Les 5 tournants de notre vie professionnelle

Transcription

Les 5 tournants de notre vie professionnelle
Psychologie sur internet : psychologies.com pour mieux vivre votre vie (cou... Page 1 sur 4
Les 5 tournants de notre vie
professionnelle
© stone
Notre carrière aussi obéit à des cycles. A
chaque âge ses remises en question, ses
réorientations. Pierre Sahnoun, thérapeute
spécialisé dans le coaching des cadres,
explique comment prévoir et gérer les plus
classiques.
Pierre Sahnoun
out a commencé à aller de travers le jour où Gérard a été nommé
directeur général de son entreprise. Pourtant, ce poste, il en avait rêvé !
C’était la consécration de vingt ans de carrière. " Brusquement, j’avais une
impression de flou, d’irréalité, se souvient -il. Je ne savais plus à quoi rimaient
mes quinze heures de boulot par jour. Une question me taraudait : et
maintenant ? " Son entourage ne le reconnaissait plus, il devenait taciturne,
irritable. En réalité, Gérard traversait une crise de désorientation
professionnelle courante, déclenchée par le fait qu’ayant atteint son objectif
de carrière il avait perdu son horizon.
Certaines personnes ne traversent jamais de crise professionnelle, mais elles
sont relativement rares. Car la plupart d’entre nous rencontrent, une ou deux
fois dans leur carrière, une rupture, une profonde remise en question ou une
réorientation. Celles-ci ne sont pas forcément préjudiciables à l’individu. Il est
même possible de s’en servir pour rebondir ; la vie professionnelle, en effet,
progresse par à-coups, déchirements, deuils et conflits intérieurs dont la
résolution permet souvent de grandir et de passer à l’étape sup érieure.
Le premier étage de la fusée-entreprise, sa rampe de lancement, c’est
l’école. M êmes horaires, mêmes contraintes, même exigence de résultat,
même distinction entre les " bons " et les " mauvais ". Dans certaines
familles, les études sont investies d’un enjeu quasi obsessionnel. Sur ce
terrain s’expriment les espoirs et les projets de la génération " du dessus ",
dont la réalisation est déléguée à celle " du dessous ". Dans d’autres familles,
les enfants ne peuvent pas faire d’études supérieures et devront attendre des
années avant de se recycler grâce à une formation professionnelle ou de se
débarrasser du " complexe de l’autodidacte ". D ’où la première crise
professionnelle : celle des 23-25 ans.
25 ans : Surinvestir l’entreprise
Le premier job est une naissance. Il implique un changement d’image
de soi et un changement d’environnement : renoncer à l’adolescence
et au confort du domicile parental, choisir de s’identifier à un métier, à
un secteur, à une entreprise avec ses rites et ses valeurs. Certains,
incapables de faire ce deuil, se réfugient dans le statut d’éternel
étudiant. D’autres foncent tête baissée dans la vie active. Ayant perdu
http://www.psychologies.com/cfml/article/c_article.cfm?id=567
03/09/2002
Psychologie sur internet : psychologies.com pour mieux vivre votre vie (cou... Page 2 sur 4
leurs anciens repères, ils surinvestissent leur vie professionnelle sans
l’avoir vraiment choisi et s’adonnent sans modération aux premières
ivresses du travail salarié. Ils se suradaptent à l’entreprise, lui
appliquent abusivement les seuls modèles qu’ils connaissent : celui de
la famille (faire plaisir à son chef, être le pr éféré ou le rebelle, le
second, etc.) ou celui de l’école (avoir de bonnes notes, préparer
parfaitement ses dossiers, faire ses devoirs le dimanche à la
maison…). Cette période engendre une intense fatigue physique : le
changement de rythme biologique coïncide avec les premières
responsabilités familiales. La plupart du temps, une étape importante
est franchie lorsque le jeune professionnel se heurte à ses premiers
échecs.
30 ans : Surmonter ses premiers échecs
" J’ai démarré sur les chapeaux de roues, se souvient Annelise, jeune et
brillante assistante de direction. Tout le monde me disait que j’étais
formidable, on applaudissait la moindre de mes initiatives. Et puis j ’ai changé
de service et, là, j’ai eu l’impression que ma cote s’effondrait. " Suivie en
coaching pour une grave perte de confiance, Annelise illustre la crise des 30
ans. Il est normal de se tromper, de ne pas toujours atteindre ses objectifs.
Mais pour ces jeunes professionnels soucieux de bien faire, l’erreur est
vécue comme une insupportable dévalorisation. Toute l’entreprise est
organisée de façon à gratifier celui qui y contribue, fût-ce au prix de son
identité. Elle stigmatise le perdant, le loser, alors que l’échec remplit, dans la
vie professionnelle, le m ême rôle que le principe de réalité dans le
développement de la personnalité. C’est lui qui fonde réellement l’expérience
et la compétence, qui permet de réaliser son potentiel, qui apprend à
encaisser les coups et à dissocier l’objectif professionnel assigné de l’identité
profonde de la personne qui, elle, est permanente.
Mais surmonter l’échec implique d’abandonner l’id ée que tout dépend de
notre propre volonté pour reconnaître humblement que le patron, les
consommateurs, les collègues n’ont pas forcément le même raisonnement ni
les m êmes objectifs et que l’on n’a pas toujours de prise sur eux. Etre
capable d’intégrer ou, mieux, de revendiquer ses échecs permet de passer
une étape supplémentaire dans la vie professionnelle.
40 ans : Assumer les responsabilités et la solitude du “chef ”
C’est vers 40 ans que démarre la principale crise professionnelle qui
prend parfois des allures de séisme. Elle coïncide souvent avec une
remise à plat de tous les facteurs personnels : couple, famille, style de
vie, etc. Le professionnel de 40 ans a quinze ou vingt ans de carrière
au compteur. Il est en pleine possession de ses compétences. Il a
acquis ses premiers cheveux blancs et ses premières responsabilités.
Il a perdu quelques illusions sur l’entreprise (ce n’est ni une famille ni
une maman), sur lui-même ("Je ne suis pas tout le temps parfait") et
sur les autres ("Ils ne fonctionnent pas tous comme moi"). "J’étais
comblé, raconte ce chef d ’atelier de 38 ans, et, pourtant, je ne dormais
plus. Je ruminais les mêmes questions : “Est-ce que je vais faire ce
boulot toute ma vie ?” “A quoi je sers ?” “Est-ce que je suis un bon
chef ?"
Devenir un " chef " – accéder à une responsabilité – impose, en effet,
un nouveau deuil : celui d’être aimé. Quel que soit son niveau, le
responsable fait l ’expérience de la solitude. Combien de cadres
compensent celle-ci par des comportements symptomatiques qui vont
du " donjuanisme " à la névrose obsessionnelle, en passant par des
crises de dépression, des somatisations, des épisodes maniaques. A
la base, toujours le même phénomène de surinvestissement : la
personne disparaît derrière sa fonction. Le " que faites -vous dans la
vie ? " des dîners en ville borne l’horizon de la définition sociale au
faire et au paraître. Le licenciement, la mutation imprévue seront vécus
comme une perte d’identité. L’approche de la cinquantaine aussi.
http://www.psychologies.com/cfml/article/c_article.cfm?id=567
03/09/2002
Psychologie sur internet : psychologies.com pour mieux vivre votre vie (cou... Page 3 sur 4
50 ans : Accepter l’arrivée de challengers plus jeunes
A 50 ans, le professionnel voit arriver dans son environnement des
challengers plus jeunes, plus actifs, sans états d’âme et mieux adaptés à un
environnement qui change rapidement. Il lui faut donc, s’il veut conserver un
territoire, changer encore une fois de rôle et se transformer en mentor.
Beaucoup se reconvertissent dans le conseil, forment des jeunes, prennent
des responsabilités socioprofessionnelles. " Je ne peux pas accepter d’être
mis sur la touche ! proteste Raymond, informaticien de 52 ans, qui lutte pour
rester dans le coup de l’évolution technologique. Les jeunes ont des
compétences techniques mais moi j’ai plus de recul. Mon expérience est un
atout ! "
A trop faire le grand écart, pourtant, certains quinquag énaires se retrouvent
loin de leurs compétences de base et incapables d’évoluer. 50 ans, c’est
l’âge où l’on reste plus d’un an au chômage, incapable de se redéfinir et de
surmonter la rupture (" pressé comme un citron ! "), c’est l’âge des placards
dorés pour les dirigeants crispés sur leurs modes de fonctionnement
obsolètes. Mais c’est aussi l’âge où, n’ayant plus rien à prouver, on ose enfin
se lancer dans l’aventure d’une création d’entreprise ou d’un changement
radical d’activité. Pour d ’autres, qui vivent sur les maigres dividendes de
trente ans de bons et loyaux services, l’approche de la retraite est vécue
comme une véritable mort professionnelle.
60 ans Faire le deuil de sa carrière
La dernière grande crise de la vie professionnelle frappe entre 60 et 65
ans et vient, elle aussi, du décalage entre images interne et externe.
"Je trouve cela totalement injuste, soupire Marianne, qui a mené de
front l’éducation de ses trois enfants et une carrière de commerciale.
Dans ma tête, j’ai encore 40 ans et des tas de choses à prouver. J’ai
toujours eu une vie très active : que vais-je faire de mes journées ?"
Au premier étage d’une banque d’affaires parisienne, s’ouvre un
couloir surnommé la "galerie des ancêtres". Tels des fantômes, les
anciens cadres, incapables de décrocher, bénéficient là d’un petit
bureau où ils viennent occuper la vacuité d’une existence dépourvue
de sens depuis qu’elle n’est plus structurée par les responsabilités. Le
travail, cette drogue dure, fabrique aussi ses toxicomanes. La crise de
la retraite actualise l’angoisse de disparaître et précipite ses victimes
dans le déni (rester dans le coup à tout prix), la dépression ou la
dépersonnalisation (" Lorsque je rencontre quelqu’un, je ne sais plus
comment me présenter ", confie cet ancien fonctionnaire).
Les crises professionnelles, par essence transitoires, permettent de
mûrir et de se renouveler. Mais il est également possible qu’elles
débouchent sur une profonde remise en cause et fassent émerger des
problématiques plus profondes, nécessitant une aide thérapeutique.
Or, si la plupart des gens acceptent de se faire aider pour résoudre
leurs problèmes psychologiques, sexuels ou relationnels, ils restent
trop souvent seuls face à leurs problèmes professionnels, comme si le
travail et la maison appartenaient à des galaxies diff érentes. Ce
clivage injustifié aboutit juste à faire traîner les choses des mois ou des
années. La vie professionnelle fait partie de la vie : les mêmes causes
y produisent les mêmes effets ; les solutions qui valent pour l ’une
valent également pour l ’autre.
REFLECHIR :
La réflexion ne nuit pas à l’action
- Le bilan de compétences : chaque salarié y a droit au bout de 3 ans
d’activité professionnelle. Réalisé par un cabinet spécialisé, il peut être
financ é par l ’entreprise (12 000 à 45 000 F) ou pris en charge par l’AFR.
Renseignements auprès de l ’Unité de gestion des bilans de compétence :
01.42.53.09.85.
- L’outplacement : réserv é aux salariés licenciés, il permet de faire le point,
http://www.psychologies.com/cfml/article/c_article.cfm?id=567
03/09/2002
Psychologie sur internet : psychologies.com pour mieux vivre votre vie (cou... Page 4 sur 4
de déterminer un projet professionnel et de mettre en œuvre une recherche
d’emploi efficace. Financ é par l ’entreprise, il coûte plutôt cher (50 000 à
100000 F). Renseignements auprès de l ’Ascorep, organisme professionnel
regroupant les principaux cabinets : 01.53.62.84.51.
- Le coaching : technique récente, elle a pour but d’accompagner la
personne dans son développement professionnel. L’heure de coaching coûte
entre 500 et 4 000 F. Société française de coaching : 01.42.24.12.84.
- L’Apec et l ’ANPE mettent à la disposition de leurs adh érents (en recherche
d’emploi uniquement) des Chéquiers bilan permettant de prendre en charge
la quasi-totalité d’un accompagnement. Renseignements : 3615 Apec et
agences ANPE.
- La psychothérapie : une crise professionnelle exprime souvent une
problématique personnelle. Une thérapie d’accompagnement aidera à poser
les vrais problèmes et à retrouver une nouvelle dynamique.
Pierre Sahnoun
janvier 1999
© psychologies.com 2002
http://www.psychologies.com/cfml/article/c_article.cfm?id=567
03/09/2002