11. Victor Hugo, la bataille d`Hernani

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11. Victor Hugo, la bataille d`Hernani
LITTERATURE
Victor Hugo :
la bataille d’Hernani
par Diego Espinosa, Nathalie
Montcharmont et Luis Demay
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La bataille d’Hernani
La première d’Hernani
Le 25 février 1830 se déroule à Paris la plus
fameuse bataille jamais livrée par des hommes
de plume et des artistes. Elle reste connue sous
le nom de « bataille d’Hernani », du nom d’une
pièce de Victor Hugo qu’on jouait ce soir-là.
Le ROMANTISME est un
La 1 représentation
mouvement littéraire de la 1ère
moitié du XIXe siècle qui prône
eu lieu à la Comédie
l’expression des sentiments et
Française et fut très
l’abolition des règles classiques.
agitée ; elle se déroula
au milieu des chahuts1
entre les « classiques » et les
romantiques venus défendre leur
Il nait le 26 février 1802 à
champion. La polémique2 qui suivit
Besançon et meurt le 22 mai
prit le nom de « Bataille d’Hernani ».
ère
Victor Hugo :
Pourquoi ce scandale ?
Les « classiques » reprochaient à Hugo
de ne pas respecter les règles
observées depuis le XVIIe siècle pour
écrire « une bonne pièce de théâtre ».
En particulier, Hugo ne respectait pas
les différences entre le genre tragique
et le genre comique. Un nouveau
genre théâtral venait de naître : le
drame romantique.
Les reprises de la pièce :
La pièce fut censurée sous l’Empire. Il
fallut attendre 1977, avec Sarah
Bernhardt, pour redécouvrir la pièce.
1885à Paris. Engagé dans
la vie politique, il soutient
la candidature de LouisNapoléon Bonaparte en 1848
avant de s’opposer lui, le considérant comme un
tyran. Il doit s’exiler après le coup d’état.
Poète, dramaturge et romancier, il est considéré
comme le chef de file du romantisme dont il définit
les canons3 dans « La préface de Cromwell ». Très
controversé4 au début de sa carrière, il meurt très
reconnu et est enterré au Panthéon français.
1. chahut : tapage, agitation 2. polémique : débat avec de vives critiques
3. les canons : une controverse, un débat avec de vives critiques
4. controversé : contesté, objet d’un débat
LITTERATURE
Victor Hugo : la bataille d’Hernani
Quelques autres œuvres célèbres de Hugo :
● romans : Notre-Dame de Paris (1831), Les
Misérables (1862).
● poésie : Les Feuilles d'automne (1831), Les
Contemplations (1856).
● théâtre : Ruy Blas (1838)
Voici le résumé de pièce de V. Hugo qui
déclencha la fameuse bataille et consacra le
genre romantique :
HERNANI, 1830
L'action se situe en Espagne au moment de l'accession à l'empire
du roi Don Carlos qui deviendra Charles Quint. Hernani est un
jeune noble proscrit par le roi et en lutte contre lui. Il est
amoureux et aimé de Doña Sol, pupille et fiancée du vieux duc
Don Ruy Gomez. Le duc et Hernani complotent contre le roi
mais celui-ci en est averti. Néanmoins, le roi Carlos choisit la
clémence et unit Hernani, en réalité grand d’Espagne, à la femme
qu’il aime. Mais Don Ruy rappelle à Hernani son ancienne
promesse et celui s’empoisonne. Doña Sol suit son amant dans la
mort.
« Les Romains échevelés à la première représentation d'Hernani »,
gravure de Grandville (1836)
Règle 1 :
un seul lieu
Règle 2 : DURée
maximum de
l’action : 24h
Règle 3 :
unE seulE INTRIGUE
L’action d’Hernani se
déroule dans 3 lieux
différents.
« La pensée est une terre vierge et
féconde dont les productions veulent
croître librement, et, pour ainsi dire,
au hasard, sans se classer. » V. Hugo,
préface de 1826 aux Odes et ballades.
L’action d’Hernani se déroule
sur plusieurs mois.
L’action d’Hernani mélange une
intrigue sentimentale (histoire
d’amour) et une intrigue politique
(complot).
LITTERATURE
Victor Hugo : la bataille d’Hernani
DECRYPTER LA PRESSE DU XIXe
AU CŒUR DE LA POLEMIQUE
V. Hugo caricaturé par Benjamin Roubaud en 1842,
détail du « Grand chemin de la postérité »
V. Hugo caricaturé par Amand Vaché en 1876
Cette caricature montre Victor Hugo chevauchant un
monstre mi-cheval, mi-dragon ; il tient dans sa main une
bannière1 où est inscrit un slogan : « Le laid ? c'est le beau » ;
de nombreuses personnes hirsutes2 le suivent en cortège.
Victor Hugo apparaît ici comme un leader suivi par ses
fidèles. Au dessus, une personne est couchée sur un nuage en
train de donner sa bénédiction.
La caricature de Benjamin Roubaud montre ici Victor Hugo
en chef de file des Romantiques. Il entraîne derrière lui son
cortège de fidèles où l'on reconnaît les auteurs romantiques,
Théophile Gautier, Eugène Sue (accroché au mât), Alexandre
«
Cette caricature montre Victor Hugo élégamment assis dans
un fauteuil, une grande plume à la main, entouré de livres,
et avec, au dessus de sa tête, une étoile.
Dumas, Honoré Balzac, Alfred de Vigny comme pour
La caricature d’Amand Vaché représente Victor Hugo dans
quelque croisade fabuleuse. Les romantiques apparaissent ici
son métier d’écrivain, d’où la grande plume d’oie. Il est
comme les défenseurs du mauvais goût puisque sur la
entouré de livres, cela veut dire que c’est un écrivain
bannière est inscrit : « Le laid c'est le beau ». Le cortège est
prolifique1. L’étoile au-dessus de la tête symbolise le génie.
béni par le poète Alphonse de Lamartine.
Amand Vaché a mis à gauche de la veste de Victor Hugo la
Cette caricature critique le romantisme et met en évidence le
rosette d’officier de la Légion d’honneur.
reproche qu’on lui faisait le plus fréquemment : la défense du
Cette caricature est un éloge de Victor Hugo qui le présente
mauvais goût.
comme un grand écrivain du 19e siècle reconnu.
1. bannière : étendard, drapeau.
2. hirsute : les cheveux dans
tous les sens, négligés, d’où : apparence peu aimable.
1. prolifique : qui produit beaucoup.
LITTERATURE
Victor Hugo : la bataille d’Hernani ?
J. P. Guillaume Viennet (1777-1868), député et pair de
France attaque V. Hugo :
« Si, dans le temps où le goût régnait, on eût présenté au
parterre ce tissu d’invraisemblances, de niaiseries,
d’absurdités, les sifflets de Paris auraient fait un beau
tapage. Mais aujourd’hui c’est autre chose. Racine et
Voltaire sont bafoués, et voilà ce qu’une faction littéraire
prétend substituer à Athalie1 et à Mérope2.Voilà ce qu’on
nous prônait depuis un an, voilà ce qu’on applaudit à tout
rompre. Les gens de l’ancien régime poétique ont eu beau
protester par des murmures, des sifflets, des exclamations,
le lien était en force et l’auteur a été proclamé.
Ce n’était rien que le sujet! C’est le style et les vers qu’il
fallait entendre! Victor Hugo ne dit rien comme un autre. Il
lui passe quelquefois de grandes pensées: mais il les rend, à
dessein, d’une manière si ridicule que le rire étouffe
immédiatement l’admiration. Dès que le sublime se montre,
la trivialité de l’expression le fait disparaître. Je ne veux
rien citer. L’imprimerie assure la perpétuité de cette
immense rhapsodie4, mais la postérité française sera bien
étonnée qu’on fait dire tant de pauvretés à notre belle
langue et qu’une de nos générations ait pris cela pour un
chef-d’œuvre. »
Analyse du document
Vocabulaire péjoratif : ……
Marques d’ironie :……
→ se rapportent aux œuvres théâtrales de V. Hugo.
V. Pavie (1808-1886) raconte la première représentation
d’Hernani, la pièce de son ami V. Hugo :
« Je craignais quelque peu pour le premier acte, et
maintenant, une fois la toile baissée sur lui, au milieu des
bravos, mon violent serrement de cœur se détendit, et je me
dis : << Nous avons gagné. >> Le second acte, j’en étais sûr. Il
ronfle comme un tuyau d’orgue. Au troisième acte,
opposition de rigueur, et un sifflet à la plus belle scène, mais
englouti à cent pieds dans la mer, sous des algues de bravos
conjurés. Mon front ruisselait de sueur et mes vêtements
étaient trempés comme ceux d’un naufragé. Le quatrième
acte n’était pas une scène de ce monde; c’était plutôt une
scène d’ombres jouée sur des tombeaux. Le monologue de
Charles Quint atterra toute la salle. Ce n’était plus des
acclamations, c’était un brasier de oh! comprimés et sourds.
Ce quatrième acte est la réverbération la plus puissante du
génie d’Hugo. Un tonnerre d’applaudissements l’accueillit au
baisser du rideau. Il n’y avait que l’entraînement de la
passion qui pût produire quelque chose après le grandiose
concentré du quatrième acte, et, de toute manière, cet effet
dépassa l’attente. Le son du cor fut un navrement universel
pour les quatre points de la salle; et quand doña Sol fut
retombée sur le corps d’Hernani, son fiancée, que la toile fut
tombée pour toujours avec eux, un seul cri d’enthousiasme
effréné partit de l’enceinte, jusqu’à ce que Firmin eût amené
l’auteur de ce monumental et décisif chef-d’œuvre. Tout le
monde se leva et personne ne sortit. Jamais de notre vie de
jeunes hommes, succès pareil n’avait eu lieu. »
Analyse du document
Prise de position de l’auteur dans le débat
Il critique très durement Victor Hugo et trouve son
théâtre ridicule.
Vocabulaire mélioratif : ……
→ se rapporte aux réactions des spectateurs et à
l’admiration de l’auteur pour son ami Hugo.
Arguments pour défendre sa position :
● Il prend partie pour la manière classique d’écrire
(Racine, Voltaire) contre celle nouvelle des
romantiques.
● Il utilise l’invective3 en disant que le théâtre
d’Hugo est ridicule et ne peut attirer que la
moquerie. Il est persuadé qu’Hugo sera oublié dans le
futur.
Prise de position de l’auteur dans le débat
Il admire Hugo et la pièce de théâtre Hernani. Il
transmet son admiration en utilisant des hyperboles2.
1. Athalie : tragédie de Racine
2. Mérope : tragédie de
Voltaire
3. invective : parole agressive et injurieuse
Arguments pour défendre sa position :
● Il décrit l’enthousiasme des spectateurs pendant la 1 ère
représentation.
● Il raconte comment les spectateurs vibrent aux
malheurs des personnages et regardent le spectacle avec
des émotions fortes.
1. grotesque : ridicule, extravagant
2. Hyperboles : exagérations