MALAISES
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MALAISES
MALAISES Les vieillards ont souvent des malaises. Certains malaises exigent un soin immédiat : il y a risque vital. La fréquence de la mort subite augmente avec l’âge. Elle est souvent évitable. Une clinique rétrospective Le médecin assiste rarement à l’installation du malaise : se renseigner sur les conditions du malaise est essentiel. Y a-t-il eu des témoins ? Y a-t-il eu perte de connaissance ? Quelle était la couleur du visage, blanc ou cyanosé ? Comment était la respiration, absente, irrégulière ? Combien de temps a duré le malaise ? Le temps paraît alors très long. Y a-t-il eu des mouvements convulsifs ? Y at-il eu chute ou nécessité de s’asseoir ? L’examen initial comprend : pouls, tension artérielle, bruits du cœur, ECG dès que possible, examen neurologique, recherche d’hématomes, d’une morsure de la langue, de la perte d’urine. Il faut récupérer la dernière ordonnance. Mécanisme : un malaise, des causes L’examen doit identifier la cause exacte pour y remédier. La plus banale est la baisse du débit sanguin cérébral. Chez le vieillard, les causes peuvent être multiples : athérome carotidien, hypotension orthostatique et bradycardie peuvent 51 ABORD CLINIQUE DU MALADE ÂGÉ s’associer. Cette baisse de débit peut aller jusqu’à la perte de conscience progressive ou à la syncope. Elle est à distinguer du vertige, trouble de l’équilibre sans modification de la conscience, souvent lié à une maladie de Ménière, et accompagné de nausée, d’élévation tensionnelle. La crise comitiale traduit le plus souvent une séquelle d’AVC. Quel malaise ? ■ Syncope C’est le malaise le plus grave. La perte de conscience brutale jette à terre le sujet, sans réaction contre la chute. Elle est brève. Le réveil est immédiat et complet. L’ECG, s’il est fait aussitôt en postcritique, dévoile parfois un bloc sino-auriculaire, aussi fréquent que le bloc auriculo-ventriculaire complet (BAV). L’ECG peut déjà être revenu en rythme sinusal. Cela n’exclut pas la syncope par BAV transitoire qui doit être appareillé comme un BAV permanent. S’il y a eu syncope par BAV ou bloc sino-auriculaire, il existe un consensus pour la pose d’un stimulateur. La récidive peut être mortelle. L’auscultation peut identifier le souffle d’un rétrécissement aortique serré. À cet âge, le diagnostic de malaise vagal reste un diagnostic d’élimination. Avant de conclure à un malaise vagal, il est préférable d’avoir recours à une épreuve d’effort en milieu cardiologique. Certains BAV ne s’extériorisent qu’à l’effort. La bradycardie est souvent médicamenteuse, elle exige de vérifier l’ordonnance. ■ Crise comitiale Elle est souvent atypique et d’allure partielle, sans convulsion, sans morsure de la langue ; elle peut se réduire à une absence, à une confusion aiguë. Le réveil postcritique est lent, accompagné de confusion et d’agressivité. Suite à la crise, plus l’EEG est réalisé tôt, plus il a de chance de montrer un tracé caractéristique. La crise peut être suivie d’un déficit neurologique temporaire souvent baptisé à tort « accident ischémique transitoire » (AIT), alors qu’il s’agit de l’extériorisation d’une lésion cérébrale constituée. Toute première crise exige un 52 MALAISES examen neuroradiologique, IRM ou scanner, même si l’examen neurologique postcritique est normal. ■ Hypotension Les sujets âgés athéromateux sont sensibles à toute baisse tensionnelle. Sensation de faiblesse, vision brouillée, révèlent une baisse du débit cérébral. Si la cause la plus fréquente est un surdosage en antihypertenseurs, une sténose carotidienne doit toujours être suspectée. Un « vol » sous-clavier est une situation associée plus rare. Toute affection intercurrente, en particulier infectieuse, peut réduire la tolérance des antihypertenseurs. Il y a à la fois accumulation des médicaments par la baisse transitoire des clairances et l’effet circulatoire des facteurs proinflammatoires. Même en l’absence de traitement anti-HTA, un choc septique peut provoquer un effondrement tensionnel. ■ Malaises de type vertigineux Ils sont souvent difficiles à identifier. Leur déclenchement par les changements de position de la tête et l’accompagnement de nausées sont très évocateurs, autant et plus que « l’insuffisance vertébro-basilaire », étiquetage souvent fallacieux. Le vertige s’accompagne souvent d’une élevation tensionnelle. L’absence de nystagmus n’élimine pas le diagnostic de vertige vestibulaire. ■ Malaises hypoglycémiques Ils surviennent presque exclusivement chez les diabétiques traités, que ce soit par insuline ou antidiabétiques oraux. Les hyperinsulinismes tumoraux sont d’une grande rareté. Tout diabétique et son aidant familial doivent être éduqués à reconnaître les symptômes de début du malaise hypoglycémique et à pratiquer sa correction immédiate. Ce qui est dangereux, c’est la durée de l’hypoglycémie et son intensité. ■ Malaises liés à l’anxiété Chez le vieillard, comme chez l’adolescent, il existe des crises d’anxiété avec hyperventilation, voire des manifestations hystériformes. Un tel diagnostic doit être prudent : tout malade imite mieux, même inconsciemment, les symptômes qu’il connaît. Le malaise hystériforme est théâtral. Il a des témoins 53 ABORD CLINIQUE DU MALADE ÂGÉ choisis : conjoint, enfants, médecin traitant. L’absence de lésion traumatique, l’existence d’antécédents, le caractère spectaculaire, peuvent le faire évoquer. Comprendre ce qui s’est passé pour traiter Le diagnostic du mécanisme d’un malaise ne saurait attendre. Une syncope cardiaque peut récidiver et entraîner la mort, une hypoglycémie peut évoluer vers un coma, une crise comitiale vers un état de mal épileptique. Il n’existe pas de traitement symptomatique du malaise, seulement celui de sa cause. En dehors des précautions de base : allonger tête basse, relever les jambes, etc, le traitement ne peut qu’être fonction de la cause. En cas de syncope, il ne faut pas hésiter à diriger le patient sur les urgences cardiologiques. Si la plupart des malaises se résolvent spontanément, le médecin doit s’acharner à en comprendre le mécanisme, et à y faire face au plus vite sans attendre la récidive. Nombre de malaises semblent iatrogènes, dus aux antihypertenseurs. En fait ils dépendent aussi d’une sténose carotidienne méconnue. Les vieillards ont souvent des malaises. Certains malaises s’accompagnent d’un risque vital. L’anamnèse est difficile et l’examen clinique pauvre. Il faut toujours rechercher une hypotension, d’autant plus que le patient prend des antihypertenseurs. L’ECG est indispensable. 54