Les rêves. On peut soidisant les interpréter. Ils

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Les rêves. On peut soidisant les interpréter. Ils
Les rêves. On peut soi­disant les interpréter. Ils représenteraient notre subconscient. Personnellement c'est la vie que j'aimerais qu'on m'interprète. Toute une vie à travailler pour s'acheter une boîte, dans laquelle vous pourrissez pour l'éternité.
Je suis de mauvaise humeur ?
Oui.
Je déteste être en retard, surtout quand j'ai un travail à faire.
Je me présente. Je m'appelle Léo Mac Kinney. Je suis dans la force de l'âge, ce qui bien sûr ne signifie rien, puisqu'à tout âge on a la force ou, au moins, la foi.
J'ai 31 ans, et ça fait 6 ans maintenant que je suis dans le métier.
J'ai fini de m'habiller, je n'oublie pas mes outils et je fonce.
La journée commence bien : un procès verbal. De toutes façons ce n'est pas ma voiture... Le client est sympa il m'a réservé une chambre à l'Holliday Inn du coin, au dernier étage. Il pensait peut­ être que j'allais y dormir pour éviter de rater mon objectif. Il n'avait pas tout à fait tort... .
Il y a beaucoup trop de voitures – ou trop de gens. En fait, c'est à se demander si tout le monde n'a pas la même impulsion en même temps : une sorte de migration de milliers d'automobilistes.
D'ordinaire je râle peu, ou c'est plus espacé dans le temps. Mais rappelez vous; je suis en retard. Incroyable ! Le trafic reprend. Devinez la source du ralentissement ... Allez, vous devez bien avoir une petite idée... La curiosité.
Un accident. Moche. C'était une belle voiture. Je ne suis pas réellement fan des Ford fiesta mais là, j'avoue qu'avec les rayures blanches ça en jette, enfin... ça en jetait.
J'arrive enfin à l'hôtel ! Reste à trouver une place : autre grand but dans la vie d'un automobiliste.
Hey ! La chance me sourit, une voiture quitte sa place de stationnement juste devant moi.
Un petit créneau et je suis arrivé.
Je rentre dans l'hôtel. Le réceptionniste semble contrarié.
"On m'a réservé une chambre depuis hier, au nom de Mc Arthur. " J'adore ce pseudo, ça fait très général.
"Je vais vérifier ", répond­ il d'un ton énervé.
­ Excusez moi de vous poser cette question, mais vous semblez légèrement anxieux. "
­ Anxieux ! Je suis de vacation depuis hier soir et ma relève n'est toujours pas arrivée. Ca va faire une heure que j'attends !
­ Whow ! Remarquez s'il est en voiture il peut être pris dans les bouchons "
­ Dans ce cas, on prévoit, on part avant !
­ Quelle voiture conduit il ? " Je sais, vous allez dire : " Il discute avec un réceptionniste alors qu'il est en retard ", mais sachez que, dans mon budget temporel, j'avais inclus le stationnement, ce qui m'alloue un bonus de temps. Et puis, je suis toujours à l'écoute des gens.
"Une Ford fiesta noire avec des rayures blanches " Aie.
" Merci pour la clé. "
Je me sens gêné pour lui, car sa relève, elle n'est pas prête d'arriver... J'ai vraiment bien trouvé mon nom de code : " Chat Noir ".
Je me dirige vers l'ascenseur.
Si un jour je trouve le responsable qui a eu l'idée saugrenue de mettre de la musique dans les ascenseurs ... " Girl from Ipanema ".
Si je n'ai pas cet air dans la tête toute la journée, on pourra dire que j'ai de la chance.
Dernier étage. Bon l'escalier qui m'intéresse est celui qui mène au toit.
Un coup de crochetage de serrure, aucune porte ne me résiste – sauf celles sans serrure.
Ah !oui ! Et les portes avec des passes magnétiques... Bon on se réveille! L'heure H arrive.
Une belle matinée et une belle prime en perspective. Je m'installe confortablement contre le parapet. Je me demande quelle figurine je vais m'acheter... Ne vendons jamais la peau de l'ours avant de l'avoir tué... mmmh... à propos de tuer.
Je sors mon fusil sniper. C'est tout ce qui me reste d'elle. Elle. Tiens... du bruit derrière moi?
Je me retourne en braquant mon fusil sur la personne qui s'approche.
"Si je pensais te trouver ici !".
Je repose mon fusil. Ce n'est que Norman...
"J'aime prendre le frais sur les toits des hôtels le matin. Et toi ? Dis­je d'un ton ironique.
­ Regarde comment je suis habillé ! "
Il porte un manteau bleu bordé de jaune.
"Tu t'es reconverti en facteur ? Qui est l'heureux élu ? "
Norman s'approche du bord de l'immeuble et regarde dans la même direction que moi.
"C'est juste à côté de la grande résidence, à droite. "
A ce moment là, une explosion retentit deux rues plus loin. Les pompiers sont déjà là.
C'est bien Norman, ça. Toujours prévenir les pompiers pour éviter des dommages collatéraux.
Je souris.
"Apparemment il l'a ouverte. J'aime bien les lettres explosives, ça m'évite de regarder ma cible en face et de la voir s'écrouler ". Il me tape dans le dos.
"Tu as des nouvelles de notre demoiselle d'honneur préférée ?
­ Tu sais Norman, si j'avais des nouvelles, c'est que je serais mort. Elle me tient toujours responsable de ce qui est arrivé. ­ C’ n’est pourtant pas faute de clamer ton innocence... Mais bon, quand elle a une idée derrière la tête... "
­ Excuse moi, deux secondes... "
C'est l'heure. J'arme mon fusil, je l'épaule. Je règle la focale de mon viseur afin de voir la voiture arriver. J'hésite, il y a des enfants avec lui. Peut­ être les siens? Je vais plutôt attendre qu'il sorte. La voiture ralentit et s'arrête. Ce fumier a tué ou fait tuer tellement de monde que la Mairie pourrait lui créer un impôt, pour avoir rempli la moitié de son cimetière. Mon employeur aussi, remarquez... Mais il faut bien manger, non?
Il sort enfin.
Sans les enfants.
La voiture redémarre. Ses deux gorilles sont avec lui. J'en ai assez de le voir. Je presse la détente. Une balle dans la tête et il fait ce que tout bon cadavre doit faire : s'écrouler. Les gardes du corps regardent de gauche à droite, paniqués.
"Beau tir !"
Je range mon fusil sniper.
"Viens on va allez boire dans ma chambre. En plus, je dois appeler mon client, dis­je.
­ Tes boss sont riches...
­ Pas toi ?
­ Non. Moi, ils sont très riches. "
Il rigole, moi aussi.
Le temps passe vite quand on est avec un ami. Il me parle de ses derniers contrats, je lui parle des miens. Dans notre métier, l'amitié peut vite être réévaluée avec de l'argent. Dans notre cas, heureusement, elle n'est pas estimable.
Norman pose son verre et se lève. Il se dirige vers mon fusil.
"Elle avait du goût pour les armes ... "
Je l'écoute, les yeux plongés dans mon Bailey’s.
"Quand elle m'a parlé de toi la première fois, elle avait tant d'étoiles dans les yeux que l'on aurait dit qu'elle avait vu le messie.
­ Tu es poète maintenant ? "
Il sourit puis d'un ton grave poursuivit:
"Je suis inquiet pour toi.
­ Facteur, poète, mère, souffle un peu !
­ Je suis sérieux. On n'a jamais trouvé qui avait fait le coup et on n'a jamais retrouvé le corps. "
Pendant qu'il parle, je vois les deux dernières années défiler devant mes yeux. Ma période de décadence, puis de vengeance et finalement d'abandon. Abandon de la vengeance, abandon du désir de vivre. Puis reprise du goût à la vie grâce à Norman et à Céline. Bien que, pour Céline c'est un peu différent. Elle veut me faire payer le fait de n'avoir pas été avec Chloé quand elle a disparu. Elle me considère comme responsable.
" Tu m'écoutes ? "
­ Bien sûr ! " Fis­je, du ton du garçon niant d'avoir regardé dans le décolleté de sa camarade de classe.
" Chien Fou veut être le numéro un, et il est prêt à tout.
­ Chien Fou... ". Ce nom ridicule m'a toujours fait marrer. Pourquoi pas "vache folle "ou "requin marteau " ? J'éclate de rire.
" Je vois que cela ne t'inquiètes pas.
­ Il a toujours voulu être meilleur que moi. Il rêve de me tuer. Son problème c'est qu'il ne veut pas le faire gratuitement. Vu que je ne risque pas de travailler avec lui, je suis tranquille côté " balle perdue. "
Quand je pense aux déculottées que je lui ai mises...
­ Sauf s'il est engagé pour te tuer... "
Ma bouche ne se referme pas et je me lance dans une imitation non volontaire de l'expression d'un poisson sur l'étal.
"Tu as des tuyaux ?
­ Non, mais protège tes arrières. Je te rappelle qu'il convoitait aussi Chloé.
­ Oui, dans ses rêves. Ah, une situation bien comique! Tout le monde veut m'abattre parce que ma femme a disparu.
­ Non, pas tout le monde. Juste Céline. Bien que je sois content de ne pas l'avoir à mes trousses.
­ Je te remercie pour cet encouragement."
Le téléphone portable de Norman sonne. La musique de " Mission Impossible " s'élève.
"Pitié ! Change de sonnerie !
­ Je l'adore cette série."
Il rigole et décroche.
J'en profite pour appeler mon " client ".
On quitte la chambre 2 heures plus tard, séparément bien sûr.
Ce n'est plus le même réceptionniste. Je lui rends la clé.
" Votre collègue a pu partir, finalement ?
­ Oui... Je l'ai remplacé... Il y a une... demi­ heure."
Pourquoi tremble­ t­ il ?
" Bonne journée !
­ Mer ... merci."
Je jette un rapide coup d'œil dans le miroir au dessus du comptoir en sortant. Soit je suis devant la première espèce de réceptionniste à quatre pieds, soit ce type est menacé par quelqu'un accroupi derrière lui. Après tout, ce ne sont pas mes affaires.
Une fois dehors un sentiment de culpabilité m'assaille. Je pourrais entrer de nouveau et sauver ce pauvre bougre de je ne sais qui, ou je pourrais prendre ma voiture et aller acheter une figurine.
Je déteste les remords...
J'entre rapidement dans l'hôtel avec mon calibre 22, équipé d'un silencieux, dissimulé dans mon pardessus. Le réceptionniste est figé sur place. À cause de l'expression de mon visage ou d'autre chose?
Je fais le tour du comptoir et avant que la personne accroupie ne lève son arme, je l'abats d'une balle entre les deux yeux. Le sang éclabousse le bas du pantalon du réceptionniste qui crie, avant de se lancer dans une ode de remerciements.
" Qui c'était ? " dis je en remettant mon pistolet, encore fumant, dans ma poche.
" Un type qui voulait me faire la peau, parce que j'avais couché avec sa femme.
­ Et moi qui croyais tomber sur un gang organisé, voulant faire un attentat dans votre hôtel... En fait c'était juste un pauvre type... "
­ Vous m'avez sauvé la vie... "
Je le regarde en souriant. Je déteste tuer gratuitement. J'entends Chloé me faire l'un des mes premiers reproches :
" Prends ton temps, analyse la cible, n'agis jamais dans la précipitation. Et surtout, méfie toi des apparences ! "
Les hurlements des sirènes de police me sortent de ma torpeur. Le réceptionniste les a appelés. Je préfère m'en aller pendant qu'il est temps, malgré ses supplications. Chacun ses problèmes.
Je reprends ma voiture de location, qui se trouve gratifiée d'un deuxième procès verbal. Je quitte le quartier au moment où la police le bloque.