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Demi-journée “Marathon” de formation continue
Samedi 13 novembre 2010
Sujet n° 32
Droit pénal
(Robert Roth, Professeur à l’Université de Genève, Juge à la Cour de cassation de
Genève, avec la collaboration de Raphaël Jakob et Michael Waller,
assistants à la Faculté de Droit)
Législation
______________________________________________
Modifications récentes (2009-2010) et projets de modification
a) Adoptée
Droit pénal international
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Loi fédérale portant modification de lois fédérales en vue de la mise en oeuvre du Statut de
Rome de la Cour pénale internationale du 18 juin 2010. FF 2010 3889.
Echange de notes du 28 mars 2008 entre la Suisse et l’Union européenne concernant la
reprise de la décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil du 18 décembre 2006 relative à la
simplification de l’échange d’informations et de renseignements entre les services répressifs
des Etats membres de l’Union européenne (Développement de l’acquis Schengen) (RS
0.362.380.024). RO 2009 6917. Entrée en vigueur le 21 octobre 2009.
Arrêté fédéral portant approbation et mise en œuvre de l’échange de notes entre la Suisse et
l’Union européenne sur la reprise de la décision-cadre 2006/960/JAI relative à la simplification
de l’échange d’informations entre les services répressifs (Développement de l’acquis de
er
Schengen). RO 2009 6915. Entrée en vigueur le 1 janvier 2010.
Loi sur l’échange d’informations entre les autorités de poursuite pénale de la Confédération et
celles des autres Etats Schengen (Loi sur l’échange d’informations Schengen, LEIS) du 12
er
juin 2009 (RS 362.2). RO 2009 6583. Entrée en vigueur le 1 janvier 2010.
b) Projets
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Consultation ouverte par le Conseil fédéral relative à la modification du code pénal suisse et
du code pénal militaire concernant la mise en œuvre de l’art. 123b Cst. sur l’imprescriptibilité
des actes d’ordre sexuel ou pornographique commis sur des enfants impubères. Consultation
terminée le 4 octobre 2010.
Consultation ouverte par le Conseil fédéral relative à la révision de la partie spéciale du Code
pénal (harmonisation des peines). Consultation ouverte le 8 septembre 2010.
http://www.bj.admin.ch/content/bj/fr/home/themen/sicherheit/gesetzgebung/strafrahmenharmo
nisierung.html
Consultation ouverte par le Conseil fédéral relative à un avant-projet concernant la
modification du Code pénal et du Code pénal militaire (Réforme du droit des sanctions).
Consultation ouverte le 30 juin 2010.
http://www.bj.admin.ch/content/bj/fr/home/themen/sicherheit/gesetzgebung/sanktionensystem.
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“Marathon”
Samedi 13 novembre 2010
Jurisprudence________ _____________________________________
Jurisprudence fédérale et cantonale 2009-2010 (état au 31.08.2010)
a) Jurisprudence fédérale
I.
CONDITIONS DE LA REPRESSION
Lex mitior / détermination du droit le plus favorable
1. TF 6B_1054/2009 du 20 avril 2010 (f)
Recourante roumaine entrée en Suisse illégalement avant l’entrée en vigueur de l’ALCP
invoque la lex mitior contre sa condamnation pour violation de la LEtr. Grief infondé: le
principe de la lex mitior s’applique lorsque le changement de loi est motivé par un
changement des conceptions juridiques qui rend les faits non répréhensibles ; or in casu “la
décision que prend un État souverain d'abolir ses frontières vis-à-vis de ressortissants
d'autres États leur donnant ainsi un droit subjectif à l'exercice d'une activité économique et au
séjour ne conduit cependant pas à admettre l'existence d'une modification de la conception
juridique de la LEtr”.
Culpabilité
2. TF 6B_186/2010 du 23 avril 2010 (d)
Dol direct pour mise en danger (art. 129 CP). Le fait de compter sur la réaction de la victime
pour qu’elle évite le danger ne permet pas d’écarter le dol direct.
3. TF 6B_168/2010 du 4 juin 2010 (d)
Cas limite homicide par négligence / par dol éventuel. In casu la violation des règles sur la
circulation routière était si grossière qu’elle ne pouvait pas permettre au conducteur de
compter sur ses capacités pour éviter le résultat délictuel. Il ne restait plus de véritable
possibilité pour le conducteur d’éviter un accident par ses propres moyens. Le dol éventuel
est donc retenu.
Actes licites
4. TF 6B_560/2009 du 10 septembre 2009 (d)
Le conducteur d’une voiture pourchasse le
cycliste qui lui a cassé un rétroviseur. Ce faisant il viole la LCR (art. 90 al. 2), infraction non
justifiée (c. 3). En revanche, il ne commet pas de contrainte, dans la mesure où il avait un
intérêt légitime à arrêter le cycliste. (c.4). Arrêt intéressant, car le TF se prononce pour la
première fois sur ce type d’état de fait.
5. TF 6B_1005/2009 du 18 février 2010 (d) (destiné à publication dans le RO des ATF)
Légitime défense: l’instance cantonale avait condamné le recourant pour tentative de lésions
corporelles graves par dol éventuel, en affirmant qu’il avait dépassé les limites de la légitime
défense en se défendant à coups de couteau contre deux agresseurs non armés l’ayant
frappé de coups de poing.
Le TF désavoue ce raisonnement: l’art. 15 CP n’oblige pas la personne attaquée à réagir avec
les mêmes moyens, mais lui permet d’employer tous les moyens nécessaires pour se
défendre.
6. TF 6B_176/2010 du 31 mai 2010 (f)
Un policier chargé d’une mission secrète très importante pour la sécurité du pays roule à 164
km/h sur un tronçon sur lequel la vitesse est limitée à 100 km/h. La cour cantonale refuse
d’entendre un témoin sur l’importance de la mission, en affirmant que de toute façon a)
l’accusé n’a gagné que 10-20 minutes, et que b) si la mission, prévue deux semaines
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Samedi 13 novembre 2010
auparavant, était à ce point importante, il n'avait qu'à prendre l'hélicoptère. Le TF ne voit pas
de violation de l'interdiction de l'arbitraire dans ce raisonnement.
Participation
7. TF 6B_438/2009 du 28 septembre 2009 (f)
Coactivité de brigandage: le recourant a : a) discuté le projet de détrousser la victime avec
ses acolytes, et s’y est rallié après avoir tenté de les dissuader ; b) accompagné son
comparse et resté à proximité pendant l’agression ; c) s’est débarrassé du sac de la victime ;
d) reçu une part du butin. Tous ces actes sont des comportements actifs et pris ensemble
justifient la qualification en tant que coauteur.
8. TF 6B_758/2009 du 6 novembre 2009 (f)
Coactivité plutôt que complicité de brigandage aggravé pour le recourant qui a effectué une
reconnaissance sur place, puis servi de chauffeur et de guetteur.
9. TF 6B_989/2009 du 22 mars 2010 (f)
Agression (art. 134 CP). TF affirme ne pas vouloir trancher la controverse doctrinale sur le
participant “psychologique” à une agression (principal ou secondaire). Il retient toutefois par la
suite:
“Selon les faits retenus, le recourant a vivement encouragé ses amis à user de leurs poings et
de leurs pieds. De plus, il a empêché l'un des soldats d'appeler la police, comportement qui
atteste également du soutien apporté à ses comparses et de sa volonté à les protéger. Enfin,
il a proféré des menaces de mort à l'encontre des assaillis. Au regard de ces éléments et
même s'il n'est pas intervenu physiquement en portant des coups aux victimes, l'intéressé
s'est pleinement associé à la décision et à la réalisation de l'infraction dans une mesure qui le
fait apparaître comme un participant principal.”
Prescription
10. TF 6B_202/2010 du 31 mai 2010 (d) (destiné à publication dans le RO des ATF)
Prescription, circonstances aggravantes : le fait que l’art. 144 al. 3 (dommages considérables
à la propriété) n’instaure qu’une possibilité facultative d’augmenter la peine n’empêche pas
que l’on calcule la prescription à partir de la peine maximum de l’art. 144 al. 3 (cinq ans), et
non, comme le demandait le recourant, à partir de l’art. 144 al. 1 (trois ans).
II. SANCTIONS
Principes généraux de la fixation de la peine
11. TF 6B_626/2009 du 3 novembre 2009 (f)
Une poliomyélite évolutive, empêchant le recourant de marcher normalement, ne lui
occasionne cependant pas de problèmes impossibles à gérer en milieu carcéral, et n’est pas
de nature à accroître sa sensibilité à la peine de manière telle qu'elle justifierait une
atténuation de celle-ci. La vulnérabilité face à la peine n'entre en considération, comme
circonstance atténuante, que lorsqu'elle s'écarte du principe de la sensibilité commune à la
douleur, comme par exemple en présence de lourdes maladies, de psychoses
claustrophobiques ou de surdimutité (TF 6S_120/2003 du 17 juin 2003 consid. 2.2 et les
références citées).
12. TF 6B_459/2009 du 10 décembre 2009 (d) (Forumpoenale 3/2010, 185 avec brève note).
Art. 42 et 43 CP: l’arrêt attaqué ne tient pas compte du comportement de l’accusé,
potentiellement pénalement relevant, après les faits qui lui sont reprochés dans la procédure
en cours.
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“Marathon”
Samedi 13 novembre 2010
13. TF 6B_645/2009 du 14 décembre 2009 (f)
Le recourant soutient que l'arrêt attaqué viole l'art. 43 CP, en tant qu'il fixe à 9 mois la partie
suspendue de la peine de 12 mois infligée à l'intimé et, partant, à 3 mois, donc moins de 6
mois, la partie ferme de cette peine. L'autorité cantonale ne pouvait se fonder sur une peine
hypothétique d'ensemble de 15 mois pour décider de la part à suspendre et de la part à
exécuter de la peine de 12 mois de privation de liberté prononcée, ni, partant, fixer ces parts,
respectivement, à 9 mois et 3 mois.
“L'octroi du sursis à une peine complémentaire n'implique pas que le juge ait révoqué luimême le sursis assortissant la peine de base et ait, à cette occasion, fait usage de la faculté
prévue à l'art. 46 al. 1 2ème phrase CP.” Toutefois, pour une prise en compte globale des
peines pour calculer le sursis, “seules peuvent être prises en compte les peines privatives de
liberté, non pas les peines pécuniaires, déjà prononcées”.
14. TF 6B_845/2009 du 11 janvier 2010, SJ 2010 I 205
Fixation du jour-amende: le TF réaffirme sa jurisprudence d’après laquelle le loyer ne peut
être déduit du revenu dans le calcul du jour-amende.
Le recourant conteste la déduction du loyer mensuel du condamné pour la fixation du montant
du jour-amende. Il n'y a pas lieu de prendre en considération les obligations qui sont la
conséquence directe ou indirecte des faits (dommages-intérêts, tort moral, frais judiciaires,
etc.). Si l'auteur a reconnu le dommage et qu'il s'acquitte déjà avant le jugement de sommes
en mains du lésé, cette circonstance doit être prise en compte dans le cadre du repentir et de
la réparation du dommage pour fixer le nombre des jours-amende (art. 48 let. d CP) ainsi que
dans le pronostic pour l'octroi du sursis à la peine pécuniaire (art. 42 al. 1 à 3 CP). Il est exclu
d'en tenir compte cumulativement lors de la fixation du montant des jours-amende. En
application de la jurisprudence, les juges n'ont pas, de manière générale, à tenir compte des
intérêts hypothécaires et frais de logement de l'auteur. Recours admis.
15. ATF 136 IV 1, extraits publiés de TF 6B_390/2009 du 14 janvier 2010 (f)
Regeste: “Art. 47 al. 1 CP ; fixation de la peine, absence d'antécédents. L'absence
d'antécédents a en principe un effet neutre sur la fixation de la peine et n'a donc pas à être
prise en considération dans un sens atténuant. Exceptionnellement, il peut toutefois en être
tenu compte dans l'appréciation de la personnalité de l'auteur, comme élément atténuant,
pour autant que le comportement conforme à la loi de celui-ci soit extraordinaire. La
réalisation de cette condition ne doit être admise qu'avec retenue, en raison du risque
d'inégalité de traitement (modification de la jurisprudence ; consid. 2.6).”
D’après la jurisprudence précédente, l’absence d’antécédents avait automatiquement un effet
atténuant, alors que la présence d’antécédents avait automatiquement un effet aggravant. Le
TF affirme ici la nécessité de reconnaître des cas ‘neutres’.
16. TF 6B_941/2009 du 28 janvier 2010 (f), SJ 2010 I 329.
Si, après avoir pris en considération tous les éléments pertinents au regard de l'art. 47 CP, le
juge du fond arrive à la conclusion que la durée de la peine privative de liberté à prononcer se
situe à proximité de la durée maximale compatible avec l'octroi du sursis intégral ou partiel, il
doit se demander si une peine compatible avec le sursis intégral ou partiel reste dans son
pouvoir d'appréciation. Dans l'affirmative, il doit prononcer une peine compatible avec l'octroi
du sursis. Dans la négative, il peut prononcer une peine dépassant même légèrement la limite
légale. En condamnant le recourant à trente-six-mois de privation de liberté et en déclarant
cette peine partiellement complémentaire à une précédente, de vingt jours d'emprisonnement,
la cour d'assises a prononcé une peine qui excède, de vingt jours au plus, la durée maximale
compatible avec l'octroi du sursis partiel. Or, elle n'a pas indiqué, contrairement aux exigences
de motivation découlant de l'art. 50 CP, pour quelles raisons il se justifierait de prononcer une
peine supérieure de si peu à la peine maximale compatible avec l'octroi du sursis partiel.
Violation de l’article 50 CP. Recours admis sur ce point.
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