Vers un marché unique du crédit immobilier en Europe
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Vers un marché unique du crédit immobilier en Europe
D I R E C T I O N D E S PAR CRÉDIT AGRICOLE S.A. . A . S O C T O B R E 2 0 0 4 Vers un marché unique du crédit immobilier en Europe ? I C O L E – Le crédit logement en Europe : disparités marquées suivant les pays Les crédits logement accordés aux ménages français G R É D I T A Les marchés du logement : exemples européens Les techniques de garanties : l’exemple français C B A N C A I R E S H O R I Z O N S DIRECTION DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES 3 2 2 É C O N O M I Q U E S R ÉDITÉE – REVUE N U M É R O 3 2 2 - O C T O B R E 2 0 0 4 N U M É R O É T U D E S La distribution du crédit immobilier aux particuliers L’intégration financière des marchés hypothécaires européens Vers un marché hypothécaire européen intégré ? Travaux d’experts à Bruxelles N U M É R O 3 2 2 – O C T O B R E 2 0 0 4 S O M Edito HORIZONS Vers un marché du crédit immo M A E R I .................................................................................................................................................................................... 5 JEAN-LUC PERRON RESPONSABLE DES QUESTIONS EUROPÉENNES, CRÉDIT AGRICOLE S.A. Le crédit logement en Europe : disparités marquées suivant les pays .................................................. 7 OLIVIER ELUÈRE, ÉCONOMISTE, CRÉDIT AGRICOLE S.A. Les caractéristiques des marchés du crédit logement restent très différentes au sein des pays de l’Union européenne : nature des taux, gamme de produits, niveau de l’endettement et du rapport crédit immobilier/ valeur de l’actif immobilier. Les marchés du logement : exemples européens ................................................................................................................... 11 OLIVIER ELUÈRE, ÉCONOMISTE, CRÉDIT AGRICOLE S.A. Panorama du marché du logement en Italie, Royaume-Uni, Pays-Bas, Pologne. Repères : les crédits logement accordés aux ménages français en 2003 ................................................................... 15 La forte demande de logements, une offre locative toujours insuffisante, des taux d’intérêt attractifs ont à nouveau soutenu, en 2003, les transactions et l’octroi de crédits malgré la poursuite de la hausse des prix. Les techniques de garanties : Hypothèque et caution .................................................................................................... Les banques qui financent un projet immobilier requièrent généralement une garantie pour se protéger contre le risque de défaut de paiement de la part de l’emprunteur. Cette garantie est le plus souvent une hypothèque. C’est notamment le cas dans les pays anglo-saxons où le même terme de « mortgage » désigne à la fois le prêt immobilier et l’hypothèque. La France utilise également la caution qui se définit comme l’engagement pris par un tiers de payer pour l’emprunteur défaillant. 21 BANCAIRES – NUMÉRO 322 – OCTOBRE 2004 unique bilier en Europe ? La distribution du crédit immobilier aux particuliers : vers une intégration européenne ? ............................................................................................. 31 PATRICK STOCKER, DIRECTION MARCHÉ DES PARTICULIERS, CRÉDIT AGRICOLE S.A. La prédominance de l’agence bancaire encore peu contestée dans la distribution du crédit immobilier en Europe. La prescription immobilière se développe et le rôle d’Internet s’accroît. Cependant, aux dires de la Commission européenne, seul le développement du crédit transfrontalier permettra l’émergence d’un véritable marché intérieur. L’intégration financière des marchés hypothécaires européens ................................................................................... 37 CÉSAR PAIVA ET JÉRÔME BARRUÉ, RESPECTIVEMENT MANAGING DIRECTOR ET SENIOR MANAGER, CABINET MERCER OLIVER WYMAN. L’étude menée par Mercer Oliver Wyman pour la Fédération hypothécaire européenne met en évidence l’absence de distorsion dans les conditions d’accès au crédit immobilier dans les pays de l’Union. Cette étude qualifie également les bénéfices attendus d’une harmonisation des marchés hypothécaires européens ainsi que les obstacles à leur réalisation. Vers un marché hypothécaire européen intégré ? ................................... 47 HENRY RAYMOND, DIRECTEUR GÉNÉRAL, CAISSE DE REFINANCEMENT DE L’HABITAT (CRH). Les marchés hypothécaires apportent aux établissements de crédit des ressources complémentaires pour refinancer les prêts hypothécaires au logement. Il paraît donc opportun de veiller à les renforcer et à les rendre plus homogènes dans un environnement où semblent se dessiner une diminution tendancielle des encours globaux des dépôts bancaires et, corrélativement, une augmentation probable des besoins de financement. Travaux d’experts à Bruxelles ............................................................................................................ 55 Le rapport final du Forum Group initié par Bruxelles reviendra prochainement sur l’harmonisation du crédit immobilier au sein de l’Union européenne. Ses recommandations devraient contribuer à l’amélioration des pratiques et à l’atténuation des divergences subsistant entre pays de l’Union, entre établissements de crédit et consommateurs. Service aux lecteurs ...................................................................................................................................................... 59 N U M É R O 3 2 2 – O C T O B R E 2 0 0 4 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Gilles Guitton DIRECTEUR DE LA RÉDACTION Pascal Blanqué RÉDACTEUR EN CHEF Danielle Monsimier SECRÉTARIAT DE RÉDACTION Véronique Champion-Faure SUIVI DU FICHIER Élisabeth Nicolas CONTACTS Crédit Agricole S.A. 75710 Paris Cedex 15 Tél. : 01 43 23 69 02 - Fax : 01 43 23 58 60 Internet : http://www.credit-agricole.fr/ca/kiosque-eco/index.html CONCEPTION - MISE EN PAGES Bleu comme une Orange RÉALISATION CAG IMPRESSION Crédit Agricole S.A. COMMISSION PARITAIRE N° en cours « Cette publication reflète l’opinion du Crédit Agricole. Toutefois, les analyses qui y sont exprimées ne constituent en aucune façon une offre de vente ou une sollicitation commerciale et ne sauraient donc engager la responsabilité du Crédit Agricole ou de l’une de ses filiales. Toute reproduction totale ou partielle sans autorisation préalable ou expresse du Crédit Agricole en est expressément interdite. » “All rights reserved. This publication has been prepared by and reflects the current views of Crédit Agricole. It is provided for your information purposes only and it is not intented as an offer or solicitation for the purchase or sale of any financial instrument. The views, opinions, estimates reflected therein constitue our judgement. Neither Crédit Agricole or its affiliates nor any officer or employee thereof accepts any liability whatsoever for any direct or indirect loss arising from the use of this publication or its contents which may not be reproduced or circulated without our prior written consent. Crédit Agricole, its affiliates and their respective officers, directors and employees including persons involved in the preparation of this document may from time to time, deal in, hold or act as market makers or advisors, brokers or investment or commercial bankers in relation to securities, derivatives, issuers or any persons mentioned herein.” 4 N U M É R O E D I 3 2 2 T – O C T O B R E O JEAN-LUC R I 2 0 0 4 A L PERRON RESPONSABLE DES QUESTIONS EUROPÉENNES, CRÉDIT AGRICOLE S.A. Priorité économique et sociale pour les gouvernements européens, le financement du logement fait partie du cœur de métier de la banque de détail. Les encours de crédit hypothécaire en Europe s’élèvent à quelque 4 200 milliards d’euros, dont 350 milliards pour la France. Une conjoncture de taux favorable fait du crédit à l’habitat un des moteurs du retour à la croissance en Europe. C’est toutefois l’un des marchés les plus fragmentés au niveau européen : les enquêtes montrent que les consommateurs s’adressent d’abord à leurs enseignes nationales, et tout particulièrement aux réseaux bancaires de proximité, pour leur fournir les financements nécessaires à l’acquisition ou à la modernisation de leur logement. En fonction des traditions de chaque pays, ces financements se caractérisent par des approches commerciales, des conditions financières de taux et de durée, une évaluation du risque et des régimes juridiques très différents ; en France, le taux fixe domine, tandis que la Grande Bretagne et l’Espagne ne connaissent pratiquement que le taux variable ; en Grande Bretagne, les crédits sont attribués essentiellement sur la base de la valeur intrinsèque du bien, en France, sur la capacité de remboursement du ménage. Au plan juridique, les règles de protection des consommateurs et le régime des garanties sont très différents d’un pays à l’autre. En particulier, les conditions d’inscription et de mise en œuvre des hypothèques dépendent beaucoup des traditions juridiques et administratives de chaque pays. S’agissant des conditions de refinancement des crédits immobiliers, elles ne sont pas identiques, même au sein de l’Eurozone, selon qu’elles reposent principalement sur un modèle de transformation de l’épargne par le système bancaire ou qu’elles font appel à la titrisation de créances hypothécaires sur les marchés financiers. Enfin, il faut rappeler que les États interviennent par la fiscalité ou la bonification d’intérêt pour favoriser l’accès des ménages à revenu modeste au logement ou orienter l’épargne immobilière. Dans ce contexte, plusieurs facteurs sont en œuvre pour aboutir à plus d’intégration au niveau européen. Il y a bien sûr l’augmentation rapide des investissements immobiliers trans-frontières : ainsi les Britanniques sont de plus en plus nombreux à investir dans le Sud-Ouest de la France ou en Toscane. Internet offre par ailleurs aux consommateurs les plus avertis la possibilité de comparer des offres émanant de différents pays membres, et le cas échéant, mais c’est aujourd’hui encore exceptionnel, de conclure un crédit immobilier on-line. Un autre facteur d’intégration est le développement des instruments financiers de titrisation de créances hypothécaires 5 /... N U M É R O /... 3 2 2 – O C T O B R E 2 0 0 4 (MBS) qui s’accommode mal d’une hétérogénéité des régimes juridiques des créances sous-jacentes. Enfin, la Commission européenne a la volonté politique de favoriser, dans ce domaine comme dans d’autres, l’émergence d’un véritable marché européen intégré. Le « Forum-Group crédit hypothécaire » qu’elle a réuni depuis dix-huit mois pour identifier les obstacles à l’intégration, et auquel un expert du Crédit Agricole a participé, doit rendre prochainement son rapport. Face à ces tendances, il serait aussi naïf d’attendre une harmonisation totale et rapide du financement du logement en Europe, qui restera pour longtemps un service de proximité, qu’irréaliste d’adopter une position purement défensive. Une certaine convergence des pratiques apparaît d’ores et déjà : le chancelier de l’Échiquier a demandé un rapport pour favoriser le développement du crédit immobilier à taux fixe en Grande Bretagne. En France, le gouvernement a fait part de son intention de moderniser le droit et la pratique de l’hypothèque pour faciliter le développement de nouveaux produits. À Bruxelles, les associations bancaires ont fait des propositions communes, dans le cadre de l’EBIC (European Banking Industry Committee) pour une harmonisation ciblée en matière de protection des consommateurs. Ce numéro d’Horizons bancaires se propose d’analyser la situation actuelle, les facteurs d’évolution et les principales orientations qui pourraient être adoptées au plan européen. Il doit permettre à tous les acteurs du financement du logement de se déterminer pour être plus efficace face à une concurrence de plus en plus ouverte. 6 N U M É R O 3 2 2 – O C T O B R E 2 0 0 4 Vers un marché hypothécaire européen intégré ? HENRY RAYMOND DIRECTEUR GÉNÉRAL, CAISSE DE REFINANCEMENT DE L’HABITAT (CRH) Les marchés hypothécaires apportent aux établissements de crédit des ressources complémentaires pour refinancer les prêts hypothécaires au logement. Il paraît donc opportun de veiller à les renforcer et à les rendre plus homogènes dans un environnement où semblent se dessiner une diminution tendancielle des encours globaux des dépôts bancaires et, corrélativement, une augmentation probable des besoins de financement. L es mécanismes de fonctionnement des marchés hypothécaires européens sont souvent peu connus. Cela vient sans doute du fait que ces marchés ont fréquemment été dans le passé purement interbancaires ou animés par un nombre limité d’acteurs. Certains commentateurs, même universitaires, par méconnaissance du rôle réel de ces marchés dans le financement de l’économie, ont quelquefois affirmé l’inefficience de certains d’entre eux en évoquant leurs volumes, selon eux, modestes. Pourtant, ces marchés hypothécaires jouent parfaitement leur rôle en apportant aux banques des ressources complémentaires pour satisfaire leurs besoins de financement du logement. La contribution globale de ces marchés n’est pas négligeable, elle représente 20 % des encours de prêts en moyenne. Le propre des marchés de dettes est de satisfaire les besoins résiduels de financement, or, à certaines exceptions nationales près, ces besoins ne sont pas très élevés en Europe dans le secteur des prêts au logement. Les dépôts bancaires les financent en effet largement, à hauteur de 60 % des encours en moyenne. Nous nous proposons ici de définir ce qu’est un marché hypothécaire, de décrire les différents titres susceptibles d’y être négociés, d’évoquer le marché hypothécaire français et de fournir quelques commentaires sur le marché hypothécaire /... européen en devenir. 47 N U M É R O 3 2 2 – O C T O B R E 2 0 0 4 /... DÉFINITIONS U n marché hypothécaire est un marché permettant aux établissements de crédit de refinancer leurs prêts assortis d’une hypothèque en émettant des titres spécifiques, titres qui sont acquis par les apporteurs de capitaux. Pour refinancer des prêts au logement, les établissements de crédit peuvent émettre : • des parts de fonds communs de créances (FCC), s’il s’agit d’une opération de titrisation de droit français, ou des residential mortgage backed securities (RMBS), s’il s’agit d’une opération de titrisation de droit étranger ; • des obligations foncières (pfandbriefe) dont le but est d’offrir une grande sécurité aux investisseurs en raison du mécanisme juridique attaché à ces émissions ; • des obligations couvertes émises par des centrales d’émission comme la Caisse de Refinancement de l’Habitat (CRH) ou encore par des organismes du type de HBOS (Halifax-Bank of Scotland) dont les opérations reposent principalement sur la titrisation des actifs refinancés. L’ÉMISSION DE PARTS DE FCC (OU DE RMBS) DANS LE CADRE D’UNE OPÉRATION DE TITRISATION L a titrisation est une technique transformant des actifs en titres en vue de leur cession à des investisseurs. Concrètement, un établissement de crédit souhaitant vendre certains actifs les cède à un fonds commun de créances (FCC), copropriété dépourvue de personnalité morale. En contrepartie, le FCC émet des parts représentatives de ces actifs et les remet à l’établissement cédant. Ces parts sont des instruments financiers de montant unitaire réduit. Elles peuvent être vendues plus facilement que les actifs. La mise en place de cette technique suppose ainsi théoriquement que les titres émis sont vendus et sortent du bilan de la banque concernée, mais ce n’est pas toujours le cas. En Europe, la titrisation y est même surtout utilisée par les banques pour rechercher une amélioration de leur ratio de solvabilité sans céder totalement, voire sans céder du tout, les actifs ou les parts concernés en exploitant ainsi des failles de la réglementation bancaire. L’arrivée prochaine du nouveau régime prudentiel des banques « Bâle II » et de nouvelles normes comptables devrait cependant limiter ce type d’utilisation. Les autorités régulatrices demandent que les actifs titrisés soient dorénavant clairement cédés ou conservés, ce qui réduit les gains prudentiels recherchés. Les nouvelles normes comptables vont elles48 Vers un marché hypothécaire européen intégré ? H E N R Y R A Y M O N D mêmes imposer que ces opérations soient évaluées en valeur de marché. Lorsqu’il s’agit d’un moyen de vendre réellement des actifs, la titrisation constitue une source de financement coûteuse. Pour acheter les titres émis représentant la propriété de ces actifs et donc supportant le risque qui leur est associé, les investisseurs demandent en effet un rendement élevé. De plus, la réalisation de l’opération suppose le paiement de commissions non négligeables à nombre d’intermédiaires. Cette dernière considération engendre d’ailleurs une certaine sympathie pour les opérations de ce type chez les sociétés de conseil, les établissements qui montent les opérations ou qui placent les titres émis, et certains cabinets d’avocats. Des reproches ont été formulés sur la complexité et l’opacité qui caractérisent quelquefois les opérations de titrisation, Standard and Poors notamment vient de communiquer sur ces questions. Il reste que la titrisation peut être utile pour les banques qui souhaitent améliorer leur ratio de solvabilité, si elles vendent ainsi les actifs titrisés à un prix raisonnable. Elle peut naturellement par ailleurs être très utile aux établissements de crédit qui auraient des fonds propres insuffisants du fait de difficultés financières ou dans le cas où des cessions d’actifs se révèlent difficiles. En tout état de cause, son rôle est aujourd’hui limité dans le financement du logement en Europe. Les opérations de titrisation représentent seulement une part marginale des encours. L’ÉMISSION D’OBLIGATIONS FONCIÈRES (PFANDBRIEFE) L es principaux pays utilisateurs de l’émission de ces titres sont l’Allemagne, le Danemark et la Suède. Leurs obligations représentent 80 % de l’encours total des obligations de ce type en Europe. Certaines de leurs émissions qualifiées de « Jumbos », représentent des encours très importants. Cette technique permet de refinancer des prêts au logement mais permet aussi de financer des prêts de nature différente, en particulier des prêts au secteur public. En France, le Crédit Foncier de France utilise ce mécanisme depuis 150 ans. En raison des difficultés qu’il a rencontrées à la fin des années 1990, les pouvoirs publics ont modifié les dispositions législatives régissant ses opérations et banalisé son statut. Ce statut est dorénavant utilisé aussi par le Crédit Immobilier de France (CIF Euromortgage), le Crédit Foncier et Communal d’Alsace et de Lorraine et par Dexia (Dexia Municipal Agency) /... qui refinance ainsi ses prêts aux collectivités locales. 49 N U M É R O 3 2 2 – O C T O B R E 2 0 0 4 /... Le cadre juridique de ces obligations est défini en Europe par les dispositions de l’article 22.4 de la directive OPVCM/CEE de 1988 prévoyant pour celles-ci un régime dérogatoire vis-à-vis de la réglementation des OPCVM. Les obligations concernées bénéficient de plus d’une pondération préférentielle dans le calcul du ratio de solvabilité des établissements de crédit qui les détiennent. Ces dispositions visent un droit de priorité légal, pour le porteur d’obligations, sur tout ou partie de l’actif de l’établissement émetteur, qui doit être un établissement de crédit. Cet actif, objet du droit de priorité, est baptisé portefeuille de couverture. Il doit être composé de prêts respectant certains critères de qualité. Les établissements de crédit habilités à émettre ce type d’obligations, spécialisés ou non selon les États, bénéficient ainsi d’un coût de financement réduit généralement très inférieur au coût du financement par voie de titrisation des actifs à refinancer. À la différence du porteur de parts de FCC, le porteur d’une obligation foncière possède un titre de créance sur un établissement de crédit. Le cas échéant, il peut poursuivre celui-ci si le portefeuille de couverture se révélait d’un montant insuffisant. La FSA, organisme britannique de régulation, tout en saluant l’intérêt du développement des émissions d’obligations fonc i è r e s a u Roy a um e -U n i a t o u t e f o is r é c e mme n t é mis d e s réserves sur cette technique. Elle souligne le fait que l’attribution de droits préférentiels aux porteurs de ces obligations amoindrit les droits des autres créanciers et est susceptible d’engendrer un risque systémique. Elle envisage de fixer des montants maximaux d’émission de telles obligations par établissement, en pourcentage du montant total de bilan de l’établissement concerné. Les obligations foncières bénéficient, pour un grand nombre d’entre-elles, du meilleur rating des agences de notation, Aaa. C’est le cas des obligations de la Compagnie de Financement Foncier (COFF), de CIF Euromortgage, de Dexia Municipal Agency ou encore de la plupart des pfandbriefe danoises ou allemandes. L’ÉMISSION D’OBLIGATIONS COUVERTES PAR UNE CENTRALE DE REFINANCEMENT E n Europe, plusieurs institutions représentent ce mécanisme, TotalKredit au Danemark, Ahorro y Titulizacion AyT en Espagne, la CRH en France et enfin deux banques en Suisse la Pfandbriefbank Schweizerischer Hypothekarinstitute et la Pfandbriefzentrale der schweizerischen Kantonalbanken. Toutes ces institutions s’inspirent du système des Federal 50 Vers un marché hypothécaire européen intégré ? H E N R Y R A Y M O N D Home Loans Banks ayant vu le jour en 1932 aux États-Unis, lorsque le système bancaire des États-Unis eut à faire face aux besoins de refinancement importants qu’engendrait la baisse des encours de dépôts de la clientèle. La centrale de refinancement a pour objet d’émettre des emprunts groupés pour le compte des banques, leur faisant ainsi bénéficier d’un effet de taille et de conditions attrayantes sur les marchés financiers. REFINANCEMENT DES CRÉDITS À L’HABITAT AUX MÉNAGES ET MARCHÉ HYPOTHÉCAIRE FRANÇAIS L e refinancement des crédits à l’habitat aux ménages consentis par les établissements de crédit français (hors La Poste et la CDC) peut être représenté de manière schématique par le tableau ci-après : Chiffres au 31.12.2003, en milliards d’euros Crédits à l’habitat aux ménages Autres emplois Total emplois Ressources réglementées 527,82 Obligations foncières de la COFF 33,20 Obligations foncières de CIF Euromortgage 7,10 Obligations de la CRH 13,90 Autres ressources 3 368,82 Total ressources 3 950,84 385,40 3 565,44 3 950,84 Source : Banque de France et rapports annuels des émetteurs cités. Bien qu’il soit naturellement difficile de faire correspondre des ressources déterminées à tel ou tel type d’emplois, il peut être observé que le montant des ressources réglementées des banques (dont l’épargne logement et le Livret A) dépasse largement celui des crédits à l’habitat. De ce fait, le besoin résiduel de financement du logement en France est modeste. Par ailleurs, il faut observer que les ressources provenant des obligations foncières ne sont pas intégralement affectées au refinancement de crédits à l’habitat en France. En effet, les obligations foncières de la Compagnie de Financement Foncier et de CIF Euromortgage refinancent des crédits au logement accordés en France, mais aussi des crédits accordés à l’étranger ainsi que des actifs de substitution (à hauteur de 20 % maximum). Celles de la Compagnie de Financement Foncier financent, de plus, des crédits hypothécaires à des entreprises industrielles et commerciales, des crédits au secteur public et aux collectivités territoriales. Les obligations de la CRH ne refinancent quant à elles que des crédits acquéreurs au logement accordés en France, leur /... contribution à ce financement n’est pas négligeable. 51 N U M É R O 3 2 2 – O C T O B R E 2 0 0 4 /... Les opérations de titrisation non reprises explicitement dans ce tableau et d’un montant global modeste en France sont représentées principalement dans les chiffres de CIF Euromortgage, de la COFF et par ailleurs dans les opérations d’un autre émetteur : Vauban Mobilisations Garanties. La CRH, de fait seule agence de sa catégorie, a accordé depuis sa création un montant total de refinancements de 29 milliards d’euros et s’est aujourd’hui substituée au marché hypothécaire français. Son encours d’obligations est de 16 milliards d’euros au 30 septembre 2004. En raison de la sécurité de ses opérations, sa dette long terme a reçu la meilleure note Aaa des agences de notation Fitch ratings et Moody’s. La CRH n’exerce pas son activité en qualité de banque hypothécaire en prêtant à des particuliers, mais exclusivement en qualité de centrale de refinancement en prêtant aux banques qui s’engagent à devenir ses actionnaires. Son objet unique est de refinancer les prêts acquéreurs au logement consentis par les banques en émettant des obligations sur le marché financier. Les banques émettent des billets à ordre qui sont acquis par la CRH et qui possèdent des caractéristiques identiques à celles des obligations émises par cette dernière. Les sommes nécessaires au service de la dette de la CRH sont ainsi en totalité apportées par les banques lors des échéances. Les prêts refinancés restent au bilan des banques et sont nantis au profit de la CRH conformément aux articles L. 313-42 à L. 313-49 du code monétaire et financier reprenant les dispositions de l’article 16 de la loi de 1969 établissant les fondements du marché hypothécaire français. En cas de défaut d’une banque, la CRH devient, sans formalité, propriétaire du portefeuille de couverture nanti et ceci « nonobstant toutes dispositions contraires ». Elle peut alors vendre ce portefeuille et, avec le produit de la vente, racheter les obligations correspondant au prêt accordé à la banque défaillante afin de les annuler. D’autre part, en cas de besoin dans une telle circonstance, la CRH peut, dans la limite de 5 % de l’encours, demander des liquidités aux autres banques. Pour les investisseurs, les emprunts de la CRH présentent notamment l’avantage d’être émis par un établissement de crédit indépendant et transparent qui n’emprunte pas pour son propre compte mais pour le compte des banques. Ces emprunts sont garantis par la signature de la CRH, celle des banques et par le nantissement d’un portefeuille comportant exclusivement des prêts acquéreurs au Logement correspondant au financement de biens sis en France. 52 Vers un marché hypothécaire européen intégré ? H E N R Y R A Y M O N D Pour les banques souhaitant se refinancer, le mécanisme de la CRH a l’avantage de ne pas nécessiter de cession des actifs, d’être simple à mettre en œuvre et d’apporter des refinancements à moindre coût à hauteur de montants pouvant être importants ou très modestes. Les fonds propres de la CRH lui sont apportés par les banques au prorata de leurs encours d’emprunts. Au 31 mars 2004, ces fonds propres étaient d’un montant de 138 millions d’euros détenus pour l’essentiel par les groupes suivants : Crédit Agricole S.A. - Crédit Lyonnais Crédit Mutuel - CIC BNP Paribas Société Générale 45,9 % 35,2 % 6,9 % 3,9 % Ces chiffres montrent que les grands groupes bancaires français ont recours au mécanisme de la CRH, bien adapté à leurs besoins. Ce recours deviendra sans doute plus important au cours des prochaines années si le montant des ressources bancaires provenant des dépôts diminue. QUID DU FUTUR MARCHÉ HYPOTHÉCAIRE EUROPÉEN ? Q u’en est-il de l’avenir ? Un marché hypothécaire européen intégré est-il en voie d’exister ? Une technique va t-elle dominer les autres ? Force est de constater que, dans l’Union européenne, les marchés hypothécaires nationaux sont aujourd’hui efficients. Ils font ainsi appel aux trois techniques qui viennent d’être évoquées, plus ou mois développées selon les États. Ils apportent des financements complémentaires à ceux provenant des dépôts ou des ressources propres des établissements de crédit. Il n’y a donc pas actuellement de réel besoin non satisfait de financement du logement en Europe. Ces marchés ont de plus en plus recours aux marchés financiers. En raison de la mise en place de la monnaie unique, les coûts des financements obtenus ont aujourd’hui tendance à se rapprocher. L’idée de la nécessité de la création rapide d’un marché hypothécaire européen homogène et parfait doit sans doute être édulcorée pour tenir compte de cette situation. Il paraît cependant opportun de veiller à renforcer l’ensemble des marchés hypothécaires européens et à les rendre plus homogènes dans un environnement où semblent se dessiner une diminution tendancielle des encours globaux des dépôts, et corrélativement une augmentation probable des besoins de /... financement. 53 N U M É R O 3 2 2 – O C T O B R E 2 0 0 4 /... De nombreux obstacles freinent leur intégration dans un mar- ché unique. Ils devront être préalablement levés, sans doute de manière réglementaire. Ces obstacles sont liés à des considérations fiscales, réglementaires et législatives mais surtout culturelles. Les acteurs dominant le secteur des prêts au logement sont des banques de dépôts et leur activité comporte effectivement de fortes spécificités locales. Il faut noter par ailleurs que la recherche de modèle Outreatlantique a peu de chance a priori d’être couronnée de succès dans la mesure où tous les mécanismes de refinancement existants aux États-Unis, existent déjà peu ou prou dans les différents États de l’Union. À cet égard, les velléités récentes de créer une grande agence de refinancement à vocation européenne du type de Fannie Mae semblent peu crédibles, reposant sur la nécessaire garantie de l’Union européenne et se heurtant à des conflits des droits nationaux. Enfin, il peut être observé qu’une taille très importante n’est pas toujours un avantage. Freddie Mac emprunte en euros à des conditions moins favorables que la CRH par exemple. Une trop grande taille favorise sans doute des dérives. Des doutes sont apparus sur la parfaite transparence des opérations et des comptes de ce grand emprunteur américain. Fannie Mae est aujourd’hui dans une situation comparable. En définitive, il est difficile de dire si une technique va dominer les autres. Probablement toutes continueront d’être utilisées mais le marché hypothécaire européen devra plus que jamais être orienté vers la simplicité et la transparence des organismes émetteurs de titres. 54