Microfinance côté face

Transcription

Microfinance côté face
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microfinance côté face
éditeur
ada
Photographe
Guy Wolff
Textes
Marion Bur
Conception et réalisation
Bizart
Impression
Print Solutions
Dépôt Légal
Septembre 2008
Nous tenons à remercier les partenaires d’ADA au Burkina
Faso et au Mali sans qui le projet « Microfinance côté face »
n’aurait pu voir le jour : la Confédération des institutions
financières (CIF), le Centre financier aux entrepreneurs (CFE),
la Fédération des Caisses populaires du Burkina Faso (FCPB),
ainsi que les réseaux d’institutions de microfinance Kafo
Jiginew, Nyèsigiso et Soro Yiriwaso. Merci également à Alpha
Ouedraogo et Luc Vandeweerd pour avoir partagé leur
savoir et leur expérience en microfinance.
La microfinance
comme vous ne
l’avez jamais vue...
Ce livre a été édité dans le cadre de l’exposition « Microfinance côté face », réalisée par Guy Wolff, photojournaliste
luxembourgeois et l’association ADA (Appui au développement autonome). Les 50 photographies de l’exposition ont
été présentées pour la première fois du 12 septembre au 22
octobre 2008 au Centre culturel de Rencontre Abbaye de
Neumünster, à Luxembourg, avec le partenariat de l’Association des Banques et Banquiers Luxembourg (ABBL) et avec le
soutien de la Coopération luxembourgeoise.
04
05
mot de S.A.R.
la Grande-Duchesse
La face d’une autre Afrique, celle qui entreprend, celle qui
réussit, celle qui avance, nous est montrée par ce catalogue et
je remercie ADA d’avoir pris cette initiative.
Des facettes multiples de vie, des hommes et des femmes
ont pu enfin réaliser leur rêve grâce à ce formidable élan donné par le développement de la microfinance il y a une trentaine
d’années.
Ces images de la vie qui renaît, de la dignité retrouvée réaniment la promesse d’un monde meilleur. A travers ces pages,
la microfinance n’est plus seulement un alignement de chiffres et de pourcentages mais des visages que l’on découvre,
d’hommes et de femmes debout, fiers de créer, d’exister et de
partager.
« Microfinance côté face » illustre un monde où la lutte
contre la pauvreté n’est pas un vain mot mais s’inscrit durablement dans les faits. Que ces visages porteurs de réussite puissent se multiplier et peupler nos rêves d’avenir.
Maria Teresa de Luxembourg
06
mot du ministre
de la Coopération
et de l’Action humanitaire
L’exposition « Microfinance côté face » initiée par ADA illustre
à quel point la microfinance peut transformer l’existence de
ceux et celles qui bénéficient de petits prêts. Elle montre que
Maïmouna, Yacouba et Marcelline ont réussi à s’en sortir. Leurs
histoires sont source d’inspiration et peuvent servir d’exemple.
Avec l’association ADA, la Coopération luxembourgeoise
continuera à s’investir dans le secteur de la microfinance.
Elle va œuvrer en particulier en faveur du développement de secteurs financiers inclusifs.
Pour que d’autres Maïmouna, Odjouma et Marcelline
puissent eux aussi voir l’avenir du côté face.
Jean-Louis Schiltz
07
avant-propos
du président d’ADA
Le présent ouvrage illustre l’existence d’une très grande
richesse sous-estimée de l’Afrique : sa population. Même dans
les couches les plus modestes, le sens de l’initiative et l’esprit
d’entreprise constituent des facteurs conséquents de développement économique et social.
La microfinance n’est que l’un des rouages permettant de
valoriser ces atouts. En créant de la richesse, cet instrument de
lutte contre la pauvreté offre à des millions de gens la possibilité d’améliorer leurs conditions de vie. La microfinance favorise
des activités destinées à une population locale : elle résulte
d’ailleurs souvent de la volonté d’associations de producteurs,
et les femmes ne sont pas les dernières à souscrire des emprunts ou gérer les finances de la famille, bien au contraire.
Les récits et illustrations contenus dans cet ouvrage
permettent aussi de recentrer l’objet de la microfinance.
On aurait tort de croire que cette dernière ne constitue qu’un
effet de mode dans le monde de la finance des pays occidentaux ; il s’agit d’un outil primordial, ayant pour vocation essentielle de permettre à des micro-entrepreneurs de croire en
l’avenir. Oublier ce principe fondamental ne pourrait, à terme,
que nuire à l’ensemble de tous les acteurs de la chaîne de la
microfinance, qu’ils soient situés en Europe ou en Afrique.
Je vous laisse savourer la beauté des images et partager
l’enthousiasme des héros de ce livre qui nous font l’honneur
de partager leur quotidien à l’occasion de ces quelques pages.…
Philippe Fitzpatrick-Onimus
Burkina Faso
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Bobo
Koudougou
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La bière de Marcelline Bougma
Halamata, une femme sur qui compter
Les caisses d’épargne et de crédit
La micro-assurance, un précieux bouclier
Laure Ouédraogo: le patron est une femme
Ablassé Kabré, un marchand de glace devenu homme d’affaires
Le tremplin des success stories
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Burkina Faso
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Population en 2007
13,9 millions d’habitants
Superficie
274 200 km2
Densité
48 hab./km2
Forme de l’état
République
Capitale
Ouagadougou 980 000 habitants
Langue officelle
Français
Monnaie
Franc CFA
PIB par habitant en 2005 428 dollars US
Espérance de vie
47,5 ans
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Introduction
Burkina Faso
Burkina Faso
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Classé 176 ème pays le plus pauvre du monde sur les 177 figurant sur la liste du Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD), le Burkina Faso compte 13,9 millions d’habitants, dont près de la moitié vivent sous le seuil de
pauvreté.
Depuis plusieurs décennies, les Burkinabès ont adopté des
méthodes de survie basées sur la solidarité pour surmonter les
manques, les lacunes et les insuffisances : c’est le principe des
associations de développement, des groupements villageois,
masculins, féminins, de jeunes, de paysans, d’artisans, etc... Ce
principe de solidarité, pratiqué au sein des tontines est utilisé
pour le crédit. Un groupe contracte un crédit commun et
répartit l’argent selon les besoins de chaque membre. Si l’un
d’entre eux ne peut rembourser le prêt, c’est tout le groupe
qui rembourse pour lui. Ce système a pour effet de développer la confiance en soi (oser emprunter), mais également de
responsabiliser l’emprunteur par rapport aux autres membres
de la tontine.
L’apparition des coopératives d’épargne et de crédit dans
les années 1970 a structuré ces pratiques anciennes. Le concept de microfinance, en tant qu’offre de services financiers
à des populations exclues du secteur bancaire classique, s’est
développé dans le sillage de ces coopératives.
Parmi elles, le Réseau des caisses populaires du Burkina
Faso (RCPB). Créé en 1972, le RCPB a connu une telle croissance à la fin des années 1980, qu’il est devenu le leader national de la microfinance. Fort de 101 caisses et de 522.949
membres, le RCPB est présent dans 43 des 45 provinces que
compte le Burkina Faso.
L’objectif du réseau RCPB est de collecter de l’épargne
pour redistribuer les fonds sous forme de crédits octroyés
pour le financement des activités des membres, en vue du
développement individuel et collectif. Comme toute structure
mutualiste, les membres sont copropriétaires. Un mécanisme
qui a l’avantage de cultiver le réflexe du remboursement et
d’encourager la responsabilité collective et individuelle.
En 2007, le RCPB est devenu fédération. Son encours
d’épargne est de 41,5 milliards de francs CFA soit environ
63,2 millions d’euros pour un encours de crédit de 30 milliards
de francs CFA, environ 45,7 millions d’euros.
Le Burkina Faso est aussi le siège de la Confédération
des institutions financières (CIF), une organisation faîtière regroupant six réseaux de Caisses d’épargne et de crédit implantés au Burkina Faso, Bénin, Mali, Togo et Sénégal, et dont fait
partie le RCPB. En 2006, la confédération CIF comptait près de
deux millions de membres.
Un microcrédit de 30 euros a permis à Marcelline Bougma d’acquérir des jarres en inox pour la production de dolo,
la bière locale artisanale. Avant de pouvoir les acheter, la dolotière utilisait des récipients en argile qui se brisaient sous la chaleur
du feu.
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« Vous, avec vos usines vous pouvez produire beaucoup plus
et plus facilement que nous. » Vivant à l’écart de tout confort
moderne, sans eau courante ni électricité, Marcelline Bougma
est lucide : son quotidien dans un petit village du Burkina Faso,
n’a rien de commun avec celui des pays industrialisés. Chaque
jour, la jeune adolescente de 17 ans se consacre à la production
du dolo, la bière locale artisanale fabriquée à partir du mil, une
céréale très répandue au Burkina Faso. « On fait tout à la main »,
souligne-t-elle, comme pour signifier la pénibilité de la tâche
mais sans donner l’impression de se plaindre.
Marcelline vit dans la périphérie de la capitale Ouagadougou. Elle est membre d’un groupement de femmes qui s’est
organisé pour obtenir des services d’épargne et de crédit auprès
d’une caisse villageoise. Marcelline a contracté un microcrédit
dans l’espoir d’améliorer ses conditions de travail et de développer son activité de production.
La bière
de Marcelline
Bougma
Le secret de fabrication du dolo se transmet de mère en fille. La production du « pain liquide », associé aux évènements
sociaux tels que les mariages, baptêmes ou funérailles, procure de petits revenus à des milliers de femmes vivant en milieu rural.
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« Avant, on produisait notre bière dans des jarres en terre
cuite. Le dolo, avant fermentation, doit être bouilli durant
plusieurs jours. A cause de leur fragilité et de la chaleur des
flammes les jarres se brisaient et on perdait ainsi toute notre
production », explique-t-elle. Les morceaux de jarres brisées
entassés dans un coin témoignent des scènes répétées où
le dolo se répandait sur le sol sablonneux de la concession
familiale.
Un crédit de 30 euros a suffit pour acquérir des jarres
en inox, d’une solidité et d’une durée de vie incomparables
à celles des récipients en terre cuite. Finie l’angoisse de voir
le fruit de trois jours de labeur se perdre en une fraction de
seconde. « On produit de plus grandes quantités, du coup on
vend plus et on gagne plus d’argent », assure la jeune dolotière.
Une logique commerciale qui diffère finalement peu de celle
des producteurs industrialisés, dont les techniques de production s’apparentent à celles qu’utilisent les dolotières africaines
depuis plusieurs générations.
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Halamata Ouédraogo sillonne les pistes sablonneuses à la rencontre des femmes vivant en zone rurale. Sa mission
d’animatrice consiste à encadrer les bénéficiaires de microcrédits en les aidant, par exemple, à tenir un carnet de comptes.
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En cette chaude fin de matinée, Halamata Ouédraogo
s’apprête à chevaucher son engin motorisé. Sous un soleil de
plomb, elle part à l’assaut des pistes sablonneuses et creusées
d’ornières du village de Saaba. C’est ainsi, équipée de lunettes
de vue et d’une sacoche, qu’elle va une fois par mois à la rencontre des groupements de femmes des caisses villageoises
placées sous sa supervision. Objectif, éduquer les femmes et
les sensibiliser au crédit et à sa gestion, ou encore, les assister
lors des séances de remboursement du crédit.
« Le message est difficile à faire passer les premiers temps.
Elles ne savent pas comment s’y prendre. La plupart d’entre
elles n’ont jamais appris à lire, écrire ou calculer. Mais avec le
temps, elles comprennent les mécanismes et préparent bien
chaque séance de remboursement », explique Halamata.
Arrivée sur les lieux, l’animatrice est chaleureusement accueillie par les villageoises. Elle s’installe derrière une petite
table, y pose un cahier de compte, un stylo et une calculatrice
sortis de sa sacoche. La séance de remboursement peut commencer.
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L’animatrice
Une femme sur
qui compter
L’animatrice note dans un carnet de compte les dépôts effectués par les femmes au cours de la séance de
remboursement du crédit. Les 143 565 francs CFA (220 euros) recueillis seront ensuite déposés à la caisse du village par une femme
désignée pour cette mission.
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Installées sur un banc, les onze femmes du groupement sont
appelées chacune à leur tour et invitées à venir déposer
l’argent dû sur un pagne étalé à même le sol. Accroupie près
du pagne, la trésorière élue par le groupe récolte et compte
la monnaie. L’animatrice inscrit au fur et à mesure les chiffres
correspondants aux sommes remboursées dans un cahier
de compte. Une fois l’argent des onze membres du groupe
remis, Halamata peut commencer le décompte. Pendant que
l’animatrice tape les montants sur sa calculatrice, un lourd
silence règne parmi les femmes...
« 143 565 francs CFA (220 euros): le compte est bon ! »
Les femmes ne peuvent retenir leurs applaudissements. Elles
semblent fières d’avoir pu tenir leur engagement. « Si elles
réussissent bien, ça peut être un tremplin pour développer
des capacités et un jour, peut être négocier un crédit individuel », explique Halamata.
Si la présence de l’animatrice lors des séances de remboursement est jugée précieuse, c’est aux femmes qu’il
revient de faire le déplacement pour apporter la somme
remboursée à la caisse populaire de Saaba.
< Avec le temps,
elles comprennent
les mécanismes
et préparent bien
chaque séance
de remboursement >
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Comme dans n’importe quelle banque, les clients des institutions de microfinance se rendent régulièrement
auprès de leur caisse locale afin de retirer de l’argent, rembourser une échéance de crédit ou déposer de l’épargne.
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Les caisses
d’épargne
et de crédit :
le réseau RCPB
Même dans les villages les plus reculés, les caisses rurales du réseau RCPB bénéficient d’une haute protection.
Et pour cause, derrière ces murs, repose l’épargne déposée par des centaines de clients.
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Sécurité assurée
Que ce soit dans le plus petit village de la zone rurale ou au
cœur d’une capitale, la sécurité des caisses doit être assurée.
Les agents de sécurité, employés par une société de gardiennage, veillent devant l’entrée des bâtiments où vont et viennent les clients. Un dispositif qui diminue fortement le risque
de vol ou de braquage et donne aux clients le sentiment que
leur épargne « dort » en toute sécurité.
25
A la suite du décès de son père, Soumaïla Sanfo est devenu le responsable d’une famille de onze enfants. La micro-assurance
a couvert le solde du micro crédit de 1,5 million de francs CFA (2 300 euros) que le défunt patriarche avait contracté auprès d’une
institution de microfinance.
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La microassurance
un précieux
bouclier
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A la suite du décès de son père, Soumaïla Sanfo est devenu le
responsable d’une famille de onze enfants. Le défunt venait
de contracter un prêt de 3 millions de francs CFA (4 600 euros) sur douze mois auprès de la caisse d’épargne et de crédit
de Cissin, appartenant à la Fédération des caisses populaires du Burkina Faso (FCPB). Le solde qui restait à payer était
de 1,5 million de francs CFA (2 300 euros). Avec cet argent,
M. Lassané Sanfo comptait développer son activité d’élevage
et de vente de bétail. Mais le 12 juin 2007, un accident de la
route l’a emporté et laissé toute une famille en deuil avec une
dette à rembourser. Que faire ? Comment rembourser ?
« Nous n’avons finalement pas eu besoin de rembourser
la dette de mon père. La micro-assurance qu’il a contractée a
couvert tout le solde », explique Soumaïla. Monsieur Lassané
Sanfo avait en effet souscrit une micro-assurance obligatoire
auprès de la caisse de Cissin pour toute demande de prêt.
« Nous avons même reçu une aide de 100 000 francs CFA
(150 euros) pour financer les funérailles et acheter des biens de
première nécessité », ajoute Soumaïla.
Agé d’une vingtaine d’années, sans emploi, l’aîné de la famille n’aurait jamais pu régler la note à l’institution de microfinance. « Cette aide nous fait du bien, nous nous sentons
soutenus, cela nous donne le courage d’aller de l’avant »,
assure-t-il.
C’est entre les mains du jeune homme que réside désormais le sort de toute la famille. Ce dernier n’a pas encore décidé s’il prendrait la succession de son père. « Nous devons le
convaincre de poursuivre l’activité du défunt », affirme Zoré
Souleymane, manager en assurance au FCPB. « En Afrique, il
n’y a pas de culture de l’assurance », ajoute-t-il, « notre travail
est de sensibiliser les populations pour éveiller les consciences
à l’importance de s’assurer ». Les explications de l’agent auront finalement raison des hésitations du futur entrepreneur :
Soumaïla Sanfo ouvrira un compte à son nom à la caisse
de Cissin.
Dans ses deux boutiques de vêtements à Ouagadougou, Laure Ouédraogo emploie six personnes. Grâce à un prêt de
3 millions de francs CFA (4 600 euros) accordé par le Centre financier aux entrepreneurs (CFE), elle a développé un commerce viable.
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Ouagadougou
Boubous et vêtements multicolores suspendus sur des portants,
bijoux artisanaux clinquants exposés dans une vitrine, produits
cosmétiques, parfums... la boutique Maty 2000 de Laure Ouédraogo est une vraie caverne d’Ali Baba de la femme burkinabè.
Cette commerçante de 46 ans s’est spécialisée dans la vente de
produits de luxe pour une clientèle-cible « plutôt aisée ». Il y a
une dizaine d’années pourtant, Mme Ouédraogo n’aurait pu
imaginer réussir à monter une affaire. Elle qui était hôtesse de
l’air, s’est retrouvée sans emploi lorsque la compagnie aérienne
qui l’employait fit faillite, dans un Burkina Faso gangréné par
le chômage.
Mme Ouédraogo a ouvert son premier magasin à Ouagadougou avec ses fonds propres, issus de l’argent épargné
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Laure
Ouédraogo
le patron est
une femme
Laure Ouedraogo était au chômage lorsqu’elle a bénéficié du tremplin du RCPB pour développer son entreprise.
A 46 ans, elle est devenue une femme d’affaires aguerrie, qui négocie avec l’Asie l’importation de stocks de marchandises.
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durant ses années d’activité professionnelle. « J’ai pu ouvrir une
boutique et obtenir un peu d’approvisionnement, mais cela ne
suffisait pas pour permettre de bien faire tourner le magasin »,
raconte-t-elle.
Il y a cinq ans, elle a frappé à la porte d’une institution de
microfinance dans l’espoir d’obtenir un prêt qui l’aiderait à augmenter sa capacité de stockage et d’approvisionnement. Le
montant du crédit à l’époque était de 3 millions de francs CFA,
soit environ 4 570 euros. La commerçante aurait pu s’adresser
à une banque, mais « les conditions de remboursement du prêt
de l’institution de microfinance étaient plus intéressantes et le
contact était plus humain », assure-t-elle, avant d’expliquer :
« Quand tu te lances dans un tel projet, tu joues ta vie, tu as
besoin d’avoir en face de toi quelqu’un qui t’écoute et qui traite
ton cas individuellement, pas comme un simple numéro de
dossier. »
Grâce à ce premier crédit, Mme Ouédraogo a pu considérablement développer son activité, jusqu’à pouvoir ouvrir
un deuxième magasin à Ouagadougou. En quelques années,
l’ancienne hôtesse de l’air est devenue une véritable femme
d’affaires. Aujourd’hui, elle emploie six personnes et négocie
des importations de vêtements avec le Sénégal et l’Asie. Son
projet pour l’avenir, élargir sa clientèle aux populations plus
modestes.
< Je me sens
privilégiée mais
j’ai beaucoup travaillé >
Ouagadougou
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Il était marchand de glace à l’âge de 17 ans. C’est à force de travail et avec le coup de pouce d’une institution de microfinance qui lui a prêté 1,5 million de francs CFA (2 300 euros), qu’Ablassé Kabré a pu monter sa propre concession de motocycles.
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Un marchand
de glace devenu
homme d’affaires
Ablassé Kabré
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Bien calé dans son fauteuil de patron, derrière un bureau entouré de motocyclettes, Ablassé Kabré, 46 ans, joint fermement
ses grandes mains d’artisan comme s’il se préparait à une discussion sérieuse : « J’ai commencé mon business à la fin des années
1970, en vendant des vélos... J’avais accolé un petit bureau à
part dans une concession de motocycles, ils avaient accepté
que je vende des vélos de mon côté, sans leur verser un centime de commission. Je gagnais à peu près 3 000 francs CFA
(4,5 euros) par jour », se souvient-il.
A 17 ans, M. Kabré vendait des glaces dans les rues
d’Ouagadougou. C’est en recherchant un marché plus juteux,
qu’il eut l’idée de vendre des vélos. Son petit commerce
allait rapidement se développer. « Il fallait que je trouve un
moyen de sécuriser l’argent que je gagnais. Alors, j’ai ouvert
un compte auprès d’une caisse populaire pour épargner. Plus
tard, grâce à cette épargne, j’ai pu ouvrir ma propre affaire. »
Le jeune entrepreneur contracta auprès de l’institution de
microfinance, un premier crédit d’un montant d’1,5 million de
francs CFA (2 290 euros). Au fur et à mesure que l’entreprise
prospérait, il put rembourser l’emprunt et contracta plusieurs
Moyen de transport très populaire au Burkina Faso, le deux-roues constitue un marché important,
dont certains clients de la microfinance ont su profiter.
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autres prêts pour faire encore grandir sa société. Aujourd’hui,
M. Kabré emploie 16 personnes dans deux magasins. Il ne
dépend plus d’un concessionnaire, mais gère lui-même ses
stocks de motocycles qu’il importe du Japon et de Chine.
Le patron observe autour de lui les quelque cinquante
mobylettes et scooters symboles de sa réussite, tandis que
le souffle d’air du ventilateur brasse des odeurs de pneu
neuf dans l’atelier. « J’ai fait mon nid petit à petit ! », déclaret-il finalement, avant de conclure : « A Ouagadougou, tout le
monde roule à moto ou à vélo, c’était la meilleure opportunité
d’affaire ! »
Un moteur d’emploi
En soutenant des entreprises créatrices d’emploi, la microfinance peut répondre au besoin d’insertion sur le marché
du travail des jeunes. Dans sa concession, Ablassé Kabré offre
du travail à une dizaine d’employés.
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A travers des entretiens réguliers, l’agent de crédit du Centre financier aux entrepreneurs (CFE) s’assure que son
client gère bien son entreprise et ne tombe pas dans le cercle vicieux de l’endettement.
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Les projets de Laure Ouédraogo et d’Ablassé Kabré ont pris
leur essor grâce au tremplin offert par le Réseau des caisses
populaires du Burkina Faso (RCPB), le plus important réseau
d’institutions de microfinance du pays des Hommes intègres.
Le réseau RCPB transmet au Centre financier aux entrepreneurs (CFE) tous les dossiers de prêts allant de 3 à 30 millions
de francs CFA (de 4 500 à 45 000 euros). L’objectif est de
répondre aux besoins spécialisés des petites et moyennes entreprises présentant un chiffre d’affaires d’au moins 10 millions
de francs CFA (plus de 15.000 euros). En effet, les besoins de
cette clientèle ne peuvent pas être couverts par le crédit ordinaire des caisses populaires.
Sur les 454 550 clients que comptent les 103 caisses
d’épargne et de crédit du réseau RCPB, 400 dossiers
d’emprunteurs sont traités au CFE *. « Parmi ces dossiers, 20
à 25 % sont déposés par des femmes. La durée moyenne du
crédit est d’un an, le taux d’intérêt est de 9 à 12% par an, et le
prêt moyen de 15 millions de FCFA, soit environ 23 000 euros »,
selon son directeur, Romain Tougma. « Notre objectif est de
promouvoir les petites et moyennes entreprises au sein du
RCPB pour les rendre performantes, compétitives, et pour
leur permettre de participer à l’essor du pays », explique le
directeur du Centre financier aux entrepreneurs .
* au 30 septembre 2007
Le tremplin
des success
stories
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Mali
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Odjouma Traoré sème l’épis d’or
Maïmouna Sanogo et le savon
de Kaniko
Diakité, une directrice au four et au moulin
Les femmes sur le devant de la scène
Un village célèbre son précieux grenier
Mali
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Population en 2007
12,3 millions d’habitants
Superficie
1 241 238 km2
Densité
9,2 hab./km2
Forme de l’état
République
Capitale
Bamako 1,6 million d’habitants
Langue officelle
Français
Monnaie
Franc CFA
PIB par habitant en 2005 498 dollars US
Espérance de vie
48 ans
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Introduction
Mali
Mali
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Les portraits rapportés dans ce livre ne reflètent guère, il est
vrai, l’état de privation et de souffrance qu’on peut imaginer
en évoquant les populations les plus pauvres de la planète.
Labeur, courage, esprit d’initiative: tels sont les maîtres-mots
découlant des rencontres avec ces micro-entrepreneurs,
dont la motivation semble détenir le pouvoir de gommer le
cliché du « pauvre » tel qu’on se le représente parfois dans
les pays économiquement développés. Néanmoins, il ne
faut pas oublier la réalité qui se cache derrière ces visages.
Selon les facteurs de développement établis en 2006
par le Programme de développement des Nations Unies
(PNUD), la moitié de la population du Mali est considérée comme extrêmement pauvre. Dans cet Etat, le plus
vaste de toute l’Afrique de l’Ouest, plus de la moitié des
13,5 millions d’habitants vit avec moins de 156 000 francs
CFA, soit 240 euros, par an. En termes de développement
économique et humain, le Mali est classé 174ème sur la
liste du PNUD des 177 pays les plus pauvres de la planète.
C’est au cœur des populations les plus défavorisées
qu’il faut aller chercher la genèse de la microfinance au Mali.
Kafo Jiginew, le « grenier précieux », en langue bambara, en
est la pionnière. Né en 1987, ce réseau de caisses mutualistes est le fruit d’une initiative locale qui s’était donné pour
but d’offrir un accès aux services financiers de base à des paysans. Depuis vingt ans, Kafo Jiginew demeure fidèle à cette
philosophie. Eu égard aux difficultés apparaissant avec la crise
du coton, qui amenuise encore les revenus des travailleurs
du secteur agricole, Kafo Jiginew avec plus de 235 000 sociétaires, joue plus que jamais un rôle primordial dans la vie de
ses membres.
Dans le sillage de Kafo Jiginew, Nyèsigiso (135 000 sociétaires) a elle aussi un rôle important à jouer dans l’expansion
des services financiers aux populations les plus pauvres du
Mali. Ces deux institutions de microfinance dominent le
secteur : elles représentent la moitié du total des encours
de crédit sur une quarantaine d’institutions de microfinance reconnues au Mali. Tout comme la jeune institution de microfinance Soro Yiriwaso (50 000 clients), elles
ont été conçues pour apporter le souffle dont un microentrepreneur a besoin pour prendre son envol. Elles
visent le même but : offrir un levier économique et social à
des individus motivés par un projet de groupe ou personnel.
La cueillette du coton se fait à la main sous un soleil de plomb et durant dix heures par jour. Adama Abdoulaye
et N’To Coulibaly perçoivent chacun 1 000 francs CAF de salaire (1,5 euro) par jour de récolte.
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Dafa
Depuis huit heures du matin, Odjouma Traoré et ses hommes
travaillent d’arrache-pied dans les champs de coton de Dafara,
petit village situé dans la zone rurale d’Ouélessébougou, à 80
kilomètres de Bamako. Sous un soleil de plomb, ils cueillent à
la main « l’or blanc », qui leur assure les rentrées d’argent indispensables pour nourrir, vêtir et loger leur famille.
Cotonculteur expérimenté, âgé de 53 ans et père de
9 enfants, M. Traoré est propriétaire d’un champ de 7 hectares. Cette surface serait nettement suffisante si, d’année en
année, les récoltes de coton ne s’amenuisaient pas de façon
aussi inquiétante. Cette année, la Compagnie malienne pour
le développement du textile (CMDT) va payer à M. Traoré 160
francs CFA (0,25 euro) par kilogramme de coton. « Avec mon
champ de 7 hectares, je vais engranger 160 000 francs CFA
(250 euros) sur une récolte, en déduisant l’ensemble des prêts,
surtout pour l’engrais», explique le cotonculteur. Ses collaborateurs Adama Abdoulaye et N’To Coulibaly sont payés 1 000
Odjouma
Traoré
sème
l’épis d’or
Avec l’appui de l’institution de microfinance Soro Yiriwaso, Odjouma Traoré va investir davantage dans le maïs,
devenu plus rentable que le coton.
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francs CFA par jour (1,5 euro). Cette dépense, le propriétaire
du champ doit également la déduire de ses recettes.
Deuxième producteur africain de coton, le Mali fait face
depuis plusieurs années à une crise au niveau mondial qui
affaiblit les revenus de ses cotonculteurs. Ces derniers sont
contraints de se recycler dans d’autres types de cultures, plus
rentables, comme le maïs.
Pour se lancer dans cette nouvelle production, M. Traoré
a contracté un prêt de 150 000 francs CFA (230 euros) auprès de l’institution de microfinance Soro Yiriwaso. «Je vais
commencer avec 1,5 hectare de maïs. D’après mes calculs, si
je déduis les salaires des employés et l’achat des engrais, je
peux tabler sur un bénéfice de 60 000 francs CFA (92 euros)
pour une récolte d’un hectare», espère-t-il. Soit une production nettement plus juteuse que le coton.
Bien décidé à sortir de la crise, le cotonculteur va investir
davantage avec l’appui de Soro Yiriwaso. «Je vais contracter
un nouveau prêt de 700 000 francs CFA (1 068 euros) pour
transformer mon champ de coton en un champ de 7 hectares de maïs », annonce-t-il. Odjouma Traoré espère retirer
4 tonnes de maïs par hectare, soit une production totale de
28 tonnes (280 sacs de 100 kilos). Il estime pouvoir vendre un
sac de 100 kilos au prix de 10 000 FCFA (16 euros). Il lui faudra
vendre au minimum 90 sacs de 100 kilos pour rembourser
l’intégralité du prêt, intérêts compris.
« Après remboursement du prêt, j’espère atteindre
un revenu brut d’ 1,9 million de francs CFA (2 900 euros) »,
confie-t-il. Selon ses prévisions, il lui restera encore du maïs
en quantité suffisante pour non seulement payer la main
d’œuvre, mais aussi répondre à la consommation de toute
la famille.
m de
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Bam
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Dafa
Maïmouna Sanogo fabrique artisanalement le « savon Kaniko » vendu au prix de 200 francs CFA les trois pièces,
soit 0,30 centimes d’euro. Elle apprécie l’indépendance financière que lui a offerte la microfinance.
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Maïmouna
Sanogo
le savon
de Kaniko
Maïmouna Sanogo vit à Kaniko, à une dizaine de kilomètres de
Koutiala, dans la zone rurale du sud du Mali. Cette mère de neuf
enfants est à la tête d’un groupement de femmes fort de 36
communes, pour une population d’environ 200 000 habitants.
Depuis plusieurs années, elle bénéficie des produits d’épargne
et de crédit de la caisse de Kaniko, appartenant au réseau Kafo
Jiginew. Grâce aux services financiers de la caisse, elle peut
acheter de l’huile de coton, des noix de karité, du miel et de la
potasse de soude, les matières premières nécessaires à la fabrication de savon, qu’elle revend sur le marché de Koutiala.
« Je fais tout à la main, je n’ai qu’un couteau pour découper
les carrés de savon. Si j’avais davantage de matériel, je pourrais
produire des quantités plus importantes », explique-t-elle sous
les regards approbateurs d’autres femmes clientes comme elle
de la caisse rurale. Même si leurs conditions de travail demeurent
très austères, toutes ont bénéficié d’un appréciable coup de
pouce à l’arrivée au village de Kafo Jiginew, il y a vingt ans.
« Kafo Jiginew est le seul organisme à s’être préoccupé des
femmes du milieu rural », atteste Maïmouna, avant d’expliquer :
« Durant des années, personne ne s’est soucié de notre sort.
Avec l’apport de la microfinance, les femmes gagnent en autonomie financière et osent s’imposer.
50
Pour nous qui ne savons ni lire, ni écrire, l’existence de ces services est un grand pas en avant ».
Pour un paysan situé en zone rurale, joindre une institution
financière, généralement située en ville, nécessite de parcourir
plusieurs kilomètres à pied, à vélo ou à motocyclette sur des
pistes défoncées et sablonneuses. C’est d’ailleurs sur une de ces
pistes que Maïmouna a été victime d’un accident de motocyclette : le pansement sur sa joue gauche et son bras en écharpe,
témoignent encore de la violence du choc. La caisse de Kaniko
se situe à deux pas du lieu d’habitation de Maïmouna. La proximité avec la population rurale, voilà ce qui fait la force de Kafo
Jiginew depuis ses débuts.
Au-delà de l’augmentation de ses rentrées d’argent,
Maïmouna semble aussi apprécier le fait d’avoir pu s’émanciper financièrement par rapport à son mari. « Cela nous a ouvert les yeux et nous a donné confiance en nous », dit-elle avec
aplomb, avant d’expliquer : « Avant, une femme devait payer
1 250 francs CFA (1 ,9 euro) auprès de son mari pour louer une
charrette et un âne pendant une journée afin de se rendre
aux champs ou transporter du bois. Désormais, nous pouvons
gérer notre propre compte, posséder notre propre charrette
et inscrire nos enfants à l’école même si notre mari n’a pas les
moyens de le faire ».
Maïmouna et ses amies ont de l’ambition. Si aujourd’hui,
la fabrication du savon se fait dans des bassines en plastique
posées à même le sol, progressivement, grâce à l’épargne
constituée, le travail se fera à l’abri des vapeurs de soude, dangereuses pour les yeux, dans un atelier en brique tout juste sorti
de terre. Il faudra encore du temps et beaucoup de travail avant
de pouvoir y poser un toit et le terminer. Mais Maïmouna, pointant du doigt la direction de la bâtisse située à quelques pas
de la concession, comme si l’avenir se jouait là-bas, s’en fait le
serment : « Un jour, nous disposerons de notre propre atelier
pour fabriquer notre savon. »
< Kafo Jiginew
nous a donné confiance
en nous >
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Directrice de sa propre imprimerie et d’une entreprise de restauration, Mme Diop est une femme d’affaires accomplie.
Le matériel de l’imprimerie est financé par le biais d’un crédit octroyé par l’institution de microfinance Nyèsigiso.
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Diakité
une directrice
au four et au
moulin
Deux activités en une
Gérante d’une imprimerie et d’une petite entreprise de
restauration à Bamako, Diakité Habibatou Koudedia Diop
est à la fois au four et au moulin. Comme de nombreux
micro-entrepreneurs, elle a diversifié ses activités pour permettre des rentrées d’argent plus importantes. L’institution
de microfinance Nyèsigiso l’aide à financer le matériel de
production, et s’assure régulièrement de la bonne santé
financière de l’entreprise.
Bamako
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Les revenus de milliers de femmes au Mali proviennent de la production du beurre de karité. Certaines institutions
de microfinance offrent des prodruits de microfinancement ciblés sur les activités féminines.
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Les
femmes
sur le
devant
de la scène
L’Année internationale du microcrédit de 1997 a fait de la femme une clientèle «cible » de la microfinance.
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Les études sur la pauvreté et le genre menées à travers le
monde convergent toutes vers une même observation : au
sein des populations les plus défavorisées, les femmes sont
généralement plus pauvres que les hommes. Cette observation
est particulièrement vraie pour le secteur de la microfinance :
dans les institutions de microfinance, plus de 80% des clients
les plus pauvres sont des femmes*.
Autres chiffres éloquents, en Asie, 80% de la clientèle de
la microfinance serait féminine, cette proportion passant de
60 % en Amérique latine à 40 % en Afrique.
Face à l’ampleur de la pauvreté féminine, les organismes
de développement ciblent de plus en plus leurs programmes
sur les femmes. Ces dernières sont considérées comme un
vecteur privilégié de lutte contre la pauvreté, sans lequel on
ne pourra atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), qui consistent à éradiquer de moitié la pauvreté dans le monde d’ici 2015. Ainsi, l’Année internationale
du microcrédit de 1997, a-t-elle fait de la femme une clientèle
«cible » de la microfinance.
Les femmes sont d’autant plus mises sur le devant de la
scène, que les acteurs de la microfinance les considèrent comme motivées et talentueuses pour ce qui est de la gestion de
leur petite entreprise. De plus, il s’agit d’une clientèle fiable, qui
rembourse bien ses emprunts.
Reste que le montant moyen des prêts accordés aux
clientes est généralement moins élevé que celui des hommes.
En effet, les hommes étant souvent les seuls propriétaires des
biens du ménage, ces derniers ont la possibilité de présenter des
garanties afin d’obtenir un prêt. De surcroît, les types d’activités
généralement réservés aux femmes (production de karité, de
bière, couture, tissage, petits commerces divers) ne génèrent
que de petites rentrées d’argent, liées à de petits prêts, contrairement aux hommes qui se tournent vers des entreprises de
plus grande envergure (mécanique, cordonnerie, etc.)
Il n’est d’ailleurs pas rare que l’emprunt contracté par la
femme auprès d’une institution de microfinance, soit utilisé aux
fins productives de l’homme. Ce dernier a plutôt tendance à
investir l’argent dans des biens de consommation, tandis que
* Revue Dialogue, numéro 37, «Microfinance et genre»
57
Les femmes représentent environ 40% de la clientèle de la microfinance en Afrique de l’Ouest. Ces dernières
sont souvent reconnues pour leur motivation et leur disposition au travail.
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la femme accorde davantage la priorité au bien-être de la famille (alimentation, éducation des enfants, etc.), participant
ainsi plus efficacement à la lutte contre la pauvreté.
A l’image de Maïmouna Sanogo, productrice de savon artisanal à Kaniko, les femmes bénéficiaires de microcrédits ont
la possibilité de s’émanciper financièrement. Elles apprennent
à prendre la parole lors des réunions de groupements, et décident seules d’inscrire leurs enfants à l’école, sans l’aval de leur
conjoint. Elles prennent confiance en elles.
Cette autonomie financière et sociale des femmes (appelée
aussi « empowerment », en anglais), peut aussi entraîner son
lot d’effets négatifs, tel que le risque de conflit au sein du
ménage. C’est pourquoi, l’émancipation féminine doit
s’accompagner d’un changement des mentalités. Même si
les acteurs du secteur de la microfinance ont, en 1997, admis
la nécessité de devoir intégrer la notion de genre dans les pro-
grammes, beaucoup reste à faire. Les institutions de microfinance devront à l’avenir proposer des produits et services
adaptés selon les profils des clients. Elles devront focaliser
leurs efforts sur les femmes les plus motivées pour les aider à
passer du crédit de groupe au crédit individuel.
59
Adama Sanogo a ouvert la caisse pionnière du réseau Kafo Jiginew. En vingt ans, l’institution de microfinance
a octroyé une somme de crédits atteignant les 70 milliards de francs CFA (plus de 100 millions d’euros).
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Les champs de coton de Kaniko sont inhabituellement déserts
en cette fin octobre, époque des premières récoltes dans la
région du sud du Mali. Tous les habitants du village ont cessé
leurs activités. C’est un jour chômé : on célèbre le 20 ème anniversaire de Kafo Jiginew.
En ce 22 octobre 2007, les hauts dignitaires de Kafo Jiginew attendent pas moins de 1 500 convives. Le gouverneur et
le préfet se sont déplacés spécialement pour l’occasion. A la
tribune dressée pour les orateurs et devant quelque 800 employés de l’institution de microfinance, vont se succéder les
discours élogieux à l’endroit de Kafo Jiginew et des pionniers
de l’institution de microfinance.
Surnommée affectueusement « la banque des pauvres »,
Kafo Jiginew est la plus importante institution mutualiste
d’épargne et de crédit du Mali. Celle que l’on nomme aussi
« Union des greniers » en langue bambara, permet à plus de
170 000 Maliens d’épargner et d’accéder au crédit pour développer une activité agricole.
Tout commence en octobre 1987. A cette époque, quatre
organisations non gouvernementales (ONG) d’Europe – SOS
Faim en Belgique, le CFSI en France, AAA en Allemagne et Mani
Un village
célèbre
son précieux
« grenier »
Il n’existe pas de solution miracle à la pauvreté. L’émergence et la croissance fulgurante des institutions de
microfinance bénéficieront-elles aux générations futures ?
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Tese en Italie – décident d’unir leurs forces pour soutenir un
projet d’un genre complètement nouveau au Mali Sud. Les
quatre ONG créent le Consortium européen pour le Crédit
coopératif malien (CECCM). Objectif, soutenir un projet de
services financiers de proximité pour permettre aux cotonculteurs d’avoir accès non seulement à l’épargne mais aussi,
au crédit.
Un important travail d’information et de sensibilisation
commence alors sur le terrain. Il est conduit par une petite
équipe, que dirigent les Français Claude Mouret et Alain
Campos Hugueney. Le projet Kafo Jiginew est alors appuyé
par la Fondation du crédit coopératif et la Commission européenne. A l’époque, on pense qu’il ne réussira que si Européens et Maliens travaillent main dans la main. Pour mener à bien
leur mission, les pionniers de Kafo Jiginew peuvent compter
sur le courage et à la ténacité des autochtones, parmi lesquels,
Adama Sanogo. Celui-ci fondera la caisse Jiginè, pionnière
du réseau, à Kaniko.
En octobre 1987 l’acte de naissance de Kafo Jiginew est
signé. Plus tard, Adama Sanogo devient le premier président
du réseau.
Quelques minutes avant le lancement des festivités, le village est en effervescence : les femmes et les enfants chantent
en chœur et exécutent les danses traditionnelles, tandis que
les chasseurs-guerriers Dosso marquent le caractère populaire de l’événement par des coups de feu tirés en l’air avec
des fusils chargés à blanc, comme le veut la tradition. Une
liesse populaire qui illustre la valeur pour les habitants du Mali
du « précieux grenier » Kafo Jiginew.
Depuis ses débuts, le réseau de caisses d’épargne et de
crédit Kafo Jiginew est fidèle à sa philosophie : celle de donner
aux agriculteurs des régions pauvres du Sud du Mali l’accès à
des services financiers. « Kafo Jiginew a fait du paysan illettré
un banquier », résume ainsi le directeur général de l’institution
de microfinance, Alou Sidibé.
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La force de l’institution de microfinance Kafo Jiginew est d’avoir donné accès aux services financiers
à des paysans.
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Ka
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Partie de rien en 1987, Kafo Jiginew compte 113 caisses
de base, plus de 235 000 sociétaires, 13,5 milliards de francs
CFA (20,6 millions d’euros) de ressources internes et plus de
20 milliards de francs CFA (30,5 millions d’euros) de total de
bilan*. L’incroyable essor de l’institution de microfinance fut
menacé en 1994, année de crise qui conduisit Kafo Jiginew
à modifier sa stratégie de développement. Ce remaniement
fut un succès, puisque les crédits mis en place au cours des
vingt dernières années totalisaient en 2007 plus de 70 milliards de francs CFA (108 millions d’euros), avec un niveau
de ses fonds propres s’établissant à plus de quatre milliards
de francs CFA. Kafo Jiginew compte aujourd’hui 560 salariés
permanents. La « Banque des paysans » installera en 2008
son nouveau siège à Bamako, la capitale du Mali.
* statistiques d’octobre 2007
< Kafo Jiginew a fait
du paysan illettré
un banquier >
adresses et
contacts
CIF – Confédération des institutions
financières
Rue 3, 57 Secteur 12
06 B.P. 9324
Ouagadougou 06
Burkina Faso
Tél.(+226) 50 33 06 33
Fax(+226) 50 33 06 35
cifburkina @ fasonet.bf
FCPB – Fédération des caisses populaires
du Burkina Faso
Immeuble «Zangré Ousmane Dapoya»
01 B.P. 5382
Ouagadougou
Burkina Faso
Tél.(+226) 50 30 27 14
Fax(+226) 50 30 27 17
fcpb @ fasonet.bf
www.rcpb.bf
CFE – Centre financier aux entrepreneurs
Avenue de la Révolution
01 B.P. 5382 Ouagadougou 01
Burkina Faso
Tél.(+226) 50 30 27 14/15
Fax(+226) 50 30 27 17
Soro Yiriwaso
Bougouni Faraba B.P. 3105
Mali
Tél.(+223) 646 12 11
Fax(+223) 265 12 22
adamacamara @ hotmail.com
Nyèsigiso
Quartier: Dravéla Bolibana, Rue Cheik Zayed, Porte 346
B.P. 198 Darsalam
Bamako
Mali
Tél.(+223) 223 31 95
Fax(+223) 222 96 40
nyesigiso @ nyesigiso.org
Kafo Jiginew
Route de la CMDT
B.P. 47
Koutiala
Mali
Tél.(+223) 26 40 01 1
Fax(+223) 64 08 62
kafo @ afribone.net.ml
ADA - Appui au développement autonome
21, Allée Scheffer
L-2520 Luxembourg
Luxembourg
Tél.(+352) 45 68 68 1
Fax(+352) 45 68 68 68
adainfo @ microfinance.lu
www.microfinance.lu
Burkina Faso
Mali

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