Fiches de lecture Les Contemplations et Les Fleurs du Mal
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Fiches de lecture Les Contemplations et Les Fleurs du Mal
Fiches de lecture Les Contemplations et Les Fleurs du Mal I) Présentation générale Qu’est-ce qu’une poésie ? C’est « l’art d'évoquer et de suggérer les sensations, les impressions, les émotions les plus vives par l'union intense des sons, des rythmes, des harmonies, en particulier par les vers » (Dictionnaire Larousse). Mais on trouve aussi des textes poétiques en prose. Le mot « poésie » provient du grec poiein (« créer, inventer ») : l’étymologie nous montre donc que la poésie est avant tout la création d’un langage différent du langage courant, la création d’un univers, très souvent subjectif, qui laisse la part belle aux sentiments de l’auteur. La poésie trouve son origine dans l’Antiquité : d’abord orale, elle présente les aventures et exploits des dieux et des héros : un exemple fameux est l’œuvre d’Homère, aède (sorte de conteur) grec, l’Iliade et l’Odyssée (VIIème siècle avant JC). La poésie antique peut aussi être lyrique, ou se présenter sous la forme d’odes, satiriques ou élogieuses. L’histoire de la poésie se poursuit au Moyen-Age, la tradition orale de la poésie est perpétuée par les troubadours et les trouvères, mais la poésie écrite se développe. Des formes poétiques naissent et se déploient durant cette période : chanson, ballade, rondeau (formes lyriques). Cette époque est aussi marquée par la poésie courtoise, qui célèbre la femme aimée, et idéalisée. Plus tard, à la Renaissance, la poésie connaît un essor, un renouveau considérable, grâce à un courant du XVIème siècle, la Pléiade : deux poètes célèbres de cette période sont Joachim Du Bellay et Pierre de Ronsard. De manière générale, les membres de la Pléiade redécouvrent les textes de l’Antiquité, s’en inspirent, car ces derniers sont considérés comme des modèles de perfection jamais égalée, pour enrichir la langue française. Le sonnet devient la forme privilégiée de ces poètes. Puis, au XVIIème siècle, la poésie rencontre deux courants : le Baroque (nombreuses figures de style, mouvement, excès et irrégularité) et le Classicisme (retour à l’ordre, exigence, clarté, mesure). Après un siècle d’oubli, le genre poétique refait surface au XIXème siècle, marqué par le Romantisme, les auteurs dévoilent leur vision du monde, à travers leurs sentiments et leurs questionnements, mais aussi par le Symbolisme : derrière chaque chose, les auteurs voient une réalité supérieure et inventent la théorie des correspondances : une lettre = un son = une couleur = un parfum. Par conséquent, grande importance de la poésie lyrique. Enfin, le XXème siècle constitue une renaissance de la poésie : marquée par le Surréalisme, elle devient plus libre, les contraintes s’effacent au profit de l’exploitation de toutes les ressources du langage (jeux sur le sens, sur les mots, sur les sons...). Prose et vers cohabitent, le texte peut prendre la forme d’un dessin (calligramme) : tout est permis. Dans l’ordre alphabétique, les différentes formes poétiques sont la ballade, forme apparue au XIVème siècle, composée de trois strophes, ou couplets de même longueur, comportant un refrain, et qui se termine par une strophe plus courte, l’envoi (La Ballade des dames du temps jadis, de François Villon), le calligramme, poème dont les mots, par leur répartition précise sur la page forment un dessin (Calligrammes de Guillaume Apollinaire), la chanson, poème d’inspiration populaire dont les vers sont répartis en strophes, ou couplets, et qui comporte un refrain (La Chanson de Roland, XIIème siècle), l’épigramme, poème bref terminé par un trait d’esprit mordant, la pointe (« Sur Jean Fréron », de Voltaire, « L'autre jour au fond d'un vallon Un serpent piqua Jean Fréron, Que pensez-vous qu'il arriva ? Ce fut le serpent qui creva »), l’épopée, long poème narratif qui célèbre les exploits d’un héros (épopée d’Ulysse), l’hymne, poème chanté, qui, dans l’Antiquité célébrait un dieu, dans la poésie française, souvent écrit en alexandrins, il se prête au traitement de sujets religieux, historiques et philosophiques, le lai, s’il est narratif, se présente comme un conte merveilleux en vers suivis, destiné à être chanté, s’il est lyrique, il chante souvent l’amour (Le Lai du Chèvrefeuille, de Marie de France, lai narratif), l’ode, poème lyrique, composé de plusieurs groupes de trois strophes ayant la même longueur (Les Odes, de Ronsard), le rondeau, comprenant quinze vers répartis sur trois strophes et un refrain, le sonnet, poème composé de deux quatrains et de deux tercets (Sonnets pour Hélène, de Ronsard). II) Les Contemplations de Victor Hugo Présentation du livre Victor Hugo est un poète, dramaturge et écrivain romantique français, mais aussi une personnalité politique. Il naît à Besançon en 1802 et décède à Paris en 1885. Il naît dans une famille noble, son père est un général d’Empire devenu comte, sa mère est issue de la bourgeoisie nantaise. Benjamin d’une famille de trois enfants, il passe son enfance à Paris, mais aussi à Naples et à Madrid, du fait des affectations militaires de son père. En 1811, il est ainsi pensionnaire dans une institution religieuse madrilène. Vers 1813, il s’installe à Paris avec sa mère, séparée de son mari, mais entretenant une liaison avec un second général d’Empire, qui devient son parrain et son précepteur. En 1815, il est de nouveau en pension, compose ses premières poésies durant cette période, autodidacte, et encouragé par sa mère. Sa vocation de poète est donc précoce. En 1817, il participe à un concours de poésie organisé par l’Académie Française, auquel il échoue : le jury voyant son très jeune âge, croit à un canular, il reçoit une simple mention. Mais encouragé par ses succès à divers concours, Victor Hugo délaisse les mathématiques pour se tourner vers une carrière littéraire. Il fonde avec ses deux frères une revue en 1819, qui attire déjà l’attention sur son talent. Il publie son premier recueil de poèmes, Odes, en 1821, alors qu’il a 19 ans. Ce recueil connaît un franc succès. Le Roi Louis XVIII en possède un exemplaire, et accorde à Hugo une pension annuelle de mille francs, ce dernier envisage alors d’épouser son amie d’enfance Adèle Foucher, ce qu’il fait en 1822. Sa mère est morte un an auparavant, celle-ci l’affecte profondément. Adèle lui donne cinq enfants, dont Léopoldine. De 1830 à 1843, Victor Hugo se consacre presque exclusivement au théâtre, tout en continuant à publier des recueils poétiques. Il rencontre, en 1833, l’actrice Juliette Drouet, qui sera une de ses nombreuses maîtresses. Il accède à l’Académie Française en 1841, après trois tentatives avortées. L’année 1843 est le théâtre d’un grand drame de sa vie : sa fille Léopoldine meurt noyée lors d’une promenade en barque. A partir de cette date, et jusqu’à son exil, il ne produit plus rien, ni poème ni roman ni pièce de théâtre. Élevé par sa mère nantaise (Sophie Trébuchet) dans l'esprit du royalisme, il se laisse peu à peu convaincre de l'intérêt de la démocratie. Il devient confident de Louis-Philippe en 1844, puis pair de France en 1845. Au début de la Révolution de 1848, il est nommé maire du 8ème arrondissement de Paris, puis député de la deuxième République et siège parmi les conservateurs. Lors des émeutes ouvrières de juin 1848, Victor Hugo, lui-même, va participer au massacre, en commandant des troupes face aux barricades, dans l'arrondissement parisien dont il se trouve être le maire. Il en désapprouvera plus tard la répression sanglante. Il soutient la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte, élu président de la République en décembre 1848. Après la dissolution de l'Assemblée nationale, il est élu en 1849 à l'Assemblée législative. Il rompt avec Louis-Napoléon Bonaparte, lorsque celui-ci soutient le retour du pape à Rome, et se bat progressivement contre ses anciens amis politiques, dont il réprouve la politique réactionnaire. En 1851, Louis-Napoléon Bonaparte fait un coup d’Etat, il devient Empereur sous le nom de Napoléon III. Victor Hugo tente d’abord de fuir, décide de se constituer prisonnier, en vain. Il s’exile alors volontairement, d’abord à Bruxelles, puis à Jersey (une des îles anglo-normandes avec Guernesey), rédige des pamphlets critiquant Napoléon III. En 1855, il quitte Jersey, en ayant été chassé pour avoir critiqué la reine Victoria, pour Guernesey, et s’installe à Hauteville House. En 1870, après la défaite de Napoléon III à Sedan, il revient en France, les Parisiens lui réservent un accueil triomphal. En 1871, il est élu à l’Assemblée Nationale, qu’il quitte un mois après. En 1872, retour à Guernesey. Puis, de nouveau à Paris en 1873, il se consacre à l’éducation de ses petits-enfants, Jeanne et Georges. Il est élu sénateur en 1876. Victime d’un malaise en 1878, il part se reposer à Guernesey, abandonnant son activité d’écriture. Il décède en 1885, dans son hôtel particulier, à 83 ans. Avant son transfert au Panthéon, son corps est exposé une nuit sous l’Arc de Triomphe. On considère qu’environ deux millions de personnes et 2000 délégations se sont déplacées pour lui rendre un dernier hommage, le cortège vers le Panthéon s'étire sur plusieurs kilomètres. Les œuvres de Victor Hugo sont très nombreuses, en voici une sélection : Pièces de théâtre : Cromwell (1827), Hernani (1830, pièce fondatrice du drame romantique, à l’origine de la « bataille d’Hernani », querelle entre les Anciens, qui défendaient un théâtre classique, strict et ordonné, et les Modernes, Romantiques), Ruy Blas (1838)…. Romans : Notre-Dame de Paris (1831), Les Misérables (1862), Quatrevingt-treize (1874)… Poésie : Les Châtiments (1853), Les Contemplations (1856), La Légende des Siècles (1859-1883), L’Art d’être grand-père (1877)…. Mais aussi de nombreux dessins … Les Contemplations est un recueil poétique publié en 1856, appartenant au courant du Romantisme, le premier du XIXème siècle. Le recueil constitue une autobiographie versifiée du poète, laissant une place très importante au souvenir, et servant aussi d’hommage à la fille disparue d’Hugo, Léopoldine. Le poète, dans cette œuvre, contemple ainsi son passé, plonge dans ses souvenirs. Le Larousse nous dit ainsi qu’une contemplation est un «état de l'esprit qui s'applique profondément à un objet intellectuel, état de l'âme qui se donne tout entière à la méditation ». Dans la préface, Victor Hugo écrit « Qu’est-ce que Les Contemplations ? C’est ce que l’on pourrait appeler, si le mot n’avait quelque prétention, les Mémoires d’une âme ». Le recueil est donc en quelque sorte le miroir du poète, dans lequel celui-ci se contemple, lui et son passé. Organisation du recueil Le recueil est découpé en six livres, sortes de chapitres, rassemblant 156 poèmes. Le recueil est aussi découpé en deux grandes parties : Autrefois (1830-1843), avant la mort de sa fille, et Aujourd’hui (1843-1855), après la mort de Léopoldine. La première partie comporte trois livres : Aurore, livre de la jeunesse, qui évoque les souvenirs de collège du poète, ses premiers amours, ses premières luttes littéraires, le début de la journée symbolise les débuts du poète, L’âme en fleur, livre des amours, constitué de poèmes évoquant les premiers temps de son union avec Juliette Drouet (amour = printemps), Les luttes et les rêves, livre de la pitié, où Victor Hugo relate la misère sociale et morale, dont il est témoin, dénonçant les scandales, guerre, tyrannie, peine de mort… La seconde partie présente trois livres également : Pauca meae « Quelques mots pour ma fille », livre du deuil, où il tente d’établir une forme de communication avec sa fille malgré la mort, En marche, livre de l’énergie retrouvée, le poète en exil s’arrache à la tristesse et va chercher de nouvelles raisons de vivre dans la méditation, et Au bord de l’infini, livre des certitudes et de la méditation, avec un poète hésitant entre angoisse et espérance, cette dernière semble dominer. L’étude précise de quelques textes Livre premier « Vieille chanson du jeune temps » Le poème est composé de 9 strophes, toutes des quatrains. Les vers sont tous des heptasyllabes (7 syllabes) et toutes les rimes sont croisées (ABAB : « Je ne songeais pas à Rose ; /Rose au bois vint avec moi ; /Nous parlions de quelque chose, /Mais je ne sais plus de quoi. », vers 1-4). On note un contre-rejet aux vers 11-12 « j’écoutais les merles, /Et Rose les rossignols ». Dans ce poème, Victor Hugo évoque le lointain souvenir d’une promenade dans les bois en compagnie de Rose, une jeune fille de vingt ans « Elle vingt, ses yeux brillaient » (v14), et la tristesse d’une rencontre amoureuse qui n’aura finalement pas eu lieu. L’invitation à l’amour que lui adresse manifestement Rose lui échappe, et il s’en désole dans ce texte : il regrette son imperméabilité aux tentatives de séduction de la jeune fille, les efforts de cette dernière sont vains, ils ne sont pas remarqués par Hugo, âgé de seulement seize ans « Moi, seize ans, et l’air morose » (v13), « Rose, droite sur ses hanches […] Et soupirer quelque fois » (v17-32). Cet évènement reste gravé dans la mémoire du poète « Depuis, j’y pense toujours » (v36). « Elle était déchaussée, elle était décoiffée… » Le poème est composé de 4 strophes, toutes des quatrains. Les vers sont tous des alexandrins, les rimes sont croisées. Victor Hugo décrit dans ce poème sa rencontre avec une fille, d’une grande beauté, puisque comparée à une fée (v2). La scène se déroule au printemps, les personnages sont en accord avec la nature (arbres, joncs, roseaux…). Les deux premières strophes décrivent l’invitation à l’amour adressée à la jeune fille « Veux-tu, c’est le mois où l’on aime, /Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ? » (v7-8), les deux dernières forment la « réponse » de celle-ci, qui se laisse séduire et s’approche du jeune homme en attente « Je vis venir à moi [...] et riant au travers » (v14-16). Ce poème fait écho au texte « Vieille chanson du jeune temps », du fait de la rencontre entre Victor Hugo et une jeune fille : cette fois-ci la rencontre est un succès. « La fête chez Thérèse » Le poème est composé de dix strophes de longueur différente, les deux premières sont des huitains, puis viennent une grande strophe de 30 vers, un douzain, un distique, un quatrain, un dizain, de nouveau un distique, et enfin un douzain. Les vers sont tous des alexandrins, les rimes sont toutes suivies. Dans ce poème, Hugo décrit un spectacle en plein air et en plein jour, une fête à la campagne auquel il assiste, ayant été invité par une femme nommée Thérèse, visiblement noble (v4), pour qui Hugo semble vouer une grande admiration. Les personnages évoluant sur la scène sont tirés de la commedia dell’arte (Pierrot, Pantalon, Arlequin…).Victor Hugo admire, et la pièce, et Thérèse « Pour la pièce, elle était fort bonne […] un paon faisait la roue » (v61-73). Le décor est enchanteur, comme dans un rêve, le spectacle est harmonieux, plein de magie et de fantaisie. Mais, dès la tombée de la nuit, tout redevient calme, la lune fait son entrée, créant une magie nouvelle (v87). Livre troisième « Melancholia » Le poème est composé de 14 strophes, de longueur différente : on trouve un douzain, une strophe de 36 vers, un onzain, une longue strophe de 52 vers, une strophe de 25 vers, un neuvain, une strophe de 34 syllabes, une de 26 vers, une de 48 vers, une de 26, une de 56, et enfin une strophe composée d’un unique vers. Les vers sont tous des alexandrins, les rimes sont toutes suivies. Figurant dans le livre troisième intitulé « Les luttes et les rêves », ce poème est clairement engagé, très sombre et très critique : Victor Hugo y exprime en effet son animadversion pour une abomination, le travail des enfants dans les usines « Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ? […] une machine sombre » (v112-118), une réalité hélas encore très présente au moment au Hugo écrit, la cruauté de l’homme envers l’animal « le cheval triste a le poitrail en sang » (v149) mais aussi la misère, la pauvreté du peuple « Ecoutez. Une femme au profil décharné […] un lit de paille » (v1-7), si bien que ce texte fait écho au roman Les Misérables, du même auteur. Ce poème est donc un violent réquisitoire, il expose les conditions de vie inhumaines des enfants, et leurs conséquences, Victor Hugo appelle à la fin de cette cruauté, désire une nouvelle définition du travail, qu’il cherche à humaniser, à rendre plus juste et plus libre « Aussi quelle pâleur ! […] qui rend l’homme heureux ! » (v123-145). On pourrait dire que le texte est humaniste : Hugo désire une amélioration de la société. Livre quatrième « Trois ans après » Le poème est composé de 32 strophes, toutes des quatrains. Les rimes sont toutes croisées, et les vers sont tous des octosyllabes. La fille de Victor Hugo est morte, le texte est donc un poème de deuil, qui constitue une réponse du poète à son lectorat, qui le demande depuis son arrêt causé par la mort de sa fille, à ceux qui l’invitent à continuer son œuvre, qui tentent de le consoler « Pourquoi m’appelez-vous encore ? » (v9). Dans ce poème de révolte, il fait part de sa souffrance, regrette la cruauté du destin, considérant la mort de sa fille comme une injustice divine, et exprime son envie de repos après une si dure épreuve « Il est temps que je me repose ; / Je suis terrassé par le sort » (v12). Le poème rend aussi hommage à deux femmes qui ont compté pour Hugo, sa fille bien sûr, mais aussi sa mère « A vingt ans, deuil et solitude ! […] Un autre ange qui s’est enfui ! » (v14-21), « Hélas ! cet ange au front si beau […] que j’ai si froid ? » » (v107-113). Le poète est donc désespéré, anéanti, pour lui la vie n’a plus aucun sens : « un seul être vous manque, et tout est dépeuplé ». « O souvenirs ! printemps ! aurore !... » Le poème est composé de 13 strophes, toutes des quatrains. Les rimes sont toutes croisées, les vers sont tous des octosyllabes. Victor Hugo rappelle dans ce poème les moments heureux passés avec sa fille, les jeux avec ses enfants « Nous jouions toute la journée / O jeux charmants ! chers entretiens ! » (v29-30). Il exprime sa nostalgie de ce passé révolu, de ces moments de bonheur, lorsque sa fille était encore en vie. Ces souvenirs de joie sont comme une négation de la mort, l’environnement décrit semble être un paradis perdu « Connaissez-vous, sur la colline […] et le ciel bleu ? » (v5-8), où régnaient l’harmonie et la gaîté (v13, v14, v35-42). Et Victor Hugo rappelle une fois de plus l’admiration portée à sa fille « Je l’admirais. C’était ma fée, / Et le doux astre de mes yeux ! » (v27-28). « Demain, dès l’aube… » Ce poème est sans doute le plus célèbre des Contemplations, et un des plus connus de Victor Hugo. Il est composé de trois strophes, des quatrains. Les rimes sont croisées, les vers sont des alexandrins. Le poème surprend : les premiers vers laissent penser que Hugo se rend chez une femme qu’il aime, une amante. En réalité, ce voyage est bien plus tragique qu’on ne peut l’imaginer. Le texte est particulièrement émouvant : il décrit le parcours du poète, inconsolable, pour se rendre sur la tombe de sa fille « Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe / Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur » (v11-12). Le fait de venir fleurir cette tombe est ainsi un moyen pour la poète de raviver la mémoire de sa fille, une manière de ne pas l’oublier. Ce voyage constitue un pèlerinage en mémoire de Léopoldine, qui sera silencieux, et qui, bien que réalisé pendant la journée, aura l’aspect d’une nuit triste et sombre « Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit » (v8). Ce voyage vers le souvenir et la mort, prend ainsi, grâce à la poésie, la forme d’un poème d’amour et d’une célébration de l’être chéri. Livre cinquième « Pasteurs et troupeaux » Le poème est composé d’une seule strophe de 46 vers. Les vers sont des alexandrins, les rimes sont suivies. Le poète décrit ses impressions de promenade, un environnement bucolique, à la campagne, et au bord de la mer « Le vallon où je vais tous les jours est charmant […] l’océan grondant à l’horizon » (v1-18), ainsi que sa rencontre avec une jeune paysanne gardeuse de chèvres « Un doux être ; quinze ans, yeux bleus, pieds nus, gardeuse / De chèvres » (v20-21). Il règne pourtant une impression de solitude « abandonné » (v2), on note une description plutôt fantastique, irréelle, onirique de l’environnement « Le crépuscule étend sur les longs sillons gris […] La laine des moutons sinistres de la mer » (v33-46). « J’ai cueilli cette fleur pour toi sur la colline… » Le poème est composé d’une seule strophe de 28 vers. Les vers sont des alexandrins, les rimes sont suivies. Le poème est destiné à l’amante de Victor Hugo, Juliette Drouet. Ainsi, il s’agit d’un poème d’amour « J’ai cueilli cette fleur pour toi, ma bien-aimée » (v13). L’environnement est hostile, sombre, et pourtant, malgré la violence des éléments, cette petite fleur solitaire parvient à survivre « Paisible, elle croissait aux fentes du rocher […] où s’était englouti le soleil » (v4-8). Le poète ferme le poème sur une note de tristesse, la nuit tombe, et il est loin de sa maîtresse « Le vent mêlait les flots ; il ne restait du jour […] les frissons du soir » (v24-28). Livre sixième « Ce que dit la bouche d’ombre » Le poème est très long, il occupe près de 80 strophes. On trouve des rimes croisées et des rimes embrassées. Les vers sont des alexandrins et des hexasyllabes, le dernier vers est un octosyllabe. Le texte est plutôt énigmatique, presque surréaliste : le poète rencontre, au bord de la mer, un spectre, qui se met à lui parler « Le spectre m’attendait […] et me dit » (v4-6). Il s’agit donc d’une rencontre très étrange. Le poème constitue la tirade impressionnante du spectre adressée au poète, de tonalité divine, spirituelle. La mystérieuse Bouche d’Ombre qui s’exprime par le spectre délivre à l’humanité un message d’espoir et de vie que le poète traduit par une conception panthéiste du monde, où tout est animé et en relation, où la mort n’est qu’une illusion et où tout est langage et dialogue entre les créatures et Dieu « Tout parle […] arbres, roseaux, rochers, tout vit ! », « Espérez ! espérez ! espérez, misérables ! / Pas de deuil infini, pas de maux incurables, / Pas d’enfer éternel ! », « Tout sera dit […] Criera : Commencement ! ». Dans tout cela, le poète apparaît comme un guide, un intermédiaire entre Dieu, la nature, et les hommes. Appréciations personnelles J’ai apprécié dans ce recueil la beauté des poèmes, mais aussi le fait que le recueil soit une autobiographie versifiée de Victor Hugo : cela permet une complicité entre auteur et lecteur, de mieux faire ressortir l’émotion présente dans les poèmes. En revanche, certains poèmes sont très longs (« Melancholia »), et cela ne facilite pas leur lecture et leur étude. Néanmoins, je le redis, j’ai apprécié le fait de pouvoir suivre le parcours de Victor Hugo, son cheminement pour parvenir à surmonter la disparition de sa fille et tenter de reprendre goût à la vie. Ainsi, j’ai particulièrement apprécié le poème « Demain dès l’aube » : un texte d’une grande simplicité, sobre, élégant, harmonieux, court, mais un très grand hommage d’Hugo à Léopoldine, un texte aussi très émouvant, très touchant, qui laisse transparaître toute l’émotion, le chagrin du poète. Bref, certainement un des plus beaux poèmes qui soit, un des plus célèbres de toute la littérature française, mais aussi un des plus faciles à apprendre et mémoriser. III) Les Fleurs du Mal de Baudelaire Présentation du livre Charles Baudelaire est un poète symboliste, essayiste, critique d’art et traducteur français. Il naît à Paris en 1821, meurt dans la même ville en 1867. Sa mère a seulement 27 ans, son père est sexagénaire, admirateur des philosophes des Lumières, amateur de peinture, et peintre. Quand celui-ci meurt en 1827, Charles n’a que six ans. Un an plus tard, sa mère se remarie avec un chef de bataillon, Baudelaire n’accepte pas ce mariage, il ne le pardonnera jamais à sa mère. En 1831, le lieutenant-colonel Aupick, beau-père de Charles, ayant reçu une affectation à Lyon, Baudelaire est inscrit à la pension Delorme puis suit les cours de sixième au Collège royal de Lyon, en cinquième il devient interne. En janvier 1836, la famille revient à Paris. Baudelaire, alors âgé de quatorze ans, est inscrit au Collège Louis-le-Grand comme pensionnaire, mais il doit redoubler sa troisième. En seconde, il obtient le deuxième prix de vers latins au concours général. Renvoyé du lycée Louis-leGrand en avril 1839 pour une vétille (délit mineur et insignifiant), Baudelaire mène une vie en opposition aux valeurs bourgeoises incarnées par sa mère et son beau-père. Il est reçu in extremis au Baccalauréat qu'il passe au lycée Saint-Louis en fin d'année. Son beau-père, jugeant la vie de son beau-fils « scandaleuse », décide de l'envoyer en voyage vers les Indes, périple qui prend fin aux Mascareignes (Maurice et La Réunion) en 1841. De retour à Paris, il s'éprend de Jeanne Duval, jeune mulâtresse, il rencontrera deux autres femmes, Marie Daubrun et Apollonie Sabatier (demi-mondaine). Dandy endetté, il est placé sous tutelle judiciaire, et connaît, dès 1842, une vie dissolue. Grâce à son ami Louis Ménard, Baudelaire découvre en 1843 les « paradis artificiels » dans le grenier de l'appartement familial des Ménard : il y goûte la « confiture verte » (haschich). Même s'il contracte la colique à cette occasion, cette expérience semble décupler sa créativité (il fait son autoportrait en pied, très démesuré), aussi va-t-il renouveler cette expérience occasionnellement sous contrôle médical en participant aux réunions du "club des Haschischins". En revanche, sa pratique de l'opium est plus longue : il fait d'abord un usage thérapeutique du laudanum dès 1847, prescrit pour combattre ses maux de tête et comme analgésique (suite aux douleurs intestinales consécutives à une syphilis, probablement contractée durant sa relation avec la prostituée Sarah la Louchette vers 1840). Du fait de l’accoutumance, les doses de drogue absorbées augmentent. En 1848, il participe aux barricades. La Révolution de Février instituant la liberté de la presse, Baudelaire fonde l'éphémère gazette Le Salut Public (républicaine), qui ne va pas au-delà du deuxième numéro. Le 15 juillet 1848, paraît dans La Liberté de penser un texte d'Edgar Allan Poe traduit par Baudelaire : Révélation magnétique. À partir de cette période, Baudelaire n'aura de cesse de clamer son admiration pour l'écrivain américain et deviendra son traducteur attitré. Plus tard, il partage la haine de Gustave Flaubert et de Victor Hugo pour Napoléon III, mais sans s'engager avec excès dans son œuvre. Moins de deux mois après leur parution en 1857, Les Fleurs du Mal sont poursuivies pour « offense à la morale religieuse » et « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs ». Seul ce dernier chef d'inculpation condamne Baudelaire à une forte amende de trois cents francs, réduite à cinquante, suite à une intervention de l'impératrice Eugénie. L’avocat qui condamne Baudelaire est Ernest Pinard, le même avocat qui condamnera Flaubert et son roman Madame Bovary pour les mêmes motifs… En 1862, Charles Baudelaire est candidat à l’Académie Française, en vain. En 1864, le poète, criblé de dettes, part pour la Belgique pour entreprendre une tournée de conférences où ses talents de critique d'art éclairé ne déplacent guère les foules. Il se fixe à Bruxelles. Lors d'une visite à l'église Saint-Loup de Namur, Baudelaire perd connaissance. Cet effondrement est suivi de troubles cérébraux, en particulier d'aphasie. À partir de mars 1866, il souffre d'hémiplégie. Il meurt à Paris le 31 août 1867, rongé par la drogue, l’alcool, et la syphilis, sans avoir pu réaliser le projet d'une édition définitive - comme il le souhaitait - des Fleurs du Mal, travail de toute une vie. Il est inhumé au cimetière du Montparnasse (sixième division), dans la même tombe que son beaupère (ironie : vivant, Baudelaire détestait cet homme) et sa mère. On doit principalement à Baudelaire des recueils poétiques : Les Fleurs du Mal (1857), Le Spleen de Paris (posthume 1846-1859), Petits poèmes en prose (1869 posthume), des essais : Les Paradis artificiels (1860), des traductions : Histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe… L’œuvre est un recueil poétique publié en 1857, appartenant au courant du Symbolisme, le dernier du XIXème siècle, après le Naturalisme. Observons le titre : les fleurs sont généralement associées à la beauté, le titre laisse donc supposer qu’il existe une beauté du mal, du péché. Baudelaire cherche donc à extraire la beauté du mal (oxymore). Le titre souligne la volonté du poète de dissocier poésie et morale, ainsi que son mal-être (le spleen) et sa recherche d’un idéal. Organisation du recueil Le recueil est composé de 6 parties : « Spleen et Idéal », où Baudelaire exprime son mal-être et sa recherche d’un idéal, fait un constat du monde réel tel qu’il le perçoit, « Tableaux parisiens », le poète tente de se noyer dans la foule anonyme de Paris pour y chercher une forme de beauté, « Le Vin», Charles Baudelaire s’aventure dans les paradis artificiels que sont les drogues et l’ivresse, « Les Fleurs du mal », le poète associe vice et volupté, se tourne vers le sexe et les plaisirs physiques, « Révolte », le poète est déçu, se révolte contre l’absurdité de l’existence, contre l’échec, et « La Mort », la révolte a été vaine, la mort semble être la solution idéale. L’étude précise de quelques textes « Spleen et Idéal » « Correspondances » Le poème est composé de quatre strophes, il s’agit d’un sonnet (deux quatrains, deux tercets). Les vers sont des alexandrins, les rimes sont embrassées. Dans ce texte, Baudelaire décrit la théorie des correspondances, invention des poètes symbolistes (une lettre = un son = une couleur = un parfum). Le poème devient une illustration de celle-ci et du Symbolisme lui-même : derrière chaque chose, les poètes de ce courant décelaient des réalités supérieures. Il compare pour cela la Nature à un temple, où les arbres deviennent piliers, une Nature emplie de symboles confus et énigmatiques « La Nature est un temple où de vivants piliers […] Les parfums, les couleurs et les sons se répondent » (v1-8). Dans les deux tercets, il met en pratique cette théorie, donnant divers exemples « Il est des parfums frais comme des chairs d’enfant […] les transports de l’esprit et des sens » (v9-14). La Nature est donc supérieure à l’Homme : mais l’écrivain est un être particulier : seul le poète est apte à déchiffrer ces symboles, il est un intermédiaire entre Homme et Nature, un guide. « L’ennemi » Le poème est un sonnet, les vers sont des alexandrins, et les rimes sont croisées. Dans ce texte, Baudelaire présente le Temps comme un ennemi qu’il faut craindre : vie et inspiration (cette dernière est symbolisée par les « fruits vermeils », v4) sont ravagées par le temps qui passe, vu comme un monstre abominable, un fléau « Le Temps mange la vie […] se fortifie » (v12-14. Dans ce sonnet, Baudelaire exprime donc son angoisse de la page blanche, sa souffrance, sa douleur, le fameux spleen, face à la vieillesse et l’inspiration en déclin « Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage » (v1), « Voilà que j’ai touché l’automne des idées » (v5), « comme des tombeaux » (v8). « La vie antérieure » Le poème est un sonnet, les vers sont des alexandrins, et les rimes sont embrassées. Dans ce texte, le poète décrit un monde idéal, exotique, lointain et utopique, qui serait pour lui une sorte de paradis. Le poème laisse une place importante aux sensations, la description des environnements laisse une impression de splendeur et d’espace « vastes portiques » (v1), « grands piliers, droits et majestueux » (v3), « splendeurs » (v10). Ce texte devient une illustration de la théorie des correspondances (on parle de synesthésie) : harmonie entre sons « riche musique » (v7), parfums « tout imprégnés d’odeurs » (v11), et couleurs, images « teignaient de mille feux » (v2), « couleurs du couchant » (v8), « azur » (v10). Le texte est aussi une illustration de la métempsycose (l'âme, s'incarnant dans des corps successifs, aurait vécu plusieurs vies, dont elle garderait d'obscurs souvenirs). Pourtant, de cette vision dépaysante, se dégage un sentiment de nostalgie, de douleur et d’amertume : ce monde idéal est impossible à atteindre, l’harmonie est brisée par le spleen, le mot « languir » (v14) devient ici synonyme de « dépérir ». Ainsi, la vie humaine est fragile, toujours revient la douleur : c’est bien pour cela que le poème est intégré dans la partie « Spleen et Idéal ». « La Beauté » Le poème est un sonnet. Les vers sont des alexandrins, et les rimes sont embrassées et croisées. Dans ce texte, Charles Baudelaire fait une présentation de la beauté, que chaque poète recherche, cette dernière prend la forme d’une figure féminine « Je suis belle, o mortels ! » (v1). Dans ce sonnet, la Beauté, fière, orgueilleuse, exprime sa supériorité sur le poète humain « Les poètes, devant mes grandes attitudes […] pour fasciner ces dociles amants » (v9-12). Pour Baudelaire, la Beauté serait donc à la fois matérielle et immatérielle, éternelle « clartés éternelles » (v14), ayant à la fois l'apparence d'une femme dure, froide « un cœur de neige » (v6), fière et majestueuse, monstrueuse par son immobilité, son insensibilité, son mépris « comme un rêve de pierre » (v1), « Je hais le mouvement qui déplace les lignes, / Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris » (v7-8), et les caractères d’une valeur suprême, d’un concept abstrait, intemporel et inaccessible, représentant une énigme sans fin pour les poètes « un sphinx incompris » (v5, allusion à la créature mythologique, célèbre pour ses énigmes). « Parfum exotique » Une fois de plus, le poème est un sonnet. Les vers sont des alexandrins et les rimes sont croisées et embrassées. Dans ce texte (qui illustre encore une fois la théorie des correspondances), Baudelaire décrit un univers exotique, paradisiaque, qui rappelle son voyage aux Mascareignes (Réunion, Ile Maurice, Rodrigues). Ce poème est aussi inspiré par Jeanne Duval, première femme rencontrée par le poète. « Parfum exotique » est un poème rare chez Baudelaire, car les autres poèmes consacrés à Jeanne Duval ou à d’autres femmes aboutissent toujours à une chute dans le Spleen, alors qu’ici on assiste à une accession à l’idéal. La femme donne naissance à la rêverie exotique, c’est l’odeur de la femme qui permet le voyage et l’évasion, le poète célèbre l’harmonie entre l’homme et la nature, possible grâce à la présence rassurante de la femme « Je respire l’odeur de ton sein chaleureux » (v2), « Guidé par ton odeur vers de charmants climats » (v9). Le texte accorde une place importante aux sensations, il règne harmonie et concorde (synesthésie et théorie des correspondances) : « soir chaud d’automne » (v1), « l’odeur de ton sein » (v2), « les feux d’un soleil monotone » (v4), « ton odeur » (v9), « le parfum des verts tamariniers » (v12), « chant des mariniers » (v14). « Harmonie du soir » Le poème est composé de quatre quatrains, il s’agit d’un pantoum : le deuxième et le quatrième vers de chaque strophe se répètent au premier et au troisième vers de la strophe suivante. Les vers sont des alexandrins, les rimes sont embrassées. Le texte est l’illustration encore une fois de la célèbre théorie des correspondances (grande importance des sensations, auditives, olfactives, visuelles) : « les sons et les parfums » (v3), « Valse mélancolique » (v4), « Le violon frémit » (v6), « le ciel est triste et beau » (v8)… Le rythme lancinant du poème (répétition des mêmes rimes et des mêmes vers) traduit la souffrance du poète, sa mélancolie. La tristesse du soir est aussi celle du poète, on note l’angoisse de ce dernier (« un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir », v10), la peur de ne plus aimer et de ne plus être aimé. Mais cette souffrance est dépassée grâce à la poésie et l’image de la femme aimée, qui devient le soleil intérieur de Baudelaire, un moyen d’apaisement (volupté et tranquillité) «Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir [objet religieux en or, NDLR] » (v16). « L’invitation au voyage » Il s’agit certainement d’un des poèmes les plus célèbres du recueil. Le poème est composé de six strophes, de longueur différente : il y a alternance entre douzains et distiques. Il y a une grande variété de vers : pentasyllabes, heptasyllabes, octosyllabes, vers de 4 syllabes, les rimes sont embrassées. Dans ce poème, l’auteur invite la femme qu’il aime à partir avec lui, pour un voyage imaginaire, vers un pays idéal, comme un rêve « Songe à la douceur / D’aller là-bas vivre ensemble ! » (v2-3). Ce voyage est possible grâce à la présence de la femme « Au pays qui te ressemble ! […] à travers leurs larmes » (v6-12). Il ressort de ce poème une impression de paix, de plénitude, de splendeur et de lumière : « douceur » (v2), « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, / Luxe, calme et volupté » (v13-14), « des meubles luisants » (v15), « Les riches plafonds, / Les miroirs profonds, / La splendeur orientale » (v21-22), « hyacinthe et or » (v38), « chaude lumière » (v40). Le poète a atteint, grâce à la femme, au rêve, et à la poésie, l’Idéal. Ce poème est d’ailleurs l’un des rares où le poète ne sombre dans le désespoir et le spleen le plus total. « Spleen » Le poème est composé de cinq quatrains. Les vers sont des alexandrins et les rimes sont croisées. Dans ce texte très sombre, le poète exprime son angoisse, présentant un monde triste, clos, macabre, où l’espoir et l’Idéal ont disparu « l’Espoir, / Vaincu » (v20) : il s’agit d’une illustration du spleen, de la déchéance humaine. Charles Baudelaire expose son ennui, son abattement, son mal de vivre. Le poème est donc marqué par la noirceur, la mort, qui sera discrète, intérieure (« sans tambours ni musique », v17), des visions cauchemardesques, le poète ne peut pas fuir : « Quand la pluie étalant ses immenses traînées […] Qui se mettent à geindre opiniâtrement » (v9-16). Le poème nous montre ainsi un auteur ravagé, affaibli par un destin tragique, malheureux, pathétique. « L’albatros » Ce poème est lui aussi un des plus connus de Baudelaire. Il est composé de quatre quatrains, en alexandrins, et aux rimes croisées. Dans ce poème, le poète décrit les mésaventures d’un albatros, alors que ce dernier a été capturé par des marins, sur un bateau. L’oiseau, élégant dans les cieux, apparaît une fois posé comme lourd et maladroit « Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid ! » (v10). De ce fait, les marins se moquent de l’animal « L’un agace son bec avec un brûle-gueule, / L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait ! » (v11-12). Mais ce poème est avant tout une illustration de la solitude, du mal de vivre du poète, incapable de s’adapter aux réalités ordinaires, victime d’exclusion, raillé par la société, perdu, bousculé « Le Poète est semblable au prince des nuées […] Ses ailes de géant l’empêchent de marcher » (v13-16). « Tableaux parisiens » « A une passante » Le poème est un quatrain, dont les vers sont des alexandrins et dont les rimes sont embrassées et croisées. Dans ce texte, Baudelaire exprime les sentiments ressentis à la vue d’une passante, anonyme, alors que le poète est assis à une terrasse « La rue assourdissante autour de moi hurlait […] plaisir qui tue » (v1-8). Le poète présente sa fascination pour la femme, se désole de l’aspect très éphémère de ce moment « Un éclair… puis la nuit ! - Fugitive beauté » (v9). Pour le poète, c’est un coup de foudre. Hélas pour lui, la femme est maintenant loin, il ne pourra plus la retrouver, sauf en rêve, dans son imagination « Ne te verrais-je plus que dans l’éternité ? […] tu ne sais où je vais » (v1113). Cette femme représentait l’idéal de beauté du poète, ce dernier tente désespérément de la retrouver en vain : l’amour fou laisse place à la mélancolie, le regret, la tristesse (Spleen). Appréciations personnelles Ce qui m’a plu dans ce recueil est que les poèmes étudiés sont assez courts, et se lisent plutôt facilement. J’ai particulièrement aimé le poème « L’invitation au voyage ». Un très beau texte, qui, tout comme « Demain dès l’aube » de Victor Hugo, est très élégant et harmonieux, une poésie qui laisse une grande part à la rêverie, à l’imagination, qui me permet, à moi lecteur, de me figurer dans mon esprit l’univers décrit par Baudelaire, un texte très célèbre, qui invite à l’évasion, et célèbre la beauté, l’unité, l’eurythmie, avec ce distique certainement plus connu que le poème en lui-même « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, / Luxe, calme et volupté »….