Les banques ne captent plus leurs clients…

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Les banques ne captent plus leurs clients…
26 DEC 14
HEBDO BOURSE PLUS
Hebdomadaire
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la vie de limmobilier
propos recueillis par Yannick Urrien
Immobilier : les banques restent résolument prêteuses !
Pascal Beuvelet, fondateur et président du réseau In&Fi Crédits :
« Les banques ne captent plus leurs clients ou ne sont plus
en mesure de répondre efficacement à leurs demandes. »
a dernière étude du réseau In&Fi Crédits Les renégociations de prêts, dans nos chiffres, c'est
indique une baisse du volume des crédits à l'ha- quelque chose qui a considérablement baissé. Mainbitat. En effet, alors que ces prêts immobiliers tenant, on doit être sur 15%, alors que l'année derreprésentaient 170 milliards d'euros en 2007 et une nière, 30% de notre chiffre était lié à de la renégomoyenne de 141 milliards sur sept ans, ils attein- ciation. Ceux qui viennent, ce sont les
draient au mieux 130 milliards fin 2014. Soit 10% de retardataires... En ce qui concerne l'immobilier
moins que la moyenne. Il serait facile de considérer neuf, l'année 2014 est très mauvaise dans le logeles banquiers comme les principaux responsables ment neuf. En ce qui concerne l'immobilier ancien,
de cette chute de la distribution des crédits immo- la FNAIM et les notaires tablent sur 730 DOO ventes.
biliers. Faux, répond Pascal Beuvelet, fondateur et Donc, ce n'est pas une mauvaise année car il ne faut
président du réseau de courtage In&Fi Crédits : «Les pas oublier que quand cela allait bien, on faisait
banques sont résolument prêteuses». Il fait le point quand même 800 000 ventes. Maintenant, avec les
sur la situation du marché.
taux que nous avons, si nous étions dans une période
de croissance, il est certain que l'immobilier exploL'Hebdo-Bourseplus :
serait, parce que la conjoncture est vraiment très
Quel bilan tirez-vous de l'année 2014 ?
bonne. Je dis que le marché immobilier n'est pas
Pascal Beuvelet :
vraiment mauvais. On dit toujours qu'il y a une bulle
Sur notre activité, nous avons une centaine : j'observe qu'elle gonfle, mais elle n'éclate jamais.
d'agences, nous avons fait une bonne année. Mais je On n'a pas connu, comme aux États-Unis ou en
pense que pour l'ensemble des courtiers, nous avons Espagne, une crise avec une chute énorme. Nous
tous pris au moins 10% de progression. Cela tient au
avons quand même pas mal d'amortisseurs.
fait que nous prenons des parts de marché aux
banques. Certes, notre activité est corrélée à l'im- Donc, celui qui attend une chute des prix de
mobilier, mais nous sommes surtout corrélés au fait 50 à 60% rêve un peu...
que les banques ne captent plus leurs clients, ou ne Complètement ! Il y en a qui attendent toujours le
sont plus en mesure de répondre efficacement à grand soir, l'éclatement de la bulle, mais en France
leurs demandes. Objectivement, notre réseau In&Fi ce n'est pas possible. D'abord, le marché est loin
Crédits marche bien, maisje sais que mes confrères d'être rempli puisqu'il y a seulement 57% des Français qui sont propriétaires de leur logement, alors
marchent bien aussi.
que 79% des Français souhaitent l'être. La volonté
Ce/a signifie que les gens ne vont plus voir
d'être propriétaire pousse quand même à l'achat.
exclusivement leur banque...
Selon les statistiques de notre syndicat, 40 à 45% Ensuite, il y a un problème de confiance, car un
des emprunteurs viennent nous voir. Là-dessus, nous achat immobilier est un acte engageant, sur vingt
en traitons 70% et les 30% restants retournent vers ans, avec une somme importante. Les gens se
leur banque. Mais il est certain que grâce aux demandent s'ils vont garder leur travail... Ensuite,
médias, le discours sur le marché libre et l'économie les possibilités de plus-value sur le logement ne sont
de la concurrence fait que les gens vont de plus en plus là. Auparavant, vous achetiez votre apparteplus voir ailleurs s'il y a une autre possibilité. L'em- ment et il valait 5 à 10% de plus l'année suivante.
prunteur est dans un système comparatif, donc il C'était une situation qui réjouissait le banquier,
puisque sa garantie était encore meilleure. À l'heure
ne se prive pas de comparer...
actuelle, lorsque le banquier prête, il va d'abord
Pourquoi obtenez-vous des taux meilleurs que
essayer de ne pas prêter 100, mais 70...
ceux des banques ?
Lorsque vous allez voir votre banque, surtout si vous Certes, mais la plus-value, c'est aussi le fait
y êtes depuis un certain nombre d'années, c'est un d'avoir un toit au moment de sa retraite...
réflexe naturel de penser que vous êtes déjà fidélisé Je milite pour que les gens soient propriétaires de
et que vous êtes content d'eux : donc, si vous voulez leur logement à 60 ans. Bien sûr, il y a les charges
un emprunt, ils ne vont pas vous faire la meilleure d'impôts qui ne sont pas neutres, entre la taxe fonproposition... Celui qui bénéficiera de la meilleure cière et la taxe d'habitation, et il y a les frais d'enproposition, c'est lorsque la banque voudra le tretien. Mais ne plus avoir de remboursements, c'est
conquérir. Pour la conquête, ils font un effort. Mais quand même bien pour sa qualité de vie. À l'heure
pour le client historique, la proposition ne sera pas actuelle, c'est quand même un bon accomplissela même.
ment de vie d'avoir un logement payé et sans dettes.
Les taux sont bas et le secteur de l'immobilier se
Votre constat est paradoxal dans un marché
porte encore bien, mais en raison de la pression
immobilier que l'on dit en difficulté.
Votre dynamisme s'explique-t-il par une forte
fiscale, on passe à côté de milliers d'emplois
demande de renégociation de prêts ?
supplémentaires. N'est-ce pas un grand gâchis ?
L
IN&FI
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C'est exactement cela. Le problème, c'est celui de la
confiance. En France, les gens n'ont pas confiance.
Quand je regarde les statistiques, la confiance en
l'entreprise existe : beaucoup de personnes ont
confiance dans leur entreprise, mais elles n'ont pas
confiance dans l'environnement qui est autour de
l'entreprise. Cet environnement peut faire du maia
l'entreprise. On a quand même un gouvernement
qui n'a pas réussi dans ce domaine. Les gens sont
complètement largués à l'heure actuelle et ils ne
savent pas quoi faire. On est dans l'immobilier de
contrainte, c'est-à-dire que les gens vendent seulement lorsqu'ils sont obligés de vendre, au moment
d'un accident de la vie, d'une promotion ou d'une
mutation. Ce qui n'existe plus, c'est le marché de
confort, c'est-à-dire vendre pour trouver plus grand.
Donc, dans un marché contraint, l'immobilier fonctionne encore.
Vous affirmez également que contrairement
aux idées reçues, les banques sont résolument
prêteuses. Pourtant, on entend de nombreux
témoignages sur des refus de prét...
Quand un client va dans sa banque, il ignore totalement que le conseiller qu'il a en face dè lui a des
pouvoirs limités, c'est généralement 150 000 euros
et son directeur est à 250 000 euros. Donc, pour un
projet à 300 000 euros, ils sont obligés de remonter
à une strate supérieure. Or, ils ont horreur de cela...
Donc, quand on atteint ce stade, la plupart du temps,
ils essaient de ne pas monter le dossier. Mais, en tant
que courtier, je discute avec une plate-forme mise en
place au sein du réseau. Par exemple, au sein de la
Banque Postale, ils ont une plate-forme avec cinq
ou six personnes qui ne font que du crédit immobilier et le directeur décide tout seul jusqu'à
700 000 euros. C'est pour cette raison que les
banques perdent des parts de marché. Mais c'est
inévitable. •
l'actualité dè l'immobilier
Les socialistes veulent interdire
les ventes entre particuliers.
Lors de la traditionnelle séance des questions au gouvernement, deux députés PS, Sylviane Bulteau et
Jacques Cresta, ont posé une question identique deux
semaines de suite. Les deux élus dénoncent les ventes
de logements entre particuliers, qui s'effectuent sans
recours aux professionnels du secteur, à savoir les
agences. Le succes de sites internet tels que Leboncoin ou PAP (de particulier à particulier), qui mettent
en relation en quèlques elies vendeurs et acheteurs,
en fait de sérieux concurrents pour les agents immobiliers. La profession s'organise et tente d'obtenir, des socialistes, l'interdiction des ventes entre particuliers.