PRosPECTIvE, PouRquoI L`Ess DoIT REgARDER vERs L`AvEnIR ?
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PRosPECTIvE, PouRquoI L`Ess DoIT REgARDER vERs L`AvEnIR ?
Prospective, pourquoi l’ESS doit regarder vers l’avenir ? CARNET DE CHANTIER PROSPECTIVE L’ATELIER CENTRE DE RESSOURCES RÉGIONAL DE L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE PREMIÈRE ÉDITION DÉCEMBRE 2013 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION JEAN-MARC BRÛLÉ COORDINATION ÉDITORIALE LAURA WINN ET JULIEN BOTTRIAUX COMITÉ DE RÉDACTION Eric Forti, Céline Coubard, Catherine Bernard, Emmanuel Chansou, Ana Larrègle, Aurélie Berlioz, Samuel Demeulemeester, Bérangère Eldin CRÉATION GRAPHIQUE ET MISE EN PAGE ATELIER CHÉVARA / MARGE DESIGN CE CARNET DE CHANTIER EST IMPRIMÉ SUR DU PAPIER RECYCLÉ ET AVEC DES ENCRES À BASE D’HUILES VÉGÉTALES PAR L’IMPRIMERIE LA MAIN – MELUN Prospective, pourquoi l’ESS doit se tourner vers l’avenir ? Aller au-delà de la réponse aux besoins mal satisfaits L’économie sociale et solidaire innove dans les réponses aux besoins d’aujourd’hui, mais elle ne s’adresse que rarement aux enjeux de demain. Or, intégrer le temps long dans les décisions du présent est indispensable pour se préparer aux besoins futurs. Tel est l’objet d’une démar che prospective. Il ne s’agit pas de prévoir l’avenir – qui est, par définition, imprévisible –, mais plutôt d’anticiper les évolutions de la société et des terri toires, d’identifier des futurs souhaitables et d’en tirer des enseignements pour l’adoption, dès aujourd’hui, de stratégies à long terme. Tour d’horizon de concepts et de méthodes. 3 La prospective, une démarche collective et responsable pour l’avenir L’avenir, un domaine à investir 4 L’humanité s’est toujours intéressée à son avenir, des outils divinatoires – osselets et autres Tarots de Marseille – au déterminisme des Lumières où cause et effet amènent à un avenir certain, et jusqu’aux modèles de prédiction de l’avenir de notre période incertaine – par exemple pour prévoir les évolutions du climat. « La prospective est une réflexion sur l’action de l’Homme dans un monde en accélération. » Gaston Berger, 1960 Le rôle de la prospective : de l’anticipation à l’action Aujourd’hui, nous sommes face à un avenir que l’on ne peut pas connaître, composé d’une multitude de futurs possibles. Ces possibles sont plus ou moins imagi nables, et plus ou moins désirables. Si l’avenir est un champ de liberté, il relève également d’une responsabi lité. Les choix que l’on prend aujourd’hui permettent d’agir ou non en direction d’un futur souhaitable. La prospective a pour sujet ce futur souhaitable, que ce soit pour un territoire avec la complexité de ses besoins sociaux et économiques, ou pour une entreprise qui a besoin de se projeter dans un monde qui évolue à vitesse grand V. Elle cherche à connaître l’avenir – les futurs imagi nables et aussi inimaginables – pour réduire les incerti tudes et anticiper en connaissance de cause. Elle propose ensuite de construire collectivement des plans d’action pour aller dans le sens d’un futur souhaitable. Ainsi, la prospective propose de répondre collectivement à 5 questions : - «Qui sommes-nous ?» - «Que peut-il advenir ?» - «Que pouvons-nous faire ?» - «Qu’allons-nous faire ?» - «Comment faire ?» Le « Qui sommes-nous ? » est une question préalable nécessaire, car la culture d’un territoire ou d’une organisation en dit beaucoup sur le futur souhaitable qui pourra être élaboré. À noter dans ce processus que sur ces cinq questions, une seule relève du registre de l’anticipation : « Que peut-il advenir ? ». Les autres sont du domaine de l’action. Ainsi, la prospective est résolument proactive. 5 L’esprit prospectif « Nous voulons construire un avenir, mais nous savons que nous ne pouvons pas le construire si nous ne le pensons pas tous ensemble. » Gaston Berger, 1960 « Le problème que nous avons à résoudre, c’est d’avoir une société efficace, mais une société heureuse. Il n’est pas facile de concilier les requêtes de l’efficacité et les aspirations au bonheur. » Gaston Berger, 1960 L’esprit prospectif, tel qu’il était déterminé par le philosophe et prospecti viste Gaston Berger, repose sur cinq principes clés. Voir loin - Sortir de l’emprise du quotidien. - Prévoir l’avenir non pas en continuité avec le présent mais en rupture. - Se projeter au-delà de la temporalité de l’action. - En complémentarité avec la planification à court terme. 6 Choisir un horizon dans le temps est un exercice délicat. En effet, l’intérêt de la pros pective est bien de dépasser une logique de planification, et donc de choisir un horizon au-delà de la durée de l’action planifiée (au moins 10 ans, le plus souvent 30-50 ans). Mais une échéance trop lointaine peut rendre difficile l’exercice collectif et la traduction en stratégie d’action. Souvent une échéance symbolique est choisie, par exemple 2050 – milieu du siècle en cours, ou alors un “tipping point” (ou point de non retour) selon un scénario donné, par exemple un pic de population. Voir large - La prospective est un exercice collectif qui a besoin d’une grande diversité de points de vue pour appréhen der l’avenir de toutes ses différentes facettes. - Associer professeurs/ experts, responsables d’orga nisations et de collectivités territoriales, chefs d’entrepri ses, habitants, bénéficiaires, acteurs de la société civile… L’accent sur ce travail collectif distingue l’école de prospective française de ses consœurs anglosaxonnes, qui privilégient l’élaboration de scénarios à l’appropriation du processus de définition du futur souhaitable par les parties prenantes. En ce sens, la prospective se rapproche de l’économie sociale et solidaire, qui se soucie de la place des parties prenantes au sein de ses entreprises et projets économiques. Une démarche prospective prend habituellement plusieurs mois, le temps d’analyser en profondeur tant au stade du diagnostic que dans l’élaboration des futurs possibles et souhaitables. Prendre des risques - À partir du moment où on fait un choix, on prend un risque. - Prendre des décisions en meilleure connaissance de cause. La prospective est une démarche entrepreneuriale, qui comporte la prise de risques, et aussi une éthique de la responsabilité. Analyser en profondeur - Aller au-delà des idées reçues et des jugements rapides. - Refuser les procédés d’analyse basés sur l’habi tude et la routine. - Comprendre le monde d’aujourd’hui et les scénarios pour demain dans leur complexité. Penser à l’humain - Derrière chaque décision, il y a des êtres humains. 2100, récit du prochain siècle Thierry Gaudin a été l’architecte d’un ouvrage remarquable qui cherchait, à partir des projections des démographes et des travaux de veille technolo gique, à se projeter à l’échelle d’un siècle. Deux constats soutiennent ces récits. La stabilisation de la population mondiale au XXIe siècle : - 10 milliards en 2100. - Déséquilibre entre générations car la pyramide des âges évolue, avec des personnes qui vivent plus longtemps. - Migrations Sud-Nord, notamment vers l’Europe, y compris 200 millions refugiés climatiques. Un bouleversement du système technique, et donc de civilisation. Passer du système technique matériel basé sur le charbon et l’acier au système immatériel basé sur la rapidité des échanges (nanoseconde) et la relation avec la biosphère. 7 Une prospective pour l’économie sociale et solidaire Une approche située entre la prospective territoriale et la prospective stratégique 8 De la prospective territoriale La prospective territoriale se développe alors que quasiment toutes les échelles de territoire (communes, communautés d’aggloméra tion, départements, régions) sont confrontées à la mise en œuvre de projets de territoire. Souvent ces projets deman dent de mener de front des chantiers complémen taires : une démarche prospective, une approche « Le développement durable est un oxymore, une contradiction dans les termes. Le terme juste si l’on veut faire un projet d’avenir c’est jardin planétaire. » Thierry Gaudin stratégique et un processus participatif. les acteurs locaux Au niveau d’un territoire, les acteurs locaux mobilisés dans ce type de projet sont très divers : institutions publiques, acteurs sociaux, acteurs économiques, associations d’habitants, etc. Cette mobilisation participe des nouveaux modes de gouvernance des territoires, dans une approche de territoire durable. Le travail collectif nourrit l’élaboration de scénarios prospectifs à un horizon donné, en réponse à la question « Que peut-il advenir ? », et apporte des débuts de réponses collectives à la question « Que pouvons-nous faire ? ». En ce qui concerne le registre d’action et l’affectation des moyens, les choix reviennent aux élus en charge de la mise en œuvre des plans d’action. Mais l’appropriation par les acteurs locaux et par les citoyens est un gage de réussite de ces plans d’action se projetant au-delà des échéances des mandats électoraux. exemples de plans d’action En Île-de-France, le CESER ou alors l’IAU ont construit des projections vers l’horizon 2050. Dans un esprit plus participatif, la Région a engagé un processus de concertation innovant autour du nouveau Schéma Directeur régional pour l’aménagement du territoire (SDRIF) à horizon 2030. De la prospective stratégique pour entreprises Une stratégie de développe ment pour une entreprise peut se construire à partir d’une analyse du marché et des concurrents, c’est l’approche la plus courante. Mais elle est moins riche et plus risquée qu’une stratégie construite à partir d’une démarche prospective. Au lieu de définir l’avenir de l’entreprise par rapport à ce que font déjà les autres – benchmarking des concur rents – et une soi-disant obligation de faire comme eux pour rester compétitif, la prospective amène à penser l’évolution du marché dans un système complexe et à bâtir sa stratégie sur l’innovation, et non pas sur le mimétisme. Une démarche prospective en entreprise sert principale ment à déterminer les enjeux clés de l’avenir : quels sont les opportunités, les menaces et les risques pour l’entreprise ? Une prospective pour l’économie sociale et solidaire Une prospective pour l’ESS serait située quelque part entre la prospective territo riale – en réponse aux besoins sociaux et écono miques d’un territoire – et la prospective stratégique. En effet, les entreprises de l’ESS, comme toute entreprise, doivent définir une stratégie de développement dans un objectif de répondre le mieux possible et de la manière la plus pérenne (modèle économique viable) aux besoins sociaux de demain (innovation sociale). Les entreprises de l’ESS possèdent déjà de nombreux atouts pour engager un travail de prospective. Elles ont d’ores et déjà le souci de l’implication des parties prenantes dans les décisions 9 Ressources SITES RESSOURCES www.fonda.asso.fr > prospective www.lecese.fr > les délégations > délégation à la prospective et à l’évaluation des politiques publiques www.strategie.gouv.fr > le CGSP autour des orientations stratégiques de l’entreprise, et le cas échéant l’évaluation de son impact social. diversité des points de vue La diversité des parties prenantes impliquées dans une entreprise de l’ESS – des financeurs aux bénéficiaires en passant par l’équipe salariée et les collectivités territoriales partenaires – permet de constituer cette nécessaire diversité de points de vue pour construire un futur souhai table. Par ailleurs, l’éthique de la responsabilité et le souci du développement durable placent ces entreprises dans une relation à l’avenir qui dépasse le souci de survie de l’organisation, pour se concentrer sur la contribu tion à un futur meilleur. Filières en prospective Pourtant, aujourd’hui, peu d’entreprises de l’ESS sont engagées dans des processus de prospective, ou de construction de plans d’actions stratégiques en fonction d’une vision du long terme. En effet, la définition même des projets ESS qui « répondent à des besoins sociaux pas ou mal satisfaits » est rétro active. Alors que l’économie sociale et solidaire a tout pour être une économie anticipatrice. Si les travaux de prospective sont trop lourds pour être portés au sein de chaque entreprise, surtout de petite taille, ce serait aux filières et fédérations sectorielles de s’emparer du sujet, pour impliquer et outiller les entreprises dans leurs choix vis-à-vis de l’avenir. échelle des valeurs Valeurs déclinantes - Domination - Conquête - Performance Valeurs montantes - Empathie - Individuation - Résilience Source : Thierry Gaudin OUVRAGES ET ARTICLES « La prospective stratégique pour les entreprises et les territoires », Michel Godet et Philippe Durance, Dunod, 2011 (2e édition, augmentée). « Libérer l’innovation dans les territoires », Philippe Durance, Michel Godet et Marc Mousli, La Documentation française, 2010. « L’Impératif du vivant », Thierry Gaudin, éditions de l’Archipel, 2013. « 2100 récit du prochain siècle », Thierry Gaudin, Payot, 1993. « Démographie, économie et lien social à l’horizon 2050 : quelles perspectives, quels leviers pour agir ? », Rapport du Conseil économique social et environnemental régional, octobre 2010 « Et demain ? », Les Cahiers de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme Île-de-France, juillet 2011 « La prospective appliquée aux projets territoriaux de développement durable », Cahier TEDDIF, 2013. 10 11 L’Atelier est le centre de res sources régional de l’économie sociale et solidaire. Cette association a été créée à l’initiative du conseil régional d’Île-de-France, de la CRESS IDF, de diverses collectivités territoriales et de l’ensemble des acteurs du secteur. L’Atelier est le pôle d’exper tises de la création d’activités sociales et solidaires en Île-de-France. Il conseille les futurs entrepreneurs de l’ESS dans le lancement et l’amorçage de leur entre prise. Il les oriente vers des partenaires techniques et financiers, qui leur permettront de développer et concrétiser leurs innovations sociales. Dans ce cadre, l’Atelier anime également l’écosystème de l’accompagnement des entreprises de l’ESS. L’Atelier a un rôle de conseil auprès des collectivités territoriales. Il les appuie dans la mise en place de politiques en faveur de l’ESS. Enfin, l’Atelier est le promo teur de l’ESS en Île-de-France. Il sensibilise ainsi le grand public et notamment les 18-30 ans à l’économie sociale et solidaire. Basé à Paris, l’Atelier est ouvert au public : il propose et publie de nombreuses ressources qui permettent d’agir en faveur de l’économie sociale et solidaire. Financeurs de l’atelier L’ATELIER CENTRE DE RESSOURCES RÉGIONAL DE L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE 8-10 IMPASSE BOUTRON 75010 PARIS | TÉL. : 01 40 38 40 38 | FAX : 01 40 38 03 73 [email protected] | ATELIER-IDF.ORG