La lettre du Ministère de la Culture du 29 aout 2012

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La lettre du Ministère de la Culture du 29 aout 2012
La lettre du Ministère de la Culture du 29 aout 2012
Objet : Portage salarial dans le spectacle vivant - Textes de référence : Code du travail
(L.1251-64 ; septième partie - livre 1er - titre II dont L.7122-6)
Textes officiels
Mon attention a été appelée à plusieurs reprises sur la délivrance de licences
d’entrepreneurs de spectacles à des entreprises qui pratiquent à titre principal ou accessoire
le portage salarial et sur les risques juridiques, économiques et sociaux qui peuvent découler
d’une utilisation inappropriée de ce dispositif.
Le portage salarial a été défini par l’article 8 de la loi du 25 juin 2008 portant modernisation
du marché du travail1 reprenant les termes de l’article 19 de l’accord national
interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail.
Un accord relatif à l’activité de portage salarial a ensuite été signé le 24 juin 2010, par le
PRISME, organisation employeur du travail temporaire, et quatre des cinq organisations
syndicales représentatives au plan national et interprofessionnel, afin de l’organiser. Cet
accord n’est à ce jour pas étendu.
Le développement de cette pratique dans le secteur du spectacle qui prend la forme de
l’établissement de contrats de travail par des entreprises avec des salariés, artistes ou
techniciens, recrutés pour un ou des spectacles dont elles ne sont pas le producteur, appelle
de ma part quelques précisions.
L’exercice de l’activité d’entrepreneur de spectacles, dont celle de producteur et
employeur du plateau artistique, est subordonné à la détention d’une licence. Cette licence
est personnelle et incessible. Elle est accordée pour la direction d’une entreprise déterminée.
L’interposition de quelque personne que ce soit est interdite (article L7122-6 du code du
travail).
Le portage est une modalité administrative de l’exercice indépendant d’une activité. Il n’est
pas une modalité de gestion d’une activité subordonnée qui relève du salariat. En
conséquence, le recours à une entreprise de portage n’est possible que si l’artiste ou le
technicien concerné exerce son activité à titre indépendant.
En vertu de l’article L.7121-3 du Code du travail qui dispose que « toute personne qui s’assure,
en vue de sa production, du concours d’un artiste du spectacle est présumée être son
employeur », le recours au portage, dans le cas d’un artiste, suppose donc que celui-ci
exerce son activité dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.
Une entreprise de spectacles ne pourra faire appel à un artiste en portage salarial qu’en
apportant la preuve du renversement de la présomption de salariat de l’artiste et donc que
l’artiste exerce son activité à titre indépendant. En l’absence d’une telle preuve, la
présomption de salariat demeure entre le salarié prétendument porté et l’entreprise de
spectacles.
À défaut, le producteur demeure l’employeur sans possibilité d’interposition d’une tierce
personne. Le simple fait pour l’artiste de conclure un contrat avec l’entreprise de portage
salarial ne suffit pas à renverser cette présomption.
L’absence de renversement de la présomption de salariat implique pour l’entrepreneur de
spectacles l’obligation de salarier l’artiste et de procéder aux déclarations sociales
correspondantes, sous peine de se rendre passible du délit de dissimulation d’emploi salarié,
constitutif de l’infraction de travail illégal.
L’artiste indépendant peut donc choisir de recourir au portage salarial, dans la mesure
notamment où il recherche et définit lui-même sa prestation de spectacle et où il remplit les
conditions de rémunération, d’expertise et d’autonomie de négociation de sa prestation
telles qu’elles sont posées par l’accord national interprofessionnel du 24 juin 2010.
Les entreprises qui rendent des services administratifs aux entreprises de spectacles ne
peuvent le faire qu’au nom de ces dernières qui demeurent l’employeur, il en est de même
pour les collectivités territoriales qui font appel à des sociétés de portage salarial.
Il vous est demandé de faire connaître aux élus et aux fonctionnaires des collectivités
territoriales les risques pour le secteur du recours massif au portage.
Ces dispositions s’appliquent dans toutes les branches du spectacle.
LETTRE DU MINISTÈRE DE LA CULTURE DU 29 AOÛT 2012
S’agissant du spectacle vivant, deux situations sont à envisager :
a) Une entreprise de portage salarial dont l’activité consiste à établir des contrats de travail
sans être productrice ne peut être considérée comme entrepreneur de spectacles.
La licence d’entrepreneur de spectacles vivants ne peut lui être attribuée pour l’exercice de
l’activité de service administratif.
Il n’y a pas de motif pour accorder une licence d’entrepreneur de spectacles vivants à une
entreprise de portage salarial. En effet le spectacle est un ensemble d’activités alors que le
portage salarial est un mode d’organisation de relations contractuelles entre une entreprise
de portage, une personne portée et des entreprises clientes.
b) Dans le cas d’une entreprise qui dispose d’une licence au titre d’une réelle activité de
production, cette licence ne peut valoir pour autrui, ce qui est le cas si cette entreprise
exerce une activité de portage. La licence peut donc lui être retirée au motif de la
méconnaissance des dispositions de l’article L.7122-6 du Code du travail rappelées ci-dessus.
Une attention toute particulière doit être portée à la détection de cas de montage organisés
par certaines entreprises qui exercent simultanément ces deux activités : activité de
portage et entrepreneur de spectacles.
À cet égard, il vous est demandé d’examiner avec la plus grande attention les dossiers de
renouvellement de licence qui feraient apparaître une grande diversité d’activités, une
disproportion entre la programmation réalisée et les déclarations sociales présentées, et une
programmation incertaine. Vous examinerez ces situations avec la plus grande attention au
regard des dispositions de l’article L.7122-6 et vous en informerez mes services (sous-direction
de l’emploi et de la formation).
En ce qui concerne les prestations de l’assurance chômage, le bureau de l’Unédic du 23 juin
2011 a décidé d’indemniser, à titre transitoire, les demandeurs d’emploi qui exerçaient leur
activité en portage salarial.la circulaire Unédic n°2011-33 du 7 novembre 2011 prévoit les
conditions suivantes pour ouvrir droit à indemnisation du salarié porté :
• l’entreprise de portage salarial doit avoir pour seule activité le portage salarial, avoir
souscrit une garantie financière, et assurer la responsabilité du suivi médical du porté (à
l’embauche, puis périodiquement) ;
• les dispositions légales relatives aux congés payés, prévues par les articles L.1242-16 et
L.3141-1 et suivants du Code du travail, doivent être respectées (détermination de la durée
du congé, montant et versement de l’indemnité compensatrice de congés payés, règle de
fractionnement et de report, ...) ;
• le salarié porté doit avoir le statut de cadre, ce qui n’est pas le cas des artistes interprètes
et bénéficier d’une rémunération par mois d’au moins 2 900 € pour un temps plein.
En outre, Pôle emploi considère que l’artiste en situation de portage ne peut prétendre aux
prestations de l’annexe 10 car son employeur ne relève pas du secteur du spectacle.
S’agissant des techniciens du spectacle vivant, il est rappelé que le bénéfice du régime de
l’annexe VIII de l’assurance chômage est subordonné au respect par l’employeur d’une
des conditions suivantes :
• soit la détention de la licence d’entrepreneur de spectacles, pour les entrepreneurs dont
l’activité principale est le spectacle ;
• soit la détention, par l’entreprise employeur prestataire technique, du label « prestataire de
services du spectacle vivant » 3.
Le label, attribué aux prestataires techniques, est attribué par une commission du label.
Celle-ci procède notamment à un examen attentif des capacités de l’entreprise à respecter
l’ensemble de ses obligations au regard, du droit du travail, des cotisations sociales, des
assurances, des qualifications et habilitations des personnels, ainsi que du respect des normes
techniques, de contrôle, d’entretien et de sécurité.
Eu égard aux conditions d’exercice de l’activité de portage salarial, qui implique une large
autonomie du salarié porté dans l’organisation et la réalisation de sa prestation auprès du
client, l’entreprise de portage ne peut être à même de s’engager au respect des conditions
relatives à la qualification et à l’habilitation du personnel, non plus qu’au respect des normes
techniques, de contrôle, d’entretien et de sécurité. L’entreprise de portage salarial ne paraît
ainsi pas susceptible de remplir les conditions requises pour l’attribution de ce label
(http://www.labelspectacle.org).
Pour mémoire, le recours à une entreprise de portage n’est possible que si le technicien
exerce son activité à titre indépendant.
Vous voudrez bien me fait part des cas que vous seriez amenés à connaître et des difficultés
que vous rencontrez au regard de ces situations.
Pour la Ministre par délégation,
Le directeur général de la création artistique
Georges-Francois Hirsch
1 Article L.1251-64 du Code du travail
2 Article L.7122-6 du Code du travail
3 Cf. Arrêté du 2 avril 2007 portant agrément des annexes VIII et X au règlement
annexé à la convention du 18 janvier 2006 relative à l’aide au retour à l’emploi
et à l’indemnisation du chômage, reconduite à l’identique par la convention d’assurance chômage
du 19 février 2009