Traitement des cancers du col utérin (épidermoïde, adénocarcinome
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Traitement des cancers du col utérin (épidermoïde, adénocarcinome
Traitement des cancers du col utérin (épidermoïde, adénocarcinome, adénosquameux) S. Camatte, L. Lelièvre et F. Lécuru Il n’existe pas actuellement d’étude randomisée concernant les différents traitements des cancers micro-invasifs. La présence d’emboles lympho-vasculaires est un facteur de mauvais pronostic augmentant le risque d’atteinte ganglionnaire. Pour les cancers invasifs, les deux facteurs pronostiques défavorables sont le volume tumoral supérieur à 4 cm et l’atteinte ganglionnaire. Dans les cancers précoces du col utérin, l’analyse de la littérature permet de conclure que la chirurgie en première intention ou l’irradiation exclusive peuvent être proposées. Un cancer inférieur à 2 cm peut être traité par une chirurgie proximale ; en cas de lésion plus étendue (entre 2 et 4 cm), l’association radio-chirurgie semble préférable à une chirurgie distale. Pour les cancers plus évolués, l’analyse de la littérature est assez discordante. Il semble exister une supériorité de l’association radio-chimiothérapie sur la radiothérapie seule pour les tumeurs IB2. En cas de lésions de stade III et IV A, il n’existe pas d’avantage à proposer une association radio-chimiothérapie par rapport à une radiothérapie exclusive. En cas de métastases lombo-aortiques, le pronostic est sombre et aucun traitement n’a montré de supériorité en termes de survie. TRAITEMENT DES CARCINOMES MICRO-INVASIFS Il n’existe à ce jour aucune étude randomisée publiée comparant différents traitements des cancers micro-invasifs. Le principal facteur pronostique de ces lésions est l’envahissement ganglionnaire pelvien, qui est statistiquement corrélé à la profondeur d’invasion et à la présence d’emboles lympho-vasculaires. Si ce dernier paramètre ne modifie pas notablement le risque d’extension lymphatique en cas de stade IA2, il le multiplie par 10 en cas de stade IA1 (tableau I). Présence d’emboles ≤ 3 mm (IA1) 3-5 mm Oui 4/49 (8,2 %) 4/53 (7,5 %) Non 3/371 (0,8 %) 9/108 (8,3 %) Total 7/420 (1,7 %) 13/161 (8,1 %) Tableau I – Envahissement ganglionnaire pelvien en fonction de la profondeur d’invasion stromale et de la présence d’emboles lympho-vasculaires (1-7). Le risque d’envahissement paramétrial, semble extrêmement faible, proche de 0 %, dans les carcinomes micro-invasifs (8-11). L’attitude thérapeutique logique dépend de critères anatomopathologiques obtenus sur une pièce de conisation ou d’hystérectomie : profondeur d’invasion et présence d’emboles lymphovasculaires. En cas de stade IA1 avec une invasion stromale inférieure à 1 mm, on proposera une conisation in sano. En cas d’invasion stromale de 1 à 3 mm, plusieurs options sont possibles : – conisation in sano ; – hystérectomie extrafasciale ou Piver I. La lymphadénectomie semble justifiée en présence d’emboles lympho-vasculaires. En cas d’invasion stromale > 3 mm et ≤ 5 mm (stade IA2), le standard est la colpohystérectomie élargie de type Piver II avec lymphadénectomie pelvienne, puisque la prévalence des métastases ganglionnaires est de 7 à 10 %, a fortiori en présence d’emboles lympho-vasculaires. 396 Pelvi-périnéologie Le risque de lésions étagées est évalué dans la littérature par l’analyse de pièces d’hystérectomie complémentaire après conisation ayant fait découvrir un carcinome micro-invasif. Le pourcentage de lésions résiduelles après conisation dite « in sano » varie de 15 à 78 % (3, 8, 9, 12, 13). Ce paramètre dépend essentiellement de la qualité de l’examen anatomopathologique et notamment du nombre de coupes réalisées. En cas de conisation in sano, le risque de lésion résiduelle est de : – 0 % en cas d’invasion stromale < 1 mm ; – 1 % en cas d’invasion stromale de 1 à 3 mm ; – 6 % en cas d’invasion stromale comprise entre 3 et 5 mm. Conclusion La présence d’emboles lymphatiques fait considérer les carcinomes micro-invasifs comme de réels carcinomes invasifs, en raison du taux d’envahissement ganglionnaire pelvien observé. Inversement, en l’absence d’emboles lymphatiques, une conisation in sano avec lymphadénectomie ou une hystérectomie simple peuvent être proposées dans la majorité des cas. TRAITEMENT DES CANCERS INVASIFS DU COL UTÉRIN Les deux principaux facteurs pronostiques des cancers du col utérin sont le volume tumoral (≤ 4 cm versus > 4 cm) et l’extension ganglionnaire. On différencie donc classiquement les stades précoces de la classification FIGO : stade IA2, IB1 et IIA ≤ 4 cm des stades avancés : IB2, IIB, IIIA, IIIB, IVA ou pN1 quel que soit le stade. Le traitement des ces deux types de cancers est radicalement différent. En ce qui concerne les stades précoces, peu d’études randomisées comparent les prises en charge thérapeutique. Les différents traitements possibles sont : – la radiothérapie externe exclusive +/– curiethérapie ; – une association radio-chirurgicale comportant une colpohystérectomie élargie ; – la chirurgie exclusive. Une étude randomisée ancienne (1956 à 1966) (14) avait comparé le traitement de tumeurs de stade I par chirurgie exclusive ou par radiothérapie exclusive (70 Gy au point A). La survie était comparable après chirurgie (81 % à 5 ans, 75 % à 10 ans) ou après radiothérapie (74 % à 5 ans, 65 % à 10 ans). La prévalence des complications à long terme était équivalente dans les deux groupes. Il y avait plus de récidives latéropelviennes dans le groupe chirurgical (les patientes ne recevaient pas d’irradiation adjuvante). Un essai réalisé entre 1966 et 1979 comparait une irradiation préopératoire (pelvis total de 20 Gy et curiethérapie de 50 à 60 Gy), six semaines avant une colpohystérectomie élargie avec lymphadénectomie pelvienne et une radiothérapie exclusive. Les résultats des deux traitements étaient identiques en termes de survie et de survie sans récidive. En revanche, il existait un surcroît de complications majeures (fistules rectovaginales, vésico-vaginales et sténoses rectales) dans le groupe traité par radiothérapie exclusive (16 % vs 11 %) (15). Les sites de récidive (locale vs métastases à distance) étaient comparables avec les deux traitements, démontrant la capacité de la radiothérapie à « stériliser » la tumeur cervicale et les paramètres. Les effectifs sont cependant de faible taille et l’amélioration récente des techniques d’irradiation ne conduirait probablement plus à de telles complications. Une étude norvégienne (16) a également comparé l’association d’une curiethérapie plus chirurgie (72 patientes) à une radiothérapie exclusive (70 patientes) pour le traitement de cancers du col utérin de stade IIA et IIB. Une irradiation externe complémentaire (40 à 50 gy) était délivrée en cas de métastases ganglionnaires pelviennes après chirurgie. La survie à cinq ans, dix ans et vingt ans du groupe « chirurgie » est significativement plus élevée (87 %, 84 % et 81 %) que celle du groupe « radiothérapie exclusive » (72 %, 69 % et 68 %), mais le taux de complications était supérieur. Les auteurs notaient que les récidives ganglionnaires pelviennes et lombo-aortiques, étaient plus fréquentes dans le groupe « radiothérapie exclusive », et étaient probablement responsables de la différence observée. L’essai le plus récent (17) a comparé la radiothérapie exclusive (association irradiation Traitement des cancers du col utérin (épidermoïde, adénocarcinome, adénosquameux) externe-curiethérapie (n = 167)), à la chirurgie première (n = 170) pour des cancers de stades IB et IIA, toute taille tumorale confondue (< 4 cm : 67,6 % ; > 4 cm : 32,3 %.). La compliance au traitement a été de 98 % dans le groupe chirurgie versus 92 % dans le groupe radiothérapie. Dans le groupe radiothérapie, la dose totale au point A était de 70 à 90 Gy (moyenne = 76 Gy). Un surdosage de 5 à 10 Gy était donné sur les ganglions pelviens suspects de métastases sur l’imagerie (lymphographie, TDM). Dans le groupe chirurgie, l’intervention consistait en une colpohystérectomie élargie type Piver III et une lymphadénectomie pelvienne. Les patientes présentant des facteurs de risque de récidive (pN1 pelviens, stade > pT2A, limites de résection non saines) bénéficiaient d’une radiothérapie externe adjuvante à la dose de 50,4 Gy. Enfin, les patientes présentant des métastases lombo-aortiques ou iliaques primitives lors de la chirurgie ou une suspicion d’atteinte dans le groupe irradiation exclusive, recevaient une irradiation lombo-aortique de 45 Gy. Les résultats de cette étude montrent une absence de différence significative entre les deux traitements : 83 % de survie sans récidive et 74 % de survie à cinq ans sans récidive dans les deux groupes. La taille tumorale (< ou > 4 cm) n’interfère pas sur cette absence de différence. En revanche, il semble exister un bénéfice significatif de la chirurgie en cas d’adénocarcinome (13,6 % des cancers de cette étude). Enfin, le risque relatif de complications est de 3,11 dans le groupe chirurgie plus radiothérapie adjuvante (108 patientes) comparé au groupe chirurgie seule et de 2,01 dans le groupe chirurgie plus radiothérapie adjuvante comparé au groupe radiothérapie exclusive. À noter, deux décès iatrogènes dans le groupe chirurgie plus radiothérapie. La chirurgie doit-elle être proximale (colpohystérectomie élargie de type II) ou distale (colpohystérectomie élargie de type III selon Piver) ? Une seule étude randomisée incluant peu de patientes conclut à l’absence d’effet bénéfique du type III dans ces petits stades (18). En revanche, elle montre une augmentation significative des effets secondaires. Deux cent trente-huit patientes ont pu être analysées dans cette série incluant des patientes atteintes d’un cancer du col de stade IB-IIA (≤ 4 cm = 75,2 %, > 4 cm = 24,8 %) randomisées, avant toute autre thérapeutique, entre hys- 397 térectomie de type II de Piver versus hystérectomie de type III. Lors de l’intervention, 12 patientes du groupe « classe III » n’ont eu qu’une colpohystérectomie proximale en raison de complications peropératoires (difficultés techniques, hémorragie). Les patientes ayant une tumeur de plus de 4 cm, des métastases ganglionnaires pelviennes ou avec des marges de résection paramétriales limites ou des emboles lympho-vasculaires recevaient une radiothérapie adjuvante (54 % dans le groupe II versus 55 % dans le groupe III, NS). Avec un recul médian de 63 mois (39-123), la survie et la survie sans récidive sont identiques. De plus, si l’on étudie les sites de récidive, le nombre de récidives latéro-pelviennes est identique dans le deux groupes (70 % versus 69 % de l’ensemble des récidives pelviennes). En revanche, le temps opératoire est significativement plus long dans le groupe III et la prévalence des complications urologiques tardives (urétérohydronéphrose et dysfonction vésicale sévère) est significativement différente selon le type de traitement reçu : 5 % après chirurgie type II, 20 % après chirurgie type II plus radiothérapie, 30 % après chirurgie de type III et 37 % après chirurgie de type III plus irradiation. Ce risque semble cependant identique dans les deux groupes, en cas de radiothérapie adjuvante. Les auteurs ne recommandent pas d’élargir la chirurgie au paramètre distal en cas de stade IB et IIA. En effet, il apparaît que les atteintes paramétriales histologiques sont essentiellement situées dans la partie proximale du paramètre. De plus, les facteurs prédictifs d’une indication de radiothérapie adjuvante sont présents lors de la stadification initiale. Place de la trachélectomie élargie En ce qui concerne les patientes jeunes, désireuses d’une grossesse, la trachélectomie élargie peut être proposée dans des indications électives : tumeur de moins de 2 cm de diamètre, sans emboles lymphatiques et sans extension ganglionnaire pelvienne. Cette attitude n’a pas été randomisée à celle d’une colpohystérectomie élargie et ne le sera probablement jamais. Aux vues des résultats carcinologiques présentés par l’équipe du Pr Dargent, on peut raisonnablement proposer cette pratique, en accord avec la patiente. Aucune récidive utérine, avec un recul 398 Pelvi-périnéologie médian de 75,6 mois, imputable à la technique, n’a été notée sur une série rétrospective de 95 patientes (19). Les facteurs de risque de récidive sont une taille tumorale supérieure à 2 cm, la présence d’emboles lympho-vasculaires et un âge inférieur à trente ans. En termes de fertilité, 56 grossesses ont été observées chez 34 patientes. L’évolution a été la suivante : 3 interruptions volontaires de grossesse (IVG), 9 fausses couches spontanées (FCS) précoces, 2 grossesses extra-utérines. Quarante-deux grossesses ont évolué après 14 semaines d’aménorrhées (SA) : trente-quatre enfants sont nés vivants avec un taux de prématurité de 14,7 %. Le taux de fausses couches tardives a diminué au fil des années grâce à l’introduction d’une double technique opératoire : le cerclage isthmique systématique lors de la trachélectomie et la fermeture de l’orifice cervical après le troisième mois de la grossesse. Le traitement adjuvant des formes de mauvais pronostic a été étudié au travers de deux essais. Dans le premier, les patientes présentant une tumeur de stade Ib, associée à des facteurs péjoratifs (invasion stromale > 1/3, emboles lymphatiques ou diamètre tumoral large) étaient randomisées entre irradiation complémentaire et abstention. Le taux de récidives (15 % vs 28 % ainsi que la survie étaient significativement différents, à l’avantage de l’irradiation adjuvante (20). Plus récemment, Peters a comparé l’irradiation à une radiochimiothérapie concomitante comme traitement adjuvant de cancers de stades Ia2, Ib et IIa présentant des facteurs de mauvais pronostic après la chirurgie première (pN1 ou marges positives ou atteinte histologique du paramètre). Les patientes recevaient soit 49 Gy ou une irradiation complétée par des injections de platine + 5FU. La survie sans récidive et la survie globale étaient significativement allongées par la radiochimiothérapie concomitante (risques relatifs respectivement de 2,01 et 1,96). Ce bénéfice était obtenu au prix d’une augmentation modérée de la morbidité (21). Au vu de ces données, la chirurgie en première intention et l’irradiation exclusive peuvent être proposées pour les cancers précoces du col utérin. Les cancers dont le diamètre mesure moins de 2 cm, sans extension ganglionnaire pelvienne, sont des candidats à une chirurgie proximale, surtout s’il s’agit de femmes jeunes. Les lésions mesurant entre 2 et 4 cm devraient être prises en charge par une association radiochirurgicale, plutôt qu’une chirurgie distale. TRAITEMENT DES CANCERS DU COL UTÉRIN DE STADES AVANCÉS Le taux de survie du cancer invasif du col utérin est de l’ordre de 85 à 90 % à cinq ans en cas de stade débutant. En revanche, seuls 31 % des stades III et 8 à 10 % des stades IVA sont en rémission à cinq ans. Le traitement de référence des stades avancés IIB à IVA est la radiothérapie mais celle-ci échoue au contrôle local dans 20 à 90 % des cas (stades IIB : 20 à 50 %, stades IIIB : 50 à 75 %, stades IV: 90 %). Les récidives surviennent dans 80 % des cas, dans les deux ans qui suivent le traitement. Deux fois sur trois, il s’agit de récidives locorégionales. Trente pour cent des patientes développeront des métastases à distance. Une augmentation des doses d’irradiation est impossible en raison des effets secondaires sur les tissus sains. Dans les années 1970-1980, des essais de chimiothérapie adjuvante ou néo-adjuvante associée à la radiothérapie, initiés dans le but de traiter une diffusion métastatique infraclinique, n’ont pas montré d’amélioration du contrôle local ou général de la maladie. Les taux de survie étaient similaires à ceux d’une radiothérapie seule, mais majoraient les effets secondaires. Depuis les années 1980, la notion de radiochimiothérapie concomitante (avec coopération spatiale et non plus temporelle) apparaît, non pas seulement en gynécologie mais également pour les cancers ORL, de l’anus et de l’œsophage. Sa justification repose sur deux types d’arguments : – théoriques ou physico-biologiques : - effet synergique in vitro entre drogues et radiations : le cisplatine est un radiosensibilisateur en empêchant la réparation des lésions subléthales de l’ADN induites par la radiothérapie et en réoxygénant les cellules hypoxiques peu sensibles aux radiations. Il Traitement des cancers du col utérin (épidermoïde, adénocarcinome, adénosquameux) exerce également un effet cytotoxique direct, - le 5 FU sensibilise les cellules aux rayons en les bloquant en phase S et inhibe les réparations léthales induites, - le cisplatine et le 5 FU ont une action synergique et additive sur les cellules néoplasiques murines ; – cliniques : - amélioration de la survie et du contrôle local dans des études cliniques de phase III dans les cancers nasopharyngés, de l’œsophage, de l’anus ou des bronches, - le cisplatine est la drogue la plus active sur les récidives et les métastases de cancer cervical. Enfin ces drogues ont un effet myélosuppresseur modéré. Avant 1999, le standard du traitement de ces patientes était la radiothérapie externe associée ou non à une curiethérapie utérovaginale. Une chirurgie pouvait être proposée au terme de ce traitement par radiothérapie, allant de l’hystérectomie élargie de type II ou III à la pelvectomie N évaluables Rose 1999 (23) Whitney 1999 (24) 526 368 Peters 2000 (25) 243 Keys 1999 (26) 374 Morris 1999 (22) 195 Stade RT externe (Gray) Curie IIB, III, IVA Ggl LA- IIB, III, IVA Ggl LAIA2, IB, IIA N+, paramètres+ IB2 Ggl LA- IB2, IIA > 4, IIB, III, IVA Ggl LA- 40,8/51 41/51 40/30 +PB 40/30 + PB 399 totale. Les complications de cette association radiothérapie-chirurgie adjuvante sont majeures. Depuis 1999, à la suite de la publication de cinq études randomisées américaines (22-26), le standard de traitement de ces stades est devenu la radiochimiothérapie concomitante à base de cisplatine (tableau II). Elles montrent que l’association radiothérapie plus chimiothérapie est supérieure en terme de survie et de survie sans récidive pour les stades IB2 et IIB > 4 cm et/ou pour les patientes présentant des métastases ganglionnaires pelviennes. Pour les stades plus évolués, le bénéfice n’est pas démontré. Une seule de ces cinq études n’a pas réussi à démontrer un bénéfice pour les patientes présentant un cancer de stade III et IVA (22). Il faut noter que ces études ont majoritairement exclu les patientes présentant des métastases lombo-aortiques. En terme de morbidité, l’association radiochimiothérapie concomitante engendre plus de complications que l’irradiation exclusive : 64 % versus 13 % (complications de grade 3 et 4) (26). Cependant, ces complications sont le plus souvent transitoires et ne requièrent pas plus Chimiothérapie Réponse complète G1 : cisplatine G2 : cisplatine + 5FU G3 : Hydroxyurée non évalué G1 : cisplatine + 5FU G2 : hydroxyurée non évalué Survie 63 % à 4 ans* 63 % Survie sans récidive 60 % à 4 ans* 42 % 60 % 38 % 66 % à 4 ans* 58 % à 4 ans** 54 % à 4 ans 50 % 49,3 Non G1 : cisplatine G2 : pas de chimiothérapie Non évalué 81 % à 4 ans* 71 % 80 % à 4 ans* 63 % 45 30 G1 : cisplatine G2 : pas de chimiothérapie 59 %* 48 % 82 % à 4 ans 70 % 80 % à 4 ans* 62 % 45 40 G1 : RT pelvienne non + cisplatine évalué G2 : RT pelvienne + lombo-aortique 73 % à 5 ans * 67 % à 5 ans* 58 % 40 % non démontré pour stades III-IVA PB : parametrial boost. G : groupe * : Significatif ** : Non significatif Tableau II – Résultats des cinq essais randomisés de 1999-2000. 400 Pelvi-périnéologie d’interventions chirurgicales que celles survenant après une radiothérapie exclusive (26). Il faut noter que le bénéfice de la radiochimiothérapie concomitante a été discuté. D’autres études probablement moins médiatisées, incluant des effectifs moindres, antérieures ou synchrones (27-29) de ces cinq essais n’ont pas réussi à montrer de résultats significativement différents entre radiochimiothérapie concomitante et radiothérapie seule. Ces travaux montraient une amélioration significative de la survie sans récidive dans le bras combiné, mais il n’y avait pas d’impact sur la survie globale (patientes présentant des tumeurs de stades avancés : IIB-IIIB). Cependant, à la différence des études précédentes, les patientes présentant un envahissement ganglionnaire lombo-aortique (suspecté ou identifié) n’étaient pas toujours exclues (27, 28). En particulier, l’essai de Tseng (29) avait comparé la radiothérapie externe exclusive et une radiochimiothérapie concomitante associant trois drogues : cisplatine, vincristine et bléomycine (randomisation, patientes traitées entre 1990 et 1995, cancers du col de stade IIB distal et IIIB). Chaque groupe comportait 60 patientes. Le taux de réponse thérapeutique complète est significativement plus élevé dans le groupe traitement combiné (83 % versus 74,2 % ; p = 0,04). Inversement, les taux de survie sans récidive à trois ans et de survie étaient identiques (64,5 % versus 53,2 % dans le groupe radiothérapie seule et 61,7 % versus 51,4 % dans le groupe radiothérapie seule). En revanche, les auteurs rapportaient deux décès toxiques secondaires à l’association radiothérapie plus chimiothérapie. L’analyse de ces résultats discordants est parfois difficile pour le chirurgien ; il faut comprendre qu’une radiothérapie optimale doit être réalisée à dose optimale dans les meilleurs délais possibles de manière à respecter au mieux la planification initiale. Un retard à la radiothérapie, de par des effets toxiques majeurs d’une chimiothérapie N Stade RText Curie Survie à 5 ans Horiot 1988 839 IIB, III, 40 à 45 oui (30) IVA, IVB IIB 76 % IIIA 62 % IIIB 50 % IV 20,5 % Tableau III – Résultats du traitement des cancers du col de stade avancé par radiothérapie exclusive (à propos d’une étude rétrospective française incluant 1 383 cas) (30). concomitante, altère les résultats intrinsèques de ladite radiothérapie en terme de contrôle local. Les résultats des groupes témoins doivent être identiques à ceux d’essais utilisant une radiothérapie optimale (30) (tableau III), comme l’a clairement démontré une étude canadienne (31). Ce travail, randomisait 253 patientes présentant un cancer du col de stade IB2 à IVA ou présentant des métastases ganglionnaires pelviennes (mais sans envahissement lombo-aortique). Aucune différence de survie sans récidive ou de survie globale (62 % versus 58 % à 5 ans) n’a pu être authentifiée entre radiothérapie plus chimiothérapie à base de cisplatine (40 mg/m2 hebdomadaire) et radiothérapie exclusive. Les auteurs remarquent qu’avec ce protocole de chimiothérapie, la planification de la radiothérapie n’a pas été retardée, malgré des toxicités de grade III et IV plus élevées. Les auteurs concluaient que l’adjonction d’une chimiothérapie concomitante n’apportait rien en cas de radiothérapie optimale, mais recommandaient tout de même ce protocole de traitement ! Plusieurs drogues ont été comparées. Les résultats préliminaires d’un essai (32) comparant la radiothérapie externe et la radiothérapie associée à la mitomycine C, chez 160 patientes présentant des carcinomes cervicaux de stade IB2, IIA > 4 cm, IIB, III et IVA montraient une amélioration significative de la survie à quatre ans sans récidive (70 % vs 44 %). Ce gain était essentiellement expliqué par une diminution des récidives générales. Cette amélioration était identique pour les stades III et IVA (75 % versus 35 %). Cependant, les résultats définitifs de cette étude ne sont pas publiés à ce jour. Enfin, un essai thérapeutique (33) incluant des cancers du col de stade IIIB et IVA n’a pas montré de supériorité d’une polychimiothérapie concomitante (bléomycine, vincristine, mitomicyne et cisplatine) par rapport à une radiothérapie exclusive. Récemment, un essai comparant une radiochimiothérapie concomitante à une irradiation étendue a été publié (34). Il concerne des patientes présentant une tumeur Ib ou IIa d’un diamètre > 5 cm ou pN1, ou IIb à IVa. Les patientes recevaient soit une radiothérapie plus chimiothérapie à base de platine, soit une irradiation pelvienne complétée par 45 Gy sur les aires ganglionnaires pelviennes et lombo-aortiques. Avec un recul médian supérieur à six ans, il apparaît que la radiochimiothérapie Traitement des cancers du col utérin (épidermoïde, adénocarcinome, adénosquameux) concomitante procure des résultats significativement supérieurs en terme de survie sans récidive et de survie globale pour les stades Ib à IIB. Le risque de récidive est réduit de 51 %. Pour les cas plus évolués, seule la survie sans récidive est améliorée. Il faut noter que la fréquence des complications est comparable avec les deux traitements (34). (IB2 à IVA). Les prises en charge chirurgicales varient de l’hystérectomie type Piver I à la pelvectomie partielle ou totale. Les taux de réponse complète après radiochimiothérapie concomitante relevés sur pièces d’hystérectomie varient de 40 % à 67,5 %. Jurado et al. (39) rapportent un taux de survie de 85 % à cinq ans et de survie sans récidive à cinq ans de 71,4 % pour des patientes présentant un stade III-IVA. Mancuso et al. (37) rapportent après un protocole identique sur 25 carcinomes de stades IIB ou III, un taux de réponse clinique de 100 % (64 % complète) et histologique complète de 54,2 %. Cependant, cette étude n’incluait aucun stade IV et comprenait 57,4 % de tumeurs > 4 cm. Le taux de survie à deux ans est élevé 80,8 % avec 91,7 % sans récidive. Resbeut (36) rapporte des taux de survie sans récidive et de survie respectivement de 65 % et 77 % à deux ans pour des stades III-IVA traités par association radiochimiothérapie concomitante plus chirurgie. La chirurgie après radiochimiothérapie concomitante n’est cependant pas dénuée de complications (tableau IV) mais la majorité des auteurs effectuent des hystérectomies élargies (36, 37, 39). Récemment, une étude rétrospective (40) multicentrique française (6 centres) présentée à la Société française d’oncologie gynécologique en novembre 2002 (résultats non publiés) montre que deux tiers des patientes avec un stade IB2 et IIA ont eu des complications urinaires sévères (sténose urétérale, fistules urinaires) alors que dans respectivement 65 % et 58 %, l’association radiochimiothérapie concomitante avait stérilisé complètement la lésion initiale. Place de la chirurgie Il a été proposé de terminer le traitement par une intervention chirurgicale. La chirurgie adjuvante après radiothérapie a été étudiée dans une seule étude randomisée (35). Cet essai, n’incluait que des stades IB2 et excluait les patientes présentant un envahissement lombo-aortique. Il montre un bénéfice significatif, mais uniquement dans le groupe des patientes dont la taille tumorale initiale était inférieure à 7 cm. Le risque relatif de décès est de 0,6 et le risque relatif de récidive de 0,58 dans ce groupe de patientes traitées par hystérectomie extrafasciale adjuvante (2 à 6 semaines après la fin de la radiothérapie) par rapport aux patientes n’ayant reçu qu’une radiothérapie. Le taux de complications à long terme n’était pas significativement augmenté par le geste chirurgical. Bien évidemment, la survie sans récidive était fortement corrélée à la présence d’un résidu tumoral (à 4 ans : 20 % en cas de résidu macroscopique, 62 % en cas de résidu microscopique et 80 % en cas de réponse complète). Aucune étude randomisée n’a comparé les résultats d’une chirurgie adjuvante à ceux d’une radiothérapie plus chimiothérapie exclusive. Quelques études rétrospectives (36-39) rapportent des résultats intéressants mais sur des effectifs peu nombreux tous stades confondus N Type HT Resbeut 1994 (36) 35 Wertheim/exentération Pras 1996 (38) 43 HT extra-fasciale Jurado 1998 (39) 40 Piver I à V, 2 exentérations Mancuso 2000 (37) 26 Piver III ou V 401 Complications peropératoires – Complications postopératoires immédiates Complications tardives 5 reprises : 1 DC fistule digestive – Lésion urétérale : 1 Thrombose vp : 2 1 DC : fistule – Hémorragies : 5 Lésion urétérale : 1 Fistule urétérovaginale : 3 Fistule entéro-cutanée : 1 Œdème MI : 5 1 DC insuffisance rénale Fibrose rétrop. : 2 Lésion urétérale : 1 Lésion vésicale : 3 Tableau IV – Complications chirurgicales après radiochimiothérapie concomitante. Fibrose rétrop. : 5 402 Pelvi-périnéologie Étant donné le surcroît de complications induites par l’association radio-chimio-chirurgicale est-il encore licite d’effectuer un geste utérin lors de la chirurgie adjuvante si le résidu tumoral est nul à l’issue du traitement néo-adjuvant ? C’est la question à laquelle va tenter de répondre l’essai GYNECO 02, initié récemment en collaboration avec la FNLCC et piloté par Morice. Après avoir exclu, par curage lombo-aortique ou par ponction guidée sous TDM, les atteintes ganglionnaires lombo-aortiques, les patientes seront traitées par radiothérapie externe pelvienne à la dose de 45 Gy avec chimiothérapie concomitante (cisplatine 40 mg/m2/semaine) et curiethérapie utérovaginale (15 Gy). L’évaluation de la réponse tumorale sera faite huit semaines après la curiethérapie de clôture par un examen clinique, une IRM, des frottis et des biopsies. En cas de reliquat tumoral, un traitement chirurgical classique sera réalisé. En l’absence de reliquat tumoral, les patientes seront randomisées entre chirurgie et surveillance (fig. 1). Cette étude nécessitera un peu plus de 150 patientes par bras pour répondre aux questions posées. Le problème thérapeutique posé par les patientes présentant un résidu tumoral après radiochimiothérapie concomitante ou une atteinte ganglionnaire lombo-aortique demeure irrésolu. Ce que l’on peut conclure de ces données La supériorité de la radiochimiothérapie concomitante sur la radiothérapie seule en traitement unique ou adjuvant chez des patientes présentant de tumeurs de stade IB2 ou des métastases ganglionnaires pelviennes. L’absence de supériorité démontrée de ce traitement dans les stades III et IVA par rapport à une radiothérapie exclusive. Les associations à base de cisplatine sont plus efficaces que l’hydroxyurée (24). Le cisplatine seul est aussi efficace et moins toxique que l’association cisplatine + 5 FU (23). La toxicité surajoutée de la chimiothérapie à base de cisplatine est acceptable car les effets secondaires à court et à long termes sont le plus souvent maîtrisables (26, 31). Cependant, des question subsistent : – la drogue ou le protocole de chimiothérapie optimale ; – les doses optimales de cisplatine : doses variables de 40 à 75 mg/m2 selon les études ; – le nombre optimal de cures : 2 à 6 suivant les études ; – l’intérêt sur le contrôle local de la chirurgie adjuvante et de son type (Piver II, III, ou hystérectomie simple) sur les stades ≥ IIB rendus extirpables. Enfin, la chimiothérapie néo-adjuvante a également été proposée dans le traitement des tumeurs de stades avancé. En général, le traite- Cancer du col stade IB2/II Absence d’atteinte lombo-aortique Résidu tumoral nul après radiothérapie plus chimiothérapie et curiethérapie Randomisation Bras A Hystérectomie extrafasciale +/– curage lombo-aortique1 1. Si non effectué dans le bilan préthérapeutique Fig. 1 – Essai GYNECO 02. Bras B Pas de chirurgie pelvienne +/– curage lombo-aortique1 Traitement des cancers du col utérin (épidermoïde, adénocarcinome, adénosquameux) ment comporte : une chimiothérapie néo-adjuvante, un traitement chirurgical éventuel et une radiothérapie adjuvante. Le but de la chimiothérapie est de réduire le volume tumoral, de rendre la tumeur accessible à un traitement chirurgical et de contrôler l’évolution métastatique. La plupart des études randomisées relatives (41-44) à ce type de protocole concluent en l’absence d’amélioration du contrôle locorégional ou à distance, sans amélioration de la survie. Seule une étude multicentrique italienne (45) a montré la supériorité de ce traitement à celui d’une radiothérapie exclusive chez des patientes présentant des tumeurs de stade IB2 à III. Cette étude présente plusieurs défauts : – le protocole de chimiothérapie inclut systématiquement du cisplatine à une dose totale > 240 mg, mais est très variable en fonction du centre ; – le nombre de patientes ayant reçu le traitement prévu est de 74, 5 % dans le groupe chimiothérapie adjuvante (CT) et de 72 % dans le groupe radiothérapie exclusive (RT) ; – le protocole de radiothérapie seule ne paraît pas optimal (70 Gy au point A). Aussi, si l’analyse en intention de traiter ou celle des patientes réellement traitées, montre la supériorité de l’association CT plus chirurgie, en terme de survie sans récidive et de survie globale, la stratification par stade montre que ce résultat est pris en défaut pour les stades IIB et III. Pour les stades IB2 et IIA > 4 cm, pour lequel le bénéfice est admis, les taux de survie (50,7 %) et de survie sans récidive à cinq ans (50,6 %) dans le groupe témoin (RT) sont nettement inférieurs à ceux attendus, selon les données de la littérature. TRAITEMENT DES MÉTASTASES LOMBO-AORTIQUES Le risque de métastases lombo-aortiques dans les cancers du col augmente avec le stade : – 7 % au stade IB, 20 % au stade IIa. Vingtcinq pour cent des patientes qui ont une localisation ganglionnaire pelvienne ont également une localisation lombo-aortique. Ce problème thérapeutique n’est donc pas exceptionnel. 403 La survie de ces patientes est faible : moins de 30 % à cinq ans. Le pronostic est fonction de la taille et de la localisation des métastases ganglionnaires (46) ; – respectivement à cinq ans, 50 % en cas de métastase(s) microscopique(s), 33 % en cas de métastases macroscopique(s), de petite taille, 23 % (taille modérée) et 0 % si atteinte massive. L’extension au delà de L1-L2 est également péjorative (10 % de survie à cinq ans versus 31 %). Cependant, si 42 % des patientes décèdent de récidive métastatique, 21 % n’ont qu’une récidive locale après le traitement des métastases lomboaortiques, laissant supposer que la maladie n’est pas systémique initialement et, qu’un traitement à but curatif peut être proposé. Quel type de traitement peut-on envisager ? Une extension de la radiothérapie aux aires lombo-aortiques associée à une chimiothérapie concomitante de cisplatine et 5FU a une faisabilité de 90 % avec une toxicité hématologique et digestive tolérable (47). Cependant, la survie sans récidive de ces patientes est faible : 34 % à trois ans. Une augmentation des doses de radiothérapie (50 Gy avec un boost à 58 Gy sur les ganglions atteints) est responsable de complications radiques inacceptables dont un décès sur 30 patientes avec une survie sans récidive à quatre ans de 29 % (48). Quel est le rôle de la chirurgie de « debulking » chez ces patientes ? Si Downey (49), en 1989, a démontré que l’excision de métastases ganglionnaires pelviennes macroscopiques améliorait le contrôle local (survie identique que pour les patientes présentant des métastases microscopiques), cet effet bénéfique n’est pas prouvé pour les métastases ganglionnaires lombo-aortiques (50). La lymphadénectomie doit être préférentiellement réalisée par voie rétropéritonéale afin de limiter les complications digestives en cas d’irradiation complémentaire (8 % versus 25 %). Conclusion L’extension ganglionnaire lombo-aortique confère un pronostic sombre au cancer du col et aucun traitement n’a montré de supériorité en terme de survie. 404 Pelvi-périnéologie Références 1. Foushee JH, Greiss FC Jr, Lock FR (1969) Stage IA squamous cell carcinoma of the uterine cervix. Am J Obstet Gynecol 105: 46-58 2. Roche WD, Norris HJ (1975) « Microinvasive carcinoma of the cervix. The significance of lymphatic invasion and confluent patterns of stromal growth ». Cancer 36:180-6 3. 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