PouRquoI LES MEMBRES DE LA foRCE AéRIENNE CANADIENNE
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PouRquoI LES MEMBRES DE LA foRCE AéRIENNE CANADIENNE
LE COMMENDEMENT M D N , g d 2 011- 017 8 - 0 3 , p h o t o d u Ca p o r a l J e n n i fe r Ku s c h e Arrivée dans un blizzard d’un CP140 Aurora des Forces canadiennes à la Station des Forces canadiennes Alert, le 23 mars 2011 Pourquoi les membres de la Force aérienne canadienne n’occupent pas les postes de commandement par Michael J. Hood Introduction O n pourrait raisonnablement penser que, dans des forces armées unifiées comme les Forces canadiennes (FC), le concept de la concertation interarmées devrait imprégner naturellement l’ensemble de l’organisation. En fait, compte tenu du temps qui s’est écoulé depuis l’unification, en 1968, de l’Armée canadienne, de la Marine royale du Canada et de l’Aviation royale du Canada, on pourrait s’attendre à ce qu’une représentation relativement équilibrée des trois armées aux postes supérieurs soit devenue depuis longtemps une norme établie au Canada. Malheureusement, l’examen des postes supérieurs actuels dans les FC révèle le contraire. Le dernier cycle de nominations au sein des FC permet de déterminer que la représentation des trois armées aux niveaux supérieurs n’est pas équilibrée dans les forces armées du Canada1. Par exemple, sur les quatorze principaux postes d’officier général des FC admissibles au service interarmées en 2010, il n’y avait dans le plan de nominations qu’un seul officier de la Force aérienne parmi les candidats à ces postes interarmées supérieurs les plus influents2. Ainsi, à l’aube d’une période de transformation complexe des forces militaires du Canada, influencée en grande partie par l’ampleur et la portée de l’expérience récente en Afghanistan, peu de membres de la Force aérienne occupent des postes stratégiquement pertinents au sein des FC. La Force aérienne est‑elle en train de dépérir? Il est intéressant de noter que cette tendance ne semble pas limitée au Canada. Dans un récent numéro de l’Air Force Magazine de la United States Air Force (USAF), la directrice du Mitchell Institute for Airpower Studies, Mme Rebecca Grant, Ph.D., a étudié un phénomène similaire dans un article intitulé Why Airmen Don’t Command. Mme Grant a cherché à comprendre pourquoi les généraux de l’USAF étaient si rarement nommés commandants de combat depuis l’élaboration du Unified Command Plan, en 1947, et elle a conclu que le manque de représentants de l’USAF n’était pas une simple coïncidence. Elle avance que, pour renverser cette tendance, l’USAF doit mieux préparer ses dirigeants à occuper des postes de commandement et à diriger des périodes de service [Traduction] « … où les officiers de la Force aérienne pourraient gagner une crédibilité en tant que combattants »3. Même si ce conseil pourrait être tout aussi pertinent chez nous, nous allons tenter de répondre à la question suivante dans cet article : y a‑t‑il des explications à la pénurie actuelle de membres de la Force aérienne du Canada Le Brigadier‑général Michael J. Hood, CD, est le Directeur général adjoint – Politique de sécurité internationale au Quartier général de la Défense nationale (QGDN) à Ottawa. Le présent article est fondé sur un document rédigé tandis que l’auteur, alors colonel, était inscrit au Programme de sécurité nationale 2010 au Collège des Forces canadien‑ nes. L’auteur désire remercier son instructeur du cours, le Major‑général Daniel Gosselin, de son soutien et de ses encouragements pendant la rédaction du présent article. Vol. 11, N o. 3, été 2011 • Revue militaire canadienne 41 aux postes interarmées supérieurs des FC? Pourquoi les membres de la Force aérienne du Canada n’occupent‑ils pas des postes de commandement? Le sujet de cette faible représentation pourrait sembler peu pertinent pour ceux qui ne sont pas membres de la Force aérienne, compte tenu des opérations militaires dans lesquelles les FC sont actuellement entraînées. Même si l’influence réduite de la Force aérienne au niveau stratégique peut être secondaire étant donné le paradigme des opérations en cours, il se pourrait que les défis géostratégiques que le Canada pourrait bien devoir affronter à l’avenir exigent une vision beaucoup plus équilibrée du pilier militaire qu’est la puissance nationale. Par conséquent, d’un point de vue stratégique, nous allons faire valoir dans le présent article que le Canada – et, par extension, ses forces armées – serait mieux servi par une structure de direction plus proportionnée. Tout bien considéré, la pénurie actuelle de ses représentants aux postes supérieurs pourrait signifier que les difficultés de la Force aérienne seraient internes – probablement en raison des restrictions inhérentes à son modèle de perfectionnement professionnel actuel. En fait, si ce déséquilibre de la représentation est également une préoccupation pour les forces aériennes de nos proches alliés, cela pourrait signifier qu’une culture aérienne qui célèbre ceux qui se sont [Traduction] « dégagés des lourdes chaînes de la terre »4 pourrait aller à l’encontre du perfectionnement des futurs commandants militaires interarmées supérieurs. Ce préjugé culturel probable pourrait être aggravé au Canada par la disette actuelle de postes de commandement au sein de la Force aérienne. En fait, depuis 1997, lorsque la Force aérienne a amalgamé un échelon de commandement complet en fermant tous les quartiers généraux de Groupe et en créant la 1re Division aérienne du Canada (1 DAC), le nombre d’officiers généraux de la Force aérienne occupant des postes interarmées supérieurs a diminué lentement pour atteindre le creux historique actuel (voir la figure 1)5. Si l’on ajoute le nombre d’escadrons aériens dirigés par un lieutenant‑colonel qui ont été dissous pendant la même période, on peut se demander s’il reste suffisamment de postes de commandement à tous les niveaux de la Force aérienne pour appuyer un modèle de perfectionnement professionnel conçu pour les futurs dirigeants interarmées supérieurs des FC. Donc, la Force aérienne ferait bien de revoir son modèle de perfectionnement afin qu’il garantisse que les chefs posséderont l’expérience nécessaire pour commander de façon crédible et efficace aux plus hauts niveaux interarmées. S’il n’existe pas à l’heure actuelle au sein de la structure de la Force aérienne suffisamment de postes de commandement pour former un nombre suffisant d’officiers supérieurs, il faudrait songer à la modifier afin d’appuyer les objectifs stratégiques élargis des FC interarmées. La Force aérienne pourrait également explorer d’autres possibilités de fournir à ses officiers l’expérience de combat nécessaire pour qu’ils soient nommés à des postes supérieurs, comme des échanges avec nos principaux alliés. Enfin, il serait sage qu’elle continue de faire connaître aux autres armées la nécessité d’une représentation proportionnelle au sein des postes de commandement supérieurs afin que ces dernières « appuient » le rééquilibrage du système. Un avenir incertain C’est aux leaders supérieurs qu’incombe la responsabilité de voir à ce que les CF répondent aux besoins de la politique de sécurité nationale du gouvernement et à ce qu’elles soient prêtes à parer à toute éventualité pouvant survenir dans un environnement incertain 6... 42 D ans un monde idéal, une force militaire interarmées parvenue à maturité serait dotée d’un cadre de leadership proportionnellement représentatif de ses membres. Malheureusement, les FC ne jouissent pas de cet avantage. Donc, pourquoi faudrait‑il accorder tant d’importance à la proportionnalité dans un monde imparfait? L’une des raisons fondamentales, c’est qu’il est tellement difficile de prédire l’avenir – et pour les spécialistes militaires, prédire l’environnement de sécurité de l’avenir est tout aussi difficile. On trouve dans la documentation sur le sujet un grand nombre de visions de l’avenir du Canada – qui sont inévitablement influencées par l’expérience individuelle de leur auteur, mais qui ciblent aussi des domaines très différents. Par conséquent, dans un pays comme le Canada dont la taille et les ressources sont modestes, la difficulté consiste à s’assurer que toute stratégie de sécurité nationale prévoit le plus grand nombre possible d’éventualités dans les limites d’un budget qui ne peut vraisemblablement pas financer toutes ces options. De toute évidence, chaque achat d’équipement militaire majeur doit d’abord et avant tout être essentiel à la protection des intérêts nationaux vitaux d’aujourd’hui et dans un avenir lointain. Cependant, l’obstacle réside dans le coût de ces programmes majeurs, au regard de l’enveloppe budgétaire de la défense, puisque le pays ne peut tout simplement pas se permettre de faire des choix qui ne tiennent pas compte des menaces probables des 20 à 30 prochaines années, ou dans certains cas, du prochain demi‑siècle. L’un des défis du système d’acquisition actuel est la priorité relative de ces projets d’acquisition et la façon dont les principaux décideurs doivent nécessairement essayer de trouver un équilibre entre leurs propres perceptions de l’environnement de sécurité de l’avenir et les intérêts de l’armée dont ils font partie. Par exemple, prenons les efforts déployés par le chef d’état‑major de l’Armée de terre (CEMAT) en 2003 pour élaborer le Plan stratégique d’investissement dans les capacités (PSIC)7 à l’appui de son plan de transformation de l’Armée de terre en cours8. Compte tenu des moyens limités des FC à l’époque, le plan de l’Armée de terre ne pouvait être réalisé qu’aux dépens des programmes d’acquisition prévus de la Marine et de la Force aérienne. Dans sa note de service adressée au chef d’état‑major de la Défense (CEMD) et au Sous‑ministre (SM), le chef de l’Armée de terre déclarait : [Traduction] « … [que] le nouvel environnement de sécurité semble indiquer qu’il est peu probable que les FC participent à des combats aériens ou maritimes9. » À peine huit ans plus tard, est‑ce que cette version étroite de l’environnement de sécurité de l’avenir est toujours considérée plausible? Douglas Bland, auteur renommé d’ouvrages militaires, serait totalement en désaccord. Dans un article du Globe and Mail de Toronto qui soulignait le 100e anniversaire de la Marine canadienne en 2010, on pouvait lire cette opinion : [Traduction] Compte tenu du fait que le Canada possède un certain nombre d’intérêts vitaux en matière de sécurité dans les Caraïbes et en Amérique latine, que le réchauffement climatique et l’exploration pétrolière transforment l’Arctique en un territoire stratégiquement contesté et que l’océan Pacifique pourrait être témoin des premiers stades d’une course aux armements tandis que la Chine accroît ses forces maritimes, l’universitaire Douglas Bland a suggéré que le Canada devrait « … mettre sur pied des forces armées centrées sur la marine et non sur l’armée » 10. Même si on peut s’interroger sur la probabilité que les préoccupations de Bland à propos d’un environnement de sécurité de l’avenir « centré sur la marine » se matérialisent, cet exemple illustre néanmoins la diversité des opinions actuelles Revue militaire canadienne • Vol. 11, N o. 3, été 2011 M D N , I S 2 011- 6 0 0 2 - 0 3 4 , p h o t o d u C a p o r a l M a r c - A n d r é G a u d r e a u l t C’est là une raison importante pour laquelle les FC doivent s’efforcer d’équilibrer la représentation des trois armées aux niveaux les plus élevés. Au moment de prendre des décisions essentielles sur la structure de la force et les acquisitions – décisions qui pourraient bien lier les FC à une vision en particulier de l’environnement de sécurité de l’avenir – la diversité suffisante, mais équilibrée, des principaux décideurs est essentielle pour garantir les résultats les plus judicieux possibles. Si une équipe de dirigeants interarmées convient que les menaces futures exigent la centralisation des efforts et des ressources dans une armée donnée, cette opinion doit régir les décisions actuelles à propos de la structure de la force. Cependant, les responsables du façonnement de la Lancement à partir de Trapani en Italie d’un CF18 Hornet pour une mission opérationnelle faisant force de l’avenir doivent résolument partie de l’opération Mobile, le 20 avril 2011 regarder vers l’avant et éviter la tendance, souvent attribuée aux stratégistes Comme on l’a illustré ci‑dessus, les prédictions de militaires, à planifier la guerre précédente. En fait, puisque l’environnement de sécurité de l’avenir seront toujours impar- l’Occident n’a pas vraiment réussi il y a 10 ans à prédire la faites et les outils militaires nécessaires pour relever ces défis montée des acteurs non étatiques et la nature asymétrique de la imprécis sont tout aussi difficiles à déterminer. À preuve, cette guerre d’aujourd’hui, il est tout aussi vraisemblable que la menmême note de service du CEMAT en 2003 où il exprimait cette ace de demain vienne d’un « pays quasi semblable » et qu’elle opinion : [Traduction] « … [que] le thème central de la transfor- soit projetée dans un espace – le cyberespace ou l’orbite termation de l’Armée de terre est la transition fondamentale de la restre, par exemple – pour lequel la structure de la force actuelle dépendance à la masse à la dépendance à l’information11. » est mal préparée. Ironiquement, ce sont les plans établis par l’Armée de terre pour se défaire de ses blindés lourds en 2003 qui témoignent mainten- Combattants tactiques et leaders stratégiques ant de la difficulté de prédire l’avenir. L’acquisition récente du char de combat principal Leopard 2 et l’achat imminent du véhi… tous les membres des Forces canadiennes doivent cule de combat rapproché lourdement blindé le démontrent bien. maîtriser la conduite de la guerre dans leur propre sphère s’ils veulent devenir de vrais professionnels On peut se consoler, toutefois, car le Canada a de nomdans le contexte interarmées, interalliés et inter-organbreux antécédents en matière d’évaluation incorrecte de ismes qui caractérise les conflits modernes. L’expertise l’environnement de sécurité de l’avenir. Après la publication du doit être répartie conformément aux dures exigences Livre blanc de 1987, un analyste a formulé la critique suivante : de cet environnement et l’ethos militaire doit tenir « … ni le Livre blanc de 1964 ni celui de 1971 n’ont réussi à compte des identités distinctes qui ont été forgées par prédire de façon astucieuse l’évolution de l’environnement strale combat en mer, sur terre et dans les airs14. tégique, et on se demande si le Livre blanc de 1987 modifiera cette tendance12. » Par conséquent, comme on est en raison de urant l’examen du manque de représentation de la douter de n’importe quelle vision de l’avenir, il est encore plus Force aérienne aux niveaux supérieurs, un sujet plus essentiel pour les FC de prendre des décisions en matière général, il serait utile de se demander si cette dernière a cond’acquisition dont la pertinence couvre le spectre des opérations sacré suffisamment d’énergie à former des dirigeants qui peule plus vaste. Cela semble simple en théorie, car des leçons vent concurrencer leurs pairs des autres armées pour obtenir semblables sont retenues par un grand nombre de nos princi- des postes importants de commandement interarmées. Se paux alliés, y compris les Britanniques. Dernièrement, l’ancien peut‑il qu’une particularité du perfectionnement des dirigeants commandant de l’armée britannique, le Général sir Richard de la Force aérienne trouve peu d’adeptes dans l’environnement Dannat, a postulé ce qui suit : interarmées actuel? D Vol. 11, N o. 3, été 2011 • Revue militaire canadienne 43 LE COMMENDEMENT [Traduction] N’importe quel examen sensé de la défense et de la sécurité doit être régi par la politique et commencer par une analyse claire de l’identité et de la nature du conflit futur. Si cet examen est effectué honnêtement, il permettra de déterminer les menaces futures pour notre sécurité. Il doit aussi tenir compte de notre ambition nationale… (et) il n’est pas certain que notre priorité absolue d’aujourd’hui le demeurera toujours. Si nous aspirons à stabiliser l’Afghanistan suffisamment pour que nos troupes puissent revenir au pays d’ici 2015, il se pourrait qu’à cette date, nos forces terrestres ne constituent plus la priorité absolue13. crédibles. En ce qui concerne la Force aérienne, l’opinion selon laquelle le Canada ne participerait plus jamais à des « combats aériens » est tout aussi inconcevable. Qui, dans les forces armées, aurait pu prévoir que, après la chute du mur de Berlin en 1989, les chasseurs CF18 Hornet des FC participeraient en neuf ans à deux guerres dirigées par les Alliés, la guerre du Golfe en 1990 et la guerre du Kosovo en 1999, à titre de principale contribution militaire du Canada? L’histoire s’est répétée depuis, comme en témoigne le récent déploiement outre‑mer des CF18 durant l’Opération Mobile, la participation des Forces canadiennes à l’intervention multinationale approuvée par l’ONU face à la crise en Libye. Ces événements ne servent peut‑être qu’à renforcer la maxime selon laquelle notre vision de l’avenir est façonnée par nos conditions actuelles. Cette situation est à l’opposé de celle de l’arme de combat de la Force aérienne qui apprend aux jeunes équipages d’aéronef à combattre principalement de façon indépendante. En fait, tandis que dans l’Armée de terre et la Marine on demande aux jeunes officiers de relever des défis de plus en plus difficiles en matière de leadership, les possibilités de commandement dans la Force aérienne se présentent plus tard dans la carrière, car le coût élevé de la formation des équipages d’aéronef exige un rendement du capital investi relatif, c’est‑à‑dire que les aviateurs doivent se concentrer sur les opérations de vol jusqu’au milieu de leur carrière. En effet, à l’heure actuelle, le temps nécessaire à la Force aérienne pour produire un pilote de chasse apte au combat, doté de toutes les qualifications nécessaires, excède quatre ans – une période pendant laquelle les officiers subalternes des autres armées terminent leur instruction et leurs premières périodes de service et acquièrent une expérience de leadership considérable par la même occasion. Outre la différence dans les possibilités de perfectionnement en début de carrière, il y a d’autres divergences dans l’approche de commandement des trois armées qui découlent des exigences inhérentes à chaque environnement de combat. [Traduction] Malheureusement, le bassin de candidats talentueux dans lequel nous choisissons les dirigeants stratégiques à la fin de leur carrière est déterminé par leur rendement individuel à titre de leaders tactiques au début de cette dernière. Il s’agit d’une contradiction notable dans notre système 16. Pourtant, la Force aérienne pourrait bien traîner un véritable « boulet » dans ses tentatives de former des leaders interarmées efficaces. Le Lieutenant‑général Watt a inventé l’expression « la culture du poste de pilotage » pour décrire la tradition, au sein de la Force aérienne, du rejet de possibilités interarmées plus vastes en faveur d’un retour au pilotage ou à des postes de commandement relatifs au vol. Pour bien des membres du personnel navigant, la perspective d’une affectation de vol peut souvent supplanter celles de l’avancement. Même si le CEMFA a suggéré que ce phénomène devait être surmonté afin que la Force aérienne soit capable de produire suffisamment de dirigeants supérieurs dans un délai approprié, il est évident qu’il y a beaucoup d’autres efforts à déployer pour modifier ce paradigme de la Force aérienne. En fait, l’une des principales critiques formulées par Rebecca Grant à l’endroit de l’USAF dans son article se rapporte précisément à ce thème. Plus particulièrement, elle soutient que les officiers de l’United States Air Force ont tendance à convoiter des postes de leadership au sein de leur propre armée au lieu de postes interarmées qui leur permettront d’occuper les postes de commandement au combat convoités17. Après avoir étudié ces différences particulières, le professeur Allan English en a conclu qu’il existe, au sein des trois armées, une incompréhension fondamentale de la diversité des styles de leadership. Il est intéressant de noter que, durant les entrevues qu’il a faites, il a constaté que certains officiers de Le Lieutenant-général Angus Watt (à gauche), alors Chef d’état‑major de la Force aérienne, à l’Armée de terre [Traduction] Kandahar en Afghanistan, le 3 mars 2009 « … décrivaient certains hauts dirigeants des autres armées occupant des postes interarmées Un extrait du manuel de la doctrine du leadership des FC comme des gens indécis ou trop passifs parce qu’ils avaient un mérite d’être souligné : « Aux niveaux opérationnel et stratéstyle de leadership de type participatif ou axé sur la déléga- gique, les chefs supérieurs doivent avoir des connaissances et tion »15. Cela ne devrait surprendre personne – puisque dif- une expertise plus vastes en matière de fonctionnement des férents rôles et environnements exigent différents styles de systèmes stratégiques et de l’institution elle‑même18. » Au leadership – et qu’aucun modèle ne convient parfaitement aux Canada, il est important de comprendre et d’épouser les phitrois environnements de combat. De plus les compétences qui losophies du leadership des différentes armées – et de faire en sont recherchées au niveau tactique ne sont pas des garanties de sorte que le flair tactique exercé au début de la carrière ne succès pour les futurs titulaires de postes de leadership straté- l’emporte pas sur le potentiel de leadership stratégique durant giques au sein des Forces canadiennes interarmées. L’ancien l’évaluation des futurs leaders institutionnels. Néanmoins, si la chef d’état‑major de la Force aérienne (CEMFA), le Force aérienne veut transcender les préjugés culturels latents, Lieutenant‑général (à la retraite) Angus Watt, a résumé ainsi le perçus ou non, elle devra énoncer une stratégie délibérée afin de nœud du problème : déplacer le centre d’intérêt du poste de pilotage vers l’institution. 44 Revue militaire canadienne • Vol. 11, N o. 3, été 2011 MDN, AR2009-J028-008, photo du Caporal James Nightingale Malgré les progrès qui ont été faits dans le développement d’une véritable force interarmées depuis l’unification des FC, des différences fondamentales entre les trois armées persistent néanmoins; c’est un fait reconnu depuis longtemps et qui n’est guère susceptible de changer bientôt. Le commandant de peloton inexpérimenté de l’Armée de terre et le jeune officier divisionnaire de la Marine connaissent tous les deux les affres du commandement au début de leur carrière, et naturellement, leur style de leadership est façonné par les hiérarchies régimentées de leur armée respective. Il est intéressant de noter que ces deux armées accordent une attention quasi totale à la personne du commandant et que le respect qui lui est accordé crée certainement un climat susceptible d’amener les officiers subalternes à convoiter ces postes. Les commandants de l’avenir devront être compétents sur différents tableaux, avoir l’esprit ouvert, être imaginatifs et, sur le plan culturel, intuitifs et avoir la compréhension parfaite de la portée des opérations interarmées, coalisées, combinées et des AM dans le cadre d’une approche exhaustive19. D ans n’importe quelle force armée, les commandants supérieurs doivent avoir été formés dans une structure organisationnelle progressive qui appuie à la fois les exigences en matière d’éducation et d’expérience et prépare au succès. L’étude des structures actuelles au sein des trois armées des FC montre que l’Armée de terre et la Marine sont dotées des échelons de commandement nécessaires à tous les niveaux de grade pour former des candidats aguerris qui pourront occuper les postes les plus élevés de l’organisation. Cela semble correspondre à la répartition actuelle des postes supérieurs au sein des FC. Qu’en est‑il de la Force aérienne? Y a‑t‑il une raison, au sein de la structure actuelle de la Force aérienne, pour laquelle cette armée produit moins de leaders interarmées supérieurs? L’examen des échelons supérieurs des forces armées au fil des ans révèle que, jusqu’à récemment, la structure de la Force aérienne a servi effectivement à produire un nombre approprié d’officiers qui ont occupé les échelons supérieurs des FC. Si l’on prend l’exemple du CEMD, c’est un officier de la Force aérienne qui a occupé cette fonction pendant 16 des 47 années entre 1964 et 201120. Qu’est‑ce qui a changé ou influencé la structure qui comprend maintenant si peu d’officiers généraux de la Force aérienne aux principaux postes interarmées? Peut‑être est‑ce la Décennie des ténèbres – une expression sinistre qui est devenue synonyme des réductions considérables en matière de personnel et de ressources ayant été effectuées dans les FC à compter de 1994. Cependant, il est à noter que si l’ensemble des FC a connu une réduction des effectifs d’environ 20 p. 100 pendant cette période, la Force aérienne a subi pour sa part des compressions phénoménales de 48 p. 10021. À la suite de ce bouleversement du milieu des années 1990, la Force aérienne a été réorganisée; on a fusionné tous les commandements opérationnels des ressources aérospatiales des FC en un seul quartier général lors de la création de la 1re Division aérienne du Canada en 1997. Se pourrait‑il que cette restructuration ait contribué au déclin de l’influence de la Force aérienne dans les FC quelque 14 ans plus tard? C’est possible puisque l’Armée de terre et la Marine ont essentiellement conservé leurs quartiers généraux qui ont fourni des possibilités de commandement à presque tous les niveaux de grade. Par conséquent, ces deux armées ont conservé une structure organisationnelle qui a permis à leurs principaux dirigeants de demeurer dans la course durant le processus de sélection des candidats aux postes supérieurs interarmées, processus où une place de premier plan est accordée en partie à l’expérience de commandement. Avant le début de la Décennie des ténèbres, la Force aérienne opérationnelle était divisée en cinq quartiers généraux de Groupe : le Groupe de chasse, le Groupe transport aérien, le 10e Groupe aérien tactique, le Groupe aérien maritime et le 14e Groupe d’instruction. Des brigadiers‑généraux commandaient quatre de ces quartiers généraux, tandis que le commandant du Groupe de chasse était un major‑général, qui commandait également la Région canadienne du NORAD. Conformément à la doctrine de la Force aérienne, la puissance aérienne était alignée au sein de cette structure sur une organisation fonctionnelle qui permettait d’obtenir un équilibre rai- sonnable entre les possibilités de commandement et les ressources des quartiers généraux. À la suite de la baisse considérable des ressources qui a commencé en 1994, le ministère de la Défense nationale (MDN) et les FC ont créé l’Équipe de restructuration – Gestion, commandement et contrôle (ERGCC), qui a cherché, notamment, à réduire les coûts indirects des quartiers généraux dans l’ensemble des FC. Dans la foulée, la Force aérienne a pris le taureau par les cornes et a amalgamé les cinq quartiers généraux des Groupes en un seul, jugeant qu’une structure de commandement et de contrôle (C2) rationalisée était plus essentielle que l’efficacité de l’ancien modèle. C’est ainsi qu’est née la 1re Division aérienne du Canada (1 DAC), commandée par un major‑général. Cela a eu pour effet secondaire l’élimination de quatre postes de commandement occupés par des officiers généraux de la Force aérienne, un résultat inquiétant pour les Forces canadiennes qui privilégient plus que jamais une philosophie axée sur le commandement. La nouvelle structure était composée du commandant de la 1 DAC, qui dirigeait toute la Force opérationnelle à l’exception d’une organisation exceptionnellement horizontale comprenant 13 escadres dont les commandants (des colonels) relevaient directement du commandant de la Division aérienne. Le Lieutenant‑général Watt a admis à l’auteur qu’il est insatisfait depuis longtemps du manque de postes de commandement pour les brigadiers‑généraux de la Force aérienne, à tel point qu’en 2008, il a commandé des études d’état‑major pour trouver des solutions d’atténuation. Il a fait observer que même si la structure de commandement actuelle est verticale et efficace, elle est inévitablement inadéquate pour le perfectionnement des officiers supérieurs et leur crédibilité de commandants au sein de l’ensemble des FC interarmées22. Bien qu’un certain nombre de propositions visant à régler ce problème aient été examinées en 2008‑2009, la décision a été reportée jusqu’à ce qu’on ait clarifié les résultats d’un Examen stratégique ministériel commandé par le gouvernement en 2010. Cela dit, afin de poursuivre sur sa lancée, le Général Watt a ordonné la création de la 2e Division aérienne du Canada (Doctrine et instruction), commandée par un brigadier‑général. Le CEMFA a reconnu que cette décision constituait un pas dans la bonne direction pour l’évolution de la structure de commandement de la Force aérienne, mais il a aussi admis qu’il faudrait déployer plus d’efforts à long terme pour pallier l’absence de membres de la Force aérienne aux postes interarmées supérieurs et pour renverser la tendance relevée dans le présent article. Cependant, en 2011, les perspectives financières demeurent difficiles et il ne fait nul doute que les FC continueront de s’efforcer à être plus efficaces, particulièrement au sein des états‑majors des quartiers généraux. Malheureusement pour la Force aérienne, ce ne sont pas des conditions propices à la création de nouveaux postes de commandement dans la structure de la force actuelle. À la décharge des nombreux dirigeants de la Force aérienne qui ont connu une carrière couronnée de succès, y compris à des postes interarmées supérieurs clés, au cours des 15 dernières années, il est important de souligner que le phénomène sur lequel porte le présent article n’est pas survenu du jour au lendemain. Il a longtemps couvé – plus précisément, de 1995 à 2010, selon notre analyse. Par exemple, au cours de la période qui s’est écoulée depuis la création de l’ERGCC, la Force aérienne a produit, outre les nombreux commandants de la Force aérienne et les titulaires de postes supérieurs au NORAD, bon nombre de leaders crédibles qui ont excellé à des postes interarmées – le Général Ray Henault, CEMD et président du Comité militaire de l’OTAN, le Lieutenant‑général Vol. 11, N o. 3, été 2011 • Revue militaire canadienne 45 LE COMMENDEMENT Structure de la Force aérienne M D N , p h o t o ( C FJ I C ) S U C 01- 0 2 6 0 - 2 George Macdonald, VCEMD au début des années 2000, ainsi que le Lieutenant‑général Marc Dumais, SCEMD et commandant du Commandement Canada de 2005 à 2007. Néanmoins, la tendance à la baisse que nous examinons et qui est attribuable en partie aux effets secondaires de la diminution des postes de commandement depuis la mise sur pied de la 1re Division aérienne du Canada, devrait demeurer un sujet de préoccupation dans l’avenir pour les hauts dirigeants de la Force aérienne. Le Lieutenant-général George MacDonald L’environnement interarmées actuel des FC [Traduction] Les leaders doivent notamment posséder des compétences de combat, un sens politique et des qualités de gestionnaires23. A fin de déterminer la raison pour laquelle les membres de la Force aérienne n’occupent pas des postes de commandement, il faut examiner également les changements apportés à la structure de commandement des forces armées durant le projet de transformation des FC en 2005. Dans sa directive à l’intention de l’équipe chargée de la transformation, le CEMD, le Général Rick Hillier (ancien membre de l’Armée de terre), a résumé son but en ces termes : « … Des FC qui sont pertinentes sur le plan stratégique, souples sur le plan opérationnel et décisives sur le plan tactique, appuyées par une institution de défense efficace, efficiente et adaptable 24. » Cette vision a été favorablement accueillie au sein de la communauté de la défense parce que ces buts ont trouvé un écho chez les militaires professionnels. Parmi les risques associés à l’expression claire d’un état final si vaste pour une force interarmées multiservices, se trouve la difficulté « d’opérationnaliser » cette vision sans que les trois armées considèrent leurs propres rôles de combat essentiels à la solution. Ainsi, après avoir examiné la répartition des principaux postes d’officiers généraux depuis 2005, on constate une influence accrue des dirigeants de 46 l’Armée de terre sur les Forces canadiennes à la suite des efforts de transformation déployés par le Général Hillier. On ne sait pas si la répartition des postes d’influence qui résulte de la transformation effectuée en 2005 est considérée par les hauts dirigeants comme une préoccupation pour l’avenir, mais cela mérite d’être souligné au moment où l’institution se prépare à une deuxième série de changements. En juin 2010, le CEMD a annoncé officiellement la création d’un poste de général à trois feuilles d’érable, le Chef – Transformation, qui « … agira comme moteur dans les changements organisationnels et le réalignement futur des Forces canadiennes »25, et a choisi l’ancien chef d’état‑major de l’Armée de terre (CEMAT) pour diriger cette initiative. Les intervenants intéressés se demanderont peut‑être si la structure de la force créée à la suite de la transformation en 2005 pour combattre en Afghanistan sera sacro‑sainte ou si l’on pourrait envisager des conclusions différentes au cours d’une discussion plus approfondie sur l’environnement de sécurité de l’avenir. De là vient l’une des difficultés inhérentes à toute initiative de transformation : on risque de choisir des solutions étriquées si les principaux décideurs de l’organisation ne possèdent pas des antécédents suffisamment diversifiés pour contester pleinement les hypothèses et évaluer les options. Comme on l’a déjà déclaré, ce sont les personnes qui évaluent l’environnement de sécurité de l’avenir ainsi que les compétences et les outils particuliers nécessaires pour que les FC soient « … pertinentes du point de vue opérationnel et décisives au niveau tactique », et ce dont l’institution a besoin pour tenir compte de l’opinion de tous ses hauts dirigeants de manière à atténuer tous les risques d’étroitesse d’esprit. De plus, le processus tout entier est mis en échec par le défi inhérent des ressources limitées par opposition au nombre si grand d’orientations et d’événements possibles que le pays doit considérer. Néanmoins, peu importe l’intention précise du Général Hillier, le résultat final de son effort de transformation à l’heure actuelle est une chaîne de commandement remodelée et nettement « axée sur l’Armée de terre », qui comprend quatre nouveaux commandements opérationnels interarmées (tous dirigés actuellement par des officiers de l’Armée de terre) ainsi que six nouvelles Forces opérationnelles interarmées régionales (FOIR), dont trois ne peuvent être commandées que par des représentants de l’Armée de terre et deux auxquels la Marine tient fermement26. Il reste le dernier quartier général créé à la suite de la transformation en cours, c’est‑à‑dire celui de la 1re Division du Canada à Kingston qui, selon son commandant, un major‑général de l’Armée de terre, est un « … quartier général interarmées axé sur l’Armée de terre »27. Il semble bien que les possibilités avantageuses pour les membres de la Force aérienne soient minces. Il est certain que les FC ont toujours considéré le comman‑ dement comme le principal instrument de crédibilité chez les hauts dirigeants. La vision de la transformation formulée par le Général Rick Hillier comprenait une accentuation renouvelée de la « centralisation sur le commandement » qui deviendrait l’un des principaux thèmes de son mandat durant lequel le poste de CEMD a été réintégré dans la chaîne de commandement opérationnelle directe où il chapeaute quatre commandants interarmées opérationnels. Par conséquent, il va de soi que l’importance accordée au commandement allait transcender d’autres qualités pour devenir un facteur dominant de la sélection des officiers postulant les postes les plus élevés. Donc, la structure de commandement et de contrôle des FC actuelle, transformée, présente de véritables défis pour la Force aérienne. Si les conditions financières actuelles ne laissent guère d’occasions à la Force aérienne d’envisager une restructuration interne pour améliorer les Revue militaire canadienne • Vol. 11, N o. 3, été 2011 Distribution Principales La voie à suivre L es FC, plus précisément la Force aérienne, ont connu une période de changements importants depuis 1994 et c’est maintenant que la Force aérienne constate bon nombre des effets de deuxième et de troisième ordre de ces changements. Tandis que les forces armées du Canada entreprennent les premières étapes de l’ambitieux modèle de financement sur 20 ans prévu dans la Stratégie de défense Le Canada d’abord, il est essentiel que les hauts dirigeants des FC possèdent la combinaison la plus équilibrée de connaissances et d’expérience représentatives de l’ensemble de la force interarmées afin que les décisions qui auront des effets à long terme sur le pilier militaire de la puissance nationale permettent d’obtenir les meilleurs résultats possibles. Dans le présent article, on a avancé que cette expertise sera maximisée grâce à une représentation équilibrée des membres des trois armées aux échelons supérieurs du commandement interarmées des FC. Parallèlement, la Force aérienne doit s’assurer qu’elle facilite la représentation de ses candidats en veillant à ce qu’ils ne soient pas désavantagés par rapport à leurs pairs des autres armées. Dans ce contexte, que devrait faire la Force aérienne? D’abord et avant tout, elle doit examiner sa structure interne et chercher à compenser la culture du poste de pilotage par la nécessité de former des combattants interarmées supérieurs possédant l’expérience diversifiée pertinente pour les combats d’aujourd’hui et de demain. Cet examen doit comprendre la recherche proactive de possibilités de commandement pertinentes à tous les niveaux de grade pour s’assurer que les principaux leaders sont préparés en occupant successivement différents postes de commandement interarmées essentiels et participent à des missions opérationnelles. De même, il est essentiel de mettre un accent continu sur le perfectionnement professionnel et la planification de la relève. Deuxièmement, la Force aérienne doit essayer de comprendre si la structure actuelle appuie ses aspirations. Si elle veut jouer un rôle important au sein d’une force interarmées équili- Enfin, la Force aérienne doit veiller à ce que la pénurie de hauts dirigeants interarmées provenant de la Force aérienne soit reconnue et acceptée comme un problème pour l’ensemble des Forces canadiennes, qui mérite d’être résolu. Si le Canada veut se doter d’une force véritablement interarmées, on doit reconnaître de façon globale que ces importants postes de commandement interarmées doivent être également accessibles aux membres des trois armées. Même si les Forces opérationnelles interarmées régionales ont occupé les quartiers généraux existants des armées afin de réaliser des économies d’échelle, ce n’est pas en limitant perpétuellement les postes de commandement interarmées aux membres d’une armée donnée qu’on favorisera la transmission du témoin « interarmées ». L’environnement de sécurité de l’avenir demeure noyé dans l’incertitude, et il est peu probable que la situation change dans un avenir prochain. Puisque le Canada n’a pas réussi à prédire la chute du mur de Berlin ou les attaques des terroristes contre le World Trade Center en 2001, il n’a pu bénéficier d’une structure de la force optimale pour relever les défis subséquents en matière de sécurité. Par conséquent, dans les prochaines années, les spécialistes de la sécurité nationale devront se demander si les efforts canadiens en matière de sécurité devront être centrés plus à l’ouest, de l’autre côté du Pacifique, ou vers le Nord afin de se préparer aux menaces émergentes en matière de sécurité nationale. La difficulté pour une force armée modeste est de s’assurer que les décisions interarmées qui sont prises tiennent compte du plus grand nombre possible de ces menaces éventuelles, et seule une contribution équilibrée des trois armées peut améliorer les probabilités d’atteindre ce but. En fin de compte, la Force aérienne doit prendre du recul et déterminer si sa structure actuelle favorise sa prospérité à long terme. Si les officiers de la Force aérienne n’ont pas suffisamment l’occasion d’occuper des postes de commandement à tous les niveaux qui leur permettraient d’enrichir leurs connaissances et leur expérience, il y aura une pénurie d’officiers pos- Vol. 11, N o. 3, été 2011 • Revue militaire canadienne 47 LE COMMENDEMENT brée, elle doit s’assurer que les membres du personnel navigant acquièrent l’expérience de commandement et l’expérience interarmées nécessaires pour qu’ils puissent concurrencer les autres candidats aux postes interarmées supérieurs. Si les possibilités et les ressources le permettent, la Force aérienne doit chercher à créer davantage de postes de commanded'officiers généraux ment au sein de sa structure. Si les chances sont minces, elle doit faire preuve de créativité et troupositions communes ver ces occasions ailleurs. Elle devrait envisager des affectations à des postes supérieurs chez nos principaux alliés, particulièrement aux États‑Unis et en Grande‑Bretagne. La Force aérienne doit également insister pour obtenir un plus grand nombre des principaux postes dans les missions opérationnelles qui exigent des compétences de combat interarmées et qui permettent de les perfectionner; en effet, seulement trois officiers généraux de la armée de l'air Force aérienne ont participé à la mission en Afghanistan au cours des 10 dernières années, comarmée de terre parativement au nombre incalculable de généraux marine de l’Armée de terre qui ont été affectés à Kandahar ainsi que dans les divers quartiers généraux à Kaboul et aux environs. La Marine a également eu l’occasion de commander des flottes alliées durant les opérations menées pendant la même période. Si ce but ne peut être atteint en Afghanistan, il peut certainement l’être ailleurs où le leadership de la Force aérienne du Canada sera apprécié et où ses membres pourront acquérir expérience et crédibilité. possibilités de commandement, comment pourrait‑elle accroître ses chances d’accès aux postes de commandement interarmées actuels alors qu’un si grand nombre d’entre eux sont fondés sur les formations actuelles de l’Armée de terre et de la Marine? des hauts dirigeants de la Force aérienne lors des principaux points de décision militaires. M D N , FA 2 010 - 2 2 3 4 - 01 , p h o t o d u S e r g e n t R o n F l y n n sédant les ensembles de compétences, l’expérience et les connaissances nécessaires pour occuper un nombre adéquat de postes interarmées supérieurs dans les FC. Il y a lieu de se préoccuper du manque parallèle de participation et d’influence Un CH146 Griffon au crépuscule à baie Resolute, au Nunavut NOTES 1. 2. 3. 4. 5. Le présent article a été rédigé à l’origine durant les cours du Programme de sécurité nationale au printemps 2010, mais il a été mis à jour vers la fin de l’année civile 2010 en vue de sa publication. Les références aux armées et aux postes supérieurs que leurs représentants ont occupés sont fondées sur un « instantané d’écran » de novembre 2010. CANFORGEN 069/10 CEMD 007/10 241128Z MAR 10 Rebecca Grant, « Why Airmen Don’t Command », paru dans Air Force Magazine (mars 2008), p. 46‑49. Mme Grant est considérée comme l’une des analystes américaines les plus reconnues dans les domaines de la force aérienne, de l’espace et de la cyberpuissance. Extrait du célèbre poème High Flight de la Force aérienne royale du Canada dont l’auteur est le Sous‑lieutenant d’aviation John Gillespie Magee fils, un pilote de chasse tué pendant la Deuxième Guerre mondiale. L’analyse des tendances s’étend de 1997 à 2010. Aux fins du présent article, l’auteur a examiné 14 postes interarmées supérieurs des FC en 2010, puis a remonté jusqu’en 1997 pour inclure leurs équivalents avant la transformation en 2005. Voici la liste des postes auxquels il est fait référence (les anciens postes sont entre parenthèses) : chef d’état‑major de la Défense, vice‑chef d’état‑major de la Défense, commandant du COM Canada (CEMD), commandant du COMFEC (CEM J3), Représentant militaire du Canada – siège de l’OTAN à Bruxelles, commandant adjoint – Commandement de la Force interarmées alliée à Naples (CEM SACT), commandant du COMSOCAN (créé en 2006), commandant du COMFOSCAN (créé en 2006), chef – Personnel militaire (SMA [RH‑Mil]), chef de l’Académie de la Défense (cmdt SREIFC), directeur d’état‑major – État‑major interarmées stratégique (DGDFI – données disponibles seulement à compter de 2001), chef – Développement de la 48 force (DGPS), chef – Programme (DPFCP) et chef du renseignement de la Défense (J2, DG Rens). 6. Canada. Chef d’état‑major de la Défense. Le lea‑ dership dans les Forces canadiennes – Doctrine. (2005), p. 36. 7. Le Plan stratégique d’investissement dans les capacités (PSIC) a été mis en œuvre en 2003 pour accorder la priorité à la planification des projets d’immobilisation à long terme au sein du MDN. 8. En 2003, le chef d’état‑major de l’Armée de terre était le Lieutenant‑général Rick Hillier. 9. Canada. 3136‑5 (CLS). Strategic Capability Investment Plan – Land Effect, 26 juin 2003. 10. The Globe and Mail, le mardi 4 mai 2010, p. A‑8. 11. Canada. 3136‑5 (CLS). 12. R.B. Byers, « The 1987 Defence White Paper: An Analysis », paru dans Canadian Defence Quarterly, vol.17, no 1 (automne 1987), p. 11. 13. Gén sir Richard Dannatt, « Having to pay for Trident is the Ministry of Defence’s worst night‑ mare », 31 juillet 2010; consulté le 1er août 2010 à l’adresse http://www.telegraph.co.uk/news/newstopics/politics/defence/7920208/Having-to-payfor-Trident-is-the-Ministry-of-Defences-worstnightmare.html. 14. Canada, ministère de la Défense nationale, Servir avec honneur : La profession des armes au Canada, Kingston (Ont.), Académie canadienne de la Défense (2003), p. 74‑75. 15. Allan English et John Westrop, « Canadian Air Force Leadership and Command: The Human Dimension of Expeditionary Air Force Operations », Centre de guerre aérospatiale des Forces canadiennes (2007), p. 93. 16. Lieutenant‑général (à la retraite) Angus Watt, dans un courriel adressé à l’auteur le 13 avril 2010. 17. Rebecca Grant, p. 46‑49. 18. Canada. Chef d’état‑major de la Défense. Le lea‑ dership dans les Forces canadiennes (2005), p. 19. 19. Canada. Centre de guerre aérospatiale des Forces canadiennes. Projection de la puissance : 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. la Force aérienne du Canada en 2035, publié sous la direction d’Andrew Godefroy (2009), p. 74. Douglas Bland, Chiefs of Defence, Toronto : Institut canadien d’études stratégiques (1995), p. xxv. Allan English et John Westrop, p. 87. Angus Watt, le 13 avril 2010. Paul Oh et David Lewis, « Management and Leadership Performance in the Defence Department: Evidence from Surveys of Federal Employees ». Paru dans Armed Forces & Society, vol. 34, no 4 (juillet 2008), p. 641. Général Rick Hillier, Guide de planification du CEMD – Transformation des FC, Quartier général de la Défense nationale : dossier 1950‑9 (CT), (octobre 2005). Communiqué des FC, « Lieutenant‑général Andrew Leslie nommé chef de la transformation » NR‑10.033, le 30 avril 2010; consulté le 8 mai 2010 à l’adresse http://www.forces.gc.ca/ s i t e / n ew s - n o u ve l l e s / n ew s - n o u ve l l e s - f r a . asp?cat=02&id=3350. Dotée des effectifs nécessaires pour créer les quatre commandements opérationnels interarmées en 2005 (COM Canada, COMFEC, COMFOSCAN et COMSOCAN), l’équipe chargée de la transformation a dû mettre sur pied les quartiers généraux des Forces opérationnelles interarmées régionales (QG FOIR) dans les quartiers généraux existants des trois armées. Par conséquent, trois des commandants actuels des FOIR sont également titulaires d’un poste de commandement de secteur dans l’Armée de terre et deux d’entre eux sont affectés au QG de la formation navale sur une des deux côtes. Le sixième quartier général, celui de la FOIR (Nord) à Yellowknife, est commandé actuellement par un membre de la Force aérienne. Le commandant de la 1re Division canadienne, le Major‑général David Fraser, lors d’une discussion avec l’auteur en avril 2010. Revue militaire canadienne • Vol. 11, N o. 3, été 2011