiations" _______ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 75 - Découverte de l'appartement de Roman _ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 76 - Evolution des sommes gagnées et des modalités d'acquisisiton de l'argentErreur ! Signet non d
Tableau 77 - Évolution des gains cumulés et gains moyens selon les parties du jeu (en
dollars) _____________________________ Erreur ! Signet non défini.
Tableau 78- magasins d'habillement dans GTA IV ___ Erreur ! Signet non défini.
Introduction
29
Au début de l’année 2010, Hugo Chavez, désignant la console de jeu PlayStation accuse les
jeux vidéo d’apprendre aux enfants à lancer des bombes et à se servir des armes1 : « Ces
jeux appelés "Play Station" sont un poison. Il y a des jeux qui vous apprennent à tuer. Une fois ils en ont
fait un avec mon visage, il faut chercher Chavez pour le tuer. » 2 Le jeu vidéo incriminé par le
Président vénézuelien est une production de l’éditeur américain Electronic Arts, Mercenaries
2 : L’enfer des favelas, dans lequel le joueur incarne un mercenaire qui doit renverser le
dictateur, non pas pour des questions d’idéal politique ou d’aspirations à la démocratie,
mais parce que le président vénézuelien n’a pas honoré son contrat, c’est-à-dire n’a pas
payé le joueur. Si le contexte du jeu est politique – un coup d’Etat – qu’il se déroule dans
un pays réel – Caracas, au Vénezuela – il n’en demeure pas moins qu’il s’agit avant tout
d’une histoire de vengeance personnelle où le joueur incarne un individu apolitique.
Le choix de contextualiser l’action au Venezuela est le fait d’une pluralité de déterminants
exogènes et endogènes à la production matérielle des jeux vidéo. D’un point de vue
culturel, l’Amérique latine et ses dictateurs alimentent la littérature, le cinéma et les jeux
vidéo, il s’agit ainsi d’un terrain classique des fictions d’action et d’aventure. Politiquement,
le Venezuela et les Etats-Unis entretiennent des relations tendues, et la possibilité du coup
d’Etat s’inscrit dans l’histoire politique de l’interventionnisme nord-américain sur le
continent Latino-américain, tout en permettant de réactiver les références du complot
développées dans les œuvres culturelles populaires. L’articulation entre ces références
partagées et le contexte d’actualité offre ainsi des « raccourcis » et permet l’immersion
rapide du joueur, qui fait ainsi l’économie de l’apprentissage d’un univers. D’un point de
vue technique, la jungle est propice à la modélisation d’un terrain de jeu de grande
superficie sans pour autant nécessiter un travail coûteux de design – les arbres peuvent être
générés automatiquement. Du point de vue de la production, des jeux à succès du même
genre ont établi leur action dans la jungle. Aussi, dans une logique de reproduction des
productions qui fonctionnent, l’Amérique Latine devient aisément un nouveau terrain de
jeu – ce qui par ailleurs permet de trancher avec des univers de référence vidéoludiques
surreprésentés comme le Moyen-Orient ou la Seconde Guerre Mondiale. Enfin, d’un point
de vue marketing, tout un travail de communication a été entrepris pour « politiser » la
sortie de ce jeu, ou du moins profiter de la surexposition du politique en période électorale
Chavez (Hugo) « Alo Presidente », Emission télévisée officielle.
http://www.liberation.fr/monde/0109614368-chavez-veut-nationaliser-des-supermarches-et-critique-laplaystation
2 “Chávez: videojuegos de Play Station son un "veneno" que promueve capitalismo, Agence France Press”,
Espagne, 17 janvier 2010
1
pour capter l’attention du public et des médias. Ainsi, le "développeur" du jeu Pandemic
Studio, a promis qu’il serait possible, par une "mise à jour " ultérieure, de jouer avec Barack
Obama et Sarah Palin. En Angleterre, Electronic Arts a adopté une stratégie différente avec
son opération « free petrol », en offrant 20 000 pounds d’essence aux premiers arrivés dans
une station service de Londres - ce qui a provoqué des embouteillages importants - attirant
la colère des députés locaux condamnant ce « coup médiatique »
3
et « l’attitude
irresponsable de l’éditeur » 4. Au Venezuela, cet épisode a conduit les parlementaires à légiférer afin d’interdire , « la fabrication, l'importation, la distribution, l'achat, la vente, la location et
l'usage de jeux vidéo et de jouets guerriers »5 sous peine de trois ans d’emprisonnement. Les débats parlementaires ont été dominés par la rhétorique de l’impérialisme américain des députés, couplée à la dénonciation de la violence, dans le cadre du programme gouvernemental de la « culture de la non violence ».
De même, en plein contexte d’affrontement avec les forces internationales, le groupe islamiste armé Hezb al-Islam a récemment condamné les jeux vidéo pour leur influence sur
les traditions locales somaliennes : « Les jeux vidéo sont conçus de façon à détruire nos traditions sociales et pour cette raison, toute personne trouvée ignorant cet ordre [de ne pas y jouer] sera punie et les
équipements seront confisqués. » 6 Enfin, dernièrement, le game designer du jeu Kuma/war accusé
d’être un espion américain a été arrêté et condamné à mort par l’Iran7 suite à la mission
« Assault on Iran » qui propose au joueur d’incarner un soldat des forces spéciales américaines chargé d’infiltrer les installations nucléaires Iraniennes de la ville de Natanz8. Le jeu
a été considéré comme une arme de propagande par le gouvernement Iranien9.
Ces différentes réactions politiques traduisent de manière, certes exacerbée, une réelle méfiance à l’encontre des jeux vidéo. En en faisant les vecteurs de l’impérialisme, des outils de
propagande, ces différentes lectures produisent une définition du jeu vidéo comme média
« News », BBC, 5 septembre 2009. Disponible en ligne sur :
http://www.youtube.com/watch?v=P4lHweGeLiE&feature=player_embedded#!
4 Irvine (Chris) « Free petrol stunt causes chaos », Telegraph, 05 Septembre 2008 Disponible en ligne sur :
http://www.telegraph.co.uk/motoring/2754389/Free-petrol-stunt-causes-chaos.html
5 « Sancionan ley que prohíbe videojuegos bélicos », Assemblée nationale, 29 décembre 2009. Disponible en
ligne sur :
http://www.asambleanacional.gob.ve/index.php?option=com_content&task=view&id=23397&Itemid=27
6 Mustafa Haji Abdinur, « Somalia Islamist group bans video games », AFP, 28 janvier 2009
7 Gladstone (Rick) et Morris (Harvey), « Iran Imposes Death Sentence on U.S. Man Accused of Spying », The
New York Times, 9 jnvier2012
8 « Présentation de la mission 58 : Assault on Iran », Kuma/War, Kuma Reality Games, 2005.
http://www.kumawar.com/assaultoniran/overview.php
9 « CIA spy: U.S. sought to prevent Iran from being a model in Mideast », Tehran Times, 19 décembre 2011.
Disponible en ligne sur :
http://www.tehrantimes.com/component/content/article/93702
3
31
politique. Ces théories des effets des jeux vidéo ne sont pas pour autant nouvelles et semblent même concomitantes du processus de massification de la pratique du jeu vidéo. Celui-ci est souvent « lu » en effet au prisme de thèses sur l’hégémonie des médias ou sur
leurs effets directs et indifférenciés. La rhétorique de l’impérialisme culturel est partagée
par des mouvements politiques assez différents, de même que par certains critiques de jeu
vidéo, à l’image de Tony Fortin10.
Paradoxalement, ce ne sont pas tant les jeux vidéo incriminés par le personnel politique et
les associations, qui ont fait l’objet d’études approfondies, que des jeux de stratégie sur ordinateur, notamment la série Civilization, qui a donné lieu aux premières approches sur le
contenu des jeux vidéo11. Certains chercheurs se sont ainsi intéressés aux représentations
de l’hégémonie post-coloniale dans les jeux vidéo12, notamment aux techniques de conquête inspirées de la colonisation dans les jeux de stratégie13 ou bien à la figuration d’un
espace ludique postcolonial14. Ainsi pour le sociologue Laurent Trémel, Civilization est un
support de l’idéologie néolibérale15 tandis que pour John Crowley, directeur exécutif du
Centre interdisciplinaire de recherche comparative en sciences sociales, de tels jeux sont
anti-démocratiques dans la mesure où l’« imaginaire des jeux démiurgiques ne laisse […] aucune
place à la démocratie, du fait de l’impossibilité structurelle d’y figurer une collectivité auto-instituée » 16 .
Pour Sisler Vit, chercheur en nouveaux médias, spécialisé du Moyen-Orient, les mises en
scènes des peuples arabes correspondent à des stéréotypes forts directement issus d’un récit global sur le monde arabe produit par l’Occident17. Cette logique de reproduction de
stéréotypes a été analysée par les chercheurs canadiens en sciences de l’information et de la
communication Stephen Kline, Nick Dyer-Montford et Greg De Peuters, qui relèvent que
les figures du héros et les thèmes déployées produisent et reproduisent un imaginaire de la
Fortin (Tony), « Guerres à la portée de tous », Le Monde Diplomatique, juillet 2007, p. 27
Fortin (Tony), « Cyberwar : figures et rhétorique des jeux vidéo de guerre », Revue des sciences sociales, n° 35,
Paris, 2006, p. 104-111.
11 A l’exception notable du travail d’Eugen Provenzo de 1992 sur les Nintendo Kids, sur lequel nous
reviendrons ultérieurement
12 Dillon (Beth A.), “Signifying the West: Colonialist Design in Age of Empires III: The WarChiefs”,
Eludamos. Journal for Computer Game Culture. 2008, vol. 2, n°1, p.129-144
13 Lammes (Sybille), « Postcolonial Playgrounds: Games as postcolonial cultures », Eludamos. Journal for
Computer Game Culture, 2010, vol. 4, n°1, p. 1-6
14 Magnet (Shoshana), “Playing at Colonization. Interpreting Imaginary Landscapes in the Video Game
Tropico”, Journal of Communication Inquiry, vol. 30, n°2, 2006, p. 142-162
15 Trémel (Laurent), Faiseurs de Mondes, Pari, PUF , 2001
16 Crowley (John), « L’imaginaire politique des jeux vidéo », Critique internationale, 2008, n° 38, pp. 73-90, p.
80
17 Sisler (Vít), « Digital Arabs : Representation in video games », European Journal of Cultural Studies, 2008, vol.
11, n°2, pp. 203 - 219
10
« masculinité militarisée »18. Dans leur dernier ouvrage Dyer-Montford et De Peuters considèrent aussi les jeux vidéo comme « un media paradigmatique de l’Empire – planétaire, militarisé
et hypercapitaliste. »19 Ces approches en termes d’impérialisme politique et économique interrogent ainsi la fonction de ces jeux vidéo dans un système qui serait globalisé.
Du côté des publics de joueurs, les contenus de jeux vidéo soulèvent de vives réactions de
la part d’un ensemble d’acteurs sociaux et politiques, comme par exemple en France. Si
l’on songe aux déclarations de Ségolène Royal ou de Nadine Morano sur les dangers des
jeux vidéo, aux condamnations morales des associations familialistes comme Familles de
France ou au travail de sensibilisation des associations progressistes comme Action innocence et E-Enfance, il apparaît la même croyance sur les effets des jeux vidéo, soit en
terme de violence, soit en terme d’addiction : les concepteurs et éditeurs sont qualifiés de
« marchands de violence »20 ou produisent des « vidéo drogues »21. Cette croyance semble
bien dépasser les appartenances partisanes comme le montre l’analyse de la répartition partisane des propositions de loi pour régler ces questions22.
Toutes ces définitions du jeu vidéo produisent un ensemble de lectures visant à lui conférer des fonctions sociales spécifiques. A propos de la dénonciation de l’industrie, cette posture est somme toutes classique pour Tony Bennett, professeur de sociologie, qui souligne
l’importance de l’approche de l’école de Francfort dans l’étude des produits de l’industrie
culturelle23. Si l’on suit le politiste Pierre Favre, la connaissance des images est complexe :
« dans l’univers des images, la formulation de propositions est sous la dépendance des données sensibles.
Pour paraphraser Marx, la pensée cherche à s’approprier ici l’image de la seule façon qui lui soit possible,
par l’élaboration de concepts, mais l’image demeure quoi qu’on fasse irréductible à ces concepts abstraits,
puisqu’elle est une donnée perçue par l’œil, un élément concret appartenant à la réalité physique. »24 Selon
une logique comparatiste, l’approche du sociologue fondateur des cultural studies anglosaxonnes Raymond Williams a le mérite de réinscrire fortement les discours sociaux sur
Kline (Stephen), Dyer-Whiteford (Nick) et de Peuters (Greig), Digital Play. The interaction of Technology,
Culture and Marketing, McGill-Queen’s University Press, 2003
19 Dyer-Whiteford, De Peuters (Greg), Games of empire, University of Minnesota Press, 2009, p. XV
20 Joffrin (Laurent) « Les marchands de violence », Nouvel Observateur, n°1799, juin 1999
21 Sarraute (Claude), « Vidéo drogue », Le Monde, 27 février 1993
22 Voir ultérieurement p. XXX
23 Bennnett (Tony), “The politics of the “popular” and popular culture”, in Bennett (Tony), Mercer (Colin),
Woollacoot (Janet), Popular culture and social relations, Myltin Keynes, UK, Open university press, 1986, p. 6 21
24 Favre (Pierre), « Foule ouvrière et manifestation ouvrière. Étude comparée de deux représentations, et de
quelques autres », in Favre (Pierre), Fillieul (Olivier), Jobard (Fabien), L'atelier du politiste, La Découverte « Recherches/Territoires du politique », 2007, p. 277-295, P. 284
18
33
les médias et technologies dans la pratique 25, à la fois comme consommations du bien, et
comme problème réglé par différentes instances. Pour Williams, ces instances sont politiques, économiques et sociales comme productrices de normes et instituent des ordres
symboliques26. Son analyse de la dimension sociale et culturelle de la télévision tente de
mettre en place une analyse des usages sociaux de telles théories. Williams déplace l’analyse
en évacuant le projet d’étudier les effets, qui pour lui ne satisfont pas suffisamment les critères de la preuve scientifique pour se concentrer sur leur place dans l’ordre social 27.
Les discours sont dès lors des marqueurs d’évolutions sociales, tout en étant des éléments
de pouvoir. Raymond Williams propose d’étudier les agencements entre les différents types
d’acteurs. Dans cette logique, l’apport majeur de cette approche consiste à considérer les
discours comme des ressources pour ces acteurs. Dès lors il ne s’agit pas de s’inscrire dans
la sociologie des pratiques du jeu vidéo, mais de quitter ce domaine pour s’intéresser davantage à une sociologie des usages des théories des effets. Nous allons ainsi nous intéresser dans un premier temps aux différents usages sociaux des lectures idéologiques des jeux
vidéo, pour ensuite dans un second temps nous éloigner d’une approche en termes
d’idéologie, pour s’interroger sur la production des problèmes publics.
1.
Usages sociaux des lectures idéologiques des jeux vidéo
Les théories des effets sont alors étroitement liées aux usages sociaux qui ont précédé au
jeu vidéo. Pierre Bourdieu souligne le poids des usages sociaux de la photographie dans les
premières manières de photographier : définie comme un « un art qui imite l’art », la photographie est pensée comme telle non pas en raison de ses spécificités mécaniques (fixation
optique de la lumière), mais plutôt par un rapport à l’image hérité du Quattrocento déterminant les premières manières de photographier.
« Autrement dit, la photographie est un système conventionnel qui exprime l’espace selon les lois
de la perspective (il faudrait dire, d’une perspective) et les volumes et les couleurs au moyen de dégradés du noir et du blanc. Si la photographie est considérée comme un enregistrement parfaitement
réaliste et objectif du monde visible, c’est qu’on lui a assigné (dès l’origine) des usages sociaux tenus
pour « réalistes » et « objectifs ». Et si elle s’est immédiatement proposée avec les apparences d’un
« langage sans code ni syntaxe », bref d’un « langage naturel », c’est avant tout que la sélection
qu’elle opère dans le monde visible est tout à fait conforme dans sa logique, à la représentation du
monde qui s’est imposée en Europe depuis le Quattrocento. »28
Williams (Raymond), Television. Technology and cultural form, Routledge, Londres et New York, 1974, p. 2
Williams (Raymond), Television. Technology and cultural form, Routledge, Londres et New York, 1974, p. 129
27 Williams (Raymond), Television. Technology and cultural form, Routledge, Londres et New York, 1974, p. 122
28 Bourdieu (Pierre), Un art moyen, Minuit, 1965, p. 108 – 109
25
26
Les conditions sociales de réception de la photographie sont donc fortement liées à des
modes de perception et à des codes esthétiques incorporés. En effet, comme a pu
l’analyser Michael Baxandall, spécialiste justement du Quattrocento, le regard sur les œuvres
picturales est le produit d’une construction remontant à l’invention de la perspective en
peinture29. L’éducation de l’œil pose la question du regard sur les jeux vidéo, au double
sens du terme : regard social comme définition même de ce qu’est le jeu vidéo, ce à quoi
participent les différentes lectures du jeu comme un outil de propagande ; regard comme
appréhension cognitive du jeu vidéo, avec comme point de fixation l’écran, dans une logique du voir, et non pas du faire. Le jeu vidéo se rend visible à l’œil par l’écran, mais le
processus même de production des images au sein du dispositif est pourtant un ensemble
d’opérations très particulières. Plus que de l’image, le jeu vidéo est de l’action, souvent mécanique, dans une simulation informatique régie par des principes ludiques. Aussi, voir
l’écran sans voir le jeu relève de l’analyse en « trompe l’œil », comme de déterminer les performances d’une automobile à sa carrosserie ou à l’allure de son pilote. En conséquence,
dire le jeu vidéo par l’écran ou le joueur évacue le fait même que le jeu vidéo existe par
l’articulation du joueur à l’écran30. De la même manière, dans son analyse du premier spectateur de cinéma31, Tom Gunning a montré que les descriptions de cette scène contribuent
à la constitution d’une lecture mythique du bouleversement engendré par le cinéma. A travers ce premier spectateur, happé par la puissance de l’image – cris et malaises provoqués
par le déplacement du train arrivant en gare de la Ciotat – se dessine l’un des mythes fondateurs de la puissance du cinéma comme technique aux effets absolus et directs sur quiconque se serait approché du cinématographe. Or Gunning a bien montré que tout ceci
était un pur artifice : les spectateurs pensant voir une photographie, furent surpris lorsque
l’image se mit à bouger alors qu’ils ne s’y attendaient pas, ce qui provoqua leur stupeur. Au
travers de cet exemple, apparait l’importance des discours sociaux dans la définition d’un
média naissant.
De ce fait, l’ensemble de discours sur l’idéologie nous apparaissent être davantage des réflexes pour donner du sens au nouveau média, qu’une analyse des idéologies des jeux vidéo. Comme le souligne Laura Grindstaff, « les sociologues de la culture voient les systèmes culturels,
29 Baxandall Michael. « L'oeil du Quattrocento », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 40, 1981. pp. 10-49
30 Nous ne nous inscrivons pas dans une démarche esthétique qui définirait la propriété d’un objet en
fonction de ses mécaniques internes, ou de sa perception. Sur ces débats voir :
Schaeffer (Jean-Marie), « Objets esthétiques? », L'Homme, 2004, n° 170, p. 25-45
31 Gunning (Tom), « An aesthetic of astonishment : early film and the (in)credulous spectator », " in Williams
(Linda) dir., Viewing Positions, New Brunswick, Rutgers, 1995, p. 114 – 133
35
les institutions, les objets et les pratiques comme importants en eux-mêmes et non simplement comme des
dérivés ou comme des épiphénomènes d’autres forces sociales. »32 Dès lors, l’étude de l’idéologie des
jeux vidéo fait souvent l’objet de plaquages théoriques, fortement influencés par les analyses d’Adorno et Horkheimer qui condamnaient l’étude des divertissements : « la fusion actuelle de la culture et du divertissement n’entraîne pas seulement une dépravation de la culture, mais aussi
une intellectualisation forcée du divertissement. »33. De ce fait, elle cherche à voir de l’idéologie partout, comme si l’absence de celle-ci ou la prolifération de représentations profanes du
monde politique ne pouvaient légitimer leur recherche sur les divertissements, et ce sans
prendre la peine de définir ni l’idéologie ni ses incarnations dans la rhétorique et la pratique
des jeux vidéo. De la même manière, cette recherche de l’idéologie procède de la croyance
en des effets – effets rarement étudiés par ailleurs – comme si une vision du monde suffisait à engendrer des comportements, débat épineux de la sociologie qui sacralise l’idée et le
verbe ainsi que le résume Michel De Certeau : « Culture de maîtres, de professeurs et de lettrés :
elle tait "le reste" parce qu’elle se veut et se dit l’origine du tout. Une interprétation théorique est donc liée
au pouvoir d’un groupe et à la structure de la société où il a conquis cette place »34 Le poids du verbe et
du savoir savant, de la culture légitime et des corpus institués comme tels contribue à générer cette posture qui s’explique par le déni d’intérêt pour les œuvres populaires et audiovisuelles, qui ne seraient pas suffisamment « substantielles pour répondre au même traitement intellectuel complexe qui est normalement appliqué aux textes canoniques. » 35 , comme le déplore Mikita
Brottman en introduction de High Theory/ Low culture. Déni d’intérêt qui fait courir le risque
de tomber dans la highbrow phallacy déconstruite par Howard Becker36 marquée par l’emploi
de « notions bulldozer » 37 pour Jean-Claude Passeron et Claude Grignon. Comme l’ont
montré Michael Schudson et Chandra Mukerji, les analyses de la culture populaire sont ini-
Laura Grindstaff, « Culture and Popular Culture: A Case for Sociology », The annals of the American Academy
of Political and Social Science, 2008; n°619; p. 206 – 222, p. 208
33 Adorno (Theodor W), Horkheimer (Max), « La production industrielle des biens culturels », La Dialectique
de la raison, TEL Gallimard, 1983, p. 152
34 De Certeau (Michel), « L’architecture sociale du savoir » in La Culture au pluriel, Paris Point Seuil, 1993 p.
147
35 Brottman (Mikita), High Theory / Low culture, Palgrave MacMillan, 2005, P. 12
36 Par Highbrow fallacy est entendu le point de vue éronnée sur la culture populaire produit par
l’appartenance des critiques et analystes aux classes sociales supérieures.
Becker (Howard), 1961, Boys in white: student culture in medical school, 8ème edition, Transaction Publishers, 2004,
p. 11
37 « Le sociologue n’a évidemment plus grand-chose à dire de la culture populaire contemporaine dès lors
qu’il la considère comme une survivance, soit comme le reflet pur et simple de la “ production“, et qu’il fait
donner des “concepts bulldozers“, comme “urbanisation“, “ industrialisation“, “culture de masse“, “société
de consommation“, etc., qui déblaient si énergiquement le terrain qu’on ne distingue rien après leur passage. »
Passeron (Jean-Claude), Grignon (Claude), Le Savant et le populaire, misérabilisme et populisme en sociologie et en
littérature, Paris, Seuil, 1989. P.41
32
tialement le fait des départements d’études littéraires et artistiques, tentant de rendre dans
un premier temps « lisibles » ces objets profanes, mais cédant souvent à la lecture interprétative critique38, avant qu’elles soient entreprises par les sciences sociales39.
Or, en réalité, considérer qu’il y aurait une idéologie dans les jeux vidéo présuppose que
celle-ci soit le produit de groupes politisés et idéologiquement structurés, ce qui implique
un contexte et un espace de production particuliers. Par exemple, dans son analyse des
rapports entre le PCF et les productions cinématographiques, Frédérique Matonti met en
évidence le lien fort entre les tentatives de politisation des cinéastes par le PCF, la critique
comme lecteur et producteur de sens idéologique, et les limites performatives au sein d’une
profession centrée sur des intérêts propres et techniques40. De la même manière, le cinéma
d’Hollywood des années 1930, pouvait effectivement être politisé, notamment autour du
mouvement antifasciste du « front du refus » mais le besoin de « s’assurer l’approbation des
autres segments de la chaîne de production et de réception » 41 tendait au final à produire des représentations politiques moins marquées. Analysant les représentations du monde paysan par
Raymond Depardon, Pascal Reysset souligne qu’elles sont cependant l’objet de constructions sociales impliquant des processus multiples de légitimation du cinéaste42. Dans un
tout autre corpus, moins directement politique, Erik Neveu dans ses travaux sur le roman
policier montre que les représentations du politique opèrent sur la mobilisation d’un sens
commun : « le vecteur des jugements politiques tient d’abord à la mobilisation d’un sens commun, organisé autour d’un nombre limité de catégories et d’oppositions (masculin/féminin, civilisé/barbare, raisonnable/passionnel, conforme à la nature humaine/produit d’une idéologie). Disqualifier ou valoriser un personnage ou une croyance passe moins par une logique discursive d’argumentation que par un travail de connotation mobilisant ces unités de sens ( …) en les faisant fonctionner dans " le silence qui va de soi. " »43
Certes, ces romans peuvent jouer sur la fibre postcoloniale, parce qu’ils suivent l’actualité
Nous pouvons toutefois observer un changement dans l’appréhension des oeuvres populaires avec les
travaux de Sandra Laugier. Voir notamment : Laugier (Sandra), « Vertus ordinaires des cultures populaires »,
Critique, 2012, n° 776-777, p. 48-61
39 Mukerji (Chandra) and Schudson (Michael), « Popular Culture », Annual Review of Sociology, vol. 12, 1986, p.
47-66, p. 48
40 Matonti (Frédérique), « Une nouvelle critique cinématographique », Actes de la recherche en sciences sociales,
2006, n° 161-162, p. 66-79
41 Véronique Elefteriou-Perrin « " The motion picture is potentially one of the greatest weapons for the
safeguarding of democracy " : activisme et censure dans le monde hollywoodien des années 1930 », Revue
française d’études américaines, 2004, no 102, p. 62-81
42 Reysset (Pascal), « Le pouvoir de représentation. Remarques sociologiques sur le film de Raymond
Depardon Profils paysans. » Politix, vol. 16, n°61. 2003, p. 181-195
43 Neveu (Erik), « Littératures ignobles : politique et histoire sociale des idées », in Cohen (Antonin), Lacroix
(Bernard), Riutort (Philippe), Nouveau manuel de science politique, La Découverte ? Collection Grands repères,
2009, p. 586 - 587
38
37
et sont en adéquation avec des référentiels cognitifs, mais non pas parce qu’ils sont idéologiques. Ainsi, jeux vidéo, fictions et autres productions culturelles de masse ont ceci de
particulier qu’ils mobilisent un sens moral plutôt qu’ils ne se fondent sur la capacité à opiner politiquement44. Par exemple, Laurent Trémel, dans la lignée des travaux de Laurent
Thévenot, les jeux vidéo mobilisent essentiellement des ordres de grandeur avant tout moraux et s’inscrivant dans l’expérience ordinaire des joueurs45. Aborder l’idéologie des jeux
vidéo n’a donc que peu de sens sans l’inclure à la fois dans un système matériel et symbolique de production de ce bien, et en analysant les rapports entretenus par les créateurs
avec le monde politique. En effet, les jeux vidéo sont des biens de consommation, des dispositifs techniques et des artefacts culturels : ils sont le produit d’une culture endogène,
s’insérant dans un espace culturel transnational – ce qui pose la question de leur adéquation aux différents particularismes locaux – et répondant à des exigences de marchés. De
même, comme le souligne Jean-Pierrre Esquanazi à propos des films, « il n’y a pas lieu de distinguer une lecture interne et externe des œuvres »46, il convient d’analyser les imbrications entre le
monde du jeu vidéo et les espaces sociaux qui les consomment et les façonnent. A
l’inverse, les réceptions politiques précédemment cités sont à la fois formées à partir de lectures sur des objets similaires (industrie culturelle, cinéma, télévision) et forment la réception de ces jeux en instituant les lectures dominantes. Si Armand Mattelard et Ariel Dorfman ont entrepris une lecture marxiste de l’idéologie de Donald Duck, ils n’en appellent
pas moins à la compléter par une analyse des conditions de travail pour « correctement localiser
Disney dans le système capitaliste »47. Cette précaution méthodologique est certainement ce qui
fait le plus souvent défaut dans la plupart des analyses du jeu vidéo précédemment citées, à
l’exception des travaux de Stephen Kline, Nick Dyer-Withefor et Greg De Peuter qui, dans
leur ouvrage de référence Digital Play, entreprennent une analyse marxiste du système de
production vidéoludique.
Il nous semble dès lors stratégique d’interroger le processus d’évitement du politique et
d’occultation de la compétence politique qui semble traverser tous les jeux vidéo grand
44 Gaxie (Daniel), Le cens caché. Inégalités culturelles et ségrégation politique, Paris, Seuil, 1978
45 Trémel (Laurent), Jeux de rôles, jeux vidéo, multimédia. Les faiseurs de mondes, PUF, 2001
46 Esquenazi (Jean-Pierre), « Le film, un fait social », Réseaux, 2000, vol. 18, n° 99. p. 13-47.
47 Dorfman (Ariel), et Mattelard (Armand), How to read Donald Duck, I.G. Editions, Inc. 1975,, P. 14
public48, tant du côté des créateurs, que des financiers et dans une certaine mesure des
pouvoirs publics et des acteurs associatifs.
De l’idéologie aux lectures idéologiques des jeux vidéo : du texte à l’énonciation
L’analyse de l’idéologie est sujette à de nombreuses discussions. La notion même
d’idéologie renvoie à la fois à un problème épistémologique et à une dépendance aux méthodes de l’analyse scientifique. La définition même de l’idéologie oscille entre une lecture
a priori « neutre » dès lors qu’elle est pensée comme une analyse des idées, mais rapidement
est très chargée de croyances politiques proposant des analyses de l’idéologie des analyses
idéologiques. Comme le remarque Terry Eagleton, dans son étude de l’analyse de
l’idéologie de Ricardo par Marx, « c’est parce que Marx a déjà pris la “position de la classe prolétaire” dans le royaume de la théorie qu’il est tellement préoccupé à déconstruire les textes de Ricardo. »49
Pour autant, ce qui nous intéresse dans les différentes théories de l’idéologie est la relation
entre un texte (le discours idéologique), un sujet (du texte et du système social), et le système social (le système politique qui produit le texte). En effet, considérer les jeux vidéo
comme des outils de propagande, ou ayant des effets par la violence de leurs contenus sur
les joueurs renvoie à la relation d’un sujet à une œuvre, relation définie par les discours qui
produisent cette relation. Nous pouvons alors prendre l’idéologie comme un discours sur
le monde social, qui s’appuie sur des instruments permettant sa circulation.
L’analyse de Karl Marx a mis en évidence le lien entre idéologie et monde social, en le ramenant à la lutte pour la domination50. L’idéologie peut être entendue comme une formulation particulière par la classe dominante « des idées de sa domination »51 ou pour Althusser,
renversant le point de vue du côté des dominés : « l’idéologie est une représentation du rapport
imaginaire des individus à leurs conditions d’existences. » 52 . Ce qui nous intéresse ici est que
l’idéologie soit une représentation d’un ordre social et politique. Or cette représentation est
Déloye (Yves), « Pour une sociologie historique de la compétence à opiner “politiquement” », Revue
française de science politique, 2007, vol. 57, n°6, p. 775-798
49 Eagleton (Terry). « Ideology, Fiction, Narrative », Social Text¸n°2, 1979, pp. 62-80 p. 68
50 « Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes époques, les pensées dominantes, autrement dit la classe qui est la
puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle. » Marx (Karl), Idéologie allemande,
Folio, p. 31
51 « Les pensées dominantes ne sont pas autre chose que l’expression idéale des rapports matériels dominants, elles sont ces
rapports matériels dominants saisis sous formes d’idées, donc l’expression des rapports qui font d’une classe la classe dominante ;
autrement dit, ce sont les idées de sa domination. » Marx (Karl), Ibid., p. 32
52 Althusser (Louis), « Idéologie et appareils idéologiques d’Etat », in Althusser (Louis), Sur la reproduction, Puf,
1995, p. 296
48
39
généralement critiquée et dénoncée comme fausse, l’idéologie étant généralement associée
à la tromperie puisqu’elle prétend dire le réel53. De ce fait, l’idéologie selon Marx est instrument de domination permettant « une fixation de l’activité sociale »54.
La dimension matérielle de l’idéologie est alors centrale. Pierre Bourdieu et Luc Boltanski
partent de ce constat et définissent l’idéologie dominante comme un discours performatif55
en ce qu’elle est productrice de sens mais aussi d’action par la transformation « des discours
dominants en mécanismes agissant »56. En parallèle, l’idéologie peut prendre corps dans des supports particuliers « des institutions, des objets, des mécanismes »57, ou pour Louis Althusser58 qui
accorde une place centrale aux dispositifs (les « appareils idéologiques d’Etat ») qui permettent la circulation et la reproduction de l’idéologie dominante en interpellant le sujet 59 .
Pour Althusser aussi, l’idéologie est une pratique : « une idéologie existe toujours dans un appareil,
et sa pratique, ou ses pratiques. Cette existence est bien matérielle. »60 Contenue dans un instrument,
l’idéologie s’actualise et s’exprime en quelque sorte au travers des actes, dans la pratique de
cette idéologie, c’est à dire dans la pratique des rapports entre l’individu et le système.
Dès lors, l’analyse des idéologies dans les objets a priori non politiques se fait généralement
selon deux approches : du côté des biens culturels et des dispositifs techniques où les
« contenus » sont marqués par les idéologies, et du côté des pratiques, notamment les
usages politiques des œuvres et des dispositifs, lorsqu’une communauté de pratiques se revendique et se définit par rapports aux pratiques culturelles instituées comme dominantes.
Les biens culturels peuvent aussi être supports de l’idéologie, que ce soit le roman populaire61, les séries télévisées62, la musique commerciale63 ou le punk64. Le rôle de la langue et
« ce n’est pas leurs conditions d’existence réelles, leur mode de vie réel, que les « hommes » « se représentent » dans l’idéologie,
mais avant tout leur rapport à ces conditions d’existence qui leur y est présenté. », Althusser (Louis), « Idéologie et
appareils idéologiques d’Etat », in Althusser (Louis), Sur la reproduction, Puf, 1995, p. 297
54 Marx (Karl), Ibid., page 22
55« Le discours dominant sur le monde social n'a pas pour fonction seulement de légitimer la domination mais aussi d'orienter
l'action destinée à la perpétuer, de donner un moral et une morale, une direction et des directives à ceux qui dirigent et qui le font
passer à l'acte. »
Bourdieu (Pierre), Boltanski (Luc), « La production de l'idéologie dominante. » Actes de la recherche en sciences
sociales. vol. 2, n°2-3, juin 1976. pp. 3-73, p. 52
56 Bourdieu (Pierre), Boltanski (Luc), « La production de l'idéologie dominante. » Actes de la recherche en sciences
sociales. vol. 2, n°2-3, juin 1976. pp. 3-73, P. 55
57 Bourdieu (Pierre), Boltanski (Luc), « La production de l'idéologie dominante. » Actes de la recherche en sciences
sociales. vol. 2, n°2-3, juin 1976. pp. 3-73, P. 55
58 Nous précisons que la perspective d’Althusser est très différente de celle de Bourdieu et Boltanski.
59 Althusser (Louis), « Idéologie et appareils idéologiques d’Etat », in Althusser (Louis), Sur la reproduction, Puf,
1995, p. 305
60 Ibid., page 299
61 Radway (Janice), Reading the Romance, The University of North Carolina Press, 1984
62 Ang (Ien), 1985. Watching Dallas, Amsterdam, Routledge, 2005
63 Adorno, (Theodor W.), 1968, Introduction à la sociologie de la musique, Editions Contrechamps, 2009
64 Hebdige (Dick), 1978, Sous-culture. Le Sens du style, Paris, La Découverte, 2008
53
du langage de ces œuvres est dans ce cas un élément déterminant de l’analyse. Une approche centrée sur une linguistique formaliste tend à attribuer aux propriétés de la langue,
comme système de signe structuré, des valeurs politiques voire idéologiques65. Cette approche, qui considère que la langue est idéologie, s’incarne dans la célèbre phrase de Roland Barthes : « La langue, comme performance de tout langage, n’est ni réactionnaire, ni progressiste ;
elle est tout simplement : fasciste ; car le fascisme, ce n’est pas empêcher de dire, c’est obliger à dire. »66
Toutefois, considérer la relation à une œuvre ou un dispositif technique comme une relation « politique » est une rapidité. Les critiques de l’approche formaliste ont souligné que
les propriétés internes de chaque medium ne peuvent être prises pour des modes
d’organisation politique, même s’ils y ressemblent. Par exemple, dans son analyse des romans sentimentaux, Janice Radway, professeur de littérature et d’histoire, à la suite de Terry Eagleton, souligne que les liens entre le langage et l’idéologie sont très ambigus car ils
fonctionnent d’une manière assez analogue : « la langue du texte littéraire n’imite pas le monde
mais un acte de discours idéologique qui prend le monde comme son objet. »67 Dans le texte, le discours
idéologique, produit hors du texte, trouve un espace pour se déployer selon la structure
particulière de l’acte de langage68, et pour s’actualiser par la pratique du texte. L’idéologie
recruterait un sujet et redéfinirait son rôle à l’individu, comme le procès d’interpellation
d’Althusser69. Cette vision du changement de « statut » du sujet - l’individu recruté qui devient sujet de l’idéologie – est trop centrée sur la relation univoque de l’individu au texte de
fiction ou politique. Aussi l’hypothèse d’une transformation durable de l’individu en sujet
de l’idéologie, consisterait d’une part à reconnaître que les rôles assignés sont totalement
endossés, uniformément compris et totalement acceptés. C’est pourquoi, ces conceptions
ont pu être vivement critiquées.
Comme le remarque Eliséo Veron dans son analyse sémiotique de l’idéologie, le « sujet »
désigné par l’idéologie est un « agent des processus de production et de reconnaissance » 70 : il est un
Bourdieu (Pierre), Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques, p. 165
Barthes (Roland), Leçon inaugurale à la chaire de sémiologie littéraire au collège de France, 7 janvier 1977
67 Radway (Jaice), Reading the Romance, The University of North Carolina Press, 1984, p. 188
68 En effet, comme l’analyse Patrick Charaudeau « un acte de langage relève d’une intentionnalité, celle des
sujets parlants, partenaires d’un échange. Il dépend donc de l’identité de ceux-ci, résulte d’une visée
d’influence, est porteur d’un propos sur le monde. De plus, il se réalise dans un temps et un espace donnés
déterrminant ce que l’on appelle une situation. » Charaudeau (Patrick), « Une analyse sémiolinguistique du
discours », Langages, vol. 29, n°117, 1995, pp. 96-111. p. 101
69 « Nous suggérons alors que l’idéologie « agit » ou « fonctionne » de telle sorte qu’elle « recrute » des sujets
parmi les individus (elle les recrute tous), ou « transforme » les individus en sujet (elle les transforme tous) par
cette opération très précise que nous appelons l’interpellation. »
Althusser (Louis), « Idéologie et appareils idéologiques d’Etat », in Althusser (Louis), Sur la reproduction, Puf,
1995, p. 305
70 Verón (Eliseo), « Sémiosis de l'idéologie et du pouvoir. » Communications, n°28, 1978. pp. 7-20, P. 19
65
66
41
médiateur. Jean-François Bayart souligne la distance et « les rapports de diachronie au champ du
pouvoir »71 des groupes dominés parce qu’ils sont pluriels. Il en va de même en matière de
réception où les modes d’appréhension sont très différents, l’œuvre offrant des « cadrages
ouverts » permettant des actes de consommation des messages qui sont autant de mises à
distances et de réappropriations multiples72. Il en va de même pour les modes de la domination culturelle sur les classes populaires, et par les œuvres populaires et les productions
de masse. Partant de Marx pour analyser le mouvement Punk, Dick Hedbidge considère
l’idéologie comme « une relation vécue », marquée par la lutte pour le sens comme « lutte
pour l’appropriation des signes qui se propage jusque dans les domaines les plus triviaux de la vie quotidienne » 73 La dimension pratique est centrale : la subculture punk recherchant la différenciation, des liens se constituent avec d’autres sous-cultures musicales comme la culture reggae
également considérée comme déviante à l’époque. De la même manière, les codes vestimentaires sont avant tout pour les punks des moyens pour être rejetés par « l’homme
blanc » et par l’industrie qu’il régit, pouvant mener certains à des formes « d’escapisme » et
de sortie du système74. Au travers de cet exemple, c’est ce mode d’appréhension qui peut
façonner idéologiquement les contenus (ici le rejet incarné par le style vestimentaire), qui
eux-mêmes vont être des outils pour produire un autre mode d’appréhension (le rejet par
les autres) qui est central dans l’analyse. La construction du style punk fondé sur des lectures idéologiques de l’industrie musicale est ainsi marquée par un investissement politique
des objets et biens de cette sous-culture.
Ainsi, le texte apparaît finalment comme un objet discursif, investi socialement, et donc
socialement situé, selon l’analyse de Pierre Bourdieu pour qui les propriétés les plus apparemment typiquement formelles des discours reflètent les conditions sociales de leur production et de leur circulation.75 Les travaux de Stuart Hall proposent de penser un texte
dans un double processus d’encodage et de décodage. Ces deux étapes mobilisent un cadre
de connaissance, des relations de production et une infrastructure technique. Étant donné
que le producteur et le récepteur sont différents, ils ne mobilisent pas les mêmes éléments
Bayart (Jean-François), « L'énonciation du politique. », Revue française de science politique, vol. 35, n°3, 1985,
pp. 343-373. P. 350
72 Liebes, (Tamar), « Cultural Differences in the Retelling of Television Fiction », Critical Studies in Mass
Communication , 1988, vol. 5, n°4, p. 277 - 292
73 Hebdige (Dick), 1978, Sous-culture. Le Sens du style, Paris, La Découverte, 2008
74 Sommier (Isabelle), « 2. Réflexions autour de la “menace” ultra-gauche en France », in Crettiez (Xavier) et
Mucchielli (Laurent), Les violences politiques en Europe. Un état les lieux, Paris, La Découverte « Recherches »,
2010 p. 45-65.
75 Bourdieu (Pierre), Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques,Fayart, 1982, p. 165
71
pour coder et décoder le sens d’un texte76. Si l’intention du producteur peut se retrouver
dans le texte, le récepteur ne dispose pas des mêmes « clefs » de lecture. Dès lors pour
Hall, « c’est dans la forme discursive que la circulation prend place, aussi bien que dans la distribution auprès des différentes audiences différentes. »77 Aussi c’est lorsque les codes sont distribués largement dans une communauté particulière, et incorporés dès le plus jeune âge qu’ils apparaissent naturalisés. Comme les propriétés internes d’un texte ne suffisent pas à les assimiler à de l’idéologie, les conditions d’énonciation peuvent être un premier point d’entrée
pour penser une approche plus communicationnelle.
Pour John Thompson, professeur de sociologie à Cambridge, l’énonciation occupe une
place importante dans l’analyse de l’idéologie : « Étudier l'idéologie est donc, pour une part et d'une
certaine façon, étudier le langage dans le monde social. C'est étudier comment la multitude des usages du
langage recoupe la distribution des pouvoirs, les alimente, les étaye, les met en œuvre. C'est étudier comment
certaines relations de pouvoir sont maintenues et reproduites par le réseau infini des énonciations où le sens
se mobilise dans l'espace social »78 De la même manière pour le linguiste Roman Jackobson définit le langage comme une situation de communication entre un destinateur et un destinateur. Pour l’analyser, il prend en compte le contexte, le message, le contact et le code. Ramené aux contenus des œuvres, le sens est le produit de ces nombreux facteurs qui constituent autant de variables non maîtrisées par le créateur 79 . Ainsi, en tenant compte de
l’énonciation, il est alors possible d’une part de s’intéresser aux configurations sociologiques du côté des énonciateurs et locuteurs, et d’autre part de sortir des « textes » pour
s’intéresser aux modalités sociales et cognitives de production de ces textes, et dans notre
cas de pousser l’analyse jusqu’aux conditions de possibilité de l’énonciation du discours sur
les effets des jeux vidéo. Comme l’analyse Eliséo Veron : « tout phénomène social est susceptible
d'être “lu” par rapport à l'idéologique et par rapport au pouvoir. Dire que l'idéologique, que le pouvoir
sont partout, c'est affirmer le principe d'une lecture, et non pas la possibilité concrète de la mener à terme :
nous sommes bien loin d'avoir les instruments pour montrer l'ubiquité du pouvoir et de l'idéologique. »80
C’est alors la lecture du jeu vidéo plus que l’objet qui peut être pensée comme idéologique
au travers de ces « opérations discursives d’investissement de sens » 81 par des acteurs donnés dans
Hall (Stuart), « 'Encoding/decoding' ». in Centre for Contemporary Cultural Studies (Ed.): Culture, Media,
Language: Working Papers in Cultural Studies, 1972-79, London: Hutchinson, 1980, pp. 128-38
77 Hall (Stuart), « 'Encoding/decoding' ». in Centre for Contemporary Cultural Studies (Ed.): Culture, Media,
Language: Working Papers in Cultural Studies, 1972-79, London: Hutchinson, 1980, pp. 128-138, p. 129
78 Thompson (John B.) « Langage et idéologie. », Langage et société, n°39, 1987. pp. 7-30, p. 8
79 Jakobson (Roman), « Linguistique et poétique », Essais de linguistique générale, t. I, Minuit, 1963.
80 Veron (Eliseo), « Sémiosis de l'idéologie et du pouvoir. » Communications, n°28, 1978. pp. 7-20, p. 9
81 Veron (Eliseo), « Sémiosis de l'idéologie et du pouvoir. » Communications, n°28, 1978. pp. 7-20, p. 9
76
43
un espace social. Affinant l’analyse, Veron propose que la lecture idéologique soit une entreprise qui vise à mesurer l’écart entre les conditions de production et les conditions de
reconnaissance. Il abandonne ainsi le modèle de l’industrie selon lequel nous aurions trois
composantes : la production, la circulation et la consommation, pour offrir un modèle plus
dialectique qui se concentre sur l’opération de production et de reconnaissance qui sont en
interdépendance constante. Entendue comme un « texte », l’idéologie est définie par Veron
grâce aux théories sémiotiques. L’apport d’une telle approche réside dans sa dimension
procédurale : « Une idéologie n'est pas un répertoire de contenus (“opinions”, “attitudes” ou même “représentations”), elle est une grammaire d'engendrement de sens, d'investissement de sens dans des matières
signifiantes. »82. Dès lors, entendues comme des instances particulières d’un discours idéologique, les différentes œuvres véhiculent des représentations du monde social et définissent
des figures idéal-typiques, à travers la mise en scène des protagonistes centraux et les descriptions de leurs conditions d’existence. Si ces mises en formes sont celles qui sont « dominantes », au sens de distribuées massivement, elles peuvent être assimilées comme étant
idéologiques.
Or nous allons le voir, la diffusion massive ne signifie pas pour autant la domination, car
les processus de reproduction des contenus de l’industrie diffèrent totalement d’un schéma
où l’idéologie est imposée par les dominants. Ici, il n’est pas tant question de sujet idéologique que de « publics » de biens d’une culture de masse. Les œuvres de masse ou celles
ayant un succès populaire sont lues comme idéologiques parce qu’elles sont des mises en
forme des publics et de positions sociales. De ce fait, elles semblent congruentes avec
l’espace social et les positions sociales des publics cibles. Pour autant, le public du jeu vidéo est difficile à définir parce qu’il faut partir de la pratique du joueur, et ce en partant de
la relation de l’individu aux dispositifs de jeux qui ont connu des évolutions importantes.
2.
La production de la figure du joueur
Produire pour un public sans classe et transnational
Alors que l’idéologie comme discours est socialement située comme produite par le groupe
dominant, le jeu vidéo présente une configuration différente : processus de production
82
Veron (Eliseo), « Sémiosis de l'idéologie et du pouvoir. » Communications, n°28, 1978. pp. 7-20, p. 9
globalisé83, public transnational dominé par la figure de l’adolescent occidental 84, faibles
syndicalisation 85 et politisation des créateurs. Dès lors le problème soulevé par Richard
Hoggart dans The Uses of Littérature nous semble pertinent : tout comme les publications de
masse, les jeux vidéo ne sont pas uniquement destinés aux, ni consommés par, les classes
ouvrières, ils sont comme des « “publications sans classe”, [qui] affectent toutes les classes de la société »86. C’est d’ailleurs sur ce point que le sociologue conclut sa recherche : la tendance des
productions de masse à dépasser les clivages sociaux. Leur contenu ne serait dès lors plus
produit ni par un groupe social particulier ni destiné à un groupe social particulier. En effet, note-t-il « les publications de masses ne peuvent pas atteindre une audience de la taille satisfaisante
sauf à franchir les frontières des classes. » La rationalité et les contraintes des marchés sont ainsi
objectées par Hoggart, qui constate toutefois que les productions de masse sont tout de
même plus proches des classes ouvrières et moyennes, et ce non par sympathie ou déterminisme sociaux, mais parce qu’elles doivent s’assurer « d’avoir ce groupe comme base de leurs
ventes. »87 La rationalité économique, la hausse des coûts de production et les contraintes de
rentabilité provoquent ainsi une extension du marché qui, pour ces raisons, doit dépasser
les clivages sociaux. Ces tendances semblent croissantes pour Hoggart : « l’opinion de masse,
le divertissement de masse et la réponse émotionnelle généralisée »88 sont autant d’évolutions qui remettraient en cause la pertinence d’une lecture du monde culturel uniquement en termes
de classes sociales. Cette approche a été initiée par Peterson lorsqu’il montre que certains
consommateurs sont « omnivores »89 : les critères de la légitimité des œuvres varient pour
les classes supérieures 90, et la consommation d’œuvre culturellement illégitimes peuvent
constituer un nouveau un critère de distinction91.
Des productions sans destination de classe, le fait pour le public « d’être fusionné dans une
seule classe »92 permettent d’analyser le mode de production de ces biens, mais le risque est
de confondre d’une part la réalité du monde social, et d’autre part la rationalité du marché.
83 Genvo (Sébastien), Le jeu à son ère numérique, Paris : L’Harmattan, 2009, p. 62
84 Le Diberder (Frédéric et Alain), L'univers des jeux vidéo, Paris : La Découverte, 1998, p. 230
85 Kerr (Aphra), The Business and culture of digital games, Londres : Sage, 2006
86 Hoggart (Richard), The uses of literacy, Chatto and wondus, Londres, 1957, p. 19
87 Hoggart (Richard), The uses of literacy, Chatto and wondus, Londres, 1957, p. 279
88 Hoggart (Richard), The uses of literacy, Chatto and wondus, Londres, 1957, p. 280
89 Peterson (Richard, A.), Kern (Roger) « Changing highbrow taste: from snob to omnivore. » American
Sociological Review, vol. 61, n°5, 1996, pp. 900-907
90 Coulangeon (Philippe), « Les métamorphoses de la légitimité, Classes sociales et goût musical en France,
1973-2008 », Actes de la recherche en sciences sociales, 2010, n° 181-182)
91 Octobre (Sylvie), Détrez (Christine), Mercklé (Pierre), Berthomier (Nathalie), « La diversification des
formes de la transmission culturelle : quelques éléments de réflexion à partir d'une enquête longitudinale sur
les pratiques culturelles des adolescents », Recherches familiales, 2011, n° 8, p. 71-80.
92 Hoggart (Richard), The uses of literacy, Chatto and wondus, Londres, 1957, p. 280
45
De manière générale, le marché produit en effet des biens de consommation dont la seule
finalité est d’être consommée, alors que la culture peut être chargée d’une pluralité de pratiques et symboles. Les publications de masse, comme tout bien, s’inscrivent dans une culture d’un groupe social particulier, du point de vue du marketing le groupe cible, tout en
véhiculant des valeurs culturelles tendant à dépasser ce particularisme. Les logiques
d’anticipation de la demande ou de mise en adéquation avec les attentes des consommateurs peuvent effectivement se traduire par la production de biens dits « culturels », mais
pour autant, on peut s’interroger au-delà de l’assimilation de la consommation des biens
culturels de masse à des pratiques culturelles, au processus même de catégorisation de ces
destinataires. Les mises en forme des destinataires des œuvres et des biens, ont des effets
importants dans la définition même de ces œuvres et biens, à la manière dont, on l’a vu, la
figure du premier spectateur de films a été construite.
Le jeu vidéo est un « artefact cuturel », soit à la fois un objet, un bien et un produit culturel.
Comme objet technique, c’est un dispositif informatique à visée ludique, ce qui inclut autant la machine de calcul que le logiciel. Comme bien marchand, le jeu vidéo est produit
selon plusieurs modes, de l’artisanat de studios indépendants aux processus de l’industrie
de masse. Comme produit culturel, il est à la fois façonné et porteur de valeurs multiples.
Comme jeu vidéo, il est une forme particulière de média. Ian Bogost et Nick Montfort,
partant de l’articulation entre la machine de calcul et le programme, témoignent de la pluralité des utilisations d’une plateforme :
« Une plate-forme de calcul n'est pas une machine étrange, mais un artefact culturel qui est façonnée par des valeurs et des forces et qui exprime des vues sur le monde, allant de “les jeux sont généralement joués par deux joueurs qui peuvent être de différents âges et niveaux de compétence” à
“le fournisseur de services sans fil, pas le propriétaire du téléphone, détermine quels programmes
peuvent être exécutés”. »93
Celui qui pratique le jeu vidéo peut être désigné selon une multitude de manières qui correspondent à l’une des composantes constitutives d’un jeu vidéo : « l’opérateur » de la machine, « l’interacteur » du dispositif informatique, le « joueur », le « consommateur » ou
« l’acheteur » du produit industriel, « l’usager du service » de jeu en ligne, mais aussi
« l’adolescent » dans la famille, le « jeune » comme catégorie des politiques publiques ou
« l’addict » pour certains addictologues. Ces appellations renvoient toutes à des espaces de
production de ces catégories du public du jeu vidéo qui sont en lutte dans le “monde” des
jeux vidéo, et par là dessinent les frontières de ce monde. Par exemple, considérer le jeu
vidéo comme art ou comme divertissement n’inclut pas les mêmes acteurs, les mêmes ra-
93
Bogost (Ian), et Monfort (Nick), Racing the beam: The Atari Video Computer System, MIT Press, 2009, p. 148
tionalités de production, ni les mêmes espaces de circulation des biens. Ainsi pour Ien
Ang, professeur en cultural studies, deux paradigmes s’affrontent à propos de l’audience télévisée : l’audience-comme-marché constituée de consommateurs et l’audience-commepublic constituée de citoyens94. Le premier n’a pour objectif que de porter les biens et services à l’attention des clients potentiels, alors que le second partage des idéaux démocratiques. Cette tension entre la figure du consommateur et du citoyen traverse toute l’histoire
du jeu vidéo. La définition des publics apparait alors centrale pour la production de ces
biens mais aussi pour la production des lectures en termes d’effets : c’est un enjeu de régulation sociale, économique et politique. Considérer le destinataire des jeux vidéo comme
citoyen ouvre la voie à des considérations politiques. Comme nous allons le voir, ces deux
paradigmes du joueur sont historiquement et socialement construits, et marqués par le
double mouvement de globalisation de la production et de privatisation de la pratique. De
ce fait, les liens entre espace de la production et espace de la circulation ont un impact sur
la configuration des rapports entre pouvoirs publics et acteurs industriels.
La production du public
La sociologie américaine de la culture, notamment dans son approche organisationnelle a
permis de préciser la notion de marché de masse, et par conséquent de repenser la culture
comme détachée des enjeux de domination, en particulier en s’intéressant au processus de
formation de cette domination culturelle95 et de la distinction entre haute culture et basse
culture96. Les travaux de Richard Peterson, Paul DiMaggio ou Paul Hirsch s’intéressent
particulièrement au processus de production en prenant en compte la sphère industrielle, la
réception sociale, et les organisations culturelles. Le défi méthodologique présenté par Richard Peterson dans son article séminal de 1976 « The Production of culture »97 est de
prendre en compte les ressemblances entre les trois approches de la culture : celle qui la
voit comme une sphère autonome, l’approche idéaliste où la culture influence la société et
cette plus matérialiste où la société influe sur la culture. Il propose de « se concentrer sur les
Ang (Ien), Desperatly seeking the audience, Londres, Routledge, 1991, p. 23
Dimaggio (Paul), “Cultural entrepreneurship in nineteenth-century Boston: the creation of an
organizational base for high culture in America”, Media Culture Society, vol. 4, 1982, p. 33 - 50
96 Levine (Lawrence W.), Highbrow/Lowbrow. The Emergence of Cultural Hierachy in America. Cambridge, Harvard
University Press, 1988. Pour la récente traduction française : Culture d’en haut, culture d’en bas. Essai sur
l’émergence des hiérarchies culturelles en Amérique, traduit de l’anglais par Marianne Woollven et Olivier Vanhée,
Paris, La Découverte, 2010.
97 Peterson (Richard A.), « The Production of Culture: a prolegomenom », American Behavioral Scientist, vol°19,
n°6, 1976, pp. 669 - 684
94
95
47
processus par lesquels les éléments de la culture sont fabriqués dans les milieux où la production de systèmes
de symboles est consciemment au centre de l’activité » 98 . Pour ce faire, l’approche synchronique
s’attache plus particulièrement « aux mécanismes par lesquels la nouveauté et l’originalité sont définis
comme tels » 99, et l’approche diachronique qui analyse dans la durée les évolutions d’une instance de production sont les plus utilisées100. Ainsi, en déplaçant le regard de la société vers
les institutions productrices du jeu vidéo, il est possible de resserrer la définition de la culture de masse, beaucoup trop abstraite lorsqu’elle se cantonne à la diffusion sociale, et fait
abstraction des manières de faire industrielles. Comme le souligne DiMaggio dans sa définition clef, qui marque le tournant de la sociologie de la culture vers la sociologie de la
production culturelle101 :
« Les caractéristiques principales de la “culture de masse” peuvent être vues comme des attributs
des industries, et non des sociétés. D'une part, les industries qui produisent des livres, des disques,
des films et des périodiques spécialisés créent des matériaux pour un public spécialisé et les promeuvent et les distribuent à travers les médias et les canaux de publicité distincts du marché.
D'autre part, certains producteurs de culture agissent conformément à la manière dont les théories
de la culture de masse donnent à le penser. » 102
La production économique des biens diffère de leur production symbolique, tout en entretenant des liens étroits entre ces différentes sphères. DiMaggio, se plaçant du côté des producteurs et non plus du public et des exégètes, étudie la rationalité des organisations de la
production des biens. Il saisit la production d’une « culture de masse » et se détacher des
considérations idéologiques ou des approches théoriques critiques de l’école de Francfort.
Pour lui, une société de culture de masse est avant tout déterminée par l’organisation des
marchés sous forme oligopolistique et selon des processus de création standardisés103. Or
le marché de masse n’induit pas pour autant un culture populaire, même si la popularité du
bien assure un public a minima. Comme le rappelle en effet Lawrence Levine, une culture
de masse n’est pas une culture populaire : « Beaucoup de livres produits en masse restent sans lec-
Peterson (Richard A.), « The Production of Culture: a prolegomenom », American Behavioral Scientist, vol°19,
n°6, 1976, pp. 669 – 684, p. 672
99 Peterson (Richard A.), « The Production of Culture: a prolegomenom », American Behavioral Scientist, vol°19,
n°6, 1976, pp. 669 – 684, p. 676
100 Peterson (Richard A.), Berger (David G.), Cycles in Symbol Production: The Case of Popular Music,
American Sociological Review, vol. 40, n°2, 1975, pp. 158-173
101 Mukerji (Chandra) and Schudson (Michael), “Popular Culture”, Annual Review of Sociology, vol. 12, 1986, p.
47-66
102 DiMaggio (Paul), « Market structure, the creative process, and popular culture: Toward an organizational
reinterpretation of mass culture theory », Journal of Popular Culture, 1977, n°111, pp. 436-52. Reproduit dans
Spillman (Lynette), dir., Cultural Sociology, Wiley-Blackwell, 2001, p. 153
103 « une société avec une culture de masse serait un modèle dans lequel les entreprises et les industries qui
ont produit la culture populaire ont résolu ces deux problèmes de contrôle. »
DiMaggio (Paul), « Market structure, the creative process, and popular culture: Toward an organizational
reinterpretation of mass culture theory », Journal of Popular Culture, 1977, n°111, pp. 436-52. Reproduit dans
Spillman (Lynette), dir., Cultural Sociology, Wiley-Blackwell, 2001, p. 154
98
teurs, beaucoup de films sans spectateurs, de programmes radios sans un nombre substantiel d’auditeurs.
Cette distinction est cruciale, tout ce qui a été produit en masse pour le peuple américain n’a pas forcément
été populaire, même si un pourcentage substantiel de ce qui était populaire dans les années 1930 était produit en masse. »104 Un produit de masse ne rencontre pas forcément le succès, tandis que des
œuvres plus marginales peuvent susciter un véritable engouement populaire105. De ce fait,
les industriels du jeu vidéo se retrouvent dans une situation où ils ont besoin de produire
des contenus pouvant toucher le plus grand nombre et ont besoin d’outils pour rationaliser
la demande. L’enjeu pour une industrie comme le jeu vidéo, réside dans la connaissance du
marché, afin de réduire l’incertitude liée aux industries culturelles diffusées sur un marché
de masse. Dans ses études sur la musique populaire, Richard Peterson a bien souligné la
nécessité pour les créateurs d’établir des classements (les charts) qui constituent des « régimes
d’information socialement construits qui compilent des données sur le marché» 106 Ainsi les top 50, les
classements des meilleurs vente ne sont pas tant destinées aux consommateurs qu’aux producteurs qui pourront dans leur logique d’anticipation de la demande produire des biens
pouvant potentiellement toucher un public large. L’information détermine le processus de
publicisation du jeu vidéo 107 Or la production de ces informations s’appuie sur une catégorie particulière de public. Les classements et charts contribuent ainsi à la diffusion massive
d’une figure particulière du public, car comme l’analyse Jacques Gerstlé, à propos des effets d’information, « c’est la diffusion et non la cognition qui distingue les effets de la médiatisation »108
Plus que de connaitre le public des jeux vidéo, l’industrie a besoin de figures établies et
stabilisées sur lesquelles s’appuyer pour limiter l’incertitude de la production, ces figures
qui ont évolué tout du long de l’histoire des jeux vidéo. La figure du public idéal-typique de
l’industrie ne peut exister sans sa publicisation auprès des publics potentiels.
104 “Many mass-produced books went unread, many films unseen, many radio programs unheard by substantial numbers of people. This distinction is crucial: not everything mass produced for the American people was popular, even if a substantial percentage of what was popular by the 1930s was mass produced.”
Levine (Lawrence), « The Folklore of Industrial Society: Popular Culture and Its Audiences », The American
Historical Review, 1992, vol. 97, n°5, pp. 1369-1399
105 Levine (Lawrence W.), « The Folklore of Industrial Society: Popular Culture and Its Audiences », The
American Historical Review, vol. 97, n°5, décembre 1992, p. 1369-1399
106 Anand (N. ) et Peterson (Richard A.), « When Market Information Constitutes Fields: Sensemaking of
Markets in the Commercial Music Industry », Organization Science, vol. 11, n°3, Mai - Juin, 2000, pp. 270-284,
p. 270
107 « L’information du marché est la première source par laquelle les producteurs dans les champs
concurrentiels donnent sens à leurs actions et à celles des consommateurs, rivaux, fournisseurs qui
soutiennent le champ. » Anand (N. ) et Peterson (Richard A.), « When Market Information Constitutes
Fields: Sensemaking of Markets in the Commercial Music Industry », Organization Science, vol. 11, n°3, Mai Juin, 2000, pp. 270-284, p. 271
108 Gerstlé (Jacques), « Effets d'information », in Boussaguet (Laurie), Jacquot (Sophie), Ravinet (Pauline),
Dictionnaire des politiques publiques, Presses de Sciences Po=, 2010, p. 218-225. p. 219
49
L’approche organisationnelle de la culture développée par Paul Hirsch éclaire plus précisément sur ce rôle charnière des médias en matière de production des biens culturels. Dans
son étude des innovations culturelles il analyse la trajectoire dans l’espace social de ceux-ci,
tout particulièrement ceux à la mode. Pour ce faire, il aborde l’industrie culturelle comme
un système d’organisations dont les interactions façonnent et régulent la production et la
distribution de la culture populaire et des beaux arts. Le système de l’industrie culturelle est
« composé de toutes les organisations engagées dans le processus de filtrage de nouveaux produits et des idées
telles qu'elles découlent du personnel “créateur” dans le sous-système technique vers des niveaux d'organisation manageriels, institutionnels et sociétaux. »109Dès lors, la valeur sociale d’un bien nécessite le
passage dans ces sous-systèmes. Le premier, « l’organisation culturelle » correspond au
sous-système managérial de l’industrie110, équivalent à la phase de production matérielle durant laquelle de premiers choix sont effectués. Le second, les « mass-media », sélectionne les
biens et peut contribuer au succès, notamment en créant un lien entre le public et le bien.
La première phase correspond à la phase de production matérielle du bien, alors que la seconde relève davantage d’une phase de production symbolique 111 consubstantielle à la
première.
Dans son analyse de la transformation de l’Opéra à Manchester, John Storey, professeur de
cultural studies à l’université de Suderland, met en évidence la transformation d’un divertissement populaire en art, par un ensemble de prescriptions qui le redéfinissent. En plus du
changement de catégorisation, du travail de mise en scène (présentation de l’œuvre dans sa
totalité, lieux de la représentation), il note : « L’Opéra comme art exige un nouveau public, qui soit
préparé à une écoute attentive silencieux, pour contraindre toute tentation de répondre physiquement à ce
qu’il vit, un public qui ne ferait pas que profiter, mais qui comprendrait. »112 Les critiques musicales
ont joué un rôle essentiel dans la diffusion de cette conception de l’Opéra, « pour construire
un discours qui autorise, contraint et constitue les significations possibles de l’opéra. » 113
Hirsch (Paul M.), « Processing Fads and Fashions: An Organization-Set Analysis of Cultural Industry Systems », The American Journal of Sociology, vol. 77, n°4, janvier 1972, p. 639-659, P. 642
110 “Cultural organization constitute the managerial subsystems of the industry system in which they must
operate” Hirsch (Paul M.), « Processing Fads and Fashions: An Organization-Set Analysis of Cultural Industry Systems », The American Journal of Sociology, vol. 77, n°4, janvier 1972, p. 639-659, p. 644
111 Ils sont des points de passage nécessaires à la diffusion sociale, en tant que
« sous-système
institutionnel ». Hirsch (Paul M.), « Processing Fads and Fashions: An Organization-Set Analysis of Cultural
Industry Systems », The American Journal of Sociology, vol. 77, n°4, janvier 1972, p. 639-659, p. 649
112 Storey (John), « Inventing opera as art in nineteenth-century Manchester », International Journal of Cultural
Studies, vol. 9, n°4, 2006, pp. 435–456, p. 447
113 Storey (John), « Inventing opera as art in nineteenth-century Manchester », International Journal of Cultural
Studies, vol. 9, n°4, 2006, pp. 435–456, p. 452
109
Dès lors, cette approche mêlant production matérielle et symbolique s’apparente à celle
d’Howard Becker dans Les Mondes de l’art, si nous nous en tenons à sa définition comme un
« réseau de tous ceux dont les activités, coordonnées grâce à une connaissance commune des moyens conventionnels de travail, concourent à la production des œuvres qui font précisément la notoriété du monde de l’art
»114 En considérant come nous allons le faire l’écosystème de production matériel et symbolique comme un « monde du jeu vidéo », nous dépassons le cadre de la production matérielle du bien par les développeurs, éditeurs et consoliers, pour intégrer un ensemble
d’acteurs qui partagent une conception du jeu vidéo et participent de sa qualification par
leurs lectures115. La définition de ce qu’est un jeu vidéo n’est donc pas le simple apanage
des producteurs du marché, mais un enjeu social et politique comme nous l’avons vu avec
les lectures idéologiques. De ce fait, les discours sur l’idéologie, la violence ou l’addiction,
tenus par des scientifiques, politiques, associatifs, ont aussi des répercussions sur le
« monde du jeu vidéo » et contribuent à son institution par l’entrée du joueur-commepublic. Néanmoins, avant d’analyser cette figure, il et nécessaire d’insister sur la construction de la relation marchande au travers du processus de privatisation de la pratique.
Le joueur-comme-consommateur et le joueur-comme-public comme clef de voûte du contrôle
Comme a pu ironiser Hirschman, à propos de l’apparition d’un nouveau bien de consommation : « par un singulier retournement, les choses inventées et produites par l’homme, de frivoles et futiles, deviennent soudain sacrilèges et extraordinairement menaçantes. » 116 Si Hirschman nous renseigne peu sur les modalités du passage de la frivolité à la préoccupation politique face à la
menace, il s’intéresse à la diffusion117 et à l’absence initiale de réglementation. Cet enjeu de
la diffusion a été largement développé par les journaux, mettant en avant le « formidable
succès du jeu vidéo » présenté comme le « jouet du futur », sa croissance sans limite, dépassant le flipper. La massification du jeu vidéo entre 1991 et 1993, autour du couple de
fabricants de consoles Nintendo et Sega, s’accompagne de la découverte du public par les
élites culturelles et politiques. Elle se traduit généralement par des croisades morales contre
Becker (Howard S.), Les mondes de l'art, trad. Jeanne Bouniort, Paris, Flammarion, 1988, p. 22
« Un monde de l’art se compose de toutes les personnes dont les activités sont nécessaires à la production
des œuvres bien particulières que ce monde-là (et d’autres éventuellement) définit comme de l’art. » Becker
(Howard S.), Les mondes de l'art, trad. Jeanne Bouniort, Paris, Flammarion, 1988, p. 110
116 Hirschman (Albert O.), Bonheur privé, action publique, Princeton, Hachette littérature, Pluriel sociologie,
1993, p. 101
117 « L’hostilité ne pourrait-elle être due à la nouveauté même des biens considérés, aussi bien qu’à leur diffusion à grande échelle, pour la première fois, auprès de certains groupes sociaux nouveaux ? » Hirschman (Albert O.), Bonheur privé, action publique, Princeton, Hachette littérature, Pluriel sociologie, 1993
114
115
51
les biens de la culture populaire118, comme autrefois le roman populaire rendant les jeunes
femmes hystériques 119 , les dime novels 120 , les penny dreadfull 121 , le cinéma, la bandedessinée122, les comics123. Toutes ces croisades sont marquées par un rapport idéologique
au public et s’intéressent davantage aux effets des biens sur ces publics qu’aux contenus
particuliers. Les premières études scientifiques d’envergure, connues comme les Payne
Found Studies (1929 – 1932) avaient ainsi un double objectif : premièrement, définir les
contenus des films et déterminer la taille des audiences, deuxièmement établir les effets de
l’exposition de l’audience aux messages des films124. Si le premier objectif était proche des
préoccupations des producteurs, le second relevait davantage d’enjeux de contrôle des contenus et de régulation par les pouvoirs publics, et ce d’autant plus dans les années 1930, où
les débats sur la censure commençaient à propos du cinéma125. Avec la diffusion massive et
le succès populaire, ces biens initialement non contrôlés et rapidement diffusés impliquent
à la fois la désignation de consommateurs comme victimes et l’amorce de politiques publiques de contrôle. Comme le souligne Kees Brants, « l'impact potentiel et culturel des médias,
en particulier sur les jeunes et les personnes vulnérables, a été un autre sujet de débat normatif et une base
pour la réglementation et l'autorégulation. (…) Les gouvernements ont toujours eu le sentiment de la nécessité de réglementer ou de mettre en garde contre un tel contenu »126.
Les contenus des jeux vidéo n’échappent donc pas à cette tendance à la régulation, plus
particulièrement lorsque les joueurs de jeux vidéo sont réduits à la figure du joueurcomme-public, entrant de plain-pied dans les préoccupations gouvernementales. La production de ce joueur-comme-public a pour effet de mettre à distance les enjeux de contrôle
118 Barrows (Susanna), Distorting Mirrors. Visions of the Crowd in Late Nineteenth Century France, New HavenLondres, Yale University Press, 1981
119 Queffelec (Lise) « Le lecteur du roman comme lectrice : stratégies romanesques et stratégies critiques sous
la Monarchie de Juillet », Romantisme, 1986, vol. 16, n° 53
120 Denning (Michael), « Cheap Stories: Notes on Popular Fiction and Working-Class Culture in NineteenthCentury America », History Workshop, n°22, Special American Issue, Automne 1986, p. 1-17
121 Springhall (John), «'Disseminating Impure Literature': The 'Penny Dreadful' Publishing Business Since
1860 », The Economic History Review, vol. 47, n°3, 1994, p. 567-584
122 Boltanski (Luc), « La constitution du champ de la bande dessinée », Actes de la Recherche en Sciences Sociales,
1975, n° 1, p. 42
Maigret (Eric), « La reconnaissance en demi-teinte de la bande dessinée », Réseaux, 1994, n°67, p. 116
123 Voir Méon (Jean-Matthieu), « La protection de la jeunesse comme légitimation du contrôle des médias : le
contrôle des publications pour la jeunesse en France et aux Etats-Unis au lendemain de la Seconde Guerre
Mondiale. », Amnis, n°4, 2004, p. 1 – 12,
124 Lowery (Shearon A.) et DeFleur (Melvin L.) Milestones in mass communication research: Media effects, 3ème
edition, White Plains, NY: Longman. 1995 cité dans Mosco (Vincent), « Mass Communications » in Bryant
(Clifton D.) and Peck (Dennis L.), dir., 21st Century Sociology: Reference Handbook, Thousand Oaks, CA: Sage,
2006, pp.549-558.
125 Voir chapitre 7
126 Brants (Kees), “Old nightmares and new dreams” in Brants (Kees), Hermes (Joke), van Zoonen (Liesbet),
dir., The media in question: popular cultures and public interests, Londres, Sage Publication, 1998, p. 171
des contenus idéologiques au profit d’une approche en termes de contrôle de la violence.
De même, l’histoire de l’évolution des entreprises de régulation met en évidence un passage d’une lecture morale, souvent religieuse au tournant du 20è siècle, à une lecture plus
civique mobilisant la protection de la jeunesse et renvoyant progressivement à l’économie
familiale dès lors que le public est pensé avant tout comme « jeune ». Or la production de
la figure du joueur-comme-public-jeune n’est naturelle, ni le simple fait des entrepreneurs
de morale. Elle est au contraire liée à la production de celle du joueur-commeconsommateur. Ces deux visions du joueur s’opposent et se complètent, entretiennent des
relations étroites et ambigües qui sont d’autant plus visible avec les jeux vidéo violents. En
effet, la sortie d’un titre critiqué pour sa violence se traduit généralement par un double
processus de débat sur l’opportunité d’une régulation des contenus, et de succès commerciaux importants pour les jeux incriminés, de Mortal Kombat (Acclaim, 1993) à Grand Theft
Auto (1998), notamment permis par un marketing de la violence ou une publicité offerte
par les débats sociaux et politiques.
Dès lors, de la même manière que les classements et la presse spécialisée constituent des
régimes d’information pour les producteurs en véhiculant la figure du joueur-commeconsommateur, le traitement grand public contribue à la constitution de la figure du
joueur-comme-public, fonctionnant comme un régime d’information. Les publicités occupent une place particulière : prescrivant une figure du consommateur, elles contribuent à la
production de la consommation comme pratique127.
La notion de régime d’information telle qu’elle a été développée par Peterson permet de
faire le lien entre les différents espaces sociaux, non pas que nous accordions une place
centrale au média mais parce que les médias sont à notre sens le point de rencontre entre
les logiques du marché, les discours sociaux et politiques, et les pratiques des consommateurs de jeux vidéo. Comme produit social, ils sont liés à différents acteurs, et donc permettent de remonter aux producteurs multiples de la qualification de jeux vidéo, des journalistes aux entrepreneurs de morale, des créateurs, aux joueurs, en intégrant les financiers
et les pouvoirs publics. Enfin, si nous les traitons en tant que biens, nous évitons la réification des pratiques mise en valeur précédemment lors des usages des théories des médias,
pour nous intéresser au contraire à la matérialisation des pratiques, des rationalités, des
idées dans un bien de consommation. Les médias doivent ainsi être pensés comme un espace non pas de la lutte entre les acteurs mais de mise en visibilité de la lutte. Les travaux
Zukin (Sharon) et Maguire (Jennifer Smith), “Consumers and Consumption”, Annual Review of Sociology,
vol. 30, 2004, p. 173-197
127
53
de Patrick Champagne et Dominique Marchetti ont ainsi mis en évidence que les médias
étaient le « régime d’information institutionnelle » où « la presse se fait l’écho de ce que disent ou veulent
communiquer les institutions, savantes ou officielles, sans intervenir directement dans les luttes internes qui,
inévitablement agitent ces milieux »128. Nous attribuerons par conséquent aux médias la place de
« sous-système institutionnel »129 du système d’industrie culturelle identifié par Paul Hirsch.
La normativité visée par les producteurs de biens – rappelant ainsi la théorie des effets –
est au cœur des dissensions et conflits. Les différents discours dans cette perspective sont
avant tout comme des marqueurs de lutte pour la prescription des bonnes pratiques (good
practice) en matière de production et de consommation des jeux vidéo. L’approche en
termes de système d’industrie culturelle permet de révéler les conflits de rationalité et de
normativité et les différentes manières de se penser par rapport au citoyenconsommateur130. Une telle perspective permet dès lors d’intégrer tout un ensemble hétérogène d’acteurs, autour d’un bien de consommation. Dans son analyse de la construction
des problèmes publics, Joseph Gusfield a ainsi pu mettre en évidence le rôle central des figures telles que l’alcoolique au volant dans les médias lors de batailles symboliques entre
pouvoirs publics, associations et fabricants d’alcool 131 . Les travaux de Richard Scott et
John Meyer ont pu souligner les imbrications des différents environnements techniques
(ceux de la production), informatifs (médiatiques) et institutionnels, tout en considérant
que les conflits sont avant tout liés aux rationalités de chaque environnement :
« Les environnements techniques et institutionnels donnent lieu à des formes d'organisation « rationnelles », mais chacun est associé à une conception différente de la rationalité. Les environnements techniques mettent l'accent sur une rationalité qui intègre un ensemble de prescriptions pour
faire correspondre les moyens aux fins, de façon efficace en vue de produire des résultats prévisibles.
Les environnements institutionnels embrassent une rationalité qui est suggérée par le terme voisin
“raisonnement”: fournir un cadre qui rende les actions passées compréhensibles et acceptables pour
les autres, qui rende l'organisation responsable de son action passée. » 132
Ainsi, la figure du joueur-comme-consommateur et celle du joueur-comme-public répondent à des rationalités et finalités différentes car n’appartenant pas aux mêmes environnements. Pour autant avec l’apparition de problèmes publics, ces deux rationalités se retrou-
Champagne (Patrick), Marchetti (Dominique), « L’information médicale sous contrainte », Actes de la
recherche en sciences sociales, 1994, vol. 101, n° 101 – 102, p. 40 - 62
129 Hirsch (Paul M.), “Processing Fads and Fashions: An Organization-Set Analysis of Cultural Industry
Systems”, The American Journal of Sociology, vol. 77, n°4, janvier 1972, p. 639-659, p. 649
130 Livingstone (Sonia) et Lunt (Peter), “Representing Citizens and Consumers in Media and
Communications Regulation”, The ANNALS of the American Academy of Political and Social Science 2007; n°611;
p. 51-65
131 Gusfield (Joseph), La culture des problèmes publics, Paris, Economica, 2009, p. 12
132 Richard (Scott), Meyer (John), “The organization of societal sectors: propositions and early evidence”, in
DiMaggio (Paul), Powell (Walter), The new institutionalism in organizational analysis, Chicago, The Chicago,
University Press, 1991, pp. 108 – 140, p. 124
128
vent en compétition, notamment dans l’environnement informatif. Les discours sur la violence, tenus par des scientifiques, politiques, associatifs, ont des répercussions sur le
« monde du jeu vidéo » 133, et ce parce qu’ils posent la question du contrôle des contenus, et
des acteurs en charge de ce contrôle, et de l’espace social du contrôle. Les médias jouent
alors un rôle central dans le processus de production de normes134, central car ils permettent de rendre visible les rationalités de chaque organisation et sont la scène des conflictualisations liées au problème public de la violence des jeux vidéo.
Cette figure duale du joueur invite à interroger les liens entre politique et marché des jeux
vidéo autour du contrôle de la production des biens et des destinataires des biens. De ce
fait, le « contrôle » du joueur est un enjeu tant pour les industriels que pour les pouvoirs
publics. Ces deux figures ne peuvent être distinguées, tant les liens entre les deux rationalités – marchande et protection publique– sont imbriquées.
3.
Marché et politique du jeu vidéo : les productions du contrôle
Tant dans leurs contenus que dans les dispositifs de régulation mis en place, on observe
une tension entre politisation du jeu vidéo et mise à distance du politique par les acteurs du
marché. D’un côté les appels à des aides fiscales et autres dispositifs pouvant faciliter la
création des studios sont portés par une partie des professionnels135, de l’autre toute condamnation par le personnel politique se traduit souvent en guerres de positions. Par
exemple, Jean-Claude Larue, délégué du Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisir
(SELL), critique vertement dans un moment d’énervement les attaques de Nadine Morano
alors secrétaire d’État à la famille : « On a une classe aujourd'hui qui nous emmerde. C'est les politiques. Parce que on a des personnes âgées, qui sont passées à côté de cet univers, Qu'ils s'appellent Sarkozy, Ségolène Royal, François Bayrou, Aubry, etc. Tous ces gens là sont passés au travers. Ils nous emmer-
Becker (Howard S.), Les mondes de l'art, trad. Jeanne Bouniort, Paris, Flammarion, 1988
Méon (Jean-Matthieu), « La protection de la jeunesse comme légitimation du contrôle des médias : le
contrôle des publications pour la jeunesse en France et aux Etats-Unis au lendemain de la Seconde Guerre
Mondiale. », Amnis, n°4, 2004, p. 1 – 12
134 Williams (Raymond), Television. Technology and cultural form, Routledge, Londres et New York, 1974, p. 129
135 SNJV, « 10 mesures clés pour relever les défis industriels du secteur en France », Communiqué de presse,
13 mars 2012
133
55
dent »136 En pratique, les relations entre les acteurs du marchés et les consommateurs apparaissent comme étant soit inexistantes soit très conflictuelles dès lors qu’il est affaire de
morale et de définition du jeu vidéo. Il nous semble dès lors plus intéressant d’interroger le
processus d’évitement du politique et « d’occultation de la compétence politique » 137 qui
semble traverser tous les jeux vidéo grand public au même titre que les productions audiovisuelles de masse, tant du côté des créateurs, que des financiers et dans une certaine mesure des pouvoirs publics et les acteurs associatifs. Deux tendances tendent à écarter le jeu
vidéo du politique et plus particulièrement de l’intervention des pouvoirs publics, d’une
part, une privatisation du jeu vidéo, qui tient au passage des jeux de l’espace public (les
salles d’arcades) à l’espace privé, et d’autre part, une globalisation du marché vidéoludique
à la suite du processus de financiarisation. Ce double processus est un défi pour la régulation du jeu vidéo, d’une part parce que l’espace de production et de circulation des jeux vidéo est transnational, et d’autre part parce que la pratique s’inscrit dans une logique de
consommation privée, a priori au-delà du spectre d’intervention de l’Etat libéral, et ce
d’autant plus que l’absence de politiques industrielles et/ou culturelles initiales rend faibles
les probabilités d’intervention des pouvoirs publics.
Dans leur analyse du cas irlandais de la globalisation du cinéma et des déclinaisons de films
en jeux vidéo138, Aphra Kerr et Roddy Flynn font l’hypothèse qu’il y a un effacement des
frontières politiques lié au processus de globalisation, en particulier à l’absence de contrôle
de la distribution, ce qui confère une position dominante aux acteurs économiques américains sur les productions irlandaises. Au-delà du cas particulier du jeu vidéo, John Agnew
considère que :
« La mondialisation est pour partie l’affaire des entreprises qui tentent de tirer profit de l'avantage
comparatif de la production par d'autres pays et régions et d'accéder sans entrave à leurs marchés
de consommation. Mais il s'agit aussi de l’affaire de gouvernements désireux d'attirer les capitaux
et l'expertise au-delà de leurs frontières de manière à accroître l'emploi, d'apprendre de leurs partenaires étrangers et, généralement, d'améliorer la position concurrentielle globale de “leurs” entreprises. »» 139
Interview, Jean-Claude Larue répond à Morano : « les politiques prennent les joueurs pour des cons »,
Teknologik, 26 novembre 2009 http://www.teknologik.fr/jeux-video/interview-jean-claude-larue-lespolitiques-prennent-les-joueurs-pour-des-cons-7663
137 Déloye (Yves), « Pour une sociologie historique de la compétence à opiner « politiquement » », Revue
française de science politique, 2007, vol. 57, n°6, p. 775-798
138 Kerr (Aphra) et Flynn (Roddy), « Revisiting Globalisation Through the Movie and Digital Games Industries », Convergence, 2003, vol°9, n°1, p. 91- 113
139 “Globalization is partly about firms attempting to cash in on the comparative advantage enjoyed in production by other countries and localities and gain unimpeded access to their consumer markets. But it is also about governments wanting to attract
capital and expertise from beyond their boundaries so as to increase employment, learn from foreign partners, and generally improve the global competitive position of “their” firms. Agnew, (John A.), Hegemony : the new shape of global power, Philadelphia, Temple University Press 2005, p. 143
136
Élément de politique industrielle et extension de l’espace de la production des biens, la
globalisation a des effets sur la production des contenus et les modes de régulation des
pratiques du jeu vidéo. Du côté des contenus, comme a pu le souligner Mia Consalvo, le
processus de globalisation entraîne « le développement de contenu qui dans sa forme brute puise dans
des thèmes communs, des personnages ou des univers, mais qui est ensuite localisé ou “culturalisé” pour
mieux répondre aux intérêts d’une variété de marchés. »140. L’industrie du jeu vidéo est ainsi marquée par de fortes hybridations entre le Japon et l’Occident qui produisent des contenus
les plus neutres possibles141 et essaient de concilier production globalisée et distribution localisée dans des « réalisations du glocal »142. Dès lors la régulation des contenus est à analyser au prisme de ce processus de production de contenus « cosmopolites » 143 , pour reprendre la formule d’Henry Jenkins, sans négliger pour autant le poids du local, notamment dans une logique d’anticipation de la demande au regard des réceptions culturelles
localisées. Enfin, en parallèle de cette globalisation, un processus de privatisation tend à
soustraire les jeux vidéo au contrôle des pouvoirs publics.
Privatisation du jeu vidéo
Il est courant de considérer les jeux vidéo contemporains comme des biens de consommation culturelle pratiqués de manière individuelle dans l’espace privé. L’individualisme de la
pratique des jeux vidéo est généralement opposé aux « vraies » sociabilités des jeunes, celles
qui impliquent une rencontre réelle entre individu, une présence physique. Cette vision
d’un loisir individualiste est renforcée par l’espace privé de la pratique comme en témoigne
la présence des consoles de jeux dans le foyer familial : de la chambre des joueurs au salon
dans lequel se trouve la télévision. Dans cette perspective, les jeux vidéo peuvent s’inscrire
dans « une culture de la chambre »144, entendue par Sonia Livingston comme « un ensemble
“the development of content that in its raw form might draw from common themes, characters, or
universes, but is then localized or “culturalized” to respond best to the interests of a variety of markets.”
Consalvo (Mia), « Convergence and Globalization in the Japanese Videogame Industry », Cinema Journal, vol.
48, n°3, 2009, p. 135-141, p. 140
141 Iwabuchi (Koichi), « Au-delà du « Cool Japan », la globalisation culturelle... », Critique internationale, 2008/1
n° 38, p. 37-53
142 Consalvo (Mia), « Console video games and global corporations: creating a hybrid culture, New Media &
Society », vol. 8, n°1, 2006, p. 117 – 137. p. 126 - 127
143 Jenkins (Henry), « The Cultural Logic of Media Convergence », International Journal of Cultural Studies, vol.
7, no. 1, 2004, p. 33–43, p. 41
144 Voir notamment :
140
57
de significations et de pratiques conventionnelles étroitement associées à l'identité, la confidentialité et au soi,
ensemble qui a été relié à l'espace domestique de la chambre de l'enfant dans la société moderne tardive »145
La notion de « culture de la chambre » décrit la pratique des plus jeunes, comme l’illustre
aussi le travail d’Hervé Glevarec146. En effet, pour cette tranche d’âge préadolescente, c’est
bien la chambre qui est l’espace central (mais néanmoins pas exclusif) du loisir. Mais si la
pratique peut en effet être individuelle quand l’on joue, le jeu vidéo est aussi un sujet de
conversation ordinaire et facilitant la socialisation147, et certains jeux en ligne favorisent les
sociabilités télématiques.
Cependant, le jeu vidéo n’est pas uniquement pratiqué chez soi, mais aussi dans des espaces publics. Les consoles portatives telles que la Nintendo DS, la PSP de Sony permettent de jouer sans contrainte spatiale, et s’inscrivent même dans une pratique nomade. Les
rames de métro deviennent ainsi des espaces où les individus jouent sur leurs consoles
mais aussi sur leurs téléphones. De la même manière, le jeu vidéo s’invite sur les lieux de
travail par l’intermédiaire du démineur, du solitaire et des jeux disponibles gratuitement sur
internet ou sur les réseaux sociaux tels que Farmville sur Facebook. Si la tendance marketing du début des années 2010 consiste à multiplier les espaces du jeu vidéo, avec la notion
de « jeu pervasif » 148 soit la contamination par le jeu vidéo de l’espace réel149, ce terme traduit pour partie une réalité : le jeu vidéo n’est pas une pratique dans un espace privé mais
Pasquier (Dominique), « L’espace privé comme lieu de consommation culturelle », in Greffe (Xavier), dir.,
Création et diversité au miroir des industries culturelles, Paris, La Documentation Française, 2006.
Glevarec (Hervé), « Les trois âges de la « culture de la chambre », Ethnologie française, vol. 40, n°1, 2010, p. 1930
145 Livingston (Sonia), « From family television to bedroom culture : young people’s media at home », in
Devereux (Eoin), dir., Media Studies : Key Issues and Debates, London, Sage, p. 302-321., p. 302
146 Glevarec (Hervé), « Les trois âges de la « culture de la chambre », Ethnologie française, vol. 40, n°1, 2010,
p. 19-30
147 Pasquier (Dominique), Jouët (Josiane), « Les jeunes et l’écran », in Réseaux vol.17, n°92-93, 1999
148 Voir par exemple : Henry, « Jouer tout le temps », Dream Orange, 2 novembre 2008
http://www.orangeinnovation.tv/dreamorange/?JDocumentOid=2206&p=Portal/document&title=jouer_tout_le_temps
Ainsi que l’étude de game studies :
Montola (Markus), Stenros (Jaakko), Waern (Annika), Pervasive Games: Theory and Design of Social, Pervasive,
Location-based Games, Morgan Kaufmann Publishers, 2009
149 Voir par exemple, d’un point de vue technique, les évolutions techniques qui permettent de lier les
données informatiques au territoire physique. Ansi, les Augmented Reality Games (ARG) proposent de
prendre les espaces physiques réels comme des espaces ludiques. Un jeu comme foursquare, par exemple,
propose de devenir maire d’une ville, par un système de jeu fonctionnant sur la présence physique des
joueurs. La localisation des joueurs se fait par téléphone portable ayant accès au net : le joueur est géolocalisé,
le programme informatique permet de suivre les déplacements de tous les joueurs et d’attribuer en fonction
de la durée de l’occupation de l’espace leur rang dans le jeu. En effet, plus une personne est présente, plus
elle a des chances de gagner le titre de maire. La culture de la chambre ne permet pas de rendre compte de
ces jeux basés sur des réseaux sociaux numériques géo-localisés. Pour les enjeux de la convergence
géolocalisation et médias, voir l’ouvrage :
Nova (Nicolas), Les Médias Géolocalisés, Paris, FYP éditions, 2009
une pratique individuelle ou collective qui peut s’immiscer dans les interstices du temps
libre.
Il convient de séparer la posture physique individuelle du joueur, l’espace de la pratique, et
le type de consommation à la manière dont Manuel Boutet a montré qu’il existait une pratique de la lecture, solitaire, dans les lieux de travail, lors des moments de pause 150. On ne
peut pas pour autant qualifier la pratique du jeu vidéo dans des toilettes, le métro, une file
d’attente, en voiture, en cours, ou dans n’importe quel autre espace comme une culture de
ces espaces. La privatisation de la consommation culturelle des jeux vidéo ne repose pas
sur la simple dichotomie espaces public / privé, mais a trait à la propriété du dispositif de
jeu et à la dépendance physique de la machine à l’espace de la pratique. Comme le souligne
à nouveau Sonia Livingston, avec l’arrivée de l’ordinateur dans l’espace domestique, un
questionnement nouveau apparait dans la cellule familiale : « la décision sur la localisation de
l’ordinateur et les postes de télévision, implique maintenant une décision centrale pour savoir à qui il est,
plutôt que de savoir qui le regardera. » 151 Cette notion de propriété est constitutive de la production du joueur-comme-consommateur : acquérant un bien qui lui offre un divertissement,
le joueur est avant tout dans une relation consumériste classique. Ce point est déterminant
pour comprendre les implications politiques du jeu vidéo. Par exemple, il existe aujourd’hui des débats autour de la propriété, que ce soit autour de la relation à l’objet physique permettant de jouer, de la pratique de jeu ou des contenus produits dans les jeux vidéo en ligne. Ainsi, ont eu lieu des actions en justice152 pour déterminer si le personnage
d’un jeu vidéo, dans lequel un joueur a pu s’investir des centaines d’heures est la propriété
des éditeurs ou des joueurs153. Plus généralement, cet exemple invite à questionner le statut
du joueur dans une œuvre interactive et dans un dispositif sociotechnique. Politiquement
cette évolution de la consommation des jeux vidéo complexifie les manières de faire des
pouvoirs publics. Ce travail de construction d’une individualisation nouvelle154 de la propriété est à l’œuvre, de l’acte de consommation comme droit de l’individu jusqu’aux pratiques sociales en ligne comme propriété personnelle sur le modèle de l’auteur littéraire – et
Boutet (Manuel), « Statut et lectures des pauses en sociologie du travail. Un objet d’étude impossible ? »,
Histoire et Sociétés, Revue européenne d’histoire sociale, n°9, 2009, p. 6–17, p. 7
151 Livingstone (Sonia), “Young People and the New Media: On learning lessons from TV to apply to the
PC”, Réseaux, 1999, vol. 7, n°1, pp. 59 – 81, p. 68
152 Verbiest (Thibault), «Le statut juridique de l’avatar », Journée d’étude Droit et jeux vidéo, IREDIC,
Université Aix III, 22 mai 2008
153 Voir à ce sujet la déclaration des droits de l’avatar de Raph Koster, inventeur de la Collecovision, une des
premières consoles de jeu vidéo. Koster (Raph), “A Declaration of the Rights of Avatars”, 27 Août 2000 :
http://www.raphkoster.com/gaming/playerrights.shtml
154 Le Bart (Christian), L’individualisation, Paris, Presses de Science Po, 2009
150
59
donc inaliénable155. Cet enjeu juridique autour de la propriété personnelle est à mettre en
perspective avec l’évolution même des jeux vidéo.
Initialement le jeu vidéo n’est ni une pratique privée ni un bien de propriété privée. Au
contraire : les premiers jeux vidéo sont sur des bornes imposantes situées dans des espaces
publics tels que les cafés ou les salles d’arcade, et sont la propriété des gérants. Des années
1970 jusqu’à la moitié des années 1980, pour jouer il faut se rendre dans ces lieux : Pac-man,
Space invaders se jouent sur des énormes machines qui côtoient les flippers ou les baby-foot.
Dès lors, la régulation concerne essentiellement l’accès à ces jeux, et repose sur un contrôle
des propriétaires. Par conséquent, un système d’administration des bornes d’arcade se développe au début des années 1980 : zonage, autorisation, limitation. Nous reviendrons sur
ces politiques locales dans la première partie de cette thèse.
L’évolution la plus fondamentale est l’apparition du jeu vidéo sur console individuelle qui
permet de faire passer le jeu vidéo des espaces publics vers l’espace domestique, des bars et
salles de jeu vers le salon et la chambre. Ce passage est permis par la production de masse
de consoles dites de “salon“, telles que l’Atari 2600 – mise en place sur le marché américain en 1977 – ou la Nintendo NES – distribuée en 1985 sur le marché américain et en
1986 sur le marché européen – qui rencontre un succès très important, se vendant à plus
de 60 millions d’unités156. Cette évolution technique change la nature du marché des jeux
vidéo, et institue de nouveaux rapports de force. Les opérateurs de « machines
d’amusement » qui avaient une position monopolistique sur les jeux d’arcade, étant donné
qu’ils fournissaient les machines et éditaient les titres, sont dès lors directement concurrencés dans les années 1980 par les fabricants de console tels que Nintendo, Atari ou Sega.
L’équilibre économique est alors modifié au profit des fabricants de consoles. En parallèle,
la séparation de la machine et du contenu change les rapports de force, une spécialisation
du travail dans la production des contenus vidéoludiques apparait, avec d’une part
l’émergence des éditeurs de jeu, en charge de la production financière des titres, et d’autre
part les studios de développement en charge de la production du contenu. La distribution
des jeux est dorénavant insérée dans un marché de la vente des machines et des titres, soit
dans les grandes surfaces ou dans les magasins spécialisés. Enfin, la séparation concrète
Nous nous retrouvons dès lors face à un processus proche de la professionnalisation de l’écrivain, avec de
surcroît une entreprise de construction de la pratique des jeux vidéo. Voir entre autres sur la professionnalisation de l’écrivain : Sapiro (Gisèle), Gobille (Boris), « Propriétaires ou travailleurs intellectuels ? Les écrivains
français en quête d’un statut », Le Mouvement Social, 2006, n°214, p. 113 - 139
156 Source vgchartz.com. Est une estimation
155
entre le logiciel et la machine, permet une dématérialisation157 du jeu vidéo. Le fait que les
jeux puissent être distribués indépendamment des machines est d’un point de vue pratique
une évolution significative, puisque dès lors l’acheminement de cartouches ou de CD-Rom
est moins coûteux que le déplacement de bornes d’arcade de plusieurs dizaines de kilos, et
la possession d’une console moins contraignante (en termes de coût et de place dans
l’espace domestique).
Si nous voulions faire une comparaison, le passage de la borne d’arcade vers le jeu sur console est à peu près identique à l’évolution de la musique jouée sur un jukebox, donc matériellement et spatialement contraignante, à l’arrivée de la cassette et du CD permettant à la
fois une écoute individualisée et l’expansion de l’offre des contenus sur le marché de la
musique158. Du point de vue de la production, le passage de la borne d’arcade aux consoles
de salon entraine un processus de privatisation, ou plutôt l’intégration du jeu vidéo sur un
marché économique où les acteurs privés remplacent les tenanciers d’espaces publics (bars,
salles de jeux, etc.). Dès lors l‘enjeu politique de l’accès aux jeux vidéo devient bien plus
complexe en raison de la division du travail de production, de l’absence d’organes de représentation et de fédération des intérêts des différents acteurs économiques. En parallèle,
la privatisation de la pratique, et surtout celle de la propriété du jeu vidéo, constituent un
autre problème politique : les jeux vidéo étant entrés dans l’espace privé, et relevant d’un
circuit de production privé, sans point de passage avec l’espace public, il devient difficile
de proposer une régulation. Si, dans le cas des jeux vidéo sur bornes d’arcade, les autorités
administratives locales, par l’intermédiaire du système de licences d’attribution, pouvaient
exercer leur autorité auprès des cafetiers ou tenanciers de salle d’arcade, et entreprendre
des négociations avec les fabricants de machines d’arcade, regroupés en unions professionnelles, le jeu vidéo sur console devient un défi.
A titre de comparaison, le contrôle de la télévision et de la radio implique les pouvoirs publics notamment par l’administration et la gestion du spectre des fréquences. A cette première condition matérielle, contrainte quasi naturelle, s’ajoute la part importante des pouvoirs publics dans la production du contenu159. L’autonomie de la télévision publique est
en France acquise depuis qu’elle n’est plus sous la tutelle du ministre de l’Information. Si
c’est la redevance audiovisuelle, et dans une moindre part la publicité, qui financent les
La dématérialisation ne signifie pas virtuel ou support numérique, ni ne s’oppose pas à la réalité touche
avant tout au support de stockage des programmes.
158 Nous étudierons les jeux vidéo sur borne d’arcade dans le second chapitre
159Mercier (Arnaud), Le Journal télévisé. Politique de l'information et information politique, Paris, Presses de Sciences
Po, 1996
157
61
chaînes de télévision, cependant les œuvres audiovisuelles sont aidées par le CNC. C’est en
outre le CSA qui nomme le président de France Télévisions, tandis que les membres du
CSA sont nommés pour 6 ans par le Président de la République, le président de
l’Assemblée nationale et le président du Sénat, renouvelés par tiers tous les deux ans et
obéissant au principe d’indépendance (fonction politique proscrite, conflits d’intérêts bannis). Enfin le contrôle du contenu, notamment en matière de programme jeunesse s’intègre
dans les dispositifs légaux sur la presse et les publications160. Télévision et politique sont
donc étroitement liés dès l’origine, à l’inverse des jeux vidéo : sans aucune tutelle originelle,
l’industrie s’est développée à la marge, et les liens entretenus avec les pouvoirs publics se
focalisent sur la question du marché des jeux vidéo.
La globalisation de la production
L’industrie des jeux vidéo peut être considérée comme une industrie globalisée dont les
biens de consommation sont diffusés sur des marchés transnationaux. Le jeu vidéo peut
être considéré comme un bien globalisé, dans la mesure où des sorties mondiales sont de
plus en plus courantes. Par exemple, le jeu Final Fantasy XIII a fait l’objet d’une sortie européenne et américaine commune, le 9 mars 2010, alors qu’il était disponible au Japon depuis le 17 décembre 2009. L’alignement temporel des sorties des best-sellers remonte ainsi
à la génération précédente de consoles (Playstation 2, 1999) et concerne essentiellement les
jeux créés par les occidentaux. Cette logique de la sortie mondiale, héritée du cinéma, laisse
supposer qu’il y a un marché unique globalisé du jeu vidéo. Les communiqués sur les différents chiffres d’affaires engendrés lors de la première semaine de vente contribuent à renforcer cette idée. Cependant, la notion de production globalisée n’est pas forcément synonyme d’industrie globale, c'est-à-dire que si les produits tendent à être distribués uniformément sur les trois grands marchés du jeu vidéo (Europe, États-Unis, Asie du Sud Est),
des différences existent. Par exemple, un bien d’origine japonais, véhiculant des valeurs
particulières, marqué d’une culture particulière comme dans la saga des jeux de rôle Final
Fantasy (85 millions d’exemplaires vendus, toutes versions confondues) n’était à l’origine
produit que pour le Japon, les délais de traduction et distribution en Europe ayant pu aller
jusqu’à plusieurs années : ainsi, le premier épisode était sorti en décembre 1987 au Japon et
Méon (Jean-Matthieu), L'euphémisation de la censure. Le contrôle des médias et la protection de la jeunesse : de la
proscription au conseil, Thèse pour doctorat de science politique, l'Université Robert Schuman - Strasbourg III,
sous la direction de Vincent Dubois, professeur à l'Université de Metz, 2004
160
en juillet 1990 aux États-Unis. Le succès commercial de la licence au fil des épisodes, a entraîné une synchronisation des marchés américain et européen, les dates de sorties étant
communes, alors que le marché japonais demeurait autonome. Dès lors, si le même jeu est
distribué au même moment dans les pays occidentaux, il convient de revenir sur la notion
de globalisation ainsi que sur la réalité du marché des jeux vidéo pour nuancer cette image
d’un marché unique mondial.
Le succès de la notion de globalisation, anglicisme pour mondialisation, invite à utiliser
avec une certaine prudence cette « notion bulldozer »161, ce « dernier pont-aux-ânes » 162.
Elle vise généralement à déduire un processus de déterritorialisation des espaces de pratiques, généralement de consommation, et constitue une version plus sociologisée des notions d’hégémonie ou d’impérialisme. La définition proposée par Stuart Hall est une tentative de requalification d’un terme politique en terme scientifique :
« La globalisation est le processus par lequel les zones relativement distinctes du globe en viennent
à se rencontrer en un seul “ espace” imaginaire, quand leurs histoires respectives sont contenues
dans un cadre temporel et spatial dominé par le temps occidental, quand les frontières réelles renforcées par l'espace et la distance sont reliées par des connexions (voyage, commerce, conquête, colonisation, marchés, capitaux et flux de travail, de biens et de bénéfices) qui ont progressivement
érodé la distinction claire et nette entre “l'intérieur” et “l'extérieur” »163
Dans cette perspective, la globalisation est entendue comme un processus
d’homogénéisation de l’espace temps, qui dépasse les espaces nationaux, et entend imposer
grâce à la promotion d’un imaginaire transnational, l’existence même d’un espace transnational. La première difficulté réside dans le fait que la globalisation est à la fois un phénomène, et un discours de légitimation du marché. Comme le remarque Tristan Mattelart, la
« rhétorique stridente sur la “globalisation” tend à représenter le monde comme “ un seul grand marché
unique” et à ignorer “ les différences régionales ou nationales superficielles” »164. Ironiquement, la globalisation est un concept globalisé, « aux allures de messages de libération »165 soutenu pour partie par les producteurs des industries globales eux-mêmes et par les tenants d’un marché.
Pour reprendre Merton, la globalisation est une « prophétie auto-réalisatrice », s’inscrivant
dans une culture de métier et visant à instituer et à naturaliser une vision du marché. Elle
Kellner (Douglas), « Theorizing Globalization », Sociological Theory, vol. 20, n°3, novembre 2002, p. 285305, p. 285
162 Mattelart (Armand), Neveu (Erik), Introduction aux Cultural Studies, Paris, La Découverte, coll. « Repères »,
2003, p. 97
163 Hall (Stuart), “New cultures from old”, , in Massey (Doreen) Jess (Pat), dir., A Place in the world? Places, Cultures and Globalization. Oxford, The Open University, Oxford University Press, 1995, p. 176 – 213
164 Mattelart, (Tristan), « Le tiers monde à l’épreuve des médias audiovisuels transnationaux : 40 ans de
controverses théoriques. » in Mattelart (Tristan), dir., La mondialisation des médias contre la censure, De Boeck,
paris, 2002, p. 17 – 80, p. 56
165 Bourdieu (Pierre), Wacquant (Loïc), « Sur les ruses de la raison impérialiste », Actes de la recherche en sciences
sociales, 1998, vol.121, n°1, p. 109 - 118
161
63
est donc avant tout une rhétorique qui tend à fonder une communauté imaginaire, inscrite
dans l’ordre symbolique.
Les travaux de Stuart Hall et de Doreen Massey166 projettent d’analyser ces espaces imaginaires de la globalisation, en mettant en évidence le rôle central des représentations symboliques de la communauté globalisée : « cette communauté conduit également à l'idée que nous avons
d’elle, aux images que nous utilisons pour la conceptualiser, aux significations que nous lui associons, au
sens de la communauté avec autrui que nous portons en nous. »167 Selon Doreen Massey, la globalisation se manifeste par des pratiques particulières, une expérience individuelle, mais dont les
effets dépassent le cadre local : « L'entreprise locale peut être limitée à une seule région par ses fournisseurs et ses clients (bien que cela, bien sûr, devienne de moins en moins probable), mais ces fournisseurs
et clients peuvent eux-mêmes être pris dans des systèmes de liens économiques qui sont plus largement répandus dans l’espace. Nous, en tant qu’individus, vivons des vies qui sont reliées à des systèmes beaucoup
plus complexes et aux facettes plus nombreuses que ceux auxquels nous avions affaire. »168 Dans le cas
du jeu vidéo, ce processus de constitution d’une communauté imaginaire mondiale passe
par la production de figures symboliques. Les publicités tendent à faire de la pratique du
jeu vidéo une pratique mondialisée en mettant l’accent sur l’appartenance non seulement à
une communauté globale, mais surtout sur l’expérience d’un autre monde, où les différences géographiques et sociales seraient abolies. Que ce soit la campagne pour la sortie du
jeu de combat Mortal Kombat169 qui figure un foule d’individus convergeant autour du jeu,
que ce soit les dernières publicités télévisées pour les jeux Pokemon - « explorateurs pokemon,
rejoignez la guilde pokemon »170 -, ou la campagne marketing de Sony, pour le lancement de sa
Playstation 2 qui s’est centrée sur la notion de « troisième monde », toutes instituent un
imaginaire censé dépasser les frontières géographiques et sociales.
D’un point de vue économique, les jeux vidéo sont produits par des éditeurs « mondiaux »,
dont le statut se situe entre celui des corporations transnationales et celui des industries nationales globalisées, puis diffusés dans des espaces marchands transnationaux. Le cas de
Vivendi Activision traduit bien cette fusion entre industries nationales (France - États-
Massey (Doreen) Jess (Pat), dir., A Place in the world? Places, Cultures and Globalization. The Open University,
Oxford University Press, Oxford, 1995
Massey (Doreen), Space, place and gender, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1994
167 Hall (Stuart), “New cultures from old”, in Massey (Doreen) Jess (Pat), dir., A Place in the world? Places,
Cultures and Globalization. Oxford, The Open University, Oxford University Press, 1995, P. 182
168 Massey (Doreen), “The conceptualization of place”, in Massey (Doreen) Jess (Pat), dir., A Place in the
world? Places, Cultures and Globalization. Oxford, The Open University, Oxford University Press, 1995, p. 45 –
85, p. 58
169 « Acclaim Mortal Kombat : Jeu Pour Console Acclaim », Publicité télévisée française, 4 septembre 1993,
durée 11s, INA
170 Film publicitaire TV, « Explorateurs pokemon », Alerte Orange, 2009
166
Unis), alors qu’un éditeur national comme Electronic Arts (Etats-Unis) ou Ubisoft
(France), produit de manière globale avec les studios de développement internalisés et les
sous-traitants. Des majors des médias peuvent produire des jeux vidéo, sans pour autant
être des acteurs dominants sur le marché du jeu vidéo. Du point de l’espace de la production et de la diffusion, il n’existe pas un seul marché mondial du jeu vidéo, mais trois
grands pôles transnationaux avec des particularismes locaux : l’Amérique du Nord,
l’Europe, et l’Asie, centrée sur le Japon. Ces trois marchés transnationaux ne coïncident
pas totalement avec les espaces politiques institutionnalisés, à l’exception de l’Amérique du
Nord. En Europe, le marché du jeu vidéo s’étend au-delà des frontières de l’Union européenne.
Il n’est pas étonnant que la globalisation apparaisse comme annonciatrice de la fin de
l’État, dans la mesure où le marché globalisé idéal serait justement un marché non seulement transnational – ce qui présuppose l’Etat – mais littéralement un village global, sans
régulation politique. En somme, la globalisation serait alors un processus matériel de circulation des biens, des services et hommes, en phase avec les politiques libérales de dérégulation. Il est alors nécessaire de sortir de cette acception de la globalisation comme schème
interprétatif et de revenir aux faits, à la pluralité des espaces sociaux du jeu vidéo. De c
epoint de vue, la globalisation se construit, se produit, et surtout doit être ramenée à la circulation des biens. L’analyse de l’internationalisation des images d’information télévisée par
Dominique Marchetti est un bon exemple pour comprendre la modification des conditions
de production de l’information puisqu’il fait apparaître le poids croissant des agences audiovisuelles privées, fonctionnant comme des grossistes d’images171 en position oligopolistique.
De fait, la globalisation de jeux vidéo s’apparente davantage à un processus
d’homogénisation des espaces nationaux, selon les conditions d’un marché à visée transnationale. Nous considèrerons alors qu’à la différence de l’organisation du système de production, la globalisation est avant tout l’organisation du système de diffusion et, in extenso,
de réception uniformisée de ces biens, dont le marché devient le lieu central, par-delà les
particularismes et la réalité sociopolitique. La forte dimension spatiale de la globalisation,
matérielle et symbolique, a ainsi poussé les chercheurs à contrebalancer la déterritorialisation par une reterritorialisation des pratiques dans l’espace local. La reterritorialisation
Marchetti (Dominique), « L’internationale des images », Actes de la recherche en sciences sociales, 2002, n°145,
p. 71 - 83
171
65
pour le jeu vidéo est visible dans les débats publics pouvant précéder des politiques de régulation des contenus.
Les débats publics comme reterritorialisations symboliques
La construction transnationale du marché n’induit pas forcément une globalisation
s’affranchissant de tout particularisme local. Au contraire, les études des médias et de la
culture, plus particulièrement les cultural studies anglo-saxonnes, ont analysé le processus de
globalisation par un double intérêt pour l’internationalisation des images d’une part, et
pour des stratégies locales parallèles, d’autre part. Comme le notent David Morley et Kevin
Robins : « D'un côté, les évolutions technologiques et du marché conduisent à l'émergence d'industries
d’image globale et de marchés mondiaux ; nous assistons à la “déterritorialisation” de la production audiovisuelle et à l'élaboration de systèmes transnationaux de diffusion. D'un autre côté, cependant, il y a eu une
évolution significative vers la production locale et les réseaux de distribution locaux. »172 Cette évolution
des conditions matérielles et techniques de la production des biens culturels conduit à interroger les valeurs et les significations de ces nouveaux biens, à questionner la diversité
culturelle, le pluralisme de l’information, et la survie de productions culturelles nationales.
Le rôle des marchés, la financiarisation de la production culturelle, la concentration oligopolistique des majors de l’audiovisuel, redessinent les frontières traditionnelles. Et les jeux
vidéo s’inscrivent bien dans cette perspective de la globalisation. Pour autant, nous allons
voir que le processus de globalisation concerne avant tout le marché du jeu vidéo, plus que
les biens vidéoludiques, qu’il s’agit d’une circulation mondialisée des biens, sur des marchés
transnationaux.
Comme le souligne John Agnew, dans ses travaux sur la globalisation et l’hégémonie, il est
habituel de considérer que le “globalisé” n’est que le fait des entreprises, et plus particulièrement la conséquence de l’hégémonie des entreprises américaines sur le monde, ce qui
remettrait en cause le « monopole territorial de l’Etat légendaire »173. Alors que les thèses
sur l’américanisation de l’Europe soutiennent cette croyance, sans pour autant se demander
ce qui est globalisé, ni comment cette globalisation est possible. John Agnew considère
Morley (David), Robins (Kevin), Spaces of identity. Global Media, electronic landscape and cultural boundaries,
Londres, Routledge, 1995
173 Politics everywhere involves three different spatial modalities, only one of which is territory: territory, spatial interaction, and place-making. Yet much thinking about politics and the sovereignty that frames it has
been totally related to the presumed monopoly exercised by territorial forms, especially that of the legendary
‘‘state.’’”
Agnew (John), Globalization and Sovereignty, Plymouth, Rowman & Littlefield Publishers, Inc., 2009, p. 39
172
pour sa part que la globalisation est aussi une entreprise politique soutenue par les gouvernements174. Le régime de la « société du marché » étant institué par les pouvoirs publics
américains, succédant au néolibéralisme de l’après seconde guerre mondiale, la globalisation est avant toute chose une continuité de cette évolution des politiques publiques américaines, traduisant la part prépondérante du marché. De la même manière, à l’échelle de
l’européanisation, Neil Fligstein prenant le cas du football a mis en avant la tension entre la
commission européenne, les instances nationales et les grands groupes médiatiques dans la
mise en place d’une ligue européenne175. L’analyse de la globalisation par Saskia Sassen
permet quant à elle de mesurer les conséquences de telles politiques publiques économiques, en mettant en évidence le lien entre le contexte « de dérèglementation, la privatisation et
l’autorité croissante des acteurs non étatiques, dont certains assurent de nouveaux rôles normatifs. » 176
Aussi ce n’est pas tant la globalisation en elle-même qui réorganise les rapports de force
que la prééminence des acteurs privés dans la production de normes dans des marchés dérégulés.
Ainsi, la globalisation apparaît liée d’une part à l’économie, plus particulièrement à la production, la distribution et la diffusion, et d’autre part aux pouvoirs publics qui, se positionnant sur le marché économique, encouragent cette réorganisation des marchés. Plus précisément, les pouvoirs publics favorisent un « régime d’accès au marché » du commerce et
de l’investissement mondial, c'est-à-dire : « un régime dans lequel des règles acceptables régissant le
commerce et l'investissement se propagent à partir d’un domaine relativement étroit du commerce et couvrent
un large éventail de secteurs de l'organisation des entreprises et de la performance. »177 Ce concept de
« régime d’accès » nous apparaît particulièrement judicieux car il articule ce qui relève des
contraintes matérielles, économiques et politiques. En effet, la tension entre le politique et
l’économique autour de l’enjeu de l’accès se trouve au cœur de la régulation des jeux vidéo,
et permet de penser distribution et diffusion comme deux processus fonctionnant de pair.
Concernant ce que l’on pourrait qualifier de « régime d’accès à l’investissement » mondial
des jeux vidéo, le processus de financiarisation capitaliste actif dès les années 1990 a restructuré la production du jeu vidéo. Mais ce qui nous intéresse plus encore est le « régime
Voir en contrepartie les cinq mythes fondateurs de la globalisation
Agnew (John), Globalization and Sovereignty, Plymouth, Rowman & Littlefield Publishers, Inc., 2009, p. 13 - 18
175 Fligstein (Neil), Euroclash, Oxford University Press, New York, 2008
176 Sassen (Saskia), Territory, authority, rights: from medieval to global assemblages, Princeton University Press, 2006,
p. 269
177 Agnew, (John A.), Hegemony : the new shape of global power, Philadelphia, Temple University Press 2005, p.
143
174
67
d’accès au commerce », car il permet d’explorer les pratiques de consommation de jeu vidéo.
Avec l’émergence de problèmes publics relatifs à la violence des contenus et aux effets sur
les joueurs, le régime d’accès au commerce des jeux vidéo est pris dans un processus de
politisation permanente à travers la construction de problèmes publics qui érigent
l’accessibilité aux biens comme cœur d’une société de marché. Si les politiques économiques ont ainsi des répercussions sur le mode de vie, notamment par la réorganisation du
marché du travail, comme a pu le développer Saskia Sassen, elles sont aussi façonnées par
les politiques intérieures, sociales, culturelles, familiales, soit tout un ensemble de politiques
publiques au sein desquelles les problèmes de marché et d’économie ne sont pas centraux.
Partageant les conclusions de John Agnew sur le rôle toujours stratégique des pouvoirs
publics dans l’institution de ces marchés, Saskia Sassen considère que « l'Etat continue à jouer
un rôle important, souvent celui de foyer institutionnel de la promulgation de la nouvelle politique des régimes que nous associons à la mondialisation économique » 178, dont la conséquence directe est la
prolifération d’agences de régulation. Les différents problèmes publics construits autour
des jeux vidéo, notamment la violence et l’addiction ont pour fondement l’opposition
entre un citoyen à protéger des effets des jeux vidéo, et un consommateur libre.
L’inadéquation entre marchés politiquement administrés, et marché du jeu vidéo pose en
effet de nombreux problèmes de régulation, et suppose la création de nouvelles institutions. La distinction entre les organes de régulation économique et les organes en charge
de promouvoir les idéaux politiques a été mise en avant dans le secteur européen des médias. Ainsi, la lutte anticoncurrentielle au niveau européen n’intègre pas la préservation des
principes démocratiques relatifs à l’information tels que le pluralisme179, tandis que des critères « extra-concurrentiels » ont pu permettre une action des pouvoirs publics nationaux180. « L’exception culturelle » traduit bien la tension entre, d’une part, une vision du
marché non monopolistique et assujetti à la libre concurrence, et d’autre part, les processus
nationaux d’aide à la création, en conflit direct avec la rationalité du marché. Il en va de
même pour le jeu vidéo, pris entre un processus d’homogénéisation du marché, et des résistances nationales aux enjeux plus culturels et sociaux.
Sassen (Saskia), Territory, authority, rights: from medieval to global assemblages, Princeton University Press, 2006,
p. 269
179 Idot (Laurence), « Les concentrations dans le secteur des médias : business as usual ? », Revue internationale
de droit économique, 2005, vol. 19, n°1, p. 5 - 25
180 Dyevre (Arthur), « La prise en considération de critères « extraconcurrentiels » dans le droit communautaire de la concurrence », Revue Internationale de Droit Economique, 2007, vol. 21, n°4, p. 415 -440
178
De ce fait, les débats sur les dangers de la violence peuvent apparaître comme mettant à
distance le marché du jeu vidéo en se concentrant sur l’économie familiale. Par ces débats,
les pouvoirs publics participent d’une relocalisation d’un processus global, en produisant
des définitions symboliques et en prescrivant de bonnes pratiques de consommation du jeu
vidéo. La régulation des jeux vidéo est alors une possibilité de réaffirmer leur autorité et
leur position dominante dans l’édiction des normes pouvant donner sens à un marché ou
d’une pratique de consommation. Selon que le jeu vidéo est considéré comme produit industriel ou comme produit culturel, on assiste à un déplacement des espaces de la régulation. Dans cette perspective, nous serons conduit à nous interroger sur les espaces de production et de diffusion des normes du marché et des normes sociales, au prisme du processus « d’encastrement de l’économie globale dans le “locational” et l’institutionnel »181, et ce pour le
jeu vidéo qui se présente comme un marché de masse. La régulation des contenus sera dès
lors révélatrice parce qu’elle permettra d’observer les rapports de force entre l’industrie du
jeu vidéo et les pouvoirs publics, notamment autour des figures du joueur proposée et les
définitions du jeu avancées.
Régulation des jeux vidéo : les configurations du marché et de la politique autour de la figure du joueur
Les modes de régulation directe par les pouvoirs publics des produits technologiques,
comme le jeu vidéo, sont de plusieurs ordres, les contenus n’étant qu’une composante
parmi d’autres. Par exemple, Manuel Castells, analysant les communications numériques,
distingue trois domaines de régulation qui doivent être mis en perspective : « la régulation des
contenus, notamment les droits de propriété intellectuelle, la régulation de propriété, et la régulation des services imposés aux opérateurs et diffuseurs (par exemple le service universel de téléphonie, la non discrimination de l’accès à internet, etc.) »182 De ce fait, le jeu vidéo étant une plateforme, les enjeux de régulation sont pluriels : l’entrée par les contenus violents est au carrefour de plusieurs approches institutionnelles du jeu vidéo : industrie de service, objet technique, bien marchand, œuvre de création. Dans son étude des liens entre politique et industrie aux ÉtatsUnis, Neil Fligstein183 prenant l’exemple de la Silicon Valley, montre que l’État intervient sur
le fonctionnement des marchés sur trois plans. Premièrement dans l’élaboration et
l’application d’un ensemble de lois et de règlements bureaucratiques sur plusieurs niveaux :
Sassen (Saskia), A sociology of globalization, New York, W. W. Norton & Company, Inc, 2007, p. 57
Castells (Manuel), Communication power, Oxford University Press, 2009, p. 99
183 Fligstein (Neil), « Le Mythe du marché », Actes de la recherche en sciences sociales, 2001, vol.3, n°139, p. 3-12
181
182
69
politique fiscale, capital boursier, passif des entreprises, etc. Deuxièmement, l’État participe
à l’économie par l’achat de produits (par appels d’offre) ou le financement de la recherche
appliquée. Troisièmement, la recherche universitaire est massivement financée et encouragée pour mettre sur le marché des produits jugés socialement utiles.
Dans le cas du jeu vidéo, la politique industrielle du jeu vidéo est à ses débuts très limitées,
et ce malgré le dynamisme de ce secteur privé, le succès populaire de ce nouveau bien de
divertissement qui ont suscité la curiosité de nombreux acteurs économiques. Dans les
pages technologie et finances entre 1972 et 1981, seules pages où l’on en traite, quelques
articles soulignent tout d’abord la forte croissance du secteur et présentent le jeu vidéo sur
borne d’arcade comme le “futur du jouet”. En effet, le jeu vidéo est alors considéré
comme un jeu pour adolescent et l’industrie du jeu vidéo souvent présentée comme une
évolution possible de l’industrie du jouet. Ensuite, les articles des pages économiques mettent en avant la croissance du jeu vidéo, en énumérant les chiffres d’affaires, les revenus
annuels, le coût d’achat d’une machine d’arcade et les retours sur investissement (une machine pouvant être amortie en quelques semaines). Le jeu vidéo est alors présenté comme
une industrie du loisir en plein dynamisme.
Au vu des articles dithyrambiques, de la multiplication de prophéties économiques consacrant le jeu vidéo comme le futur du jouet et du flipper, on aurait pu s’attendre à ce que les
pouvoirs publics s’intéressent au phénomène, en structurant le marché et en accompagnant
l’industrie dans le cadre de politiques publiques du jouet, du divertissement, voire de la culture. Or, malgré cet enjeu économique, il n’existe pas pour le jeu vidéo de politique publique qui accompagne l’émergence de nouveaux marchés ni la diffusion d’objets techniques. Plus encore, un rapport produit en 1983 par l’agence Octet184, commandé par le
ministère de la Culture, Jeux vidéo : propositions pour le lancement d’une production française, est resté lettre morte185. De même à l’étranger, l’industrie et le marché du jeu vidéo n’ont pas intéressé les pouvoirs publics, et ce jusqu’à la fin des années 1990. Comme le souligne Stephen
Kline, Nick Dyer-Witheford et Greg de Peuter, le jeu vidéo semble même s’être développé
à la marge des autres industries : « Le succès initial des jeux interactifs a été créé loin des paramètres
des corporations établies, par de petites entreprises isolées. Mais ce succès retentissant a inévitablement attiré
l’attention des géants du business. La conséquence a été le repositionnement en rafale d’entreprises afin de
Association interministérielle mise en place par le Ministre de l’industrie de François Mitterrand pour
favoriser le mélange des nouvelles technologies et de la culture. Images de synthèse, renaissance du dessin
animé français, naissance de l'industrie du clip... Voir notamment : Gourevitch (Jean-Paul), « Le clip
politique », Revue française de science politique, vol. 39, n°1, 1989. pp. 21-33.
185 Le Diberder (Frédéric et Alain), L'univers des jeux vidéo, Paris : La Découverte, 1998, p. 196
184
tirer profit de ce marché émergent. La manifestation la plus significative est l’acquisition d’Atari par Warner Communication en 1976. »186 L’absence des pouvoirs publics, la quasi inexistence des aides
ont finalement entraîné non pas une rupture entre jeu vidéo et univers politique, mais
l’absence de liens, laissant ainsi la totalité de l’administration du jeu vidéo à l’entreprise
économique, et le soustrayant au pouvoir politique pour l’enfermer dans le monde industriel. Jusqu’à aujourd’hui, une grande majorité des responsables politiques ne s’intéressent
pas au jeu vidéo, voire ne les aiment tout simplement pas187 à l’exception de Jack Lang et
Jean-Pierre Raffarin, le premier ayant initié une étude, le second ayant milité pour le crédit
d’impôts et favorisé la création de l’Ecole Nationale du Jeu et des Médias Interactifs, à Angoulême, ou plus récemment de Frédéric Mitterrand, qui à l’occasion de la remise du Prix
du jeu vidéo 2012 annonçait : « je trouve que le jeu vidéo c’est beau »188. Contrairement aux médias traditionnels comme la radio ou la télévision, la naissance et l’évolution du jeu vidéo
n’est pas liée à l’entreprise politique, n’a pas été soumise à son contrôle, et enfin n’a pas fait
l’objet de politiques économiques et industrielles.
Dès lors, le processus d’industrialisation des jeux vidéo se trouve affranchi de tout lien
avec les pouvoirs publics, laissant a priori une certaine liberté aux concepteurs pour proposer les contenus qu’ils désirent. Cependant, comme le processus d’industrialisation du jeu
vidéo consiste en la monopolisation des conditions de production et de diffusion de biens
standardisées et pratiques normalisés auprès d’un public massifié, il est étroitement lié aux
dispositions culturelles et morales du public cible, et dans une certaine mesure de l’espace
local dans lequel ils vont être distribués. Nous verrons que l’industrialisation du jeu vidéo,
procède d’un mouvement semblable à celui de « sportification des passe-temps »189, mais
dans un contexte économique et politique différent. Industrialisation ne signifie pas pour
autant monopolisation du processus par les acteurs économiques, dans le mythe d’un marché affranchi de toute contrainte politique. Diverses études tendent à mettre en évidence le
Kline (Stephen), Dyer-Withefor (Nick), De Peuter (Greg), Digital Play, the interaction of technology, culture and
marketing, McGill-Queen’s Press University, 2003, p. 101 – 102
187 Jean-François Copé, à la suite du vote pour le crédit d’impôts du jeu vidéo aurait déclaré dans les couloirs
de l’Assemblée : « ils vont arrêter de nous emmerder ces petits cons », propos relatés lors d’un entretien auprès du responsable du Syndicat National du Jeu vidéo (SNJV, 29 avril 2009). Ou encore, l’un des conseillers
de Roselyne Bachelot confiant : « ce qui nous intéresse c’est de faire peur », propos rapportés lors d’une discussion avec Michaël Stora, psychologue – psychanalyste travaillant sur les jeux vidéo, figure médiatique, toujours auditionné par les pouvoirs publics. Aux États-Unis la croisade d’Hilary Clinton contre les jeux vidéo
que nous traiterons, en Angleterre celle du maire de Londres témoignent d’une antipathie certaine.
188 Discours d’ouverture de la cérémonie de remise du Prix du jeu vidéo 2012 et présentation du projet de
Cité du jeu vidéo prononcé par Monsieur le Ministre de la Culture, 21 mars 2012
http://www.culturecommunication.gouv.fr/Espace-Presse/Discours/Ouverture-de-la-ceremonie-de-remisedu-Prix-du-jeu-video-2012-et-presentation-du-projet-de-Cite-du-jeu-video
189 Elias (Norbert), Dunning (Eric), Sport et civilisation. La violence maîtrisée, Introduction. Fayard, Paris, 1986
186
71
rôle des pouvoirs publics dans la constitution de marché. Or le jeu vidéo, à la différence
des autres industries, et plus fortement des autres industries culturelles, s’est construit de
manière relativement marginale. Notons toutefois, que le désintérêt des pouvoirs publics
s’explique par l’absence d’un tissu industriel fort, de peu de revendications sociales de la
part des créateurs de jeu, et enfin du caractère émergent du marché. C’est lorsque le jeu vidéo devient industrie de masse, avec les consoles de salon telles que l’Atari 2600 (1977) ou
la NES (1985), que les problèmes publics émergent. En effet, l’industrie du jeu vidéo se
structure progressivement : l’accroissement des coûts de production nécessite des levées de
fonds de plus en plus importantes, des restructurations économiques, une transformation
des processus de production et de financement. Les processus de fusion-acquisition mènent petit à petit le jeu vidéo dans la sphère financière, symbolisée par la cotation boursière
des plus grands éditeurs190. Le champ du jeu vidéo se constitue, les phénomènes de concentration capitaliste permettent la constitution d’oligopoles, et en parallèle voient une
multitude de studios de développement disparaître dans la seconde moitié des années
1990. La financiarisation du jeu vidéo a pour conséquence la globalisation du marché et
l’intégration de la phase créative dans le processus global de publication191. Précisons que
dans cette période, s’il y avait circulation des biens entre les différent pays – les imports de
jeux nécessitant des adaptateurs pour faire fonctionner le logiciel témoignent de
l’étanchéité des marchés – il n’y avait pas de production et de circulation global, au sens
d’effacement des frontières locales par le marché du jeu vidéo. Dès lors, si la régulation ne
se fait pas directement en matière fiscale ou par la proposition de statuts juridiques particuliers, il ne faut pas pour autant mettre de côté l’impact des pouvoirs publics dans la constitution du monde des jeux vidéo. En fait, le moment régulatoire des contenus violents débuté en 1993 est la forme la plus concrète de participation du personnel politique à la
construction du marché des jeux vidéo, et ce parce que plusieurs visions de ce qu’est un jeu
vidéo sont en concurrence. Considérer le marché des jeux vidéo comme un espace social,
traversée par des valeurs culturelles plurielles et constituantes des valeurs d’usage et
d’échange des biens vidéoludiques, nous permet de lier monde politique et monde économique. Ainsi, comme nous allons le voir, le moment régulatoire des jeux vidéo est le point
de bascule du monde des jeux vidéo, dès lors que le problème public de la violence est saisi
par les pouvoirs publics. Le marché des jeux vidéo, alors entendu comme un espace social
190
191
Electronic Arts en 1992; Activision en 1993; Ubisoft en 1996; Take-Two en 1997.
Kerr (Aphra), The Business and culture of digital games, Londres : Sage, 2006 P. 64
comme nous allons le voir, est affecté bien plus qu’il n’y parait par cet impératif
d’organisation du contrôle des productions.
L’analyse des relations entre le monde économique et le monde politique a connu un certain renouveau avec le développement des approches de la sociologie économique. Les
travaux de Harrison C. White192 et de Mark Granovetter193 ont pu mettre en évidence la
forte dimension sociale d’un marché, au-delà des opérations économique194s, donnant ainsi
naissance à la sociologie économique195. En développant l’idée d’imbrication (embeddedness),
Granovetter a ainsi encouragé l’analyse des interactions au sein des univers économiques,
dans une perspective néo-institutionnaliste historique196. Ainsi plusieurs travaux ont montré que les marchés sont socialement produits, que les dispositifs boursiers197 ne sont pas
des techniques neutres mais bien des réifications de pratiques, de même que la création de
dispositifs de calcul est avant tout le fruit de négociations et de traductions sociales198. Fortement dérivée de la sociologie économique néo-institutionnaliste, la théorie de l’économie
des conventions199 entend analyser les marchés comme des espaces sociaux, des dispositifs
produits et non créés ex nihilo comme peut le faire croire la théorie néo-classique. En complément de cette analyse des univers économiques, des approches tissant des liens entre
économie et société, dans la lignée de Max Weber200, entendent mettre en évidence le rôle
du contexte sociopolitique, moral et culturel dans la constitution des marchés. Viviana Zelizer rompant avec la valeur absolue de l’argent suggère que celle-ci est au contraire socialement construite : « différents contextes culturels et sociaux introduisent des formes particulières de contrôle, de restriction, et des distinctions dans les usages, les utilisateurs, la répartition, la réglementation, les
sources et les significations de l'argent. »201 Ces différentes approches permettent dès lors de réin-
Dont l’article séminal : White (Harrison C.), « Where Do Markets Come From? », The American Journal of
Sociology, vol. 87, n°3, 1981, pp. 517-547
193 Granovetter, (Mark S.), « The Strength of Weak Ties », American Journal of Sociology, 1973, vol. 78 , n°6, p.
1360–1380
194
Granovetter, (Mark S.), « Economic Action and Social Structure ; the Problem of Social Embeddedness »,
American Journal of Sociology, 1978, n° 91, pp. 481-510
195 Convert (Bernard) et Heilbron (Johan), « La réinvention américaine de la sociologie économique »,
L'Année sociologique, 2005, vol. 55, p. 329-364 ; Philippe (Steiner), « Une histoire des relations entre économie
et sociologie », L'Économie politique 2001, no 12, p. 32-45
196 Bien que tendant à réifier les interactions sociales dans la figure du réseau.
197 Mackenzie (Donald) et Millo (Yuval), « Construction d’un marché et performation théorique. Sociologie
historique d’une bourse de produits dérivés financiers », Réseaux, 2003, n° 122, p. 15-61.
198 Callon (Michel) et Muniesa (Fabian), « Les marchés économiques comme dispositifs collectifs de calcul »,
Réseaux, n° 122, 2003, p. 189-233, notamment p. 198 - 206
199 Rallet (Alain), « La théorie des conventions chez les économistes », Réseaux, vol. 11, n°62, 1993, pp. 43-61.
200 Swedberg (Richard), « Afterword: The Role of the Market in Max Weber's Work », Theory and Society, vol.
29, n°3, juin 2000, pp. 373-384
201 Zelizer (Viviana), « Beyond the Polemics on the Market: Establishing a Theoretical and Empirical Agenda », Sociological Forum, vol. 3, n°4, 1988, p. 614-634, P. 631
192
73
troduire une dimension sociale, culturelle et politique dans la constitution d’un marché, ce
que nous allons faire tout du long de ce travail. Les marchés du jeu vidéo étant transnationaux, ils sont par conséquent sujets à des particularismes locaux. Œuvres au contenu industriellement produits en masse et distribué transnationalement, ils connaissent la pluralité des réceptions sociales et politiques qui assignent une valeur tant aux contenus des jeux
vidéo qu’au jeu vidéo comme activité. Les effets non plus idéologiques mais en termes de
violence sont les points d’entrée qui nous apparaissent les plus intéressants pour deux raisons. Premièrement, la violence d’un jeu est relative au contexte de réception, deuxièmement, les formes de régulation ont des effets sur les contenus, notamment par la réorganisation des modes de production. En effet, les contenus sont jugés à l’aune des politiques
locales, et certains concepteurs de jeu n’hésitent pas à anticiper toute forme de réception
controversée.
Ainsi, plusieurs modes de régulation des biens existent : régulation par le marché et régulation politique. Par exemple, les travaux de Pierre Bourdieu sur l’économie 202 révèlent le
travail conjoint de production de l’offre entre les stratégies des entreprises et les interventions de l’État, notamment par la règlementation. Dans leur article sur l’isomorphisme institutionnel, Paul DiMaggio et Walter Powel s’intéressent aux liens entre la culture et les
pouvoirs publics pour l’organisation d’un marché203. Ils distinguent ainsi trois processus :
un « isomorphisme mimétique » quand les acteurs adoptent les pratiques des autres dans
un contexte d’incertitude, un « isomorphisme coercitif », quand les pouvoirs publics se
chargent de réguler le marché, et enfin un « isomorphisme normatif » avec l’adoption de
règles professionnelles. Ces trois mouvements ne sont pas exclusifs et peuvent se compléter.
Rapportée aux jeux vidéo, la théorie de l’isomorphisme institutionnel permet d’articuler la
production des contenus dans un contexte d’incertitude, les problèmes publics et les appels
à la régulation initiés par les associations et les pouvoirs publics, et enfin la standardisation
des modes de production. Dans une perspective assez similaire, Patrick Le Galès et Alan
Scott mettent en évidence les liens entre l’État et les marchés. Pour cela ils entendent « dépasser l’opposition classique entre régulation de marché et régulation politique, entre État et marché : les
relations de marché ne sont pas forcément un problème pour les relations hiérarchiques ou les relations de
Bourdieu (Pierre), Les structures sociales de l'économie. Collection Liber, Éditions du Seuil, 2000,
Paul DiMaggio et Walter W. Powell, « The Iron Cage Revisited: Institutional Isomorphism and Collective
Rationality in Organizational Fields », American Sociological Review, , vol. 48, n°2, 1983, p. 147-160
202
203
pouvoir, elles peuvent se renforcer l’une l’autre »204. En mettant en interaction les espaces sociaux,
les auteurs s’inscrivent dans la perspective néo-institutionnaliste sociologique et concentrent leur attention sur « transformations institutionnelles qui résultent des injonctions de l’État et de la
bureaucratie ainsi que leurs effets sur les comportements et les orientations des acteurs. »205
Les « moments régulatoires » qui traversent l’histoire du jeu vidéo seront ainsi ceux de
l’injonction à l’action par les pouvoirs publics et d’autres acteurs, où plusieurs référentiels
sectoriels206, paradigmes de l’action207 s’affronteront autour des figures du joueur, élément
déterminant. En effet, plus que la définition du jeu vidéo, c’est la définition du joueur qui
est au cœur des débats sur la violence des contenus et sur les effets sur le joueur. Ces diverses approches mettent en évidence le rôle des institutions extérieures au monde économique dans la constitution du marché208.. L’approche de Neil Fligstein offre toutefois
une perspective d’analyse qui permet en plus de prendre en compte la régulation culturelle
dans l’organisation d’un marché. Si le marché est un espace social organisé, son organisation est liée au fait que des « règles et des pratiques culturelles et historiques spécifiques sont venues régir les relations entre fournisseurs, clients, et les travailleurs. »209 La reconfiguration des rapports de
force apparaît comme un élément central de l’analyse de Fligstein, qui étudie la formation
des marchés selon une approche multi-niveau : « Tout d'abord, je considère la formation des marchés dans le cadre du renforcement de l'État. Les États modernes d'économie capitaliste créent les conditions institutionnelles de stabilité pour les marchés. (...) Deuxièmement, je soutiens que les processus au sein
d'un marché reflètent deux types de projets politiques: la lutte de pouvoir interne à l’entreprise et les luttes
de pouvoir entre les entreprises de contrôler les marchés. »210 Apport central, la compétition interne à
l’entreprise et la compétition entre les entreprises permet de penser la pluralité des niveaux
Le Galès (Patrick) et Scott (Alan), « Une révolution bureaucratique britannique ? Autonomie sans contrôle
ou « freer markets, more rules » », Revue française de sociologie 2008, vol. 49, pp. 301-330. p. 303
205 Le Galès (Patrick) et Scott (Alan), « Une révolution bureaucratique britannique ? Autonomie sans contrôle
ou « freer markets, more rules » », Revue française de sociologie 2008, vol. 49, pp. 301-330, p. 313
206 Muller (Pierre), « Les politiques publiques comme construction d’un rapport au monde », in Faure (Alain),
Pollet (Gilles), Warin (Philippe), La construction du sens dans les politiques publiques: Débats autour de la notion de
référentiel, Paris, L’Harmattan, 1995, pp. 153-181
207 « Policymakers customarily work within a framework of ideas and standards that specifies not only the goals of policy and
the kind of instruments that can be used to attain them but also the very nature of the problems they are meant to be addressing. »
Hall (Peter A.), « Policy Paradigms, Social Learning, and the State: The Case of Economic Policymaking in
Britain », Comparative Politics, vol. 25, n°3, avril 1993, p. 275-296, p. 279
208 Notons que le centre de gravité tend soit du côté du marché soit du côté des pouvoirs publics. Voir à la
fois les approches de l’institutionnalisme historique et le néo-institutionnalisme économique et les approches
de Jobert (Bruno) et Muller (Pierre), L’Etat en action, Presses Universitaires de France, 1987
209 Fligstein (Neil), The architecture of markets: an economic sociology of twenty-first-century, 2002, Princeton, NY,
Princeton Unversity Press, p. 27
210 Neil Fligstein, “Markets as Politics: A Political-Cultural Approach to Market Institutions”, American Sociological Review, vol. 61, n°4, 1996, p. 656 - 673, p. 657
204
75
compétitifs. Cette analyse sera précieuse pour comprendre les différents niveaux de luttes
des acteurs pour l’imposition de leurs normes, et surtout comment le « moment régulatoire
» est avant tout un moment d’affrontement entre ces conceptions portées par des sousgroupes d’acteurs. Cette perspective nous permettra d’analyser le rôle et la position de
l’État dans l’administration des contenus de jeux vidéo, et dans la mobilisation de la figure
du joueur.
En accordant une place centrale aux conditions de production des différentes énonciations
vidéoludiques, des contenus aux figures du joueur, nous nous intéresserons aux liens entre
l’industrie du jeu vidéo et les pouvoirs publics autour des enjeux de régulation des contenus violents qui nous apparaissent comme le point central de l’institution du monde du jeu
vidéo. La bataille normative entre la conception du joueur-comme-consommateur et le
joueur-comme-public renvoient à des processus d’institutionnalisation de cette figure qui
conditionne tant l’organisation de l’espace de production du jeu vidéo que les contenus de
jeux vidéo. En effet, parce que le jeu vidéo est une industrie culturelle et créative nécessitant la production de lectures de ce qu’est le jeu vidéo, le contrôle des figures du public est
un enjeu central pour la publication, que ce soit avec l’arrivée massive du marketing ou le
mode de sélection éditorial fondé sur des stéréotypes de joueurs. Dès lors, pouvoirs publics, associatifs et industriels se partagent la définition du joueur, et par extension définissent les usages sociaux du jeu vidéo. En effet, les industriels s’essaient à la « captation des
publics »211 en jouant sur les dispositions sociales des joueurs et culturelles des marchés nationaux. De leurs côtés, les acteurs extérieurs à la production matérielle des jeux vidéo
s’essaient à définir ces jeux en posant la question du joueur-comme-public au prisme
d’autres industries audiovisuelles – délaissant dès lors la dimension interactive de ces dispositifs ludo-numériques. Dès lors, tant des postures historiquement constituées à
l’encontre des jeux et de la fiction, que des manières de penser l’image héritée de l’œil du
Quattrocento, déterminent pour partie les manières de penser ce divertissement. Les différentes dépendances institutionnelles et isomorphismes pèsent fortement dans l’évolution
même de l’industrie et des contenus, puisqu’ils organisent tant la production des contenus
Cochoy (Franck), dir., La captation des publics. C’est pour mieux te séduire, mon client…. Presses Toulouse,
Universitaires du mirail, 2004
211
que l’énonciation du jeu vidéo. La figure du joueur est méthodologiquement le point de
rencontre entre les différents espaces technique, informatif et institutionnel212.
Nous allons ainsi retracer la construction de ces deux figures, et penser les conditions de
possibilités de leur interaction lors de la constitution de problèmes publics et des moments
régulatoires, et ce dans le contexte d’un marché transnational. Ces deux moments sont à la
fois des modes de reterritorialisation de la figure du joueur-comme-consommateur, et des
lectures qui conditionnent pour partie les contenus des jeux grands publics. Par souci de
clarté, nous suivrons une perspective historique centrée sur l’évolution des jeux vidéo
d’action, afin de prendre en compte les différentes configurations des mondes des jeux vidéo, les passages et retraductions de problèmes liées à chaque innovation technique.
Dans la première partie nous remonterons aux jeux mécaniques en espace publics, tels que
le flipper qui a connu dans l’Amérique des années 1930 un débat public et une interdiction
politique d’une de ses variantes (le flipper avec gains). En considérant les postures idéaltypiques à l’encontre des jeux, divertissements et œuvres de fiction, nous proposerons une
mise en perspective des débats contemporains sur ces dispositifs ludofictionnels. Les jeux
vidéo d’arcades, joués en espaces publics, seront dès lors analysés comme des numérisations des jeux mécaniques, avec pour conséquence la réactivation de débats publics par des
entrepreneurs de morale mais aussi par les autorités locales.
La privatisation des jeux vidéo sur borne d’arcade, marquée par une miniaturisation, une
propriété privée des dispositifs et un nouveau modèle économique plaçant les fabricants de
console en position dominante, fera l’objet de la deuxième partie. En suivant tout particulièrement la lutte concurrentielle entre Nintendo et Sega, nous nous attarderons sur le processus de massification de l’industrie. Il apparaîtra qu’un scandale autour d’un jeu vidéo de
sexe a poussé Nintendo à proposer des contenus des plus épurés dès le milieu des années
1980, véritable opportunité pour Sega qui introduit l’adolescent comme figure centrale de
l’industrie. L’étude de la publicisation de cette figure du joueur-comme-consommateur se
fera autour des traitements médiatiques et des publicités.
La troisième et la quatrième partie font suite à la structuration de la production par ces différentes énonciations du public des jeux vidéo. Les années 1990 sont ainsi marquées par la
régulation des contenus. En étudiant ces mouvements « régulatoires » aux États-Unis, en
France et en Europe, nous pourrons constater à la fois un processus de globalisation des
Richard (Scott), Meyer (John), “The organization of societal sectors: propositions and early evidence”, in
DiMaggio (Paul), Powell (Walter), The new institutionalism in organizational analysis, Chicago, The Chicago,
University Press, 1991, pp. 108 – 140
212
77
dispositifs de contrôle et des reterritorialisation locales. Ainsi, plus que de s’exclure les
deux figures se complèteront.
La cinquième partie sera consacrée aux effets de la régulation des contenus, lorsque les figures du joueur-comme-public seront plus ou moins stabilisées à la suite de nombreux
faits divers et des entreprises de morale locales. En étudiant les médiatisations de « paniques morales » 213 et la production de « récits de causalité » 214 accusant les jeux vidéo
d’être responsables de tueries, nous mettrons en évidence la conflictualisation du monde
des jeux vidéo, et l’apparition de nouvelles instances de régulation, prenant en charge la
prescription des bonnes pratiques.
Enfin, nous terminerons dans une sixième partie par une analyse des contenus des jeux vidéo d’action, en mettant en évidence les liens entre les différentes figures du joueur mises
en forme dans ces jeux et les pratiques des industriels organisées lors des moments régulatoires. Pour ce faire, nous proposerons à la fois une étude quantitative de 228 jeux entre
1999 et 2009 et une analyse plus qualitative du dernier opus de la série très controversée
Grand Theft Auto, un jeu emblématique de l’évolution de l’industrie.
Du fait que le jeu vidéo d’action est pris dans un processus de globalisation, et de par notre
méthodologie qui vise à retracer la genèse du monde des jeux vidéo au prisme des pouvoirs publics, nous serons amenés à multiplier des corpus internationaux (jeux, traitements
médiatiques, publicités, entretiens – que nous détaillerons le cas échéant), afin de mettre en
évidence la tension entre globalisation de la figure du joueur-comme-consommateur et les
reterritorialisation de la figure du joueur-comme-public. Pour ce faire, nous avons pu avoir
accès aux archives des principaux titres de presse américains et français, grâce aux bases de
données en ligne comme Factiva et Europress, ainsi qu’aux bases de données des publicités accessibles à l’INAthèque, et dans certains cas complétée par les publicités disponibles
sur les plateformes grand public de vidéo (ce qui nous a amené à vérifier les sources). La
relative facilité dans la constitution d’un premier ensemble exhaustif notamment par mots
clefs a nécessité un travail de sélection important des sources. Nous reviendrons plus en
détail sur les corpus au fil des différents chapitres. Enfin, nous avons constitué une base de
données pour les 228 jeux d’action et d’aventure, ensemble relativement important mais
nécessaire pour analyser les contenus de ces jeux. La dernière partie sera ainsi l’occasion de
présenter les enjeux méthodologiques de l’analyse de contenu des jeux vidéo en nous ap-
Cohen (Stanley), Folk devils and moral panics, Routledge, 2002, 3ème édition
Stone (Deborah A.), « Causal Stories and the formation of Policy Agenda”, Political Science Quarterly, vol.
104, n°2, 1989
213
214
puyant sur les game studies, que ce soit avec une méthode semi-quantitative ou par une méthode qualitative éprouvée avec Grand Theft Auto IV. Enfin, nous avons complété ces analyses de bases de données par des entretiens auprès d’acteurs clefs de la régulation et de la
production, mais aussi lors de nombreuses discussions informelles avec des acteurs du
monde français des jeux vidéo rencontrés lors de nos activités de conception de jeux vidéo.
79
Ludographie
Act of War : Direct Action, Eugen System, Atari, PC, 2005*
ActRaiser, Enix, Nintendo,Super Nintendo 1992
Age of Empires, Ensemble Studios , Microsoft, PC, 1997
Age of Mythology, Ensemble Studios, Microsoft, PC, 2002
Army of two, Electronic Arts, Alectronic Arts, PS3 et xbox 360, 2008
Assassin’s Creed, Ubisoft Montreal, Ubisoft, Playstation 3 et Xbox 360 2007
Asteroids, Atari, Arcade, 1979
Bet on soldier, Kylotonn, Focus, PC, 2005*
Bionic commando, Capcom, Capcom, Nes, 1988
Bioshock, 2k Games, 2k Games, multi-support, 2007
Black & White 2, LionHead, Electronic Arts, PC, 2005
Black & White, Lion Head, Electronic Arts, PC, 2001
Brother in Arms, Gearbox Software, PC, 2005
Call of duty 2, Infinity Ward, Activision, PC, 2005
Call of Duty 4 : Modern Warfare, Infinity Wards, Activision, multi-support, 2007
Call of Duty, Infinity Ward, Activision, PC, 2003
Carmageddon, Interplay, SCi, multi-support, 1997
Chiller, Exidy, American game Cartridges, Nes, 1986
Chrono Tigger (Square, 1995)
City Life, Monte Cristo Multimedia, Focus, 2006
Civilization, Microprose, Dos, 1991
Civilization IV, Firaxis, 2K Games, PC 2005
Clancy’s HAWK, Ubisoft Budapest, Ubisoft, multi-support, 2008
Command and conquer, Westwood Studio, Virgin Interactive, PC, 1995
Command and conquer: Alerte Rouge, Westwood Studio, Virgin Interactive, PC, 1996
Communist mutant from space, Starpath, Atari VSC, 1982
Company of Heroes, Relic Entertainment, THQ, PC, 2006
Cossacks : European Wars, GSC Game World, CDV, PC, 2001
Crysis, Crytek, Electronic Arts, PC, 2007
Dance Dance Revolution, Konami, Konami, PS 1, 2001
Delta Force : Black Hawk Down, NovaLogic, Ubisoft, multi-support, 2003
Delta-Force, NovaLogic, PC ? 1998
Desert Storm, Pivotal Games, Eidos, PC, 2002
Desert Storm II - Back to Baghdad, Pivotal Games, SCi, multi-support, 2003
Deux-Ex, Ion Storm, Eidos, PC, 2000
Deux-Ex 3, Eidos Montréal, Square Enix, multiplateformes, 2011
Devil May Cry 4,Capcom, Capcom, multi-support, 2008
Diablo, Blizzard, Blizzard, PC, 1996
Doom 2, ID Software, GT Interactive, PC, 1994
Doom, ID Software, ID Software, PC, 1993
Duck Tale, Capcom, Capcom, Nes, 1990
Fallout 3, Bethesda, Multi-support, 2009
Far Cry, Crytek, Ubisoft, PC, 2004
Fifa 09, EA Sports, Electronic Arts, 2008
Final Fantasy VII, Squaresoft, Sony, Playstation 1, 1997
Final Fight, Capcom, 1990
Flashback (Dolphin Software, 1993)
Freedom Fighters, IO Interactive, Electronic Arts, multi-support, 2004
Futsball, Allied Leisure, Arcade, 1970
Gears of War, Epic Games, Microsoft, xbox 360, 2006
Ghost Recon Advanced Warfighter, Ubisoft, Ubisoft, 2006
Grand Theft Auto III, DMA Design, 2001
Grand Theft Auto IV, Rockstar, 2008
Grand Theft Auto : San Andreas, Rockstar North, 2002
Grand Theft Auto : Vice City, Rockstar North, 2002
Guild 2, 4 HEAD studios, PC2006
Guild Wars, ArenaNet, NCSoft, PC, 2005
Heavenly Sword, Ninja Theory, Sony, Playstation 3, 2007
Hitman, IO Interactive, Electronic Arts, PC, 2000
International Tennis Open, Infogrammes, Philips Media, CDI, 1992
Iron Tank, SNK, 1988
John Kerry : Tax Invaders, The Republican Party, web, avril 2004
Kingpin :Life of crime, Xatrix Entertainment, Interplay, PC, 1999
Leisure Suit Larry, Sierra Online, 1987
LocoRoco, Sony, Sony, PSP, 2006
Maniac Mansion, LucasFilm Game, 1987
Medal of Honour : Resistance, Rebellion, Electronic Arts, Playstation 1, 2000
Medal of Honour, Dreamworks Interactive, Electronic Arts, Playstation 1, 2000
81
Mercenaries 2 : L’enfer des favelas, Pandemic Studio, Electronic Arts, multi-support, 2008
Metal Gear Solid 2 : sons of liberty, Konami, Konami, Playstation 2, 2001
Metal Gear Solid 3 : Snake eater, Konami, Konami, Playstation 2, 2005
Metal Gear Solid 4 : Guns of Patriots, Konami, Konami, Playstation 3, 2008
Metal Gear Solid, Konami, Konami, Playstation 1, 1999
Mike Tyson’s Punch out ! (Nintendo, 1987)
Mirror Edge, DICE, Electronic Arts, Multi-support, Ubisoft, 2008
Mission Président, Mindscape, 2007,
Mortal Kombat, Acclaim
NFL football, Bally Midway, Arcade, 1983
Night Trap, mega-cd
Nighty-Nine Nights, Phantagram Interactive, Microsoft, xbox 360, 2006
Oblivion, Bethesda, Multi-support, 2006
Ocarina of Time, Nintendo, nintendo, Nintendo 64, 1998
Pac Man
Pong, Atari, 1972
Postal, Running with scissors, Ripcord Games, 1997
Prince of Persia : les sables du temps, Ubisoft Montreal, Ubisoft, multi-support, 2003
Quake, ID Software, 1996
Rainbow Six Vegas, Ubisoft, Ubisoft, multi-support, 2006
Rainbow Six, Red Storm, Take 2 Interactive, 1998
Red Baron, Atari, arcade, 1981
Republic : the revolution, Elixir Studio, PC, 2003
S.T.A.L.K.E.R, GSC Game World, PC, 2007
Saints Row, Volition, THQ, xbox 360 et Playstation 3, 2006
September 12th, powerfull robot games, 2003, web
Sim city, Maxis, Maxis, PC, 1989
Soccer, Ramtek, Arcade, 1973
SOCOM: U.S. Navy SEALs, Zipper Interactive, Sony, Playstation 2, 2003
Sonic The Edgehog, Sega, Sega, Megadrive, 1992
Sonic Unleashed, Sonic Team, Sega, Xnox 360, 2008
Space invaders, Taito, Arcade, 1978
Spellforce : Shadow of the Phoenix, EA Phenomic, BigBen Interactive, PC, 2004
Starcraft, Blizzard, Blizzard, PC, 1998
State of Emergency, Rockstar, VIS Entertainment, multi-support, 2002
Street Fighter 2, Capcom, Super Nintendo, 1992
Super Mario Bros, Nintendo, Super Nintendo, 1991
Super Mario Kart, Nintendo, Nintendo, Super Nintendo, 1993
SWAT: Global Strike Team, Argonaut, Vivendi Universal Games, Playstation 2, 2003
Teenage Mutant Ninja Turtle – Turtles in Time, Konami, Super Nintendo, 1992
Tennis, Nintendo, Nintendo, Nes, 1985
Tiger Woods 08, EA Sports, Electronic Arts, multi-support, 2008
Tomb Raider Underworld, Crystal Dynamics, Eidos Interactive, Multi-support, 2008
Tropico Tomb Raider, Core Design, Eidos Interactive, Multi-support, 1996
Warcraft 3: reign of chaos, Blizzard, Vivendi universal Games, 2002
Warcraft: Orcs and Humans, Blizzard, Blizzard, 1995
Warhammer 40 000: down of war, Relic Entertainment, THQ, PC, 2004
Wii Fit, Nintendo, Nintendo, Wii, 2007
Wolfenstein 3D, ID Software, Apogee, PC, 1992
World in Conflict : Soviet Assault, Massive Entertainement, Ubisoft, PC2009
World in Conflict, Massive Entertainment, Vivendi Universal Games, PC, 2007
83
Annexe 1 : Listes des jeux d’action
constituant la base de données
(1999 – 2009)
007: Tomorrow Never Dies
EA Games
PS
1999
25 to Life
Eidos Interactive
PS2
2006
Alter Echo
THQ
PS2
2003
America's Army: Rise of a Soldier
Ubisoft
XBOX
2006
ArmA: Combat Operations
Atari
PC
2007
Army Men: Air Attack
3DO
PS
2000
Army Men: Green Rogue
3DO
PS2
2001
Army Men: Sarge's Heroes 2
3DO
PS2
2001
Army Men: Sarge's War
Global Star Software
XBOX
2004
Army of Two
EA Games
PS3
2008
Army of Two
EA Games
X360
2008
Bad Boys: Miami Takedown
Crave
PS2
2004
Battalion Wars
Nintendo
GC
2005
Battlefield 2
EA Games
PC
2005
Battlefield 2: Modern Combat
EA Games
PS2
2005
Battlefield 2: Special Forces
EA Games
PC
2005
Battlefield 2142
EA Games
PC
2006
Battlefield Vietnam
EA Games
PC
2004
Battlefield: Bad Company
EA Games
PS3
2008
Bet on Soldier: Blood Sport
Digital Jesters
PC
2005
BioShock
2K Games
X360
2007
Black
EA Games
PS2
2006
BloodRayne
Majesco Games
GC
2003
BloodRayne 2
Majesco Games
PS2
2006
Brothers in Arms: Road to Hill 30
Ubisoft
XBOX
2005
Call of Duty
Activision
PC
2003
Call of Duty 2
Activision
PC, xbox
2005
Call of Duty 2: Big Red One
Activision
XBOX
2005
Call of Duty 3
Activision
X360, multi
2006
Call of Duty 4: Modern Warfare
Activision
X360
2007
Call of Duty: Finest Hour
Activision
PS2
2004
Call of Duty : Modern Warfare2
Activision
X360
2009
Call of Duty: United Offensive
Activision
PC
2004
Call of Duty : World at war
Activision
X360, multi
2008
Chili Con Carnage
Eidos Interactive
PSP
2007
Close Combat: First to Fight
2K Games
PC
2005
Cold Winter
VU Games
PS2
2005
Cold Zero: No Mercy
Encore Software,
Inc.
PC
2005
Conflict: Denied Ops
Eidos Interactive
PS3
2008
Conflict: Desert Storm II - Back to Baghdad
Gotham Games
PS2
2003
Conflict: Vietnam
Global Star Software
PC
2004
Conker: Bad fur day
THQ
GC
2001
Conker: Live and Reloaded
Microsoft Game
Studios
XBOX
2005
Contract J.A.C.K.
VU Games
PC
2003
Counter-Strike
Microsoft Game
Studios
XBOX
2003
Counter-Strike: Condition Zero
Sierra Entertainment
PC
2004
Crysis
EA Games
PC
2008
Crysis Warhead
Electronic Arts
PC
2008
Darkwatch
Capcom
XBOX
2005
Dead Space
Electronic Arts
X360
2008
Dead to Rights
Namco
GC
2003
Dead to Rights II
Namco
PS2
2005
Dead to Rights: Reckoning
Namco
PSP
2006
Delta Force - Black Hawk Down: Team Sabre
NovaLogic
PC
2003
Delta Force: Black Hawk Down
NovaLogic
PC
2003
Delta Force: Land Warrior
NovaLogic
PC
2001
85
Devil May Cry 4
Capcom
X360
2008
Die Hard: Nakatomi Plaza
Sierra Entertainment
PC
2002
Die Hard: Vendetta
VU Games
GC
2003
Doom 3
Activision
PC
2004
Doom 3: Resurrection of Evil
Activision
PC
2005
Ecks vs. Sever
Bam Entertainment
GBA
2002
El Matador
Cenega Publishing PC
2006
Enemy Territory: Quake Wars
Activision
PC
2007
F.E.A.R.
Vivendi Games
X360
2006
F.E.A.R. Extraction Point
Vivendi Games
PC
2006
F.E.A.R. Perseus Mandate
Sierra Entertainment
PC
2007
Far Cry
Ubisoft
PC
2004
Far Cry Instincts
Ubisoft
XBOX
2005
Far Cry Instincts Predator
Ubisoft
X360
2006
Far Cry Vengeance
Ubisoft
WII
2007
Freedom Fighters
EA Games
GC
2003
Frontlines: Fuel of War
THQ
X360
2008
Gears of War
Microsoft Game
Studios
X360
2006
Geist
Nintendo
GC
2005
Giants: Citizen Kabuto
Interplay
PC
2002
Global Operations
Crave
PC
2002
GoldenEye 007
Nintendo
N64
1997
GoldenEye: Rogue Agent
EA Games
DS
2004
Gungrave
Sega
PS2
2002
Gungrave: Overdose
Mastiff
PS2
2007
Grand Theft Auto
DMA Design
PC
1997
Grand Theft Auto II
DMA Design
Multi
1999
Grand Theft Auto III
DMA Design
Multi
2001
Grand Theft Auto IV
Rockstar Games
Multi
2007
Grand Theft Auto: San Andreas
Rockstar Games
Multi
2001
Grand Theft Auto: Vice City
Rockstar Games
Multi
2002
Half-Life
Sierra Entertainment
PC
1998
Half-Life 2
VU Games
PC
2004
Half-Life 2: Episode One
EA Games
PC
2006
Halo 2
Microsoft Game
Studios
XBOX
2004
Halo 3
Microsoft Game
Studios
X360
2007
Halo: Combat Evolved
Microsoft Game
Studios
XBOX
2002
Haze
Ubisoft
PS3
2008
Heavy Metal: F.A.K.K. 2
Gathering
PC
2000
Hitman
Eidos Interactive
PC
2000
Hitman : blood money
Eidos Interactive
multi
2006
Hitman 2 : silent assassin
Eidos Interactive
multi
2002
Hitman: Contracts
Eidos Interactive
PC
2004
Infernal
Eidos Interactive
PC
2006
James Bond 007: Agent Under Fire
Electronic Arts
GC
2002
James Bond 007: Everything or Nothing
EA Games
GC
2004
James Bond 007: NightFire
Electronic Arts
GC
2002
Jedi Knight
LucasArt
PC
1997
Jedi Knight 2
LucasArt
PC
2002
Jedi Knight II: Jedi Outcast
LucasArts
XBOX
2002
Jedi Knight: Jedi Academy
LucasArts
PC , xbox,
gamecube
2003
Joint Operations: Typhoon Rising
NovaLogic
PC
2004
kill.switch
Namco
pc
2004
Killzone
SCEA
PS2
2004
Kingpin: Life of Crime
Interplay
PC
1999
Max Payne
Rockstar Games
XBOX
2001
Max Payne 2: The Fall of Max Payne
Rockstar Games
XBOX
2003
MDK2
Interplay
DC
2000
Medal of Honor Frontline
EA Games
PS2
2002
Medal of Honor: Airborne
Electronic Arts
X360
2007
Metroid Prime
Nintendo
GC
2003
87
Metroid Prime 2: Echoes
Nintendo
GC
2004
Metroid Prime 3: Corruption
Nintendo
WII
2007
Metroid Prime: Hunters
Nintendo
DS
2006
Miami Vice: The Game
Vivendi Games
PSP
2006
Mister Mosquito
Eidos Interactive
PS2
2002
Monster Madness: Battle for Suburbia
SouthPeak Games X360
2007
No One Lives Forever 2: A Spy in H.A.R.M.'s
Way
Sierra Entertainment
PC
2002
Operation Flashpoint
Codemasters
PC
2001
Operation Flashpoint: Cold War Crisis
Codemasters
PC
annulé
Operation Flashpoint: Elite
Codemasters
XBOX
2005
Operation Flashpoint: Resistance
Codemasters
PC
2002
Painkiller
DreamCatcher In- PC
teractive
2004
Pariah
Groove Games
XBOX
2005
Perfect Dark Zero
Microsoft Game
Studios
X360
2005
Postal 2
Whiptail Interactive
PC
2003
Prey
2K Games
PC
2006
Prisoner of War
Codemasters
PC
2002
Project IGI: I'm Going In
Eidos Interactive
PC
2000
Project: Snowblind
Eidos Interactive
PS2
2005
Psi-Ops: The Mindgate Conspiracy
Midway
PS2
2004
Quake
ID Software
PC
1996
Quake 2
Activision
PC
1997
Quake 3
Activision
PC
1999
Quake 4
Activision
PC
2005
Ratchet & Clank: Size Matters
SCEA
PSP
2008
Raze's Hell
Majesco Games
XBOX
2006
Red Dead Revolver
Rockstar Games
XBOX
2004
Red Faction
THQ
PC
2001
Red Faction II
THQ
PS2
2003
Red Steel
Ubisoft
WII
2006
Resistance: Fall of Man
SCEA
PS3
2006
Return to Castle Wolfenstein
Activision
PC
2001
Return to Castle Wolfenstein: Tides of War
Activision
XBOX
2003
Rune : Viking Warlord
Take-Two Interac- PS2
tive
2001
S.T.A.L.K.E.R.: Shadow of Chernobyl
THQ
PC
2007
Shadow Ops: Red Mercury
Atari
XBOX
2004
Shadowrun
Microsoft Game
Studios
X360
2007
ShellShock: Nam '67
Eidos Interactive
PC
2004
SiN
Activision
PC
1998
Sniper Elite
Namco
XBOX
2005
Sniper Elite
Namco
PS2
2005
SOCOM 3: U.S. Navy SEALs
SCEA
PS2
2006
SOCOM II: U.S. Navy SEALs
SCEA
PS2
2004
SOCOM: U.S. Navy SEALs
SCEA
PS2
2003
SOCOM: U.S. Navy SEALs Fireteam Bravo
SCEA
PSP
2006
SOCOM: U.S. Navy SEALs Fireteam Bravo 2
SCEA
PSP
2007
SOCOM: U.S. Navy SEALs Tactical Strike
SCEA
PSP
2007
Soldier of Fortune
Activision
PC
2000
Soldier of Fortune II: Double Helix
Activision
PC
2002
Soldier of Fortune: Payback
Activision Value
X360
2008
Spawn: In the Demon's Hand
Capcom
DC
2001
Spider-Man: The Movie
Activision
PC
2002
Star Wars Republic Commando
LucasArts
XBOX
2005
Star Wars: Battlefront
LucasArts
XBOX
2004
Star Wars: Battlefront II
LucasArts
PS2
2005
State of Emergency 2
SouthPeak Games PS2
2006
Stranglehold
Midway
X360
2007
SWAT 3: Close Quarters Battle
Sierra Entertainment
PC
1999
SWAT 4
VU Games
PC
2005
SWAT: Global Strike Team
Sierra Entertainment
XBOX
2003
SWAT: Target Liberty
Sierra Entertainment
PSP
2007
Syphon Filter
989 Studios
PS
1999
89
Syphon Filter 2
989 Studios
PS
2000
Syphon Filter 3
SCEA
PS
2001
Syphon Filter: Dark Mirror
SCEA
PSP
2007
Syphon Filter: Logan's Shadow
SCEA
PSP
2007
The Chronicles of Riddick: Escape From Butcher Bay VU Games
XBOX
2005
The Club
Sega
PS3
2008
The Darkness
2K Games
X360
2007
The Lord of the Rings: The Fellowship of the Ring
Black Label
Games
PC
2002
The Operative: No One Lives Forever
Fox Interactive
PC
2000
The Operative: No One Lives Forever
Sierra Entertainment
PS2
2002
The Orange Box
EA Games
X360
2007
The Outfit
THQ
X360
2006
The Punisher (2005)
THQ
PC
2005
The Shield
Aspyr
PS2
2007
The Sum of All Fears
Ubisoft
PC
2002
The World is Not Enough
Electronic Arts
N64
2000
TimeShift
Sierra Entertainment
X360
2007
TimeSplitters 2
Eidos Interactive
PS2
2002
TimeSplitters: Future Perfect
EA Games
PS2
2005
TimeSplitters: Future Perfect
EA Games
XBOX
2005
Tom Clancy's Ghost Recon
Ubisoft
PC
2001
Tom Clancy's Ghost Recon 2
Ubisoft
XBOX
2004
Tom Clancy's Ghost Recon 2 Summit Strike
Ubisoft
XBOX
2005
Tom Clancy's Ghost Recon Advanced Warfighter
Ubisoft
PC
2006
Tom Clancy's Ghost Recon Advanced Warfighter
Ubisoft
X360
2006
Tom Clancy's Ghost Recon Advanced Warfighter 2
Ubisoft
PC
2007
Tom Clancy's Ghost Recon: Island Thunder
Ubisoft
PC
2002
Tom Clancy's Ghost Recon: Jungle Storm
Ubisoft
PS2
2004
Tom Clancy's Rainbow Six
Majesco Games
DC
1998
Tom Clancy's Rainbow Six 3
Ubisoft
PS2
2004
Tom Clancy's Rainbow Six 3: Black Arrow
Ubisoft
XBOX
2004
Tom Clancy's Rainbow Six 3: Raven Shield
Ubisoft
PC
2003
Tom Clancy's Rainbow Six Rogue Spear Mission
Pack: Urban Operations
Red Storm Entertainment
PC
1999
Tom Clancy's Rainbow Six Vegas
Ubisoft
PC
2006
Tom Clancy's Rainbow Six Vegas 2
Ubisoft
X360
2008
Tom Clancy's Rainbow Six: Lockdown
Ubisoft
PC
2005
Tom Clancy's Rainbow Six: Lockdown
Ubisoft
PS2
2005
Tom Clancy's Rainbow Six: Lockdown
Ubisoft
XBOX
2005
Tom Clancy's Rainbow Six: Rogue Spear
Red Storm Entertainment
PC
1999
Total Overdose: A Gunslinger's Tale in Mexico
Eidos Interactive
PC
2005
Turok
Touchstone
X360
2008
Turok : dinosaur hunter
Acclaim
N64
1997
Turok: Evolution
Acclaim
GC
2002
Unreal
Epic
PC
1998
Unreal 2 : the awakening
Epic
PC
2004
Unreal Championship
Atari
XBOX
2002
Unreal Championship 2: The Liandri Conflict
Midway
XBOX
2005
Unreal Tournament 2004
Atari
PC
2004
Unreal Tournament 3
Epic
PC
2007
Urban Chaos: Riot Response
Eidos Interactive
PS2
2006
Van Helsing
VU Games
PS2
2004
WinBack 2: Project Poseidon
Koei
PS2
2006
WinBack: Covert Operations
Koei
PS2
2001
Without Warning
Capcom
PS2
2005
XIII
Ubisoft
XBOX
2003
91

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