La plaisance en pleine crise ?

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La plaisance en pleine crise ?
La plaisance en pleine crise ?
Dépôts de bilan en cascade, chômage technique à rallonge, la crise frappe la
filière nautique tous azimuts. En cause, pas seulement les soubresauts du CAC
40, mais le moral et l’optimisme en berne des acheteurs potentiels.
Dans ce contexte, les grands acteurs de la plaisance sont durement touchés,
même s’ils ne communiquent pas sur le sujet – de nombreuses personnes que
nous avons contactées ne souhaitent pas s’exprimer…
Une rapide enquête auprès de quelques responsables de chantiers un peu plus
loquaces nous permettent de donner un ordre de grandeur du marasme : - 10
% pour le leader Bénéteau / Jeanneau, guère mieux chez Dufour – seule la
production du 36 et du 335 était assurée cet été, en attendant la sortie du
prometteur 500 Grand Large. Les chiffres ne sont pas bons.
Notez que le motonautisme résiste plutôt mieux que la voile, en tous cas que
les monocoques, car les catamarans s’en sortent beaucoup mieux, même si
cela reste difficile.
Si le chantier Soubise connaît de sérieuses difficultés, les chantiers Lagoon,
Fountaine-Pajot et Nautitech assurent une bonne année 2012. Idem pour
Outremer Yachting, dont les 49 et 5X marchent très fort. Du mieux également
pour Trégor Composites, qui vient de sortir de son redressement judiciaire
signifié l’an dernier. Enfin nouveau départ aux Sables d’Olonne pour les
catamarans Privilège et les monocoques Feeling qui quittent Lanester dans le
Morbihan. La marque a été reprise par le vendéen Gilles Wagner sous la
bannière Privilège Marine. Les chantiers Alu Marine et Nautitech, dans le cadre
d’une alliance, s’étaient d’ailleurs porté candidats au rachat des catamarans
Privilège. D’autres chantiers n’auront pas connu cette chance, comme les
chantiers Edel Catamarans ou Catlantech. Changement de mains également
pour Rhéa Marine, qui rejoint le giron de la holding nantaise DLJ, déjà
propriétaire du chantier Arcoa. Bertrand Danglade reste aux commandes de
son entreprise et devient directeur général de la holding regroupant les
activités nautiques de DLJ. Un scoop ? Une nouvelle gamme appelée Omega
Yacht serait en préparation… Le chantier Alphena Yachts bien connue pour
ses élégants day boats est passé sous la coupe du chantier Latitude 46, le
constructeur des Tofinou. Quant à la société OpenGate Capital, LLC, une
société privée d’investissement, elle vient d'annoncer la signature d’un accord
avec Zodiac Marine & Pool - détenu par le Groupe Carlyle - portant sur
l’acquisition de son activité nautisme, Zodiac Plaisance.
Du côté de l’Afrique du Sud, du changement également : le chantier Dean
catamarans devient Dream catamarans. Derrière ce nouveau nom, la société
Redemption Yachts. Avec un consortium de propriétaires et d’investisseurs
européens et sud-africains, elle a racheté les moules des catamarans. Le
chantier est actuellement en train de déménager, il faudra encore attendre un
peu avant la reprise de la construction des bateaux. A noter : la famille Dean ne
fait plus partie de la nouvelle structure.
La dernière mauvaise nouvelle en date concerne le chantier Archambault, qui
depuis le 4 août, a été placé en redressement judiciaire, avec période
d'observation.
Restructuration, centralisation, fermeture : cette crise va laisser des traces.
Ainsi on déplore les fermetures des usines Zodiac à la Rochelle et Philéas à
Rochefort, qui se sont regroupées sur d’autres sites de production. Sur le
Bassin d’Arcachon, un an après l’assassinat de son patron Fabrice Vial, le
chantier Guy Couach a été placé en procédure de sauvegarde. Deux créanciers
réclament au constructeur de super yachts la bagatelle de… 11 millions
d’euros.
Les chantiers qui marchent font essentiellement des affaires avec l’export –
Russie, Allemagne, Brésil – alors que le marché français s’amenuise (plus que
22 % de la production chez Outremer Yachting).
Autre constat, les bateaux « de niche » comme les RM, Pogo, Allures, Malango,
JPK et autres Django se vendent très bien. Aux Sables d’Olonne, un peu plus
d’un an après les bouleversements qui ont secoué J Composites, les résultats
semblent encourageants.
Sur un plan mondial, les constructeurs français semblent être les plus solides.
Ce qui n’est pas le cas des chantiers américains et surtout italiens : ces
derniers, spécialisés dans la construction de yachts à moteur de 12 à 25
mètres, se sont effondrés cette année, avec un chiffre d’affaires divisé par trois
- le chantier Ferretti a notamment été repris par des investisseurs chinois. Il
semble que la position française se soit renforcée pendant cette période pour
partie grâce au groupe Bénéteau, qui a plutôt augmenté ses parts de marché
pendant cette période troublée.
Au final, les grands perdants de la crise sont sans doute les équipementiers :
Navimo et Sparcraft, en pleine tourmente, font le gros dos en évitant les
stocks… au point de poser de sérieux problèmes d’approvisionnement aux
chantiers. A l’inverse, les secteurs des services, de la maintenance et de la
location vont plutôt bien et résistent mieux à la conjoncture difficile.
Il n’existe pas de remède miracle pour lutter contre la crise, mais il se dégage
quelques évidences : tout d’abord la conquête de nouvelles parts de marché
est indispensable. Face à une demande atone en France, c’est bien sûr vers les
marchés étrangers qu’il faut se tourner. D’autre part les chantiers doivent
investir afin de proposer des nouveautés - voire de nouvelles gammes
innovantes. L’effet nouveauté fonctionne, mais il a aussi son côté pervers.
Deux ou trois ans après le lancement d’un modèle, tout est déjà à refaire…
Dans ce contexte de renouvellement permanent, disposer d’une production de
voiliers et de bateaux à moteurs semble un sérieux atout.
Une certitude : ce sont bien les salons de la rentrée qui permettront aux
professionnels de la plaisance de faire le point et d’anticiper une tendance qui
pourrait être plus défavorable encore.
Nous n’en sommes pas là. A nous tous, passionnés de nautisme, de faire vivre
cette filière… et de naviguer !