Classes de PSCI, correction de la dissertation sur table n°2
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Classes de PSCI, correction de la dissertation sur table n°2
Classes de PSCI, correction de la dissertation sur table n°2: Introduction et première partie rédigées, éléments de correction pour le reste du devoir Mme Frencel, Décembre 2012 Dans son roman L'adversaire (2000), Emmanuel Carrère essaie de nous raconter la vie de Jean-Claude Romand, devenu tristement célèbre après avoir assassiné toue sa famille. Sa vie entière était en effet basée sur un mensonge, il a réussi à faire croire à son entourage pendant dix-huit ans qu'il était un médecin reconnu et réputé. La lecture de cet ouvrage nous montre alors les techniques employées par ce dernier pour faire croire à son mensonge: toutes se rapprochent de la vérité de l'exercice du métier qu'il prétendait faire. C'est ainsi qu'il prenait sa voiture le matin pour se rendre au travail, cherchait les dates des célèbres conférences scientifiques et s'absentait de chez lui pour donner l'illusion qu'il y participait, en revenait après avoir acheté des cadeaux à l'aéroport de la ville où la conférence devait se tenir... Cette nécessité d'être proche de la vérité pour construire un mensonge crédible est énoncée dans la citation proposée à notre réflexion, extraite de La Cité antique (1864), de Denis Fustel de Coulanges: « Le mensonge cherche toujours à imiter la vérité ». Un mensonge est une parole fausse, contraire à la vérité, dont le but est de tromper son interlocuteur. La citation proposée établit néanmoins, par le biais d'une affirmation au présent de vérité générale étayée par l'adverbe « toujours », que le mensonge « cherche (...) à imiter la vérité ». S'il le cherche, c'est qu'il n'y parvient pas, ce qui semble logique, puisque la vérité, qui peut se définir comme ce qui est littéralement conforme à la réalité, est en effet le contraire du mensonge. Dès lors, pourquoi cette volonté d'imitation? En quoi le fait de ressembler à la vérité est-il utile au mensonge, par essence pragmatique et intéressé? Nous verrons dans un premier temps que le mensonge cherche à ressembler à la vérité pour se rendre plus crédible, avant de voir dans un second temps que les liens entre mensonge et vérité peuvent être plus complexes qu'il n'y paraît. Dans un dernier temps, nous verrons que la parole ne se définit pas que dans son rapport au vrai, elle a également d'autres fonctions. Si le mensonge cherche toujours à ressembler à la vérité, comme l'affirme le sujet, c'est parce que celle-ci est comme un idéal qui se suffit à lui-même. Tout le monde s'accorde autour de la vérité, et nul ne peut la contester. Dans le Phèdre, Platon souligne cette infériorité du mensonge par rapport à la vérité dans le seconde partie du dialogue où Phèdre et Socrate réfléchissent sur la définition d'un beau et bon discours. Phèdre affirme en effet que le vraisemblable est plus efficace que la vérité, et qu'un orateur ne doit pas dire ce qui est juste, mais ce qui semble tel à la foule. Socrate critique cette apologie du mensonge, car pour lui, ne pas dire la vérité revient à dire à quelqu'un qu'il est bon d'acheter un âne en lui faisant croire que c'est un cheval. Pour lui, un discours n'est efficace que s'il est vrai: « il n'y aura jamais d'art authentique de la parole sans lien à la vérité ». Il est donc tout à fait logique que le mensonge cherche à s'inspirer de la vérité qui, selon les dires de Socrate, est totalement efficace. On retrouve cette idée de primat de la vérité dans Les Fausses confidences de Marivaux: contrairement à ce que le titre de la pièce laisse entendre, toutes les confidences faites dans cette pièce ne vont pas être fausses. Dubois va en effet s'appuyer sur la vérité des sentiments de Dorante pour parvenir à ses fins, et ce dès la scène 14 de l'acte I, où il ne cesse de répéter à Araminte ce qui est vrai: Dorante l'aime! La vérité des sentiments va donc lui servir de fil conducteur, autour duquel il va pouvoir élaborer un tissu de mensonges pour amener Araminte à tomber amoureuse de son intendant. Une fois la supériorité effective de la vérité posée, il convient de s'attarder sur les techniques adoptées par le mensonge pour chercher à l'imiter. Les Fausses confidences de Marivaux nous offrent nombre d'exemples de celles-ci. Dubois a par exemple tout d'abord recours à de vrais objets pour asseoir ses assertions: c'est ainsi que les portraits d'Araminte utilisés lors de l'acte II sont de vrais objets, dont la vérité matérielle est incontestable. En insérant ceux-ci dans un tissu de paroles mensongères (Dorante aurait fait commander le premier portrait, et serait en admiration devant le second), il s'assure d'un mensonge efficace. La présence de détails peut également concourir à rendre un mensonge crédible: Dubois l'a bien compris, et il en use régulièrement. Lorsqu'il raconte à Araminte le coup de foudre que Dorante aurait eu pour elle, il ne cesse de s'appuyer sur des détails concrets: ce coup de foudre aurait eu lieu dans un lieu bien réel, et donc vrai, l'Opéra, et il aurait eu lieu un « vendredi ». Pour donner un aspect plus vraisemblable à son mensonge, Dubois répète d'ailleurs cette précision. Il utilise la même technique dans l'acte II, quand il envoie M. Rémy véhiculer un autre de ses mensonges: une dame ayant « quinze mille livres de rente » voudrait se marier à Dorante. Nul doute que la précision de ce chiffre vise à rendre son mensonge encore plus crédible. Cependant, les liens entre vérité et mensonge ne se conçoivent-ils qu'en terme d'imitation de l'un envers l'autre? [Suite de la correction semi-rédigée, exemples de la P2 bien développés car c'est ce qui a le plus posé souci dans les devoirs] 2. a. . La frontière entre vérité et mensonge est parfois plus floue qu'on ne le pense, et il est parfois quasiment impossible de les dissocier Exemple des Fausses confidences, quand Dubois exagère les sentiments de Dorante: « Il est timbré, mais timbré comme cent », « il extravague d'amour, il en a la cervelle brûlée ». Ces exagérations sont d'ailleurs relayées par Dorante dans l'acte II: « mon amour m'est plus cher que ma vie » = une vérité? Est-il aussi fou d'amour que cela, ou est-ce une technique de séduction? = difficile de distinguer la vérité dans ce cas... Autre exemple avec un retour sur la fiction du coup de foudre en I,14: impossibilité de savoir si c'est vrai! Un épisode certes romanesque, visant à flatter l'orgueil d'Araminte, mais vraisemblable! Dernier exemple: les dialogues entre Dorante et Marton, faits de mensonges par omission (se taire au lieu de mentir, est-ce être dans le vrai?) ou de répliques vraies qui peuvent recevoir une double interprétation, de la part du spectateur, et de celle de Marton (« La vérité de mes sentiments ne regarde que moi »). Il dit vrai, mais espère que ses propose seront interprétés dans un sens mensonger... Dans le Phèdre, pratique de la dialectique qui peut rappeler cette confusion: premier discours de Socrate où il n'a en fait pas menti sur l'amour, alors qu'on pourrait penser qu'il se contredit avec le second discours: ce qui peut être vu comme un mensonge contre une vérité peuvent être les deux facettes d'une même vérité (l'amour est une folie au sens négatif, mais également dans un sens positif, puisqu'elle est divine) b. La vérité a parfois besoin du mensonge de la fiction pour se révéler Exemple de Socrate qui utilise parfois des saynètes dans le Phèdre pour rendre son propos plus vivant et appuyer sa thèse: premier discours et fiction du jeune homme qui aurait plein d'amoureux, l'un d'entre eux déciderait de faire croire qu'il ne l'était pas. Cf. aussi mythe des âmes ailées, ou mythe des cigales, que Socrate utilise pour appuyer ses propos sur la vérité. Une pratique philosophique qu'il explique à l'occasion de la discussion au sujet du mythe de l'enlèvement d'Orythie par Borée = selon lui, le mythe est utile, car il donne à l'âme un élan pour comprendre le monde et se comprendre elle-même, donc aller vers le vrai. Dès lors, même si la véracité d'un mythe n'est pas avérée (comme c'est le cas pour celui mentionné plus haut), il est quand même utile. Exemple des Fausses Confidences: tous les mensonges de Dubois ont abouti à la naissance de sentiments bien vrais et réels chez Araminte! D'ailleurs, quand elle apprend l'existence de ces mensonges à l'acte III, elle les excuse: « il est permis à un amant de chercher les moyens de plaire ». La vérité des sentiments d'un amant peut donc s'associer au mensonge pour servir ceux-ci. 3. Les autres fonctions de la parole a. Parole et plaisir: le plaisir de la conversation ou plus généralement du langage est détaché des enjeux pragmatiques de la vérité et du mensonge Exemple du début du Phèdre: Socrate et Phèdre recherchent un lieu où ils pourront savourer tranquillement les plaisirs d'une conversation par cette chaude journée, lieu frais et ombragé. Socrate se réjouit de l'avoir trouvé, et le décrit longuement. Exemple des Fausses confidences, première apparition d'Arlequin qui est l'oaccsion de jeux de mots à fonction comique = plaisir de jouer sur les mots et de faire rire le spectateur qui est détaché des questions qu vrai ou du faux. Un plaisir redoublé par les choix de la mise en scène vue en classe, cf. exemples dans cours. b. La parole et l'art en général Toute littérature est par essence de la fiction, et celle-ci s'inscrit clairement dans une autre logique que les autres paroles, sa fonction est alors aussi diverse que les types d'écrits: autobiographie et fonction cathartique, poésie et fonction lyrique, polémique, etc. = exemples à relier à ces différents registres. En liaison avec la fonction polémique, possibilité d'exploiter la séance 6 du cours sur Marivaux.