Revue française de comptabilité

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Revue française de comptabilité
fiscalité
Concessions : amortissement de caducité et provision pour renouvellement (1)
Sébastien ROCHER, Maître de conférences IAE Poitiers
Jean-Claude SCHEID, Professeur des universités
es contrats de concession de service public impliquent des obligations contractuelles et réglementaires de la part du concédant, c’est-à-dire la personne publique qui confie la gestion du service
public, et du concessionnaire, le plus souvent une personne privée qui assure la mission de service
public confiée par le concédant. Parmi les obligations du concessionnaire se trouve très souvent
le maintien au niveau exigé par le service public, du potentiel productif des installations mises en concession, qu’elles l’aient été par le concédant ou le concessionnaire, que ce soit en cours ou en fin de
concession lors du retour des installations au concédant. Le maintien de ce potentiel est, en l’état actuel
de la normalisation comptable en France, un sujet qui peut faire l’objet de différentes interprétations.
L
LA NORMALISATION COMPTABLE
APPLICABLE EN FRANCE
Le PCG (art. 393-1 § 2 et 3) est bref sur les biens mis en concession :
ils sont à inscrire au bilan du concessionnaire, ils sont maintenus
au niveau du potentiel productif requis par les amortissements
« ou éventuellement par des dépréciations adéquates et en particulier par des provisions pour renouvellement ». Les règlements
CRC Provisions et Amortissements excluent souvent largement les
concessions :
– le règlement CRC 2002-10 sur l’amortissement et la dépréciation
des actifs ne concerne pas les concessions, ce qui s’interprète
comme permettant, d’une part, de maintenir l’amortissement de
caducité (voir ci-après) et, d’autre part, d’appliquer facultativement l’amortissement par composants ;
– le règlement CRC 2000-06 sur les passifs ne s’applique pas aux
provisions spécifiques des entreprises concessionnaires, ce qui
s’interprète comme autorisant, d’une part, le maintien de la provision pour renouvellement (voir ci-après) et, d’autre part, l’application des provisions pour gros entretien ou grandes visites.
Les dispositions fiscales pour les biens en concession ne sont pas
exactement les mêmes : elles autorisent bien les amortissements
de caducité et les provisions pour renouvellement mais elles permettent de continuer à faire des provisions pour grosses réparations sans passer par la décomposition en composants.
Par ailleurs, la normalisation comptable internationale applicable
aux comptes consolidés des sociétés cotées comprend l’IFRIC
12 Accords de concession de services. Cette norme prévoit des
dispositions très différentes des règles comptables et fiscales françaises mais, pour le moment, elle ne s’applique pas du tout dans
l’Union européenne, faute d’un règlement CE l’adoptant.
On peut essayer de recenser les questions que posent comptablement les règles françaises.
LA PROVISION POUR RENOUVELLEMENT
Les immobilisations en concession sont souvent à renouveler plusieurs fois en cours de concession et les coûts de remplacement
vont progressivement différer du coût initial. Il est alors prévu de
constituer, en plus des amortissements ordinaires sur le coût
d’acquisition, une provision pour renouvellement égale à la différence entre le coût de remplacement et le coût de l’immobilisation en cours. On peut se poser la question de savoir si l’accroissement du coût de l’immobilisation à renouveler est une charge
pour la période en cours (celle pendant laquelle on va constituer
une provision pour renouvellement) ou une charge pour la
période qui bénéficiera du renouvellement (celle pendant
laquelle le bien va être utilisé). A priori, et selon les dispositions du
règlement CRC sur les passifs, il s’agit bien d’une charge pour la
période qui bénéficiera du renouvellement.
- No 2 - Février 2010
L’AMORTISSEMENT DE CADUCITÉ
Si le concessionnaire a payé lui-même les installations et doit les
remettre gratuitement en fin de concession au concédant soit
dans un état neuf, soit en état de bon fonctionnement mais non
complètement amorti, il comptabilise, outre l’amortissement correspondant à l’usure de ces infrastructures si celles-ci sont amortissables, la constitution d’une dotation compensant ce don de
telle façon qu’il ne subisse pas une réduction de ses capitaux
propres et maintienne le capital initial, les droits du concédant
faisant partie des autres fonds propres (PCG, art. 434-4). Cette
dotation est connue sous le nom d’« amortissement financier de
caducité » et est pratiquée que le bien soit amortissable ou non.
Cette charge est étalée sur la durée de la concession.
Cependant, le PCG ne prévoit pas de majorer le coût d’acquisition de l’immobilisation mise en concession du coût résiduel en
fin de concession, alors même qu’il le prévoit (art. 321-10) pour
les coûts de démantèlement, d’enlèvement et de restauration
du site sur lequel l’immobilisation est située (par ex. : carrière). La
question n’est pas encore soulevée (pas même en normalisation
comptable internationale semble-t-il) mais l’identité des deux
situations est visible. Le cas peut d’ailleurs se complexifier : les
biens en concession sont l’objet d’accroissement de valeur en
cas de concession, ce qui majore le coût de la remise gratuite
des biens concédés en fin de concession.
DES CAS COMPLEXES
On pourrait dès lors se trouver dans des situations complexes :
– le concédant a remis gratuitement des immobilisations au
concessionnaire au début de la concession mais avec la condition que des travaux soient faits par le concessionnaire avec
remise gratuite des améliorations en fin de concession ;
– la concession oblige le concessionnaire à payer des coûts de
démantèlement et restauration en fin de concession ;
– l’immobilisation en concession est sujette à l’analyse par
composants (amortissements sur des durées différentes) et à des
coûts de grosses réparations.
Il serait intéressant de connaître, davantage qu’actuellement, les
pratiques comptables des entreprises françaises pour traiter de
tels cas.
RÉFÉRENCES
Mémento comptable Francis Lefebvre 2009 : La concession de
service public, § 4110/4138.
(1) Cet article a déjà été publié dans la Revue française de comptabilité nº 417,
janvier 2009.
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