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ACTULOBBY
MARS 2016 - N° 14
LE BÂTIMENT AU PARLEMENT
FÉDÉRATION FRANÇAISE DU BÂTIMENT
La FFB s’entretient avec...
Arnaud Richard
La mise en place du statut de l’autoentrepreneur s’est révélée inadaptée aux métiers
qualifiés que sont ceux du bâtiment.
Ce dispositif n’a pas eu l’effet « tremplin »
vers l’artisanat escompté, il a au contraire
généré une concurrence déloyale. La FFB
demande depuis le début l’exclusion du secteur
du bâtiment du dispositif. Quel bilan
dressez-vous de ce statut ? Êtes-vous favorable
à une réforme du dispositif ?
Face à la crise que le bâtiment a connue, nous devons
réfléchir à tous les dispositifs possibles afin de redynamiser cette belle industrie pourvoyeuse de nombreux emplois pour l’avenir. Pour le secteur du bâtiment en particulier, des
« Pour le secteur du
garde-fous sont tout à
bâtiment en particulier,
fait nécessaires afin
des garde-fous sont
d’éviter toute forme de
tout à fait nécessaires afin
concurrence déloyale
d’éviter toute forme
entre
auto-entreprede concurrence déloyale
entre auto-entrepreneurs
neurs et professionnels
et professionnels. »
soumis à des règles fiscales et sociales souvent beaucoup plus contraignantes. Je ne crois pas
que la réponse soit l’annulation entière du statut de
l’auto-entrepreneur. La réforme, que j’appelle de mes
souhaits, doit être basée sur le dialogue, en mettant à
plat toutes les problématiques afin d’en finir une
bonne fois pour toutes avec les inégalités structurelles qui prévalent entre concurrents.
Le gouvernement présentera fin mars
une loi « travail » ayant vocation à apporter
plus de souplesse aux entreprises. Vous êtes
vice-président de l’UDI chargé des politiques
sociales. Selon vous, sur quels leviers
doit-on jouer pour flexibiliser le marché
du travail et ainsi faire diminuer le chômage ?
La réforme du Code du travail est nécessaire. Je
condamne la méthode du gouvernement d’une
réforme non discutée en amont avec les partenaires
sociaux et les représentants des branches. À l’UDI,
nous croyons en la démocratie et au dialogue social,
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© Assemblée nationale
Député UDI des Yvelines
Vice-président de l’UDI chargé des politiques sociales
qui constituent des leviers puissants pour moderniser
et réformer la France. Ces outils de négociation et de
compromis permettent de privilégier une approche
globale des questions soulevées par les imperfections
de notre système et de prendre en compte tous les
enjeux : la protection des salariés et la sécurisation
des parcours professionnels, l’amélioration de la compétitivité, l’anticipation de mutations économiques
et sociales. Après quatre années perdues dans la
bataille pour l’emploi, le gouvernement choisit le dernier moment du quinquennat pour faire adopter un
texte dans l’urgence. Le groupe UDI réclamait pourtant depuis de nombreuses années une réforme du
droit du travail afin d’opérer la rupture économique
et sociale dont la France a besoin. Les mesures proposées sont, pour certaines, attendues depuis longtemps. Les accords d’entreprise sont une mesure
importante, mais elle devra nécessairement s’accompagner d’un renforcement des acteurs du dialogue
social dans l’entreprise. J’y veillerai scrupuleusement.
Le gouvernement veut « simplifier et favoriser l’emploi », mais rien n’est prévu pour alléger le coût du
travail, aucune mesure de soutien à destination des
PME et TPE, pourtant au cœur de la création d’emploi
dans notre pays. Enfin,
ce projet de loi n’est pas « Le gouvernement veut
“simplifier et favoriser
adapté aux mutations
l’emploi” mais rien n’est
économiques. Des pans prévu pour alléger le coût
entiers de notre écono- du travail. »
mie sont absents de ce
projet de loi : les services à la personne, les métiers
du numérique, l’essor du bâtiment de demain. Quelles
opportunités enfin pour la jeunesse dans ce projet de
loi ? Il ne suffira pas d’assouplir le temps de travail des
apprentis pour revaloriser la filière de l’apprentissage
et former les jeunes actifs de demain.
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ACTULOBBY
MARS 2016 - N° 14
LE BÂTIMENT AU PARLEMENT
FÉDÉRATION FRANÇAISE DU BÂTIMENT
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Arnaud Richard
Député UDI des Yvelines
Vice-président de l’UDI chargé des politiques sociales
Depuis 2008, le nombre d’apprentis dans
le secteur du bâtiment a chuté de 30 %.
La baisse de l’activité, le développement
de la fraude au détachement, mais aussi
les contraintes qui pèsent sur l’emploi d’un
apprenti (temps de travail, durée du contrat)
en sont les principales causes. Quelles sont vos
propositions pour relancer l’apprentissage ?
La question de l’apprentissage m’a toujours été très
chère ; Jean-Louis Borloo et moi avions réussi de très
belles choses en la matière. Je ne peux que partager
votre désarroi face à l’incapacité du gouvernement à
mettre en place des dispositifs pérennes et efficaces,
sans parler de la baisse des crédits de 16 % actée
en 2014. L’apprentissage est un rempart contre l’exclusion et le chômage des jeunes, mais il ne pourra
se développer que lorsque nous octroierons de
plus amples pouvoirs aux Régions. Ce sont elles qui
connaissent le mieux les besoins des territoires. J’ai fait
quelques propositions sur le sujet qui commencent à
faire leur chemin : autoriser la création de centres de
formation d’apprentis si la branche le demande et si le
financement est acquis ; ouvrir les titres professionnels
à l’apprentissage ; ou encore valider l’année même en
l’absence de patron.
En outre, la saison« Les formations théoriques
sont parfois trop difficiles,
nalité scolaire n’est
et le contenu théorique
pas adaptée. Il nous
devrait être validé par les
faut une entrée en
branches plutôt que par la
flux permanent, et
seule Éducation nationale. »
non de septembre
à décembre. Les formations théoriques sont parfois
trop difficiles, et le contenu théorique devrait être
validé par les branches plutôt que par la seule Éducation nationale. Enfin, il faut assurer la gestion par les
Régions des lycées professionnels et des CFA, afin de
faciliter les partenariats, et permettre la multiplication
des banques régionales d’apprentissage. Voilà des
solutions concrètes qui doivent être mises en œuvre
en urgence, et j’y porterai toute mon attention.
À la suite de la réduction et de la réforme de la
dotation globale de fonctionnement engagées
par le gouvernement, de nombreuses
collectivités territoriales ont freiné en 2015
leurs projets d’investissement. Vous venez
d’être élu conseiller régional d’Île-de-France.
Quelles solutions permettraient, selon vous,
de concilier maîtrise des dépenses publiques
et maintien de l’investissement local ?
Effectivement, l’annonce du gouvernement de réduire
les dotations d’État aux collectivités territoriales est
un choc pour les territoires. Le conseil régional, dont
je suis un élu, fait aujourd’hui face à un double enjeu
capital : mutualiser les services quand cela est possible afin de baisser les coûts de fonctionnement,
tout en minimisant les impacts sur les citoyens et en
honorant les contrats.
Mais surtout, la Région
« La Région doit
redevenir une collectivité
doit redevenir une colde l’investissement
lectivité de l’investisseplutôt qu’avoir un
ment plutôt qu’avoir un
budget de dépenses de
budget de dépenses de
fonctionnement
fonctionnement comme
comme aujourd’hui. »
aujourd’hui. C’est un
travail minutieux qui est entrepris entre les acteurs
publics et tous les secteurs, le bâtiment notamment,
afin de trouver un équilibre qui n’handicape pas la
croissance et le dynamisme économique.
Vous avez corédigé en 2015 un rapport sur
le plan européen d’investissement, dit « plan
Juncker ». Notre profession nourrit beaucoup
d’espoir dans ce projet qui pourrait pallier
en partie la baisse de l’investissement local.
Pensez-vous que ce plan aura un réel impact
sur l’activité du bâtiment ?
Le plan Juncker a comme objectif la mobilisation de
315 milliards d’euros sur trois ans afin de relancer l’investissement privé et public à travers l’Union européenne. Le rapport que j’ai corédigé juge avec une
satisfaction prudente ce dispositif, qui doit permettre
de retrouver le che« Je constate avec plaisir
min de la croissance
que le discours de l’Union
en Europe. Il offre la
européenne est passé
possibilité aux secde la rigueur budgétaire
teurs les plus touchés
à celui du soutien
par la crise de reparà la croissance. »
tir de l’avant – ainsi le
bâtiment pourra-t-il entièrement bénéficier du dispositif. Je constate avec plaisir que le discours de l’Union
européenne est passé de la rigueur budgétaire à celui
du soutien à la croissance : cela ne peut qu’être un
gage de confiance pour les investisseurs européens.
FFB • Mars 2016• 2016/016
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