De l`attachement paradoxal à l`identification à l`agresseur
Transcription
De l`attachement paradoxal à l`identification à l`agresseur
HACHET, A. Journal International De Victimologie International Journal Of Victimology Tome 9, numéro 2 (2011) De l’attachement paradoxal à l’identification à l’agresseur : Quel devenir pour la victime? HACHET, A.1 [FRANCE] Auteur 1 Psychologue, Psychanalyste – Maître de conférences en psychopathologie clinique et criminologie, LRPC EA 4050, Université de Poitiers Résumé Cette réflexion interroge, au moyen de vignettes cliniques, les rapports qu’entretiennent les jeunes victimes d’agressions sexuelles avec leur agresseur, allant d’un attachement paradoxal à une forme extrême d’identification à ce dernier. Cette identification engage alors la victime dans une répétition de la maltraitance. Comment peut-on enrayer un processus de mutation psychique en agresseur de la personnalité de la victime ? Cet article explore la complexité des mécanismes qui sont à l’œuvre dans ce phénomène et lance des pistes en termes de prévention. Mots-clés Attachement paradoxal, Double révélation, Emprise, Identification à l’agresseur, Pulsion de mort, Trauma Abstract The author discusses, through clinical cases, the relationships that the young victims of sexual molestations establish with their aggressor, which vary from a paradoxical bonding to a pathological type of “identification with the aggressor”. Because of such identification, the victim reproduces the inflicted sexual molestation with others. How can we stop this psychological transformation of the personality of the victim into the aggressor‘s? This paper explores the mechanisms at work in such phenomena and the ways to prevent its appearance. Keywords : Paradoxical bonding, Double disclosure, Instinct for mastery, Identification with the aggressor, Death instinct, Trauma. 376 De l’attachement paradoxal à l’identification à l’agresseur I. Introduction Cette réflexion a pour but de mettre en lumière les mécanismes psychiques qui interviennent dans la transformation d’une victime en agresseur. Une recherche clinique (Hachet, 1998) menée auprès d’auteurs d’agressions sexuelles et de jeunes victimes de maltraitances et de viols a mis en évidence, d’une part, la fréquence des antécédents de maltraitance et d’abus sexuels chez les adultes devenus maltraitants ou abuseurs, d’autre part, l’apparition assez fréquente de comportements d’automutilation ou d’abus sexuel chez les jeunes victimes, qui se trouvent poussées à répéter sur leur entourage l’agression (sexuelle ou physique) subie. Ce qui caractérise l’ensemble des cas d’abusés devenus abuseurs, c’est l’absence de révélation de l’abus subi (Hachet 1998, 2004, 2008, 2011). Sur la base de ces faits cliniques, nous poursuivrons un double objectif : comprendre le phénomène d’identification à l’agresseur et prévenir son apparition en rompant le cycle répétitif de violence qui en résulte. Nous proposerons dans un premier temps une élaboration théorique de ce phénomène, que nous soumettrons dans un deuxième temps à l’épreuve de la clinique au moyen de deux études de cas : une affaire de viol et une affaire de pédophilie. II. Réflexions théoriques De l’attachement paradoxal à l’abuseur à l’identification à l’agresseur Le terme d’identification à l’agresseur fut proposé en 1936 par Anna Freud, pour insister sur le fait que le moi d’un sujet dont l’intégrité (physique ou psychique) est menacée lors d’une agression déploie une stratégie défensive qui le pousse à s’identifier à son agresseur : soit le sujet reprend à son compte l’agression telle quelle, soit il imite physiquement ou moralement la personne de l’agresseur, soit il adopte certains symboles de puissance qui le désignent. Dans tous les cas, une inversion de rôles se produit. Avant que ce phénomène soit conceptualisé par Anna Freud, Ferenczi (1932, 1933), à partir de sa réflexion sur « la confusion des langues », avait envisagé l’agression sexuelle comme un attentat que l’abuseur (adulte), qui vit dans un monde de passion et de culpabilité, inflige à une victime (enfant) en quête de tendresse. Au niveau comportemental, cette violence donne lieu à une soumission totale de la victime à son agresseur. Cette soumission s’expliquerait, d’une part, par la peur éprouvée par la victime, d’autre part, par son assimilation de la culpabilité de l’agresseur. Ainsi, en s’identifiant à l’abuseur, la victime introjecte en même temps sa culpabilité et la fait sienne. Cette introjection du comportement de l’abuseur permet à la victime d’échapper à une reviviscence de l’expérience d’effondrement mental (Winnicott, 1974) dans lequel le trauma l’a initialement précipité. Le recours au passage à l’acte sexuel permettrait au sujet de « triompher » du traumatisme subi en le transformant en « plaisir, orgasme, victoire » (Stoller, 1973), au moyen d’un renversement de rôles. Du trauma à la névrose traumatique Pour comprendre l’origine de ce phénomène, il faut examiner la notion de trauma et ses extensions conceptuelles. Le mot trauma vient du grec et désigne une blessure qui comporte trois « phases » (choc violent, effraction et séquelles) et possède trois caractéristiques (soudaineté, brutalité et effraction). A ce titre, le traumatisme se définit comme les conséquences sur l’ensemble de l’organisme d’une lésion résultant d’une violence extrême qui a fait effraction (Laplanche, Pontalis, 1967). HACHET, A. L’événement traumatique correspond à une expérience de vie intense, à laquelle le sujet est incapable de faire face de façon adéquate et qui provoque un bouleversement et des effets pathogènes et durables dans l’organisation psychique. Cet événement se produit dans un contexte de surprise et engendre de l’effroi. Conceptualisé par Freud (1920, 1924, 1938), l’effroi (Schreck), l’effroi correspond très exactement à la détresse réactionnelle du moi face à une situation de danger à laquelle il n’était pas préparé. A ce titre, l’effroi est distinct de la peur, qui suppose un objet précis (souvent phobogène), ainsi que de l’angoisse, qui présuppose l’attente inquiète d’être confronté à une situation de danger. Corrélativement, l’effroi est subi passivement par le moi et déborde le système de pare-excitations. La névrose traumatique (Freud, 1919) est consécutive à un choc émotif produit par une situation qui a mis en danger la sécurité et l’intégrité du sujet. Deux cas de figure sont possibles : soit le traumatisme prend une part déterminante dans la formation symptomatique, soit le traumatisme intervient comme révélateur d’une structure traumatique préexistante. narcissique a alors lieu : celui du sentiment de sécurité (être protégé par l’environnement et soutenu et secouru par l’entourage), celui du sentiment d’invulnérabilité et celui du sentiment d’immortalité. Faisant effraction dans l’appareil psychique du sujet, le trauma provoque des manifestations pathologiques variées : d’un état aigu d’angoisse à un état durable marqué par un syndrome de répétition (l’état de stress post-traumatique connu sous la dénomination du PTSD : Post Traumatic Stress Disorder), dont l’évolution favorable n’est pas spontanée et nécessite une prise en charge psychologique ciblée, même à court terme. Il se produit alors une modification de la personnalité de la victime, une perte de son équilibre affectif et la mise en place très rapide de symptômes dont la fréquence et l’intensité varient d’un sujet à l’autre : cauchemars, hallucinations visuelles, réminiscence de l’événement, états de dépersonnalisation, attitude régressive avec repli sur soi, dépression et inhibition, phobies, troubles psychosomatiques et du sommeil, inhibition sexuelle et perte de désir, irritabilité et sursauts exagérés, troubles neuro-végétatifs (parmi lesquels une hyper-vigilance) et sentiment de culpabilité. L’approche du trauma par Freud et Lacan Pour Freud (1919), le traumatisme est un concept qui a une valeur économique et qui est à l’origine de la névrose. Il s’agit d’un afflux excessif d’excitation qui dépasse les capacités de maîtrise et d’élaboration d’une telle excitation (la théorie de la séduction). Ce phénomène n’est pas nécessairement en lien avec une agression ou une menace vitale, mais il bouleverse l’ensemble de l’économie psychique, y compris sa dimension inconsciente. Lacan (1964) considère que le trauma est « le réel de la mort ». Dans cette acceptation, le trauma s’apparente à un événement extérieur qui représente le sujet comme mort. Un triple effondrement 378 Les facteurs qui favorisent l’apparition ou l’installation de cet état sont l’intensité du traumatisme subi, la trajectoire de vie, la préexistence de sentiments et d’émotions restés à l’état brut (« encryptés » au moyen d’un clivage radical du Moi comme le détaillent Abraham et Torok (1978) - et impossibles à verbaliser du fait de la terreur éprouvée de la victime et, surtout, de la honte éprouvée par l’agresseur, qui représentait jusqu’alors un « objet narcissiquement indispensable ») et le phénomène d’après-coup (lorsqu’un traumatisme récent réveille un traumatisme ancien). De l’attachement paradoxal à l’identification à l’agresseur La répétition du trauma comme manifestation de la pulsion de mort Freud (1920) postule que la compulsion de répétition du trauma, bien qu’elle soit l’indice de l’amorce d’un travail d’élaboration psychique, est davantage l’œuvre de la pulsion de mort que de la pulsion de vie. Par définition, la pulsion est un concept limite entre le psychisme et le somatique. Il s’agit d’un représentant psychique des excitations qui sont issues de l’intérieur du corps et parviennent au psychisme. Freud (1915) montre que la pulsion est une poussée (au sens d’une quantité d’énergie psychique à laquelle l’organisme doit faire face) dont la source est corporelle (somatique). Elle se dirige vers un objet (réel ou fantasmatique ou une partie du corps) et tend vers un but (la satisfaction). Freud (1915) montre que la pulsion peut subir plusieurs destins : le passage de l’activité à la passivité, le renversement dans le contraire au niveau du but (comme dans le voyeurisme/exhibitionnisme) ou au niveau du contenu (l’amour se transforme en haine), le retournement sur la personne (la pulsion change alors d’objet : au lieu de se diriger vers l’autre, elle se dirige vers le sujet), le refoulement et la sublimation. Si le refoulement permet au moi de mettre à l’écart du conscient, dans l’inconscient, les représentants des pulsions dont la satisfaction, bien que susceptible de procurer du plaisir, risquerait de provoquer du déplaisir à l’égard d’autres exigences (le surmoi), la sublimation permet de dévier ou de déplacer le but des pulsions sexuelles ou agressives vers un nouveau but (non sexuel et non agressif), en visant des activités socialement valorisées. Comme le formulent Laplanche et Pontalis (1967), il s’agit alors de transposer les composantes narcissique, érotique et agressive de la libido dans une œuvre artistique ou intellectuelle ou dans les relations sociales. Par ailleurs, Freud (1929) tient les pulsions agressives de l’être humain pour une disposition instinctive, primitive et autonome. Surtout, sa première théorie des pulsions, qui opposait les pulsions du Moi (d’autoconservation, en lien avec les besoins vitaux) à celles de la libido (pulsions sexuelles qui visent à sauvegarder l’espèce), fut en 1920 remplacée par une seconde théorie opposant désormais, dans une lutte permanente, une pulsion de vie (Eros) et une pulsion de mort (Thanatos). Cette dernière se dirige soit contre l’objet (sadisme), soit contre soi-même (masochisme) et se caractérise par l’automatisme de répétition et l’agressivité. En ce qui concerne les personnes victimes d’agression sexuelle, c’est cette dimension répétitive, propre à la pulsion de mort, qui scelle leur « destin », dans la mesure où elle rend problématique tant l’élaboration du trauma que son dépassement. Peut-on parler victime/agresseur ? de couple En référence aux travaux de Fattah (1989, 1994), nous estimons que l’étude du couple « victime/agresseur » passe par une lecture psychosociale des interactions circulaires et dynamiques qui sont au cœur de l’identification à l’agresseur. Cet auteur insiste tant sur l’originalité que sur la complexité des rapports de la victime à son agresseur, en particulier lorsque la victime se transforme en agresseur. Il accorde un intérêt particulier au contexte de la rencontre de la victime avec son agresseur, qui est loin de résulter d’un pur hasard. Non figés, les rôles de victime et d’agresseur sont mobiles, voire réversibles, d’où l’intérêt de parler davantage d’un état de victimisation que d’un statut de victime. Fattah (1994) considère que la victimisation et le comportement agressif sont les deux faces de la même médaille. Par conséquence, il est impossible d’acquérir une bonne connaissance de l’une Journal International De Victimologie 2011; 9(2) : 379 HACHET, A. si l’on ignore l’autre. D’autant plus que l’on ne peut guère parler, en ce qui concerne les victimes et les agresseurs, de deux populations distinctes, mais plutôt d’un couple où les rôles se chevauchent plus ou moins, de façon dynamique, au risque de l’interchangeabilité. C’est le sentiment d’injustice qui serait le moteur du phénomène de transformation de victime en agresseur. En d’autres termes, ce comportement agressif serait réactionnel à une expérience traumatique vécue avec un sentiment fort d’injustice. Parmi les exemples évoqués par Fattah (1994) figurent la vengeance, la vendetta et les règlements de compte. Les autres facteurs propices à l’apparition de ce cycle sont la désensibilisation, l’absence d’empathie et le besoin de se venger. Parmi les mécanismes à l’œuvre dans la transformation de la victime en bourreau, Fattah (1994) cite l’apprentissage, l’imitation et l’identification à l’agresseur. Ainsi, le vécu de victimisation et la conscience d’avoir été victimisé seraient donc à l’origine de l’apparition du comportement criminel, dans un lien direct de cause à effet. En revanche, dans le cas particulier des victimes d’abus sexuels devenues abuseurs, ce lien de causalité est plus complexe et moins direct. En effet, le comportement d’abus réactionnel à l’agression subie apparaît le plus souvent de façon différée dans le temps et il ne vise pas l’agresseur, mais une personne (enfant) totalement étrangère à la situation d’agression initiale. De la répétition à la double révélation L’intensité du phénomène répétitif qui sous-tend l’identification à l’agresseur varie selon l’âge de la victime lors de l’abus, sa maturité psychique, le rôle de l’entourage et l’existence ou non d’un lien de parenté avec l’agresseur. Rappelons que pour Freud (1914), la répétition remplace la remémoration : il s’agit d’une autre façon de se souvenir. Ici, le souvenir se manifeste 380 sous la forme d’actes. La victime n’est pas consciente du fait qu’elle est en train de répéter un vécu de maltraitance. En d’autres termes, tout se passe à un niveau inconscient, où la victime ignore le lien direct entre son comportement actuel d’agression ou d’abus et l’expérience de victimisation qu’elle a subie. Ce n’est que dans l’après-coup que cette personne peut prendre conscience de ce lien. Mais la répétition ne s’arrête pas à l’acte. Elle concerne également le choix de la victime par l’agresseur, qui est loin d’être le fruit du hasard. En effet, des similitudes semblent exister, d’une part, entre la victime et son agresseur, d’autre part, entre la victime « primaire » (c’est-à-dire la personne abusée ou maltraitée devenue abuseur ou maltraitante) et la victime « secondaire » (c’est-à-dire la nouvelle cible de la maltraitance). Ces ressemblances se situent à plusieurs niveaux : social, familial et psychique. Elles constituent le facteur déclenchant du cycle victimisation/agression. La vulnérabilité de la victime (son jeune âge, le fait qu’elle soit issue d’une famille éclatée, l’absence d’un environnement contenant, etc.) est essentielle dans le choix de l’agresseur, d’autant plus que la vulnérabilité de la « cible » lui rappelle sa propre vulnérabilité. Comme le note Safouan (2005), la victime est dès le début perçue par son agresseur comme un reflet narcissique de lui-même. Ainsi, de nombreux pédophiles qui furent, enfants, victimes d’agressions sexuelles développent une fixation sur des enfants du même âge que celui qu’ils avaient lorsqu’ils furent abusés. Dans certains cas, la victime va jusqu’à nourrir un attachement paradoxal à son abuseur (Hachet, 2004). La révélation de l’abus, qui n’est presque jamais spontanée, joue un rôle déterminant dans la possibilité d’élaborer le traumatisme qui en a résulté. On observe que cette révélation de l’abus par la victime, quel qu’en soit le contexte, déclenche de façon quasi-immédiate chez les agresseurs qui ont subi des expériences passées de De l’attachement paradoxal à l’identification à l’agresseur viol ou de maltraitance la révélation de ces expériences traumatisantes. On note aussi que ces dernières n’avaient été portées à la connaissance de l’entourage familial ou de la justice. Ce phénomène, que nous appelons « double révélation », a fait l’objet d’une étude exploratoire (Hachet, 1998) et d’une recherche scientifique (Hachet, 2004, 2006), sur la base d’une expérience clinique en victimologie et auprès d’auteurs d’agressions sexuelles suivis en psychothérapie en milieu carcéral. La double révélation pose essentiellement la question du sens que pourrait revêtir la répétition du traumatisme subi, avec une transposition dans le temps et une inversion de rôles. Au delà d’une tentative d’élaboration psychique du traumatisme, nous pouvons nous interroger sur cette quête de reconnaissance de la légitimité d’une souffrance jusqu’alors non avouée, car inavouable. Nous nous trouvons ici au cœur d’un cercle vicieux, où l’agresseur se glisse dans le rôle de victime et où la victime se glisse dans le rôle de bourreau, dans un rapport d’identification mutuelle et de double narcissique. Face à ces faits théorico-cliniques, seule la révélation précoce d’une expérience de maltraitance, d’abus ou de victimisation, paraît pouvoir enrayer de façon décisive le cycle victimisation/agression et, par là même, impulser le dénouement du cercle identitaire vicieux dans lequel sont enfermés l’agresseur et la victime. Discussion Au terme de cette première partie, trois hypothèses peuvent être avancées : D’abord, le phénomène d’identification d’une victime à son agresseur par le recours à l’acte serait une tentative ratée d’élaboration psychique du traumatisme subi (en reproduisant l’acte de viol ou de maltraitance de façon inversée, la victime devient agresseur). - Ensuite, le choix de la victime s’effectuerait en miroir : l’agresseur percevrait la victime comme un double narcissique. - Enfin, la révélation précoce par la victime de l’agression subie permettrait de prévenir, d’une part, l’installation chez la victime d’un lien d’attachement paradoxal à l’agresseur, qui la maintient sous l’emprise de celui-ci ; et d’autre part, la reproduction mimétique et répétitive de l’agression. Pour créer les conditions optimales d’une élaboration réussie du traumatisme correspondant, cette révélation précoce de l’abus doit être soutenue d’une action judiciaire à l’encontre de l’agresseur. III. Etudes de cas L’attachement paradoxal à l’agresseur : Mlle C. et son beau-père Mlle C. est une mineure de moins de 16 ans, reçue dans le cadre d’une expertise psychologique et mère d’un nourrisson. Lorsqu’elle s’est trouvée sur le point d’accoucher, elle a confié à sa mère avoir été violée à plusieurs reprises par son beaupère, qui l’avait mise enceinte. Suite à cette révélation, sa mère déposa plainte pour le viol de sa fille à l’encontre de son excompagnon, dont elle venait de se séparer. Mlle C. déclara avoir été violée de façon répétitive par son beau-père, dès l’âge de 11 ans. Ce dernier avait pris l’habitude de la rejoindre dans sa chambre lorsque sa mère était couchée et lui imposait des rapports sexuels complets. Mlle C. évoqua une fausse couche survenue peu de temps après le début des viols. Elle motiva son silence d’alors par un sentiment de honte et par sa peur de voir son beau-père quitter sa mère. C’est la découverte très tardive (au moment de l’accouchement) de sa grossesse qui a obligé la jeune fille à sortir de son mutisme. Journal International De Victimologie 2011; 9(2) : 381 HACHET, A. Suite au dépôt de plainte, le beaupère de Mlle C. fut mis en examen et placé en détention provisoire pour viol sur mineure de 15 ans par personne ayant autorité. S’il reconnut être le père de l’enfant dont sa belle-fille venait d’accoucher, il nia toute notion de viol ou de contrainte imposée à la victime. Selon lui, celle-ci était consentante. Au lendemain de son accouchement, Mlle C. sollicita une nouvelle audition auprès du magistrat. Elle est alors revenue sur ses déclarations : elle a accrédité la version du beau-père et fait part de son souhait de retirer la plainte déposée par sa mère à l’encontre de cet homme. Ses premières déclarations auraient été motivées, d’après elle, par la jalousie qu’elle disait avoir éprouvée lorsqu’elle apprit que son beaupère vivait avec une jeune femme après sa séparation d’avec sa mère. Mlle C. n’a connu aucun problème de santé au cours de son enfance et eut un développement normal. Aînée de sa fratrie, elle a une sœur cadette et un demi-frère. Ses parents se sont séparés lorsqu’elle avait 9 ans et elle a conservé un contact occasionnel avec son père. Sa mère fit une dépression réactionnelle à cette séparation : « Il est parti avec une autre femme. En plus, je venais de perdre mon père, auquel j’étais très attachée », précisa-t-elle. Peu de temps après, cette femme s’est pourtant remise en ménage, avec un homme plus jeune : le beau-père de Mlle C., âgé de 30 ans. Le départ précipité de ce dernier après 6 ans de vie commune a été (de nouveau) mal vécu par la mère de Mlle C. : « J’étais déçue, car j’aurais voulu avoir un enfant de lui et, finalement, j’apprends qu’il en a fait un à ma fille ! ». Cette femme déclara ne jamais s’être doutée de ce que sa fille subissait de la part de cet homme, bien qu’elle ait « avoué » avoir remarqué un changement de comportement chez elle peu de temps après l’arrivée de celui-ci dans leur vie : « Elle se refermait sur elle, pleurait souvent et passait son temps à dormir. Je ne pouvais pas le deviner, puisqu’elle ne disait rien », ajouta-t-elle. 382 A partir de 12 ans, Mlle C. fut sujette à des crises de spasmophilie et souffrit de troubles du comportement alimentaire. En surcharge pondérale, elle fut surprise par la découverte de sa grossesse : « Comme je suis ronde de nature, je ne me suis aperçue de rien, sauf le jour de l’accouchement ». L’absence de toute sensation ou prise de conscience en lien avec son vécu de maternité évoque plutôt chez Mlle C. un déni de grossesse. Lors de son examen psychologique, Mlle C. affirma n’avoir eu qu’un seul rapport sexuel, de surcroît consenti, avec son beaupère à l’âge de 15 ans : « J’étais d’accord et ça ne m’a pas traumatisée » précisa-t-elle. Elle paraissait investir son rôle de mère auprès de son fils, qui porte son nom : «Ce n’est pas sa faute, le pauvre petit. Il est trop mignon » expliqua-t-elle. Mlle C. évoqua toutefois un problème de rivalité avec sa mère autour de cet enfant : « Elle me trouve trop jeune pour m’occuper de mon fils. Je veux bien le lui laisser, mais elle le sollicite trop et lui fait trop de câlins. On s’en occupe à deux ». Discussion La non-révélation précoce du viol subi par Mlle C. a contribué à l’enfermer dans un lien d’attachement paradoxal à son abuseur, telle qu’en témoigne son attitude de rétractation après sa première révélation, au lendemain de son accouchement. En effet , Mlle C. se trouve, d’une part, sous l’influence d’un conflit de loyauté qui la pousse à réaliser le fantasme de sa mère d’avoir un enfant avec son jeune compagnon, d’autre part, sous l’effet d’un attachement paradoxal vis-à-vis de son agresseur. Cet attachement particulier dont la résonance oedipienne est intéressante à souligner - s’expliquerait par les rapports de séduction et d’emprise (Dorey, 1981) exercés par l’agresseur, sorte de substitut du père manquant. De l’attachement paradoxal à l’identification à l’agresseur Pour mieux comprendre les enjeux du comportement de rétractation de Mlle C., nous nous rapprocherons de la notion de « conflit de loyauté » définie par Ivan Boszormenyi-Nagy (1973). Pour cet auteur, la loyauté se réfère à un système relationnel qui relie un sujet à un autre ou à un groupe (familial) et elle implique une fidélité inconditionnelle à l’égard des règles énoncées ou implicites (non dits, secrets de famille) définies par ce groupe. La loyauté participe de la constitution même de l’identité du sujet. En grande partie inconsciente, elle comporte une dimension transgénérationnelle, en lien avec un ensemble d’injonctions, voire de transactions, familiales intériorisées, et elle s’articule à la notion de dette. BoszormenyiNagy (1973) distingue : la loyauté verticale (parents-enfants), qui comporte une dimension asymétrique, donc imposée ; la loyauté horizontale (entre amis ou fratrie), qui comporte une dimension symétrique, donc choisie ou recherchée (situation d’échec scolaire ou professionnel par loyauté envers la fratrie) ; la loyauté clivée, qui survient lorsqu’un enfant - dès lors « parentifié » - prend une place de parent. Boszormenyi-Nagy (1973) explique que la « parentification » n’est pas toujours problématique pour le développement psychologique de l’enfant. Lorsqu’elle est équilibrée, cette attitude favorise l’accès à la responsabilité et à l’autonomie. En revanche, la parentification devient pathologique lorsque les exigences de loyauté qu’elle impose dépassent le niveau de développement intellectuel et de maturité psychique. C’est précisément ce que l’on observe dans le cas de Mlle C., dont la rétractation est la conséquence d’un « conflit de loyauté » envers sa mère (une femme fragile et dépressive). Boszormeny-Nagy (1973) montre qu’un conflit de loyauté naît d’une impossibilité intrapsychique de choisir entre deux situations et de partager des sentiments envers deux personnes. Impliquant la connaissance et la reconnaissance d’un lien, la loyauté devient confuse si ce lien se trouve perverti par l’effet de non-dits ou de secrets de famille. Lorsque les attentes familiales vis-à-vis d’un enfant, investi d’un « legs » et d’une « mission », sont floues ou contradictoires, elles génèrent un conflit de loyauté dans son psychisme. A ce titre, l’observation de Mlle C. montre qu’en réalisant le fantasme maternel de porter l’enfant de son ami, elle cède son enfant à sa mère pour équilibrer la balance des loyautés entre générations (sur le mode « il me l’a fait (l’enfant) à moi, mais je te le donne »). En faisant ce don à sa mère fragile, Mlle C. cherche à la protéger, mais aux dépens de sa propre santé mentale ! L’identification à l’agresseur : Alexandre (un pseudonyme) et son oncle Alexandre, âgé de 7 ans, et son oncle sont reçus dans le cadre d’une expertise psychologique. Alexandre a fait l’objet d’un signalement pour des faits d’agression sexuelle subis de la part de son oncle, Mr D, âgé de 30 ans. L’enquête judiciaire a révélé que cet homme a par le passé commis des attouchements sexuels sur d’autres petits garçons du cercle familial, dont un cousin et le frère aîné d’Alexandre. Ces faits cessèrent le jour où les attouchements furent révélés par l’une des victimes (le cousin) à des parents. Cette révélation, frappée du sceau du secret par la famille, ne donna cependant lieu à aucune suite judiciaire. Si Mr D se vit interdire tout contact avec la jeune victime qui avait dénoncé ses agissements, il continua à abuser en toute impunité de ses deux neveux : Alexandre et, avant lui, son frère aîné (9 ans). En effet, ce dernier avait également fait l’objet, vers l’âge de 7 ans, de sévices sexuels de la part de Mr D, au sujet desquels il garda le silence. Alexandre, lui, fut amené à révéler, lors d’une dispute avec un camarade d’école, les viols subis de la part de son oncle. Faite en milieu scolaire, cette révélation fit aussitôt l’objet d’un signalement et donna lieu à des poursuites judicaires. Journal International De Victimologie 2011; 9(2) : 383 HACHET, A. L’examen psychologique d’Alexandre met en évidence un ensemble de manifestations pathologiques qui ont pu être reliés à l’agression sexuelle : un état d’agitation à caractère hypomaniaque sur le plan psychomoteur, des symptômes phobiques associés à une angoisse d’intrusion corporelle, telle que la peur d’aller aux toilettes, et des troubles du sommeil (réveils nocturnes et cauchemars). Alexandre présente également un état d’excitation sexuelle, qui se manifeste par un comportement de masturbation compulsif et par des attouchements sexuels qu’il a fait subir à des petits garçons, dont son jeune frère (5 ans). Ces actes laissaient craindre une reproduction par lui du comportement de son abuseur. Ce dernier est une personne très immature, solitaire, timide et introvertie. Il est décrit par son entourage comme un homme taciturne, distant, renfermé et peu communicatif. Troisième de sa fratrie de six (une sœur et quatre frères), Mr D est le seul à ne pas avoir quitté le domicile familial. Il n’a aucune vie sociale (copains, sorties, etc.) et il n’a jamais entretenu de relations amoureuses avec une femme. Suite à la révélation des faits par Alexandre, Mr D a révélé avoir lui-même été victime d’agressions sexuelles, de la part d’un prêtre, lorsqu’il était âgé de 6-7 ans. Cet élément a pu être vérifié au cours de l’enquête. Mr D expliqua ainsi que depuis cette agression, il ressentait une attirance sexuelle pour les jeunes garçons, à l’exception de tout autre objet sexuel. Il confirma alors n’avoir eu aucun rapport sexuel avec des adultes, hommes ou femmes. Mr D confia également qu’il avait failli entreprendre un cursus religieux pour devenir prêtre (comme son abuseur). L’ensemble de ces éléments indique la présence d’un processus d’identification à l’agresseur, tant par rapport à la vocation (prêtre) de ce dernier que par rapport à son comportement d’abuseur, que Mr D a répété 384 sur des garçons de l’âge qu’il avait lorsqu’il fut agressé. La révélation d’Alexandre, plus efficace que la première - car ayant échappé à une mise au secret par la famille et donné lieu à une action judiciaire à l’encontre de son agresseur - a permis d’enclencher une nouvelle révélation, cette fois-ci du côté de l’agresseur et concernant sa propre victimisation, subie au même âge que celui de ses victimes. Discussion L’identification à l’agresseur, tant chez Alexandre (vis-à-vis de son oncle) que chez son oncle (vis-à-vis du prêtre abuseur), témoigne d’un échec du travail d’élaboration psychique du trauma : dans les deux cas, une situation d’abus, avec inversion de rôle, s’est reproduite. Une élaboration réussie du traumatisme, au sens psychanalytique, impliquerait la transformation du vécu de l’excitation (ici sexuelle) en une représentation. Or, la reproduction de l’abus ramène plutôt l’événement traumatique sur une scène réelle : une mise en acte. Si la répétition, comme le souligne Freud (1914), est une forme de souvenir, elle signe néanmoins l’échec de sa représentation au niveau psychique et fait donc obstacle au travail de remémoration et de perlaboration. Dans ce cas de figure, la répétition est un moyen de défense - à l’instar du déni - qui lutte contre l’émergence du souvenir de l’événement traumatique, sur le mode : « On ne me l’a pas fait subir, puisque c’est moi qui le fais subir à d’autres ». L’élaboration qui permet le passage de l’excitation à la représentation a bel et bien échoué, dans la mesure où elle est remplacée par une décharge, via une reproduction réelle de l’événement traumatique. A travers la répétition, la victime, devenue agresseur, tente de rétablir de l’ordre dans sa vie psychique - éclatée par l’agression vécue et de donner un sens à un acte insensé. En d’autres termes, la victime reproduit le comportement de l’agresseur pour De l’attachement paradoxal à l’identification à l’agresseur comprendre ses motivations, ceci jusqu’à se confondre avec lui. En parallèle, au moyen de cette répétition, la victime tente à la fois de se saisir et de se soustraire à l’emprise de son agresseur. En fait, la « confusion de langues » (Ferenczi, 1933) entre la victime et son agresseur s’installe dès le début de leur rencontre, qui enferme et aliène la victime dans le désir de son séducteur. Souvent cité comme critère de l’intolérable par les victimes d’agressions sexuelles, le silence de leur agresseur durant l’acte d’abus est alourdi par son regard égaré et écrasé par la honte. Ce regard renvoie la victime à sa propre honte et scelle sa soumission totale à son agresseur. Ne pouvant plus exister en dehors du désir de son séducteur, Alexandre abuse de ses petits camarades et devient séducteur après avoir été séduit ; d’où l’installation d’un cercle vicieux, dont seule la révélation (parole accréditée par le tiers social) garantit la rupture. incapable d’exister en dehors du désir de son abuseur, la victime soit se réapproprie l’abus (comme le fit Mlle C.), soit reproduit l’abus (comme le firent Alexandre et son oncle). Dans ce dernier cas de figure, la métamorphose identitaire de la victime en agresseur devient une source permanente d’angoisse, que seul le passage à l’acte permet d’apaiser. Cet apaisement est éphémère, car le passage à l’acte suscite à nouveau un sentiment de culpabilité ! La victime devenue abuseur est ainsi aux prises avec une situation sans issue. Seule la révélation précoce de l’abus par la victime est susceptible de rompre ce cercle vicieux. Affirmons donc en dernier lieu qu’il est indispensable de proposer une prise en charge psychothérapique adéquate pour impulser et accompagner au mieux l’élaboration des effets psychiques de cette révélation, tant pour les victimes que pour les abuseurs ex-victimes. Références IV. Synthèse et conclusion Ces deux observations cliniques illustrent la complexité du lien qui existe entre une victime à son abuseur, allant d’un attachement paradoxal (comme dans le cas de Mlle C.) à une reproduction de l’acte d’abus par identification à l’agresseur (comme dans le cas d’Alexandre). A chaque fois, le lien pathologique (par attachement ou identification) à l’agresseur non seulement empêche l’élaboration psychique du traumatisme par la victime, mais engage de plus celle-ci dans un cercle vicieux marqué par la répétition et l’aliénation dans le désir de l’autre. Par ailleurs, nous avons vu que le choix de la victime par l’abuseur est déterminé par sa fragilité (un manque de père, en ce qui concerne Mlle C.) ou par sa ressemblance narcissique avec l’abuseur (l’âge, en ce qui concerne Alexandre). Sous l’emprise de son agresseur, la victime est aliénée dans le désir et la honte de ce dernier, qu’elle fait sienne ; ce qui scelle sa soumission totale à l’agresseur. Dès lors Abraham, N., & Torok, M. (1978). L’écorce et le noyau. Paris : Flammarion, 1996. Boszormenyi-Nagy, I., & Spark, G. (1973). Invisible loyalties: Reciprocity in intergenerational family therapy. New York: Harper and Row. Dorey, R. (1981). La relation d’emprise. Nouvelle Revue de Psychanalyse, 24, 117139. Fattah, E.A. (1989). Victims and victimology: the facts and the rhetoric. International Review of Victimology, 1, 43-66. Fattah, E.A. (1994). The interchangeable roles of victim and victimizer. Helsinki : The European Institute for Crime Prevention and Control. Ferenczi, S. (1932). Le traumatisme psychique. In Œuvres complètes, tome IV (pp.82-97). Paris : Payot, 1982. Journal International De Victimologie 2011; 9(2) : 385 HACHET, A. Ferenczi, S. (1933). La confusion des langues entre les adultes et l’enfant. Paris : Payot, 2004. exploratoire. Centre International de Sciences Criminelles et Pénales. Paris, non publié. Freud, A. (1936). Les mécanismes de défense du Moi. Paris : PUF, 1946. Hachet, A. (2004). La prise en charge psychothérapique d’auteurs d’agressions sexuelles en milieu carcéral : modalités et limites. [Thèse de doctorat de psychologie clinique et psychopathologie] Paris : Université Paris 5 René Descartes. Freud, S. (1914). Remémoration, répétition et perlaboration. In La technique psychanalytique (pp.105-115) Paris : PUF, 1953. Freud, S. (1915). Pulsions et destins des pulsions. In Œuvres complètes de Freud. Psychanalyse, tome XIII (pp.163-168). Paris : PUF, 2005. Freud, S. (1919). Introduction à « Sur la psychanalyse des névroses de guerre ». In Œuvres complètes de Freud. Psychanalyse, tome XV (pp.163-168). Paris : PUF, 2002. Hachet, A. (2008). Traiter les agresseurs sexuels ? Bruxelles : Frédéric Delcor & Ministère de la Communauté française. Hachet A. (2011). Clinique de l’enfant : psychothérapie et évaluation. Paris : Armand Colin. Lacan, J. (1964). Le Séminaire, livre IV. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. Paris : Seuil, 1973. Freud, S. (1920). Au-delà du principe de plaisir. In Œuvres complètes de Freud. Psychanalyse, tome XV (pp.273-338). Paris : PUF, 2002. Laplanche, J., Pontalis, J.-B. (1967). Vocabulaire de la psychanalyse. Paris : PUF, 1988. Freud, S. (1924). Inhibition, symptôme et angoisse. Paris : PUF, 1971. Freud, S. (1929). Malaise dans la civilisation. Paris : PUF, 1973. Safouan, M. (2005). La personnalité du délinquant à la lumière des théories psychanalytiques (trad. Hachet, A.). Psychologie clinique, 20, 133-142. Freud, S. (1938). Le clivage du moi dans les processus de défense. In Résultats, idées, problèmes, tome II (pp.283-286). Paris : PUF, 1985. Hachet, A. (1998). Réflexions théoricocliniques autour du devenir de la victime en termes d’identification à l’agresseur. Étude Stoller, R.J. (1973). La perversion, forme érotique de la haine. Paris : Payot, 1975. 386 Winnicott, D.W. (1974). La crainte de l’effondrement. In La crainte de l’effondrement et autres situations cliniques (pp.205-216). Paris : Gallimard, 2000.