Le monde a changé, la France a bougé, alors la politique doit

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Le monde a changé, la France a bougé, alors la politique doit
Le monde a changé, la France a bougé, alors la politique doit changer.
Madame,
Un peu partout, on lit et l’on entend que vous incarnez le changement. Vous avez, et nous
vous en félicitons, déclaré solennellement que vous seriez à l’écoute du citoyen, lequel est
le mieux placé pour faire le diagnostic et pour dire ce qu’il attend de ceux qui vont agir en
son nom.
Le CIRC se bat depuis de longues années pour une politique raisonnable en matière de
cannabis. Aussi, entendons-nous participer, ainsi que vous le proposez, à l’élaboration de
votre programme.
En ce qui concerne le cannabis, face aux risques liés à une consommation largement
répandue, nous ouvrirons un débat pour proposer une régulation publique, et une révision
de la loi de 1970, telle est l’ambition du projet socialiste adopté par les adhérents de votre
parti.
Effectivement, l’usage du cannabis est aujourd’hui répandu à tous les âges et dans toutes
les classes sociales. Il est intégré dans la vie de centaines de milliers de citoyens et a été
apprécié par des millions d’hommes et de femmes depuis quelques décennies. Les uns en
consomment pour le plaisir, les autres parce qu’atteints d’une sclérose en plaques ou
malades du sida, le cannabis leur apporte un réconfort physique et moral.
Force est d’admettre, et la majorité des rapports scientifiques nous donne raison, que le
cannabis ne pose pas de problème de santé publique sérieux. Il est « socialement
acceptable », mais pas anodin pour autant. C’est la raison pour laquelle les pouvoirs
publics doivent prendre leurs responsabilités.
La politique, dites-vous, doit partir de la réalité de la vie. Au cours de l’émission Riposte
sur France 5, vous avez déclaré : Je ne suis pas favorable à la dépénalisation de la
consommation de drogues, mais en même temps je crois qu'il faut sortir de l'hypocrisie, et
ce dont les jeunes souffrent c'est de polytoxicomanie, c'est-à-dire le mélange drogue,
alcool, qui est quand même une drogue légale, et quand on voit aujourd'hui l'alcoolisme
chez les jeunes, il est souvent aussi grave que la consommation de drogues dites douces. Et
donc je crois que la question est globale, c'est une question éducative de lutte contre toutes
les formes de toxicomanie, et aussi une interrogation sur les raisons pour lesquelles les
jeunes transgressent.
Sachez, madame Royal que là où le cannabis est toléré, en Hollande, la consommation
chez les jeunes a diminué alors que pour la même classe d’âge, elle augmentait en France.
Toutes les enquêtes le démontrent : la répression n’influe pas sur l’usage.
Ainsi, lorsque nous écrivons que le plus grand danger sanitaire du cannabis, c’est le
tabac qu’on mélange avec, nous sommes objectifs. De même lorsque nous affirmons
que socialement sa plus grande dangerosité, c’est la prison. La répression n’est pas un
mythe et le nombre annuel d'interpellations pour usage de stupéfiants n’a cessé
d’augmenter. En 2005, tous les records ont été battus avec 146 424 interpellations, une
politique qui coûte cher à l'Etat et mobilise de nombreux policiers dopés au rendement,
une politique qui ne sert strictement à rien, si ce n’est attiser l’incendie qu’elle est
censée éteindre.
CIRC Paris, 391 rue des Pyrénées, 75020 Paris
Tél. : 06 78 86 55 89 – E-mail : [email protected] 89 – www.circ-asso.net/paris
À droite comme à gauche, tous les responsables politiques l’admettent : la prohibition est
un échec. Elle a dynamisé le trafic et multiplié le nombre de consommateurs. Elle a permis
à des mafias de s’enrichir et à des groupes terroristes de s’armer.
Si ce n’est une brève éclaircie de 1999 à 2002, années où Madame Maestracci dirigeait la
Mildt, la politique des drogues, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy et son projet de « loi
relatif à la prévention de la délinquance », est aujourd’hui plus stigmatisante et plus
répressive que jamais.
Il est temps de faire preuve de pragmatisme et de suivre les recommandations de la
majorité des rapports publiés en France comme à l’étranger.
Il ne faut pas avoir peur des idées neuves, avez-vous dit. La dépénalisation de l’usage du
cannabis n’est pas une idée neuve. En 1978, dans le rapport qu’elle remettait à Valéry
Giscard D’Estaing, Monique Pelletier l’appelait déjà de ses vœux. Dépénaliser l’usage, une
mesure simple, mettrait la France en conformité avec la plupart de ses voisins européens,
mais elle n’est pas satisfaisante puisqu’elle laisse le trafic entre les mains du crime
organisé. Aussi, un débat dans la société et au Parlement sur une réglementation de la
production, de la distribution et de l’usage du cannabis, s’imposera.
D’autres femmes en d’autres temps, Simone Veil en se battant pour officialiser la réduction
des risques ou Michèle Barzach en libéralisant la vente des seringues, ont osé s’attaquer au
tabou de la « drogue » et à imposer des mesures réalistes qui ne sont plus contestées
aujourd’hui.
À votre tour d’impulser une politique novatrice dont l’axe ne soit pas la répression,
mais la prévention et la « régulation publique…d’une consommation aujourd’hui
largement répandue ».
Nous vous prions d’agréer, Madame, nos respectueuses et cannabiques salutations
Le CIRC Paris.
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