Heinz Bannwart, le super-papy boursicoteur

Transcription

Heinz Bannwart, le super-papy boursicoteur
Le portrait
Indice complicité
à la hausse
Dans leur bel appartement de Meyrin,
avec une vue superbe sur le Jura,
Michèle et Heinz Bannwart partagent
une tendre complicité.
42
L’ILLUSTRÉ 52/08
Gagnant de «TTC»
Heinz Bannwart, 64 ans, a gagné
le concours boursier de «TTC», sur
la TSR. Face à des concurrents plus
jeunes et experts de la finance,
il a ses petites bottes secrètes.
Rencontre avec un retraité heureux.
Photos: Lionel Flusin et DR
Le super-papy
boursicoteur
Le 15 décembre,
Heinz Bannwart
a reçu le prix
des mains de
Patrick Fischer
(à g.) et de
Marc Bürki, CEO
de Swissquote.
Le portrait
«La Bourse
ne disparaîtra
jamais; celui
qui a de
l’argent
cherchera à
le faire
fructifier en
investissant»
Risques calculés
Alors que les Bourses
mondiales dégringolaient,
Heinz anticipait sur les titres
qui allaient grimper.
Texte: Quan Ly
Photos: Lionel Flusin
I
l n’est pas mécontent de son
coup. Trop modeste, il ne le
reconnaîtra pourtant pas ouvertement. Mais son sourire malicieux, ses yeux qui pétillent
parlent pour lui. Sa femme,
Michèle, aussi: «Je savais qu’il pouvait réussir; j’ai tellement confiance
en lui.» Elle a eu raison. Son
mari, Heinz Bannwart, a reçu, le
15 décembre dernier sur le plateau
de Toutes taxes comprises (TTC), le
prix du gagnant du concours boursier organisé par l’émission: plus
de 5100 francs. Félicité notamment
par Marc Bürki, CEO de Swissquote Bank, l’intéressé concède
s’être senti «presque un peu comme
un héros». «J’ai été enchanté que
ça soit lui, confie Patrick Fischer,
journaliste et présentateur de TTC.
Même s’il ne correspondait pas au
profil, il fallait le faire!»
C’est que, du 15 septembre au
10 décembre, ils ont été 2500 candidats à se confronter pour faire
fructifier en Bourse une mise de
départ virtuelle qui s’élevait à
6877 francs. Plus de la moitié des
inscrits avaient un lien avec la
finance et la banque. Ajoutez à cela
toute une classe d’étudiants d’une
haute école de gestion, et vous
obtenez une tranche d’âge entre
17 et 50 ans pour 80% des participants. «Cela m’a motivé, j’aime
la compétition!» s’enthousiasme
Heinz Bannwart, qui a toujours été
parmi les dix premiers du classement. C’est dans les trois dernières
semaines que le «petit retraité de
Heinz Bannwart
64 ans avec son petit PC», comme
il se définit, a damé le pion à ses
«jeunes» concurrents. Vers la fin,
il a dû renoncer une fois au sacrosaint TJ de Darius Rochebin. C’est
dire la tension.
Parfaite maîtrise
Réaliste, notre gagnant n’oublie pas
que «lorsque la somme gérée est
virtuelle, le comportement est différent. Dans un concours, il faut
prendre plus de risques, calculés
bien sûr.» Avec en tête un proverbe
allemand en guise de code de
conduite: «Trop d’allers-retours
vident la caisse.» C’est ainsi qu’il
n’a pas hésité à miser sur des entreprises dont les difficultés financières ont été amplement médiatisées:
l’assureur américain AIG et General Motors notamment. Bingo!
«Ces titres ont fait les plus-values
les plus importantes.» Une soixantaine d’opérations effectuées en
Bourse lui ont ainsi permis de
récolter 15 738 fr. 89, plus du double de la somme de départ. Pour la
petite histoire, Patrick Fischer nous
confie que l’avant-dernier est un…
banquier, qui a pourtant remporté
par le passé des concours boursiers.
Sale temps, décidément, pour le
monde de la banque. Les voisins
de Heinz Bannwart l’ont bien compris, eux qui, depuis son passage
à la télé, lui demandent des conseils
pour placer leur argent. «Je ne veux
pas que quelqu’un subisse des
préjudices à cause de mauvais
conseils», s’excuse-t-il.
Et dire que le Meyrinois a hésité
deux jours avant de suivre le conseil
de sa femme de prendre part à la
compétition. Mais, une fois sa
décision prise, plus rien n’arrête la
mécanique Heinz. «Je suis quelqu’un qui aime se fixer un objectif
réalisable et qui fait le maximum
pour l’atteindre.» Maîtrisant parfaitement son sujet, l’ancien joueur
de foot, qui a évolué jusqu’en première ligue, vous rejoue volontiers
le match. Avec ses bras, il vous trace
les fluctuations des Bourses mondiales, vous parle de liquidités, de
dépôts-titres, de produits structurés, du SMI, du Dow Jones, du
Nasdaq, des discours de Barack
Obama pour sauver l’industrie
automobile. On fait mine de comprendre en hochant la tête. Et on
imagine le «petit retraité», originaire du canton de Soleure, devant
son ordinateur à scruter près d’une
heure par jour l’évolution des différents titres sur Cash.ch, un site
suisse alémanique. Notre homme
est un cérébral qui privilégie les
concours où il faut avoir une stratégie, anticiper le résultat et, in fine,
trancher. Pas étonnant qu’en 1974,
lors du Mondial de football en
Allemagne, il ait remporté le
deuxième prix d’un concours où il
fallait pronostiquer le classement
des équipes. Rien d’étonnant non
plus qu’il joue aux échecs tous les
jours, sur l’internet, contre des
joueurs vivant aux quatre coins du
monde. «Les échecs plus le
concours, je n’ai pas souvent vu
mon mari ces derniers temps»,
plaisante Michèle, 61 ans le
28 décembre prochain.
Au fil de la discussion, on comprend donc que notre papy boursicoteur à la moustache distinguée
n’a pas débarqué dans le concours
de TTC comme un simple dilettante. Cela fait depuis le début des
années 90 qu’il a placé de l’argent,
bien réel celui-là, en Bourse. Au
début, le gestionnaire qui s’occupait de son portefeuille ne fut pas
très performant. Du coup, il a pris
les choses en main, «avec plus de
succès». Pourtant, avec la crise
actuelle, il a perdu un peu d’argent.
«Comme tout le monde», soulignet-il, avant d’ajouter: «Mon portefeuille est sous contrôle; je dors très
bien.» On le croit volontiers.
L’amour des chiffres
D’autant plus que les chiffres, ça
le connaît. Déjà à l’école, sa matière
forte était, sans surprise, les maths.
Après un apprentissage dans la
banque, il a entamé sa carrière dans
une institution financière en Suisse
romande jusqu’à l’âge de 23 ans.
Pour devenir ensuite son propre
patron en reprenant un magasin
pour bébés et futures mamans,
puis en terminant sa carrière à la
tête d’une entreprise de leasing
automobile. «Durant toute ma vie
de commerçant, j’ai dû jongler avec
les chiffres, analyser des situations
rapidement et décider.»
Et l’argent dans tout ça? «Un mal
nécessaire», estime ce catholique
qui, très tôt, a compris son importance dans la vie. «Petit, j’aidais
mes parents, qui tenaient une boulangerie, en distribuant le pain; je
sais ce que représente un sou.» En
attendant, avec ce qu’il a gagné au
concours TTC, il va faire «un beau
cadeau» à son épouse. C’est Noël,
Q. L. J
après tout.