Suretés / Mesures d`exécution - vivaldi

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Suretés / Mesures d`exécution - vivaldi
…Et donc de l’impossibilité de soumettre le contrat au droit commun du gage de meubles sans dépossession.
SOURCE : Ass. plén., 7 décembre 2015, n° 14-18435, P+B+R+I
La décision était attendue, et vient confirmer la jurisprudence de la Chambre commerciale de la Cour de
cassation[1] : « dans le cadre d'une opération de crédit, les parties, dont l'une est un établissement de crédit, ne
peuvent soumettre leur contrat au droit commun du gage de meubles sans dépossession ».
En conséquence, les parties ne disposent pas de la faculté d’opter pour un régime plutôt qu’un autre, et doivent
recourir obligatoirement au régime du gage sur stock, lorsque celui-ci est l’objet même de la sûreté.
En l’espèce, une banque a consenti à une société, par acte du 17 décembre 2007, un prêt garanti par un gage
sans dépossession portant sur un stock de marchandises, et comprenant un pacte commissoire. Le 9 janvier 2009,
la banque a résilié le contrat de crédit pour défaut de paiement des échéances, et a notifié à la société la
réalisation de son gage le 16 janvier 2009. La société débitrice, mise en redressement judiciaire le 19 janvier 2009,
a fait l'objet d'un plan de cession puis d'une liquidation judiciaire le 14 septembre 2009. Entre-temps, le 21 avril
2009, la banque a revendiqué le stock constituant l'assiette de son gage. Par ordonnance du 30 octobre 2009, le
juge-commissaire a ordonné la restitution à la banque du stock existant à la date du 16 janvier 2009, ou de sa
contre-valeur, et a donné acte à celle-ci de ce qu'elle est en droit de réclamer le paiement de celui consommé
postérieurement à cette date. Par jugement du 25 juin 2010, le tribunal de commerce de Paris a confirmé
l'ordonnance.
L'administrateur judiciaire et le mandataire liquidateur ont interjeté appel de cette décision. En effet, les parties
avaient conclu un gage de droit commun, régi par les articles 2333 et suivants du Code civil. Or, les stocks ne
pouvaient être logiquement grevés que par un gage des stocks, soumis aux articles L. 527-1 et suivants du Code
de commerce. En conséquence, le contrat de gage était nul, pour ne pas respecter les mentions imposées par
l'article L. 527-1 du Code de commerce, et le pacte commissoire devait être réputé non écrit, car prohibé par
l'article L. 527-2 du Code de commerce.
La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 3 mai 2011, a confirmé le jugement déféré, estimant que le créancier
pouvait choisir le régime de gage qui lui seyait le mieux. Par son arrêt du 19 février 2013, la Chambre commerciale
de la Cour de cassation a condamné cette vision des choses, estimant que la banque qui souhaitait une sûreté sur
les stocks de son débiteur ne pouvait inscrire que le gage des stocks des articles L. 527-1 et suivants du Code de
commerce, prévu à cet effet.
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Sur renvoi, la Cour d'appel de Paris a décidé de résister, en jugeant qu'aucune disposition, ni du Code civil, ni du
Code de commerce, n'interdisait aux parties de choisir l'application du droit commun du gage, et qu'elles pouvaient
donc valablement se référer aux dispositions des articles 2333 et suivants du Code civil, et donc contracter un
pacte commissoire.
Une réunion de l’Assemblée plénière était inévitable. L’arrêt du 7 décembre 2015 conclut ainsi : « s'agissant d'un
gage portant sur des éléments visés à l'article L. 527-3 du Code de commerce et conclu dans le cadre d'une
opération de crédit, les parties, dont l'une est un établissement de crédit, ne peuvent soumettre leur contrat au droit
commun du gage de meubles sans dépossession ».
Que penser de cette décision ? La doctrine et les praticiens semblent s’accorder pour dire que cet arrêt ne va pas
dans le sens de la simplification du droit.
A l’origine de la réforme des sûretés opérée par l'ordonnance du 23 mars 2006, la commission "Grimaldi"
préconisait une refonte du gage de droit commun, tel qu’on le connaît aujourd’hui, et n’entendait pas établir un
régime spécifique pour les stocks. La commission n’était pas suivie par le législateur, qui préférait isoler le gage
sur stock dans le Code de commerce, avec son propre régime juridique.
Pourtant, du point de vue du droit des obligations, cette distinction n’a pas lieu d’être. En effet, depuis
l’ordonnance du 23 mars 2006, le gage peut grever "un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels,
présents ou futurs" (art. 2333 C.civ.), mais également « des choses fongibles » (art. 2341 C.civ.). Or qu’est-ce
qu’un stock ? Un ensemble de biens fongibles, présents ou futurs.
De plus, en pratique, le régime spécial du gage des stocks n’est pas souple, de sorte qu’il est inadapté aux
besoins du commerce. Les articles et suivants L. 527-1 du Code de commerce imposent un régime juridique trop
contraignant :
Mentions obligatoires (désignation des parties, désignation de la créance garantie, identification des biens
grevés, dénomination « acte de gage des stocks », mention que « l'acte est soumis aux dispositions des articles L.
527-1 à L. 527-11 du Code du commerce ») ;
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Inscription du gage sur stock dans un délai de quinze jours, à peine de nullité ;
Droit de contrôle du créancier sur l’état du stock engagé et faculté d’exiger du débiteur la reconstitution de
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celui-ci si sa valeur diminue de 20 % au moins ;
Interdiction du pacte commissoire (défini à l’article 2348 du Code civil : « Il peut être convenu, lors de la
constitution du gage ou postérieurement, qu'à défaut d'exécution de l'obligation garantie le créancier deviendra
propriétaire du bien gagé »).
Face à la lourdeur pratique du gage sur stock, les banques préféraient à juste titre se référer au gage de droit
commun, bien plus souple.
En réalité, le point central de la discussion portait sur le pacte commissoire. En effet, il est autorisé depuis 2006
dans le gage de droit commun, mais prohibé dans le gage sur stock. La Cour de cassation soupçonnait ainsi les
banques de vouloir contourner cette interdiction en recourant illégalement au droit commun du gage.
Or, l’intérêt pratique d’une sûreté se révèle essentiellement en cas d’ouverture d’une procédure collective. Il faut
noter cependant que l’article L. 622-7 du Code commerce neutralise les effets du pacte commissoire en pareil cas,
de sorte que le débat se trouve ici vidé de sa substance.
Il faut noter également que cette décision porte atteinte à la liberté contractuelle. En effet, aucun texte ne vient
expressément interdire la faculté d’opter pour l’un ou l’autre gage. Pourtant, ce qui n’est pas interdit par la loi est
censé être autorisée. En outre, la rédaction de l’arrêt fait ressortir une inégalité de fait entre les créanciers,
puisque les établissements de crédit se voient imposer l’application du gage sur stock (« […] l'une des parties est un
établissement de crédit… »), mais pas les autres catégories de créanciers.
Alors comment justifier la solution rendue par l’Assemblée plénière ?
La Cour de cassation a vraisemblablement voulu faire application de l'adage « Specialia generalibus derogant »
(« Les règles spéciales dérogent aux règles générales » ), et ne pas donner la mort pratique au gage sur stock.
La Haute juridiction cherche-t-elle peut-être une réaction du législateur pour une nouvelle réforme du gage sur
stock, plus en adéquation avec les besoins du commerce.
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La loi Macron du 6 août 2015 apportera peut-être la solution, puisque son article 240 a habilité le Gouvernement à
légiférer par voie d'ordonnance, avant le 6 février 2016, en vue de « rapprocher le régime applicable au gage des
stocks [...] du régime de droit commun du gage de meubles corporels [...], pour le clarifier et rendre possible le
pacte commissoire et le gage avec ou sans dépossession, en vue de favoriser le financement des entreprises sur
stocks », mais aussi de « modifier le régime applicable au gage de meubles corporels et au gage des stocks dans
le cadre des procédures collectives en vue de favoriser la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de
l'emploi et l'apurement du passif ».
Il y a fort à parier que la prochaine ordonnance ne prohibera plus le pacte commissoire, quelque soit le gage
choisi.
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1]Cass. com., 19 février 2013, n° 11-21.763, FS-P+B+R+I
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