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actualité, info
en marge
Les tristes (et somme toute rassurantes)
outrances de James Watson, Nobel 1962
2390
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dateur, avec Francis Crick, de la génétique
via leur célèbre hélice (sans oublier Rosalind
Franklin). James Watson est le dernier des
trois, aujourd’hui, à se souvenir de tout cela
– des tenues d’apparat et de la remise du
Nobel millésimé 1962 pour sa découverte
publiée en 1953. Un demi-siècle est passé
par là. S’en souvient-il vraiment ?
James Watson vient de tenir des propos
étonnants au Financial Times. Etonnants, in­
LDD
On ne s’intéresse pas assez aux Nobels. Du
moins à leurs déviances, à leurs mauvais
côtés, à leurs petits péchés. Il y eut une épo­
que, pas si lointaine, où certains d’entre eux
avaient envisagé de créer une banque de
sperme. L’idée que, tout bien pesé, l’intelli­
gence qui les caractérisait pouvait être gamètement transmissible. On en vit d’autres tenir
des propos ouvertement racistes. Certains,
et non des moindres, ne sont plus compris.
On vit aussi le Fran­
çais Alexis Carrel (No­
bel 1912) écrire ensuite
«L’Homme, cet Incon­
nu». Leur exploit ac­
compli beaucoup dis­
parais­sent du paysage
médiatique et certains
aban­donnent la raison
pour la patamédecine.
Un ou deux imaginè­
rent avoir trouvé la
so­lution contre le can­
cer ou le rhume de
cerveau ; avoir résolu
la quadrature, donné
la vie au mouvement
per­pétuel et à la crois­
sance économique per­
manente.
A l’inverse, certains
demeurèrent des pha­
res de la pensée humaniste. Quelques-uns
(parfois les mêmes) cultivèrent un humour
décapant jusqu’à leurs derniers instants.
Nous gardons pour notre part en mémoire
les heures passées avec François Jacob, en
2004, pour préparer une série d’émissions
estivales destinées à France Culture. Ou aux
méchantes incompréhensions qui suivirent
l’annonce, en 2008, de l’attribution du No­
bel de médecine à Luc Montagnier pour sa
découverte, en 1983, du virus du sida. Les
honneurs et l’argent ne sont pas toujours
compatibles avec la recherche de la vérité.
Tout cela est au fond assez rassurant : les No­
bels sont des intellectuels comme les autres.
Les royalties du roi de la dynamite et le pou­
voir de l’Institut Karolinska sont là pour
nous le rappeler. Cela n’a pas de prix.
Aujourd’hui, le cas James Watson. Soit un
monument du XXe siècle qui a bien du mal
avec le troisième millénaire. Ornithologue
de formation, biochimiste d’adoption, fon­
convenants, ahurissants. Délirants ? Il y a
quel­ques jours Laura Helmuth rapportait
l’affaire sur Slate.com.1 Résumons-là. Watson
annonçait qu’il allait vendre aux enchères sa
médaille Nobel (estimée entre trois et quatre
millions de dollars). James Watson, qui a ga­
gné beaucoup d’argent tout au long de sa
vie, dit aujourd’hui être à court. Il aurait be­
soin de liquide. Pour en faire don à des uni­
versités, dit-il, ou pour acheter une toile de
David Hockney. Mais il dit aussi agir de la
sorte au motif qu’il serait devenu une unperson. Il n’existerait plus comme il a pu exister.
La science coule sans lui et les caméras ne
sont plus là. Il lui faut ce coup d’éclat pour
se sentir revivre. Ressentir ce frisson, cette
chaleur qu’il ne trouve plus nulle part ail­
leurs. Un syndrome assez commun au fond,
quelque chose comme un manque cruel de
reconnaissance. Watson aura 90 ans dans
quatre ans.
Il nous pousse aujourd’hui à faire sa né­
crologie avant l’heure. Naissance de James
Dewey Watson, le 6 avril 1928 à Chicago.
Etudes d’ornithologie et de biologie à l’Uni­
versité de l’Indiana. Thèse soutenue en 1950.
Voyage l’année suivante à Copenhague, pour
s’initier à la biochimie. Assiste, à Naples, à
un congrès où l’on présente les premiers cli­
chés de diffraction de l’ADN – ADN que
l’on commence à tenir pour être le possible
support de l’information génétique. A 23 ans,
s’attaque à la structure des acides nucléi­ques.
S’installe à Cambridge (laboratoire de cris­
tallographie). Commence à étudier l’ARN et
montre qu’il a une structure hélicoïdale. S’at­
taque à la structure de l’ADN. Comprendra
bientôt, avec Crick, la double clé de la ser­
rure : la structure hélicoïdale et la composi­
tion chimique (en quatre bases) de l’ADN –
structures complémentaires sur le plan sté­
rique. Naissance du modèle en cette nouvelle
notion, ajoutée à celle d’une structure héli­
coïdale, leur permet d’élaborer un modèle
de structure en double hélice. Découverte
qui n’aurait pu se faire sans les clichés de
diffraction aux rayons X de Rosalind Fran­
klin, l’oubliée.
Il fête ses 25 ans. Et voici que Nature pu­
blie trois articles, respectivement de Watson
et Crick, de Maurice Wilkins et de Rosalind
Franklin. On se souviendra surtout de l’ar­
ticle des deux premiers : écrit sur une seule
page en un langage clair et précis, accompa­
gné du schéma de la double hélice. Emporte
l’adhésion de la communauté scientifique.
Retentissement d’emblée considérable. Evé­
nement scientifique majeur du XXe siècle. Il
a bouleversé la biochimie et ouvert la voie à
la biologie moléculaire. Nobel de médecine
neuf ans plus tard.2
La suite ne sera pas toujours aussi bril­
lante. En 2007, on le voit confier, en substance,
au Sunday Times qu’il est intrinsèquement
pessimiste quant à l’avenir de l’Afrique du
fait de l’intelligence objectivement supérieure
des Blancs. Il est alors unanimement blâmé
et sanctionné – exclu, notamment, du conseil
d’administration du Cold Spring Harbor
Laboratory. L’équivalent de Jules Maigret,
condamné à la réclusion à perpétuité. On
ne lui pardonna pas non plus, outre-Atlan­
tique, d’avoir déclaré à propos des manipu­
lations génétiques que «les gens disent qu’il
serait horrible qu’on puisse faire en sorte que
toutes les filles soient jolies. Moi je trouve
que ce serait super». En 2007, il récidive, par
écrit :
«Il n’y a aucune raison de s’attendre à ce
que les capacités intellectuelles de peuples
séparés géographiquement dans leur évo­
lution aient évolué de manière identique.
Notre volonté de distribuer des pouvoirs
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 10 décembre 2014
08.12.14 12:21
de la libido humaine, entre l’ambition et la
finesse de la silhouette.
Aujourd’hui, il entend revenir sur la scène.
Comme un vieux chanteur. Comme un vieux
boxeur plutôt. Il assure ne pas être raciste,
du moins pas raciste comme on l’entend gé­
néralement. Certains obser­
vent qu’il met sa médaille
… «Notre volonté de distribuer des pouvoirs
d’or en vente au moment où
intellectuels égaux, cette volonté ne sera pas
les Etats-Unis sont en proie à
suffisante pour qu’il en soit ainsi» …
des manifestations récurren­
ancêtres noirs et 9% par des aïeux asiati­ques. tes de violence contre la brutalité policière
C’est que le vieil homme ne fait aucun mys­ visant les Noirs. Mais ça, Wat­son, tout géné­
tère de son propre génome. Mieux, il l’a of­ ticien qu’il soit, ne pouvait pas le prévoir.
Tout comme personne ne peut prévoir si sa
fert à qui veut l’étudier.
La mise aux enchères du merveilleux sym­ dernière provocation en date sera ou non
bole sera-t-il le dernier affront de ce génie perçue comme un pied de nez à l’establishdevenu, pour certains, un vieil oncle grincheux ment scientifique. Comme la lan­gue tirée au
de la génétique ? De celui qui avait dit que monde entier, et pour l’éternité, par un autre
«son espoir était que tous les hommes soient provocateur : Albert Einstein, né en 1879 à
égaux» mais que «les gens qui ont eu affaire Ulm et mort à Princeton en 1955. Einstein,
à des employés noirs se sont rendu compte prix Nobel de physique 1921.
Aux dernières nouvelles, les enchères Wat­
que ce n’est pas vrai». De cet Anglo-Saxon
décrypteur du Livre de la Vie, voyant un son, démarrées à 1,5 million de dollars se
lien entre l’exposition au soleil et l’intensité sont achevées à 4,1 millions. La médaille
revue de presse
Le TF estime que les
données médicales doivent
circuler entre assurances
de base et complémentaire
La nouvelle aurait pu passer inaper­
çue… C’est une juriste de l’associa­
tion Pro Mente Sana qui a levé le
lièvre : dans un arrêt du 30 octobre,
le Tribunal fédéral (TF) a «autorisé in­
directement les assureurs privés à
accéder à des données médicales
qui ne leur sont pas expressément
communiquées». En effet, le TF a es­
timé que l’usage normal veut que les
informations des assurés soient trans­
mises entre assurance de base et
complémentaire, du moment où ces
dernières appartiennent au même
groupe.
L’affaire ne manque pas de piquant :
les débats sur la caisse publique
nous avaient habitués à voir dénon­
cée la trop grande tendance des as­
surances de base à aller lorgner les
informations des assurés. Cette fois,
le Tribunal fédéral reproche à une as­
surance complémentaire de ne pas
s’être renseignée auprès de la base
du même nom sur les antécédents
d’un patient. Une situation qui révolte
Joy Demeulemeester, responsable
politique de la santé FRC : «Cette af­
faire confirme que les informations
circulent entre les assurances, et, par
sa décision, le TF encourage cette
pra­tique. En termes de protection des
données, c’est une catastrophe.»
L’histoire a débuté avec un assuré
souffrant de varices, qui s’est vu diag­
nostiquer un problème vasculaire en
décembre 2010. Quelques jours plus
tard, il contracte une assurance com­
plémentaire pour des frais d’hôpitaux
auprès du même groupe que sa base,
affirmant qu’il n’avait pas suivi de trai­
tement particulier les cinq années
précédentes. Les problèmes surgis­
sent au mois d’avril : le patient s’étant
fait opérer pour ses varices, l’assu­
rance complémentaire l’accuse d’avoir
menti au moment de remplir le ques­
tionnaire de santé et refuse de payer
certains frais d’hospitalisation.
Le litige remonte jusqu’au TF, qui ad­
met les torts de l’assuré. Toutefois,
le tribunal relève que des factures
avaient été envoyées à l’assurance
de base au moment du diagnostic.
La base et la complémentaire, indi­
que l’arrêt, «reçoivent leur correspon­
dance à la même adresse, partagent
les mêmes numéros de téléphone et
usent d’un papier à en-tête commun».
Résultat : le TF estime que «les do­
cuments que des tiers adressent à
l’une d’elles, tels les factures des four­
nisseurs de prestations, sont acces­
sibles aussi à l’autre». Et ceci même
si «l’organisation ainsi établie [est]
éventuellement inconciliable avec le
régime légal de la protection des don­
nées dans l’assurance-maladie».
Le parlement aura l’occasion d’agir
dès janvier, puisqu’il y sera question
de séparation des assurances de
base et des complémentaires. Guy
Parmelin (udc/VD) et de Liliane Maury
d’or 23 carats (6,6 cm de diamètre) représen­
tant le profil gauche d’Alfred Nobel, était
présentée dans son coffret d’origine au nom
de James Watson. Christie’s a aussi vendu
les notes manuscrites de James Watson pour
son discours de remerciement lors du ban­
quet Nobel du 10 décembre 1962. Estimées
entre 300 000 et 400 000 dollars, ces cinq pages
ont été adjugées pour 365 000 dollars (avec
les taxes). Quant au manuscrit corrigé de 46
pages de la conférence Nobel donnée le len­
demain, il est parti pour 245 000 dollars,
taxes incluses.
Jean-Yves Nau
[email protected]
1 Le texte de Slate.com est aujourd’hui disponible sur
Slate.fr (traduction de Bérangère Viennot) : www.slate.
fr/story/95347/vendre-prix-nobel
2 On peut voir ici une conférence de Watson racontant les
circonstances de sa découverte : www.ted.com/talks/
james_watson_on_how_he_discovered_dna
Pasquier (ps/GE), qui président res­
pectivement la Commission de la sé­
curité sociale et de la santé publique
du National et des Etats, n’ont pas
mas­qué leur surprise en prenant con­
naissance de cette affaire, dont ils
entendaient parler pour la première
fois. (…)
Laura Drompt
Le Courrier du 4 décembre 2014
Point TarMed : Genève
gagne devant le Tribunal
administratif fédéral
La justice confirme la valeur du point
TarMed fixée par le gouvernement
genevois, soit 96 centimes. La va­
leur la plus élevée de Suisse était
combattue par les assureurs, consi­
dérant la rémunération des presta­
taires de soins trop élevée à Genève.
Le Tribunal administratif fédéral a ren­
du sa décision : il valide la position de
l’Exécutif genevois. Derrière TarMed
se cache un gros morceau de la fac­
turation des prestations de santé,
environ 28% du montant des cotisa­
tions des Genevois (1,6 milliard de
francs par an).
Président de l’Association des mé­
decins du canton de Genève, Michel
Matter se déclare soulagé, mais avec
une pointe d’amertume. «La neutra­
lité des coûts aurait requis une va­
leur du point TarMed à 1 fr. 05.» Il ex­
plique qu’en Suisse alémanique, ses
confrères «peuvent gagner l’équiva­
lent de 20 centimes par point grâce
à la vente directe de médicaments
dans les cabinets, une pratique in­
terdite dans les cantons romands».
La décision réjouit le Département
de la santé. «C’est une épée de Da­
moclès qui disparaît au-dessus de la
tête des médecins de ville, dit Adrien
Bron, directeur général de l’Office de
la santé. Les juges ont heureusement
et enfin balayé l’argument des assu­
reurs et de la Surveillance des prix
sur la neutralité des coûts qui devait
accompagner l’introduction de Tar­
Med en 2002.» Le haut fonctionnaire
rappelle que Genève juge contreproductif d’agir sur la rémunération
des médecins. En revanche, il est
impératif de réguler l’offre en péren­
nisant la clause du besoin, comme le
propose Alain Berset, conseiller fédé­
ral chargé de la Santé.
Jean-François Mabut
Tribune de Genève
du 5 décembre 2014
Le Mont-sur-Lausanne
A louer de suite ou à
convenir dans immeuble
récent avec activités
dans le domaine de la
santé, local de 60m2.
Possibilité de partager
une salle d’attente et
la réception.
Renseignements :
Sandra Resente au
058/234.01.95
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 10 décembre 2014
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1007302
intellectuels égaux, comme une sorte de do­
tation universelle, cette volonté ne sera pas
suffisante pour qu’il en soit ainsi.»
La même année, on parle d’une étude
scandinave affirmant que l’ADN de Watson
comporterait 16% de gènes légués par des
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