psychologies.com pour mieux vivre votre vie

Transcription

psychologies.com pour mieux vivre votre vie
Psychologie sur internet : psychologies.com pour mieux vivre votre vie (couple, sexu... Page 1 sur 3
Rompre... pour renaître
Nous associons souvent les ruptures à
l’échec ou au chagrin. Mais plus tard, nous
réalisons qu’elles nous ont transformés,
parfois libérés. En fait, elles jalonnent notre
vie.
© stone
Pascale Senk
ourner le dos. Partir. "Casser", disent les ados. Autant de mots que l’on
redoute. Qui n’a pas secrètement rêvé de les rayer de son vocabulaire ? On
leur préfère les "toujours", les "jamais", et l’espoir d’une fusion à perpétuité.
Du sentiment d'échec au besoin d'autonomie
Car les ruptures évoquent d’abord l’échec : « Après vingt ans de vie
commune, nous nous sommes sépar és », « J’avais conçu tout le
service, et ils m ’ont licencié du jour au lendemain », entend-on. Même
quand on est celui qui décide de rompre, c’est souvent à la manière
d’une vieille branche d ’arbre ou d’une corde us ée : en renonçant, en
déclarant forfait. « J’ai tout essayé pour arranger la situation, mais je
n’y suis pas arrivé. » Pourtant, des ann ées plus tard, on s ’apercevra
que ce sont ces cassures, décidées ou non, qui ont dessiné le cours
singulier de notre vie, unique entre toutes.
D’ailleurs, entre l’augmentation des divorces, les déménagements, les
évolutions professionnelles, jamais nous n’avons autant "rompu". Le
sociologue Jacques Praïta perçoit dans ce phénomène la montée en
puissance de la société de l’autonomie : « On est passé d’une morale
du devoir à une morale de l ’hédonisme. On doit donc apprendre à
avoir la distance suffisante qui permet, s’il y a rupture, de ne pas être
détruit. » (in “La Société de l’autonomie”,Editions d’Organisation,
2000).
Un vœu pieux ? « La pression idéologique contraint quiconque à se
penser sans attache », affirme le psychologue Claude Mesmin, moins
optimiste (in “La Prise en charge ethnoclinique de l’enfant de
migrants”, Dunod, 2001). Car elle dénie du même coup les résistances
intérieures inconscientes qui se lèvent en chacun de nous quand
s’amorce la nécessité de rompre.
L'angoisse de séparation
Notre collaborateur Serge Tisseron, psychanalyste, considère que les
années 90 ont été marquées par l’émergence de ces pathologies,
regroupées sous le terme d’« angoisses de séparation » : nous aimerions
nous conduire en individu libre, mais quelque chose en nous demeure "colléserré" à l’autre.
Révélatrice de ces névroses collectives, l ’utilisation abusive des nouvelles
technologies : « Les outils comme Internet ou le téléphone portable créent à
distance et à tout moment l ’illusion d’une communication rapprochée, et
rendent moins nécessaire le travail psychique de la séparation, explique
Serge Tisseron. Quant aux parents qui demandent l’installation de Webcams
[caméras reliées à Internet, ndlr] dans les crèches, ils se servent d’une
technologie nouvelle pour lutter contre leur propre angoisse de séparation. »
La peur d'être rejeté
Il y a aussi ceux qui, mus par une terreur inconsciente de l ’abandon,
s’échinent à passer d’un job ou d’un amour à l’autre, rompant à
chaque fois pour éviter la suprême épreuve : être rejeté. Le sexologue
Willy Pasini insiste sur les conséquences de ces "séparations de
http://www.psychologies.com/cfml/dossier/c_dossier.cfm?id=1539
31/10/2002
Psychologie sur internet : psychologies.com pour mieux vivre votre vie (couple, sexu... Page 2 sur 3
surface" : « Le changement est utopique s’il se contente d’être une
diversion ou une tentative pour donner de la substance à une vie
perçue comme dépourvue de sens. » (in “Le Courage de changer”,
Odile Jacob, 2001). Une rupture vécue sans conscience, sans
élaboration et sans reconnaissance des enjeux psychiques à l’œuvre
aboutira difficilement à une transformation positive.
Qu’on se le dise : se séparer n’est jamais facile. Cela implique un
travail psychique, qui peut se révéler long et ne s’accorde pas toujours
au rythme frénétique de la vie sociale. Rompre, ce n’est pas seulement
changer d’adresse ou de statut professionnel. C’est accepter la mort
de parties de soi que l’on croyait éternelles ; c’est supporter l’inconfort
et la tension d’une situation "entre deux", avec son lot de doutes et de
remises en question ; c’est faire un bilan. Le plus souvent, c’est aussi
revivre des émotions que l’on avait "blindées". Fabienne s’effondre lors
d’un simple d éménagement, envahie par la terreur qu’a éprouvée sa
famille lors d’un exil vécu vingt ans auparavant ; Jacques, lors de sa
mise à pied professionnelle, revit la colère qu ’il n’a pu exprimer à son
père, parti à tout jamais quand il avait 7 ans.
Les ruptures trop précoces dans l’enfance et/ou trop fréquentes
peuvent constituer un véritable traumatisme. Ceux qui les ont subies
ne pourront plus supporter, à l’âge adulte, le vide et la solitude
qu’implique le processus de séparation, et feront tout pour que rien ne
change jamais. Ils n’oseront plus quitter personne, ni faire évoluer leur
vie professionnelle, se condamnant à une existence terne et bien peu
"vivante".
Penser que l ’argent ou le pouvoir nous libéreraient de l’obligation de
changer est d’ailleurs l ’une des premières croyances dont il faut se
défaire. Car chacun d’entre nous s ’est construit à partir de
séparations : première poussée de vie, l’arrachement du ventre
maternel ; à 5 mois, l’amorce d’une "naissance psychologique",
lorsque l’on éloigne notre corps de celui de notre mère, commençant à
comprendre qu’elle existe en dehors de nous ; le premier jour d’école
et, chaque matin, l’adieu à son lit confortable ; le premier chagrin
d’amour, etc. Jusqu’à la séparation ultime, la mort.
Se différencier de l'autre
La capacité à se séparer, c’est aussi ce qui aide à se définir et, en se
différenciant de l’autre, à devenir pleinement soi. A chaque fois, on est
appelé à mobiliser ce qu’on a de plus vivant pour avancer. Ulysse, s’il n’avait
quitté Ithaque, aurait-il pu déployer ses énergies et prouver qu’il était un
demi-dieu ?
Dans “Je pensais que mon père était Dieu” (Actes Sud, 2001), l’anthologie
composée par Paul Auster, Ameni Rozsa, « au bord d’un nouveau naufrage
amoureux », profite de sa solitude pour revisiter les ruptures qu’elle a
endurées : « Parfois c’est une chance d’être abandonné. Pendant que nous
cherchons ce que nous avons perdu, nous pouvons revenir en nous-même. »
Une ressource fondamentale pour aller vers la vie que l ’on désire vraiment.
COMMENT SAVOIR S'IL FAUT ROMPRE ?
« A chacun sa juste r éponse, explique le psychologue Gérard
Poussin , qui publie “Rompre ces liens qui nous étouffent” (1). Le
moment de rompre renvoie chacun à ses attachements passés. C’est
pourquoi personne ne peut savoir “pour l’autre ”. En revanche, on peut
se faire aider, en demandant à un proche de bien vouloir être un
“écoutant”. On lui propose : “J’ai un problème. Surtout, ne me donne
pas ton avis. Ecoute mes arguments : d’un côté, les raisons pour
lesquelles je veux partir ; de l’autre, celles qui me poussent à rester.”
C’est en s’entendant raconter son histoire que, généralement, on
trouve la réponse. Ce procédé n’a rien à voir avec le monologue
intérieur. Lorsque l’on est en relation avec un autre être humain, un
allié, quelque chose en nous se met au clair. C ’est toute la différence
http://www.psychologies.com/cfml/dossier/c_dossier.cfm?id=1539
31/10/2002
Psychologie sur internet : psychologies.com pour mieux vivre votre vie (couple, sexu... Page 3 sur 3
entre se souvenir d’un rêve et le raconter. Le mettre en mots lui donne
tout son sens. Cela, Freud l’avait bien compris : l’inconscient n’accepte
de se découvrir que dans la relation à l’autre. »
1- Dans la collection “Il n’est jamais trop tard pour…”, EDLM, à paraître
le 17 septembre.
A LIRE :
• “La Rupture pour vivre” de Simone Barbaras.
Toutes les ruptures peuvent libérer des forces de vie et de créativité. L’auteur
nous le démontre à l’aide de nombreux exemples (J’ai lu 2000).
• “Rompre sans tout casser” de Linda B érubé.
Livre pratique pour résoudre les problèmes que pose une rupture familiale, et
aider les personnes qui y sont confrontées. (Editions de l’Homme, 2001).
Pascale Senk
septembre 2001
http://www.psychologies.com/cfml/dossier/c_dossier.cfm?id=1539
31/10/2002

Documents pareils