blue jeans - Théâtre des Marionnettes de Genève

Transcription

blue jeans - Théâtre des Marionnettes de Genève
Théâtre des Marionnettes de Genève
Dossier presse – saison 2013 – 2014
BLUE JEANS
Création du Théâtre de Vidy Lausanne en coproduction avec le Théâtre des Marionnettes
de Genève, Le Montfort Théâtre, Espace des Arts – Scène nationale de Châlon-sur-Saône,
MA scène nationale – Pays de Montbéliard (F),National Chiang Kai Shek Cultural Center, Taïwan, R.O.C.
( (((
DU 22 AU 26 MA I 2014
Conception, scénographie
et marionnettes : Yeung Faï
Assistant à la mise en scène : Yoann Pencolé
Dramaturge : Pauline Thimonnier
Création lumière : Christian Peuckert
Assistant lumière : Adrien Gardel
Création vidéo : Stéphane Janvier et
Jérôme Vernez
Musiques et son : Ludovic Guglielmazzi
Conseiller artistique : Thierry Tordjman
Regard extérieur : Philippe Rodriguez Jorda
Construction décor : Ateliers du Théâtre VidyLausanne
Chansons interprétées par : Elodie Pittet et
Huanyu Pittet
Jeu et manipulation : Yeung Faï, Yoann
Pencolé, Inbal Yomtovian et Jean-Pierre
Leguay
Gaine chinoise, théâtre d’objets et
marionnettes
Documentaire-fiction marionnettique
Théâtre des Marionnettes de Genève
3 Rue Rodo | 1205 Genève
Réservations : 022 807 31 07
ou www.marionnettes.ch
~ 80 minutes
Adultes, ados
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Le spectacle
1. L’histoire
Après avoir sillonné 25 ans durant les
routes du monde avec son solo Scènes
de l’Opéra de Pékin, spectacle culte
accueilli au TMG, Yeung Faï, virtuose de
la marionnette chinoise, a créé en 2011
Hand Stories, le récit fantastique de sa
propre vie, celle d’un marionnettiste
héréditaire de Hong Kong. Il y était
question de mains. Les siennes. Celles de
son père. Celles de son frère.
Pour Blue Jeans, on découvre, perdu
dans une lointaine campagne asiatique,
un homme qui s’échine sous un ciel
lourd à faire tourner son énorme meule
de pierre. Victime d’un contexte ardu,
Blue Jeans
un couple de paysans ne peut assurer
un avenir pérenne à la ferme des deux sœurs jumelles venant de naître. On suit ainsi leurs parcours
alors qu’elles sont devenues jeunes filles. L’une, Jasmin est contrainte de travailler seize heures
quotidiennes dans un site de fabrication de jeans destinés aux plus grandes marques. L’autre est
vendue à des Occidentaux et connaîtra une destinée sans doute plus clémente. Entre elles, défile
toute l’actualité d’une mondialisation faisant d’un habit ultrapopulaire, la racine de toutes les
exploitations.
Mortel, le Jean a-t-il le blues ? Vêtement le plus porté au monde, le bleu a mal à ses
coutures sociales et environnementales. Réalisé majoritairement en Chine pour une
question de coûts low cost, il participe, dans sa production, d’une exploitation éhontée de
juvéniles travailleurs migrants exilés des campagnes, causant une pollution qui ne cesse de
s’étendre. Fable visuelle et politique, ouverte sur la contemplation de paysages en
métamorphoses et d’éclats documentaires vidéo, la nouvelle création de Yeung Faï renoue
avec une forme de théâtre marionnettique à haute teneur documentaire. Trois acteurs
manipulateurs convoquent les techniques les plus diverses, des marionnettes à gaine et
bunrakus nippones au théâtre d’objets. L’opus trempe dans une atmosphère proche du
cinéma d’animation sur fond de paravents devenus paysages projetés d’une puissance
médusante. Créateur de "Hand Stories", chronique familiale sur fond de crises et d’exils
chinois au siècle dernier jouée au TMG, Yeung Faï nous immerge ici dans les profondeurs
d’un monde du travail aussi bleu délavé que l’enfer sur terre. Et donc cette belle idée que
l'Histoire serait moins affaire de voyage dans le temps que de voyage dans les lieux.
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2. Synopsis
Quelque part en Asie…
Dans une famille de paysans, un homme
semble être là depuis la nuit des temps.
Sa femme, famélique, vient de mettre au
monde deux enfants, deux sœurs
jumelles. Dans un contexte de vie difficile,
ils ne pourront pas nourrir ces deux
bouches supplémentaires. Il faudra donc
vendre l’une des deux filles. L’autre
restera à la ferme mais partira, dès que
son âge le lui permettra, pour ces grandes
métropoles où des usines embauchent la
jeune main d’œuvre. Il n’y a pas d’autre
alternative pour une jeune fille car le travail
des champs n’est pas pour elle.
Blue Jeans
L’avenir est là-bas, dans ces villes champignons où les usines étrangères s’installent pour produire
des biens pour la terre entière.
Blue Jeans interroge notre monde contemporain à l’heure de la globalisation en évoquant le destin
de Jasmin, cette jeune chinoise condamnée à travailler dans des conditions épouvantables pour
survivre. Sous la forme d’un spectacle documentaire, nous découvrons une famille traditionnelle en
rupture d’un monde en quête de progrès, de modernité et d’urbanité.
Pour sa nouvelle création, après le succès de Hand Stories qui l’a conduit du Brésil aux Etats-Unis,
d’Avignon à Taïwan et dans de nombreuses villes françaises et européennes, le marionnettiste
Yeung Faï s’est inspiré notamment des documentaires du réalisateur américain Greg Conn Jr.
traitant de la fabrication des jeans dans le monde, et de la problématique du travail.
Plusieurs techniques sont utilisées : marionnettes Bunraku, marionnettes à gaine, théâtre d’objet, sur
fonds d’images, à la manière de Barry Purves, l’un des maîtres du cinéma d’animation contemporain,
grâce à un système de paravents sur lesquels sont projetés des vidéos, créant un paysage et une
scénographie mobile.
Trois interprètes (Chine, France, Israël) seront les maîtres d’œuvre de ce documentaire
marionnettique, véritable plongée dans les abysses du monde du travail. Blue Jeans se veut avant
tout une fable visuelle poétique et politique.
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3. Bleu comme l’enfer
Entretien avec Yoann Pencolé, comédien, manipulateur et assistant à la mise en scène.
La création aborde des thèmes graves. Comment le faites-vous ?
Y oann P enc olé : Blue Jeans s’attache à
dévoiler le fonctionnement d’un système de
Esclaves contemporaines, ces jeunes filles
production et d’exploitation qui semble
satisfaire quasi tout le monde, à des degrés
dans l’industrie du jeans sont souvent très
divers. Si chacun porte des jeans à travers le
monde, le dessein est de montrer les rouages
mal rémunérées, voire pas du tout.
de sa production en Chine, dont les
conséquences
tant
humaines,
sociales
qu’environnementales
devraient
nous
interpeller comme « consommacteurs ». La
Chine produit ainsi le 70 % des jeans de la planète pour des salaires de misère, alors que ce
vêtement est le symbole d’un supposé effacement de frontières entre sexes, cultures et classes
sociales.
D’où l’idée de proposer une forme de documentaire fiction en suivant l’histoire d’une jeune fille devant
quitter le foyer familial à la campagne pour rejoindre une grande ville et son site de fabrication du
célèbre pantalon. Des images directement tournées en Chine notamment à Xintang, la « capitale
mondiale des jeans » dans la province de Guangdong, au sud-est du pays. Des réalités
emblématiques de l'industrie textile chinoise dans son ensemble, qui devrait revoir ses pratiques et
sa réglementation. Les situations en usines, elles sont inspirées, moins des Temps modernes de
Chaplin, que du documentaire China Blue. Ce que cache le Made in China (2005) signé Micha X.
Paled. Ce film suit la vie d’une jeune fille de dix-sept ans originaire du Sichuan, Jasmin, dont la
création reprend le prénom, et les cadences soutenues imposées dans le cadre d’un travail à la
chaîne de seize heures par jour. Esclaves contemporaines, ces jeunes filles ouvrières dans l’industrie
du jeans sont souvent très mal rémunérées, voire pas du tout.
Cette création met en œuvre nombre de techniques : marionnettes à gaine, marionnettes bunrakus
japonaises. Mais aussi théâtre d’objets sur fond d’images parfois giratoires montées sur une
tournette, comme le réalise l’une des grandes signatures du cinéma d’animation contemporaine,
Barry Purves (Screen Play, 2007), qui a collaboré avec Tim Burton pour son Mars Attacks ! (1996).
Comment est né Blue Jeans ?
Depuis la création en 2011 de Hand Stories qui, par la technique traditionnelle de la gaine chinoise,
abordait notamment la période de la Révolution culturelle et de l’exil hors de l’ancien Empire du
Milieu, le marionnettiste et metteur en scène Yeung Faï n’a pu retourner dans son pays de crainte de
ce qui pourrait lui arriver Egalement après la détention et la mort en camp de son père sous la
Révolution culturelle. Hand Stories abordait aussi la notion de documentaire à travers la plongée au
sein d’une chronique familiale.
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Une scène de Blue Jeans s’inspire du documentaire tourné dans le style classique du cinéma vérité,
Last Train Hope (2009) de Li Xin racontant le retour par millions des migrants (leur nombre total est
estimé à 200 millions) en leurs foyers lors du Nouvel An chinois. Les migrants et familles partent
l’essentiel de l’année travailler dans les villes afin d’apporter l’argent aux grands-parents s’occupant
des enfants, faisant retour pour une poignée de jours seulement à cette occasion festive. Il montre
comment les familles sont fragilisées par ce système de production. Yeung Faï a ainsi tenu à partir
de cette réalité de paysans ayant du mal à survivre dans les campagnes.
Est aussi explorée la déconsidération sociale frappant les filles dans cet univers d’exploitation
agricole. Ainsi la jeune fille est-elle appelée à se sacrifier en usine pour que le petit frère, par
exemple, puisse faire des études.
4. Nous portons tous des jeans
Nous portons tous des jeans. Symbole de liberté.
Ils conviennent à tous : hommes, femmes.
Ils sont pratiques et confortables, vont avec tout, ne représentent aucunes catégories sociales et
toutes à la fois.
Le jeans nous rend égaux.
A l’heure actuelle, 70% de la production mondiale de jeans est fabriqué en Asie.
Les plus grandes marques sont américaines et européennes (Diesel, Levi’s...)
Ces jeans sont majoritairement fabriqués par des mains jeunes, de femmes et d’enfants dans des
conditions souvent inhumaines, qualifiées d’esclavage moderne.
La Chine est loin, très loin.
Mais cette économie basée sur l’exploitation de l’autre se rapproche de plus en plus.
Et demain il se pourrait que vos enfants en soient les victimes.
5. Etre fille en Chine
Entretien avec Yeung Faï, comédien, manipulateur et concepteur de Blue Jeans et Yoann
Pencolé.
Dans ce spectacle, vous évoquez les conditions de travail en Chine. Pourquoi tenez-vous
également à exposer la place des filles dans la société chinoise ?
Y eung F aï : La politique de contrôle des naissances a commencé à l’époque de Mao Zedong, dans
les années 1950. Le leader de la République populaire de Chine pensait qu’une Troisième Guerre
mondiale allait éclater. Afin de préparer le pays à un tel conflit, on incita les Chinois à faire beaucoup
d’enfants. Cependant, la guerre n’est jamais arrivée. Entre 1970 et 1980, la population était devenue
trop nombreuse. Pour y remédier, les autorités ont mis en place la politique de l’enfant unique.
Depuis 1979, elle a provoqué une tragédie. Beaucoup de familles ont tué ou vendu leurs enfants pour
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qu’il n’en reste plus qu’un. Aujourd’hui, la
politique s’est légèrement assouplie ; les
familles ont l’autorisation d’avoir un deuxième
enfant, moyennant un paiement.
L’enjeu de ce spectacle est d’associer le
documentaire et la fiction.
En plus des disparités entre les sexes que
constitue cette société patriarcale, un autre
problème se pose : celui des enfants non
déclarés. La plupart du temps, ce sont des filles. N’ayant aucune identité, elles ne peuvent alors pas
aller à l’école et deviennent ainsi la main-d’œuvre des usines. Dans Blue Jeans, j’ai voulu montrer
les conséquences qu’une telle politique peut provoquer chez les paysans. A la campagne, les
familles veulent avoir un garçon pour reprendre plus tard le travail ardu et physique des champs. Les
filles ne peuvent rien faire, mis à part quelques travaux qui ne rapportent pas beaucoup d’argent.
Elles doivent donc partir en ville pour être en mesure de vivre, aider le reste de la famille ou financer
les études de leur frère ou de leur sœur. Une sorte de sacrifice. Blue Jeans raconte cette histoire qui
est celle de nombreuses familles chinoises. Nous confrontons la réalité collective au récit poétique et
politique que portent nos personnages. En un mot, l’enjeu de ce spectacle est d’associer le
documentaire et la fiction.
Vos deux créations évoquent la Chine. De quelle manière, et pour quelles raisons ?
Yeung Faï : Hand Stories présente la situation de la Chine du temps de mes parents et de mon
enfance. Il s’agit d’un hommage aux ancêtres. Blue Jeans évoque le pays tel qu’il est actuellement :
l’« atelier du monde ». Il est nécessaire d’en révéler la face cachée. J’ai envie d’amener le public à
se poser des questions à propos des ouvriers chinois qui produisent plus de 70 % des jeans de la
planète. Je veux montrer aux gens ce qu’il se passe, les rendre attentifs aux conditions de travail
inhumaines de ces usines et à la pollution qu’elles génèrent. Cette création est dédiée aux
générations futures.
Yoann Pencolé : La Chine vit une époque terrible qui ressemble à celle de la France au milieu du
19e siècle. La situation semble même encore pire, car il existe un problème supplémentaire : celui de
la pollution. Les rivières sont sales à cause des usines de fabrication de jeans. Elles rejettent les
colorants directement dans les cours d’eau. Pendant ce temps, le gouvernement estime que tout est
en ordre. Les Occidentaux n’ont pas le droit de fermer les yeux là-dessus. Nous tentons de le
démontrer à travers Blue Jeans.
6. Le Cercle
Le cercle et l’horizontale en forme de couperet. Tout s’articule autour de ces deux figures dans Blue
Jeans.
Cercle vicieux de la pauvreté et de l’exploitation
Le cercle, c’est d’abord la meule de pierre qu’un paysan – emblème d’une paysannerie immémoriale
– fait tourner à la force de ses seuls bras, tel un bœuf fatigué sur qui tombera à la fin une pluie de
suie ou de sang noir. Il a beau vivre au rythme d’une nature puissante – admirablement évoquée par
l’image en arrière-plan et une bande-son enveloppante – sa production ne lui permet pas joindre les
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deux bouts. Il est condamné au cercle
vicieux de la pauvreté, qui l’oblige à
vendre l’une de ses deux filles – bébé – et
à laisser sa seconde – Jasmin,
adolescente – partir à la ville pour vendre
sa force de travail. Au grand dam de son
épouse qui n’a plus qu’une poule à bercer
pour consoler son âme de mère esseulée.
Une façon aussi de pointer du doigt une
société qui condamne les femmes à n’être
finalement que des pondeuses de maind’œuvre corvéable à merci.
Blue Jeans
Le cercle – symbolisée par un plateau
tournant – c’est aussi la ronde des «
labheures » qui n’en finissent pas dans l’usine textile où Jasmin a trouvé un emploi de repasseuse.
Elle y laissera sa peau, asphyxiée par les vapeurs délétères et les poussières cancérigènes, épuisée
par les cadences folles qui n’accordent pas le temps de se nourrir correctement, d’aller aux toilettes
et de dormir. Un tempo infernal imposé par les marques de jeans occidentales qui dictent les prix à la
baisse. Exploitée jusqu’à son dernier souffle, Jasmin sera jetée sur le trottoir comme un déchet, sous
la même pluie battante que celle qui l’avait accueillie lors de son arrivée en ville.
Couperet aliénant du système
L’horizontale, ce sont les rails de la scène sur lesquels glissent des panneaux latéraux qui s’ouvrent
pour mieux se fermer en claquant comme des couperets. Elle symbolise un système politicoéconomique hyper-hiérarchique, qui casse les liens affectifs et familiaux, arrache les enfants des
mains de leurs mères, déracine les gens, monétarise toutes les relations humains, coupent les êtres
humains de la nature pour les enfermer dans des mégalopoles bétonnées et bruyantes où tout –
jusqu’à la vie – est transformé en marchandise.
Blue Jeans raconte la face cachée, inhumaine et martyrisante, de la mondialisation : l’esclavage
moderne des ateliers du monde asiatique, en particulier chinois avec une ville comme Xintang qui
produit 200 millions de jeans par an. Horaires excessifs, salaires de misère, audits truqués, pollution
massive des eaux et de l’air qui affecte la santé de populations entières… Ces informations –
largement diffusées par les médias depuis des années – ne sont pas nouvelles. Elles méritent
cependant d’être répétées, car un fossé énorme continue d’exister entre la conscience des
problèmes et nos comportements de consommateurs. Elles appellent à notre responsabilité. Pour la
planète et les générations futures….
Le poème de Victor Hugo, qui clôt le spectacle, résume magnifiquement les deux aspects de Blue
Jeans. D’une part, l’horreur d’une économie qui condamne toute rose, comme la jeune paysanne
Jasmin, à la mort. D’autre part, la puissance transfiguratrice – source d’espérance et de beauté – de
l’art de Yeung Faï qui sait à la fois créer des « parfums d’ambre et de miel » et « faire des anges du
ciel » avec la réalité matérielle et humaine, y compris la plus sombre :
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« La tombe dit à la rose :
– Des pleurs dont l’aube t’arrose
Que fais-tu, fleur des amours ?
La rose dit à la tombe :
– Que fais-tu de ce qui tombe
Dans ton gouffre ouvert toujours ? »
« La rose dit : – Tombeau sombre,
De ces pleurs je fais dans l’ombre
Un parfum d’ambre et de miel.
La tombe dit : – Fleur plaintive,
De chaque âme qui m’arrive
Je fais un ange du ciel ! »
Michel Maxime Egger
7. Retour sur Hand Stories. Une histoire de transmission
entre générations
Hand Stories est un spectacle visuel tout public pour
deux acteurs manipulateurs et une vingtaine de
marionnettes. Ce spectacle, comme son nom l’indique,
est une histoire de mains, des mains qui façonnent,
apprennent, construisent, des mains qui donnent, se
transmettent de père en fils, des mains de
marionnettiste qui travaillent, s’étirent, s’assouplissent,
se transforment et racontent.
Yeung Faï, le metteur en scène, est maître de
marionnettes à gaine chinoise. Cette technique gantée
spécifique à son pays se situe au cœur de l’histoire de
sa famille depuis cinq générations. Son arrière grand
père, le premier représentant de la dynastie, jouait
dans les maisons de thé pour quelques spectateurs. Il
a transmis cette technique a son fils (le grand père de
Faï) qui l’a perfectionné et la confié à son fils aîné (le
père de Faï). Ce dernier a énormément voyagé, en
Chine et ailleurs et il a transmis la technique à son fils
Hand stories
Photo
du
spectacle
: Mario del Curto
aîné (le frère de Faï) avant de disparaître. Ce n’est
qu’après la révolution culturelle chinoise que Yeung Faï
a appris ce savoir faire avec son frère aîné.
Aujourd’hui, il est le dernier à maîtriser ce savoir, après lui il n’y aura pas de descendance
directe. A travers cette histoire, Yeung Faï aborde donc la traversée de cette technique au
cours de la seconde partie du 20e siècle, dans une Chine en proie à des changements
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politiques radicaux. Dans ce contexte politique parfois difficile, la technique et tout le savoir faire
qui l’accompagne ont bien failli s’éteindre à plusieurs reprises.
Hand Stories est donc une autobiographie familiale. L’histoire commence au milieu des années
60 et se termine aujourd’hui en ce début de 21e siècle. Dans le spectacle, deux histoires se
croisent et s’entremêlent : Il y a d’abord l’histoire humaine de cette famille de marionnettiste
chinois, les Yeung (la famille de Faï), et aussi, l’histoire des marionnettes en tant que savoir
faire transmis. Pour raconter ces histoires, il y a deux styles esthétiques de marionnettes : pour
la famille des Yeung, des marionnettes à gaine très réalistes, en noir et blanc ; pour l’histoire de
l’héritage en tant que tel, des marionnettes plus petites et très colorées, dans la plus pure
tradition de l’opéra de Pékin. Ces deux familles de marionnettes permettent de développer
Hand Stories sur différents niveaux de jeu, en se passant d’explications verbales.
Pour raconter cette histoire très personnelle, Yeung Faï a choisi de proposer un spectacle
visuel basé sur la rencontre entre acteurs, marionnettes et vidéos. Dans sa recherche, c’est par
le dessin qu’il a écrit son histoire. Ce spectacle autobiographique est une composition d’images.
Ces images créés son empreintes d’humilités et de simplicité. La volonté du metteur en scène
est de créer de l’espace pour laisser libre cours à l’imaginaire de chacun. L’idée est donc de
privilégier l’élément pour raconter l’ensemble. Par une poétique du mouvement basé sur la
métaphore ou la symbolique, l’émotion prend corps sur le plateau. Les marionnettes côtoient les
acteurs et des vidéos d’époque en noir et blanc des ancêtres de Faï. La réalité et l’imaginaire se
mêlent sans cesse pour raconter cette saga familiale.
Dans ce projet, Yeung Faï insiste sur l’universalité de son propos. La notion de transmission et
de savoir-faire dépasse largement les frontières de la marionnette et de la Chine. D’ailleurs ce
qu’on nomme la marionnette à gaine chinoise, Yeung Faï le considère comme un savoir faire
humain. Nous devons donc le protéger, le transmettre et ainsi lui permettre de continuer à se
développer en se nourrissant d’autres arts, d’autres cultures. Yeung Faï s’est formé en famille
bien sûr, mais aussi auprès d’autres maîtres chinois et japonais au cours de ses jeunes années.
Ensuite, il a sillonné les routes du monde entier avec ses gaines pour raconter, comme ses
ancêtres avant lui, les scènes de l’opéra de Pékin. Depuis une dizaine d’années, c’est en
Europe et particulièrement en France qu’il a posé ses valises pour travailler à de nouveaux
projets. Elevé en Chine et nourri de culture occidentale, Yeung Faï est ce qu’on appelle un
artiste du monde.
Pour cette nouvelle création, et sa toute première en qualité de metteur en scène, il s’est donc
entouré d’une équipe multiculturelle pour réaliser son projet : une vidéaste Taïwanaise Yilan
Yeh, qui s’intéresse dans son travail à la relation entre philosophie taoïste et nouveaux médias.
Le musicien Colin Offord vient quant à lui d’Australie. Il compose ses musiques sur des
instruments qu’il créée lui même. Enfin, sur le plateau, Yeung Faï travaille avec moi, jeune
marionnettiste français sorti de l’Ecole nationale supérieure des arts de la marionnette de
Charleville-Mézières.
Hand Stories est à l’image de Yeung Faï, au croisement entre l’Orient et l’Occident, entre la
tradition et la modernité. Les notions abordées par Yeung Faï sont ancestrales et plus que
jamais d’actualités.
Yoann Pencolé
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8. Histoire et marionnettes
Tout est parti d’un story-board dessiné et écrit par Yeung Faï. Tant par son découpage
dramaturgique éminemment cinématographique que son déploiement imagé, Hand Stories
rappelle étrangement l’esprit de la bande dessinée silencieuse Là où vont nos pères de Shaun
Tan, un artiste pluriel œuvrant aussi pour le meilleur du film d’animation contemporain grand
public (Toy Story, Les Indestructibles, L’Âge de Glace). C’est l’histoire d’immigrés, réfugiés,
exilés, clandestins et un hommage à ceux qui ont fait le voyage. De père chinois, Tan précise
que « de nombreuses idées du livre ont été inspirées par de vieilles photographies de
personnes et de lieux qui ont disparus depuis longtemps et qui furent à l’origine de plusieurs de
mes peintures. Il existe un sentiment de mystère dans les documents historiques qui est lié à
leur éloignement et à leur silence. Je dois donc faire travailler mon imagination pour bâtir un
monde perdu à partir de ces petits fragments de mémoire. D’une certaine manière, l’absence
d’information appelle à l’élaboration d’une fiction pour combler le vide. »
Rituel
C’est aussi ce qui semble à l’œuvre dans Hand Stories, où l’on découvre une photo grisâtre de
l’arrière grand-père de Yeung Faï, premier représentant de cette dynastie de maîtres de
marionnettes à gaine chinoise, qui se produisait dans les maisons de thé pour un cercle
restreint de spectateurs. Le thé que boivent rituellement les acteurs manipulateurs. De
génération en génération, de perfectionnement en perfectionnement, la technique se transmet
du maître à l’assistant, l’ultime scène montrant l’élève à l’exercice, comme hier le maître.
Cette saga familiale sur fond de tragédies politiques, économiques et humaines s’ouvre sur un
homme assis en tailleur, en habit noir marqué d’une écharpe rouge nouée à la taille. Vêtement
traditionnel du montreur de figures en Chine faisant écho dans une scénographie tendue de
noir, au deuil, face aux événements les plus sombres de l’histoire chinoise. C’est le rouge pour
dire les réalités ensanglantées liées à la Révolution culturelle et au Grand Bond en Avant qui fit
40 millions de morts. Pour échouer à la répression de Tien An Men et l’exil consécutif de Yeung
Faï en Bolivie puis à Hong Kong après une traversée des eaux mouvementées, sa figurine en
suspension dans des flots stylisés.
9. L’Equipe artistique
Yeung Faï – Mise en scène et interprétation
Né en Chine en 1964, Yeung Faï représente la cinquième génération d’une grande famille de
marionnettistes chinois. L’art des marionnettes est l’un des arts folkloriques traditionnels chinois les plus
anciens, datant de la dynastie des Han de l’Ouest (206 av. J.C. - 24 ap. J.C.).
Yeung Faï est éduqué dès l’âge de quatre ans par son père, grand maître chinois de marionnettes qui
sera persécuté au moment de la révolution culturelle et laissera des traces indélébiles dans l’art de
Yeung Faï. Il vit aujourd’hui à Hong Kong et pratique inlassablement son art, devenu maître incontesté de
la manipulation ainsi que de la fabrication de marionnettes. Il tourne son solo Scènes de l’opéra de Pékin
dans les principaux festivals internationaux de marionnettes depuis près d’une vingtaine d’années, en
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Asie, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et en Europe. De 2006 à 2009, il participe à 3 créations
Odyssée 1-2-3-, dirigées par Grégoire Callies.
Depuis 2011, son spectacle Hand Stories a été représenté plus de 200 fois, de Lausanne à New York, de
la Réunion au Brésil, en passant par de nombreuses scènes françaises. Depuis 2011 aussi, Yeung Faï
intervient à l’Ecole nationale supérieure des arts de la marionnette (ESNAM) à Charleville-Mézières dans
les Ardennes pour transmettre son savoir-faire à la jeune génération (2011-2014). En septembre 2013, il
a créé Blue Jeans au Théatre Vidy-Lausanne.
Yoann Pencolé – Assistanat et jeu
Comme comédien et marionnettiste, il joue pour la compagnie Restouelle ainsi que pour la compagnie
Zusvex. A l’ESNAM, il joue pour Roland Shön et dans un spectacle de Philippe Minyana et participe
également à la dernière création de la compagnie Royal de Luxe. En 2006, il met en scène et interprète
un premier solo marionnettique : Tout va très bien sur un texte de Perrine Griselin.
Depuis son diplôme, il travaille comme marionnettiste sur un spectacle de gaines chinoise intitulé
L´Odyssée 2 mis en scène par Grégoire Callies. Il joue aussi dans un spectacle de clown et de théâtre
d’objets intitulé Capharnaüm et dirigé par Alain Gautré. Il participera au prochain spectacle de Yeung Faï,
maître de marionnette chinoise, en qualité d´assistant et de manipulateur. De 1997 à 2005, Yoann
Pencolé se forme au jeu d’acteur, au mouvement (avec Catherine Dubois au Samovar), au clown (avec
Marie Bout et Lory Leshin) et au bouffon (avec Marie Bout), à la marionnette et au théâtre d´objet (avec
Arnaud Louski-Pane et Marie Bout). Après Hand Stories, Yoann Pencolé poursuit son apprentissage
auprès de Yeung Faï dans l’art de la Gaine Chinoise et l’assiste pour un projet de transmission et deux
créations sur l’ensemble du cursus de la 9ème promotion de l’ESNAM (2011-2014).
Inbal Yomtovian – Jeu
Inbal Yomtovian est une artiste, marionnettiste et créatrice de théâtre d’objets israélienne. Elle est
diplômée de la Visual School Theatre de Jerusalem (2010) et codirectrice artistique du Golden Delicious
Ensemble, compagnie établie en Israël. Elle a joué et créé plusieurs spectacles, tels que :
Human Nature, Body and Puppetry Ensemble Performance, représentés en Israel, à Bialistok en
Pologne, à l’International festival of Train Theatre de Jerusalem, au Fist Festival de Belgrade en Serbie
(Grand prix), au Talinn Festival en Estonie, à la Central school of speech and Drama de Londres et à
Dorercht aux Pays-Bas. Savanna, d’Amit Drori (Interprète), créé au Théâtre Vidy-Lausanne puis
représentés à Charleville-Mézières, Paris, Madrid, Malaga, Séville, Compiègne, Annecy, Bâle, Baden,
Meylan etc Jonathan and The Blue Table (co-mise en scène et interprète) avec le Golden Delicious
ensemble, représentés au Théâtre Lab de Jerusalem, au Fist festival de Belgrade en Serbie, au Théâtre
Clipa de Tel Aviv, au Théâtre Vidy-Lausanne, au Versuchung festival de Berlin, en Thaïlande, au FITO
festival au Brésil, au Mistelabach International Puppetry Festival en Autriche. Heidi, un théâtre d’objets
créé à Tel Aviv en février 2013. Elle exerce également des activités de pédagogue à l’école de Design
Shenkar à Tel Aviv, et occupe des fonctions de performeuse et éclairagiste au sein du Zik Group,
ensemble de performeurs établis en Israël.
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Horaire des représentations
BLUE JEANS
Mai
Jeu
Ven
Sam
Dim
Lun
22
23
24
25
26
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19h00
19h00
20h00
17h00
19h00
Pour des informations complémentaires :
Bertrand Tappolet
Théâtre des Marionnettes de Genève
3, rue Rodo - cp 217 - 1205 genève 4
tél. +41 (0) 22 807 31 04
mobile +41 (0) 79 517 09 47
e-mail [email protected]
Blue Jeans. Photos du spectacle libres de droits à télécharger sur : www.marionnettes.ch – presse – images.
(mention obligatoire : photo : Mario Del Curto)
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