Stress et stress pathologique

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Stress et stress pathologique
 Diagnostic 1) Diagnostics différentiels a) La fatigue La fatigue est une réponse physiologique naturelle et réversible à un effort spécifique identifiable. Fatalement, si un étudiant passe plusieurs nuits blanches pour étudier un examen, il sera fatigué. De même un manutentionnaire qui passe ses journées à déplacer des sacs de ciment, ne peut être que fatigué en fin de journée. Dans la fatigue simple la cause est toujours identifiable et explicable physiologiquement. Par ailleurs cette réaction est réversible : il suffit de dormir et se reposer suffisamment. Ainsi, si après quelques jours de repos la fatigue n’a pas disparu, probablement sommes-­‐nous en présence d’un autre syndrome. b) Le syndrome de fatigue chronique Bien que ce syndrome, appelé également fibromyalgie, ne soit pas unanimement reconnu dans les milieux scientifiques et médicaux, celui-­‐ci peut être confondu avec un syndrome de stress pathologique puisque les symptômes physiques se superposent (fatigue et douleurs musculaires) et que de plus en plus on considère que le stress est un facteur étiogénique du syndrome de fatigue chronique. Il se différencie cependant du stress pathologique par l’intensité de la fatigue qui est particulièrement invalidante et par les douleurs musculaires et articulaires importantes. Actuellement, les cliniciens se rallient aux critères de FUKUDA pour diagnostiquer cette maladie. A savoir • Une fatigue cliniquement évaluée, inexpliquée, persistante ou récurrente rapportée par le patient lui-­‐même, et ce durant six mois d’affilée ou plus ; d’apparition récente ou dont le début est bien défini ; qui n’est pas le résultat d’un effort constant ; sans amélioration significative par le repos et dont résulte une baisse sensible du précédent niveau d’activité professionnelle, scolaire, social ou personnelle 1
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La présence simultanée de manière persistante ou récurrente, durant six mois d’affilée ou plus, d’au moins quatre symptômes suivants, symptômes non observés avant le début de la fatigue : o Baisse de mémoire à court terme ou de la concentration rapportée spontanément, baisse suffisamment significative pour diminuer de manière évidente le niveau antérieur des activités professionnelles, scolaires, sociales ou personnelles o Maux de gorge o Ganglions cervicaux ou axillaires sensibles o Douleurs musculaires o Douleurs polyarticulaires sans gonflement ou rougeur o Céphalées d’un nouveau type, forme ou gravité o Sommeil non réparateur o Sensation de malaise durant plus de 24h après un effort Qui n’entrent pas dans le cadre de (critères d’exclusion) o Toute maladie médicale active qui pourrait expliquer la fatigue chronique o Toute maladie médicale précédemment diagnostiquée, dont la disparition n’a pas été démontrée sans aucun doute clinique et dont la persistance pourrait expliquer la maladie provocant la fatigue chronique o Tout diagnostic posé dans le passé ou actuellement de dépression majeure avec connotation psychotique ou mélancolique, des troubles affectifs bipolaires, tout type de schizophrénie, tout trouble hallucinatoire, tout type de démence, d’anorexie nerveuse, de boulimie o Abus d’alcool ou d’autres substances psychoactives durant une période de deux ans avant l’apparition de la fatigue chronique ou depuis son apparition o Obésité majeure objectivée avec un indice de masse corporelle égal ou supérieur à 45 2
c) La dépression Il n’est pas aisé de différencier, dans certains cas stress et dépression. Certains auteurs prétendent même qu’il s’agit d’une forme de dépression, d’autres que ce serait un précurseur de celle-­‐ci. La dépression se caractérise avant tout par un état dysphorique. Dysphorique s’oppose à euphorique. Lorsqu’on se sent dysphorique, on ne se sent pas bien. Ce mal-­‐être peut se caractériser par de la tristesse (c’est souvent le cas de la dépression), mais aussi par du blues, un état indéfinissable de tiraillement, une irritabilité diffuse (comme dans le stress). Pour qu’il s’agisse d’une dépression maladive, il faut que cet état dysphorique soit persistant. Nous avons tous nos moments de blues, de cafard, cela ne fait pas de nous des dépressifs. Tout dépend ici, si l’on identifie un événement pouvant être la cause du sentiment dépressif. On considère généralement que les pertes d’objets ou de personnes qui nous sont chers, les deuils en tous genres peuvent engendrer légitiment un sentiment de tristesse. S’il n’y a pas d’événement déclenchant, plus de quinze jours de sentiments dépressifs ininterrompus sont alarmants. Si on identifie un événement tout dépendra de l’importance de cet événement. Cet événement peut être douloureux pour la plupart des gens, comme le décès de son père ou de sa mère et un deuil de 6 mois n’est pas exceptionnel, mais il peut être aussi éminemment individuel comme la séparation d’avec un être dont on est amoureux. Enfin, dans la dépression on constate une perte d’intérêt et de plaisir pour les activités procurant habituellement du plaisir, c’est ce que l’on appelle l’anhédonie. La sexualité, les hobbies, le sport, les copains ou copines, la TV sont des exemples d’activités explorées. Dans le stress, on constate régulièrement la persistance de l’intérêt pour ces activités tout en mentionnant une baisse de plaisir. Il s’agit d’une sorte de no man’s land où plus rien ne fait vraiment plaisir, tout au moins plus autant qu’avant, sans pour autant engendrer une véritable tristesse ou un véritable ennui, c’est particulièrement le cas lors de syndrome de Burn-­‐Out. Ce qui différencie également le stressé du dépressif c’est l’instinct de survie. Chez le déprimé celui-­‐ci tend à disparaître. Le sens de la vie s’estompe, ainsi que le sens de la lutte pour survivre. Chez les stressés, très longtemps ils vont se démener comme des diables pour trouver une issue (du moins avant que le syndrome d’inhibition ne s’installe) et s’ils pensent au suicide, c’est plus comme une hypothèse pour sortir de la situation, tout en sachant très bien qu’elle ne résoudra rien, alors que chez les grands déprimés il s’agit d’avantage d’une aspiration définitive. Le sentiment de dévalorisation est souvent vécu comme externe à l’individu chez le stressé, c’est le chef, le compagnon ou la compagne qui l’amènent à penser qu’il 3
ne vaut rien, alors que le dépressif glisse peu à peu dans la conviction que c’est lui qui ne vaut rien à ses yeux. Sinon dans l’un et l’autre cas on constate une fatigue importante, des troubles de la concentration et de la mémoire immédiate et des troubles du sommeil. Le stressé rapportera souvent qu’il s’endort facilement mais qu’il se réveille brutalement à 4 heures du matin, alors que le déprimé se plaint souvent et de troubles de l’endormissement et de réveils intercurrents. Bref, ce qui différencie le stressé du dépressif pathologique c’est le maintien de l’intérêt pour les activités procurant du plaisir, l’instinct de survie (le désir de s’en sortir), le réveil matinal précoce sans trouble de l’endormissement. Dépression Stress Dysphorie Tristesse Mal être, irritabilité Anhédonie Perte d’intérêt et de Maintient de l’intérêt plaisir mais diminution du plaisir Instinct de survie Non Oui Idéation suicidaire Oui, sans issue Oui, sans issue actuelle définitive Sentiment de dévalorisation Intrinsèque Externe Troubles du sommeil Troubles de Réveil matinal précoce l’endormissement et sans troubles de réveils intercurrents l’endormissement Différences entre stress et dépression Il n’est pas toujours évident de séparer stress et dépression, d’autant plus que les études animales expérimentales, qui sont à la base de nombreuses études sur la dépression font visiblement la confusion entre syndrome de stress et dépression. En effet, à l’heure actuelle, pour étudier la dépression chez un animal (un rat), on le place dans une petite cage en plexiglas, trop petite pour qu’il puisse bouger, et autour on fait circuler un ou plusieurs chats. Cette situation est typiquement une situation de stress, où l’animal mis dans une situation de danger à ses yeux, ne peut ni fuir ni attaquer. L’argumentaire des éthologistes est de dire que l’on ne sait pas évaluer chez un animal son sentiment dépressif et dès lors on ne peut que se référer à ce qui est incontestablement observable à savoir le syndrome d’inhibition et sa diminution de consommation de glucose qui devrait être source de plaisir. Il en est de même dans un syndrome de stress. On a tendance à penser actuellement que le syndrome de stress est un syndrome en amont du syndrome dépressif et qui se caractérise, comme décrit plus haut, par une dégénérescence des dendrites cérébraux par toxicité du cortisol (qui peut amener à sa mort) mais qui serait aussi une réaction d’adaptation du cerveau aux stimuli désagréables en diminuant le transport d’informations aux autres parts du cerveau. Cette dégénérescence s’observerait surtout au niveau de l’hippocampe et 4
peut être mise en évidence par imagerie médicale (RMN, Résonance Magnétique Nucléaire). Cette diminution de volume s’observerait avant l’apparition du syndrome dépressif et avant l’apparition d’autres perturbations spécifiques aux circuits de la dépression (sérotonine) pouvant être mis en évidence par imagerie médicale. A titre comparatif, le DSM IV, qui est la classification la plus utilisée en psychiatrie et qui est éditée par l’American Psychiatric Association, définit un syndrome dépressif majeur de la manière suivante : A.
« Au moins cinq des symptômes suivants doivent avoir été présents pendant une même période d’une durée de deux semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur ; au moins un des symptômes est soit (1) une humeur dépressive, soit (2) une perte d’intérêt ou de plaisir. 1. Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours, signalée par le sujet (par ex. se sent triste ou vide) ou observée par les autres (par ex. pleure). 2. Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités pratiquement toute la journée, presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres). 3. Perte ou gain de poids significatif en l’absence de régime (par ex. modification du poids corporel en un mois excédant 5%), ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours. 4. Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours. 5. Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (constaté par les autres, non limité à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur). 6. Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours. 7. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable d’être malade). 8. Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres). 9. Pensées de mort récurrente (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider. B.
Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. » 5
d) L’anxiété S’il n’est pas aisé de différencier stress et dépression, la distinction est encore plus difficile entre anxiété et stress, tant l’un et l’autre sont liés entre eux : l’un entraînant souvent l’autre et vice versa. Une histoire de poule et d’œuf ! Rappelons cependant qu’il s’agit de phénomènes physiologiques et psychologiques distincts. Physiologiquement le siège du phénomène anxieux dépend du cortex cérébral et est préfrontal alors que la réaction de stress est une activité rhynencéphalique de la base du cerveau. Psychologiquement, l’anxiété est un mécanisme d’anticipation où prédomine soit la crainte de l’échec soit l’incertitude quant à l’issue ou la réaction à adopter. Cette incertitude entraîne une paralysie psychique. Or, dans un nombre de situations, être paralysé est la plus mauvaise réaction à apporter, dans la mesure où, si l’on est paralysé, l’échec est certain. A ce moment, l’organisme déclenche une réaction de stress afin d’éviter à tout prix la paralysie. Inversement, lors d’état de stress, la situation est coincée dès le départ : il est clair qu’il n’y a pas de bonnes réponse possible dans la mesure où je ne peux, où j’ai l’impression de ne pouvoir, ni fuir ni attaquer. Et donc si j’anticipe, je ne peux que craindre l’échec. Le stress déclenche l’anxiété et l’anxiété le stress. Dans le phénomène anxieux, il y a lieu de différencier peur, phobie, anxiété et angoisse. La peur et la phobie sont des phénomènes de craintes qui n’apparaissent que face à une situation ou un objet donné et qui disparaissent lorsque la situation ou l’objet n’est plus là. Ce qui différencie une peur d’une phobie c’est le fait que cette crainte soit motivée ou pas. Face à un lion ou une mygale la crainte est motivée, face à une souris ou un ascenseur non. L’anxiété et l’angoisse, par contre, apparaissent même en dehors de la situation ou en absence de l’objet de la crainte et ne disparaissent pas nécessairement avec l’éloignement de l’objet ou de la situation qu’elle soit motivée ou non. L’étudiant en examen est anxieux avant de rentrer en salle d’interrogation, au moment où il reçoit ses questions l’angoisse s’effondre : les dés sont jetés, il connaît ou non les réponses. La femme violée ou la personne victime d’un hold-­‐up continue à éprouver un sentiment de crainte chaque fois qu’elle s’approche du lieu du traumatisme même si elle sait pertinemment bien que le violeur n’est plus là ou même si elle sait que l’agresseur a été arrêté. Ce qui différencie l’angoisse de l’anxiété, c’est que la première est la sensation physique de la crainte alors que la seconde est sa perception psychique. Les symptômes de l’angoisse sont les tremblements, les mains moites, les palpitations, les oppressions respiratoires, la diarrhée, le besoin impérieux d’uriner, le brûlant à l’estomac, les raideurs musculaires, les maux de tête, etc… Les symptômes de l’anxiété sont les troubles de l’endormissement suite à des ruminations, le sentiment de crainte et d’incertitude, les émotions à fleur de peau, etc… 6
Peurs, phobies, anxiété et angoisses sont des phénomènes naturels et nullement pathologiques en soi. Nous avons tous nos petites phobies, nous sommes tous à certains moments anxieux ou angoissés. Heureusement ! L’anxiété est un sentiment fondamental qui prouve que nous ne nous prenons pas pour des surhommes, que nous avons conscience de nos limites. C’est un sentiment qui met en évidence que nous avons une hiérarchie de valeurs et que l’éventualité de certains échecs ne nous laisse pas indifférents. C’est un sentiment qui met en évidence aussi que nous avons une vie phantasmatiques ancrée sur ce que nous avons vécu et que notre vécu laisse des empreintes. Bref, avoir ses petites phobies et ses moments d’angoisse est plutôt bon signe, ils ne deviennent pathologiques que si ils sont disproportionnés, trop fréquents et surtout si ils nous perturbent significativement dans notre vie personnelle et sociale. Le pathologique ne se différenciant du normal que par son intensité, sa fréquence et ses conséquences handicapantes. On comprend dès lors combien il est difficile de distinguer syndrome anxieux et syndrome de stress surtout si on conçoit qu’il y a rarement du stress sans anxiété ou de l’anxiété sans réponse de stress. Les angoisses sont typiques en ce sens, il s’agit d’une activation simultanée de l’orthosympathique et du parasympathique ce qui est caractéristique de l’état de stress. Il faut dès lors essayer d’identifier ce qui prédomine. Ce qui différencie le syndrome de stress du syndrome anxieux, c’est que bien souvent le stress est la conséquence d’un événement bien identifiable alors que l’anxieux est souvent anxieux depuis toujours. 1. Bien souvent les anxieux rapporteront que déjà enfants ils avaient des difficultés à s’endormir sans lumière, ils n’aimaient pas se retrouver seuls. Adolescents, ils relatent que les périodes d’examens étaient pénibles et que leurs débuts amoureux étaient marqués soit par le sceau de la jalousie soit de la dépendance. Enfin adultes, ils ont dû faire régulièrement usage d’anxiolytiques, de somnifères ou d’alcool. On parle de personnalité anxieuse sous-­‐jacente, caractérisée par une crainte de l’abandon, généralement en relation avec des événements infantiles précoces et un manque de confiance en soi. 2. Le discours de l’anxieux est centré sur la crainte de l’échec et son intolérance à l’incertitude, alors que le stressé insistera davantage sur sa rage quant à son sentiment d’impuissance à répondre adéquatement à la situation, à sa colère lorsqu’il se sent coincé, à l’impact négatif de son vécu actuel sur ses performances habituelles. 3. Les symptômes physiques sont généralement plus localisés chez les angoissés (boule dans la gorge, estomac noué, mains moites, oppressions thoraciques) alors qu’ils sont plus diffus chez les stressés (impression de courant électrique traversant le corps, crispations diffuses). Ces symptômes sont également plus permanents (jour et nuit), alors que l’anxieux les reliera davantage à des moments précis où il a des crises 7
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d’angoisses. Il n’est pas rare, vu la permanence de ces tensions, que le stressé ne les perçoivent même plus. Sans étalon de référence d’état de détente comme puis-­‐je percevoir que je suis tendu ? Au niveau des émotions, les anxieux se plaignent souvent qu’elles restent à fleur de peau et qu’un rien les submerge, alors que l’un des mécanismes de réaction contre le stress est de bloquer les émotions. Ils exprimeront davantage l’épuisement émotionnel, leur difficulté à ressentir des émotions s’ils ne sont pas en action (alexythymie) et tout au plus leur irritabilité accrue face au fait qu’ils se sentent impuissants à réagir adéquatement. Fatalement, de leurs réactions d’affirmation de soi, les anxieux se montreront essentiellement passifs. Ayant souvent un manque de confiance en eux, ils osent difficilement être assertifs et ils ont très peur d’exploser. La colère est taboue et ils finissent d’avoir peur d’avoir peur. Ils finissent par avoir peur d’être en relation avec les autres (phobie sociale). En attendant, ils avalent, ils avalent en ne faisant surtout pas de vague de peur de réveiller l’Etna qui sommeille en eux. Le stressé, lui aussi avale dans un premier temps, non pas parce qu’il n’ose pas réagir mais parce que d’après eux il n’y a pas moyen de réagir adéquatement ou il ne trouve pas le moyen de réagir, si ce n’est trop tard. A force de faire gros dos et d’avaler, il relate qu’il explose régulièrement, mais pas sur la bonne personne : c’est l’effet paratonnerre. Souvent c’est la compagne ou les enfants qui reçoivent la foudre du stress de la journée écoulée, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur l’équilibre et la pérennité de la vie de couple. Enfin, au niveau des troubles du sommeil, l’anxieux se plaindra davantage de troubles à l’endormissement alors que le stressé relatera des réveils matinaux précoces à quatre heures du matin sans troubles de l’endormissement. Depuis ? Discours Sensations, angoisse Emotions Affirmation de soi Cognitif Sommeil Anxiété Toujours Incertitude, crainte de l’échec Localisées, temporaires A fleur de peau Stress Evénementiel Impuissance, sans issue, coincé, colère Diffuses, permanentes Epuisement émotionnel, irritabilité, alexythimie Passif, phobie sociale Passif-­‐agressif Concentration, trous de Mémoire immédiate, mémoire concentration, trous de mémoire Endormissement Réveil matinal précoce Différences entre stress et anxiété 8
Enfin, le DSM IV définit un syndrome d’anxiété généralisée suivant les critères suivants : A.
Anxiété et soucis excessifs (attente avec appréhension) survenant la plupart du temps durant au moins 6 mois concernant un certain nombre d’événements ou d’activités (tels le travail ou les performances scolaires). B.
La personne éprouve de la difficulté à contrôler cette préoccupation. C.
L’anxiété et les soucis sont associés à trois (ou plus) des six symptômes suivants (dont au moins certains symptômes présents la plupart du temps durant les six derniers mois). 1. agitation ou sensation d’être survolté ou à bout 2. fatigabilité 3. difficulté de concentration ou trous de mémoire 4. irritabilité 5. tension musculaire 6. perturbation du sommeil (difficultés d’endormissement ou sommeil interrompu ou sommeil agité et non satisfaisant). D.
L’anxiété, les soucis ou les symptômes physiques entraînent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. En ce sens, pour le DSM IV il n’y a pas de différence entre syndrome de stress et syndrome anxieux. 9
e) Le stress aigu et le stress post-­‐traumatique Lors de stress aigu ou de stress post-­‐traumatique, les choses sont apparemment plus simples : l’existence de l’événement traumatique. A l’heure actuelle, les manuels s’accordent pour considérer comme traumatiques les situations où soit un individu a été témoin, soit a été l’objet d’un événement qui a ou aurait pu menacer son intégrité physique ou celle d’autrui. Un stress aigu ou post-­‐traumatique peut donc se développer même si l’individu n’est que l’observateur de la scène comme un accident de voiture qui se déroule devant ses yeux. Le stress aigu ou post-­‐traumatique peut également se développer même si dans la réalité l’événement ne se solde par aucun mort ou aucun blessé. Il ne faut pas avoir été violé pour être vulnérable à ces syndromes, le simple fait d’avoir manqué être violé est suffisant. On peut cependant légitimement s’interroger si il ne faudrait pas inclure dans cette définition, les situations qui mettent gravement en péril son intégrité morale et si il faut que ce soit un événement unique au profit de l’hypothèse de microtraumatismes répétés comme dans le cas du harcèlement moral. En effet comme nous le verrons ci-­‐après, le développement d’un PTSD (Post-­‐
Traumatic Stress Disorder) n’est pas exceptionnel dans ces derniers cas. Lors de stress aigu, nous observons une réaction de gel (freeze) immédiat des pensées, des émotions et des sensations qu’elles soient physiques ou psychiques. Physiologiquement un soldat qui a une éventration suite à une grenade par exemple, ne ressent plus rien. Il n’a plus mal, tout au plus a-­‐t-­‐il froid et se sent-­‐il faible. Il ne faut pas oublier en effet que le ressenti de la douleur est un mécanisme uniquement psychologique. De même celui qui est victime ou témoin d’un traumatisme peut émotionnellement déconnecter pour supporter l’insoutenable. C’est ce que les médecins appellent phénomène dissociatif : avoir l’impression d’être dans le brouillard, ne plus avoir conscience de soi, errer de façon hébétée, non enregistrement d’aspects importants de l’événement comme la perception des morts ou des blessés. Classiquement, on observe chez ces individus que 1) l’événement est revécu de façon répétitive (images, pensées, rêves, illusions, flash-­‐back, comme si…) 2) ils évitent les stimuli qui réveillent la mémoire du traumatisme 3) ils diminuent leur réactivité émotionnelle, ils deviennent indifférents 4) l’angoisse augmente lorsqu’ils s’approchent physiquement ou mentalement du lieu du traumatisme 5) ils développent un sentiment de culpabilité d’en avoir réchappé : pourquoi moi ? Cette réaction peut aboutir au fameux syndrome de Stockholm. Ce syndrome a été mis en évidence suite à une prise d’otages sanglante à Stockholm où après la délivrance des otages, une des femmes s’est mariée à l’un des ravisseurs. Le mécanisme de pensée fut le suivant : il en a tué d’autres et m’a épargnée, c’est qu’il est foncièrement bon : il m’a sauvé la vie ! 10
Ce qui différencie un stress aigu d’un stress post-­‐traumatique c’est la persistance des symptômes et l’augmentation d’intensité de ceux-­‐ci. Stress aigu Stress post-­‐traumatique Durée 2 jours à 4 semaines > 1mois Traumatisme Oui Oui Réaction dissociative Au moment même Au moment même ou après Revécu Oui Oui avec détresse importante Evitement Oui Oui Symptômes Oui Oui neurovégétatifs Emoussement des affects Pas nécessairement Oui, de plus en plus important Pour le DSM IV le syndrome de stress aigu se caractérise par les signes suivants : A. Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les deux éléments suivants étaient présents : 1. Le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou à des événements durant lesquels des individus ont pu mourir ou être très grièvement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de grave blessure ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée. 2. la réaction du sujet à l’événement s’est traduite par une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur. B. Durant l’événement ou après avoir vécu l’événement perturbant, l’individu a présenté trois (ou plus) des symptômes dissociatifs suivants : 1. un sentiment subjectif de torpeur, de détachement ou une absence de réactivité émotionnelle 2. une réduction de la conscience de son environnement (par ex. « être dans le brouillard » 3. une impression de déréalisation 4. une dépersonnalisation 5. une amnésie dissociative (i.e. incapacité à se souvenir d’un aspect important du traumatisme). C. L’événement traumatique est constamment revécu, de l’une (ou de plusieurs) des façons suivantes : images, pensées, rêves, illusions, épisodes de flash-­‐back récurrents, ou sentiment de revivre l’expérience, ou souffrance lors de l’exposition à ce qui peut rappeler l’événement traumatique. D. Evitement persistant des stimuli qui éveillent la mémoire du traumatisme (par ex. pensées, sentiments, conversations, activités, endroits, gens). E. Présence des symptômes anxieux persistants ou bien manifestations d’une activation neurovégétative (par ex. difficultés lors du sommeil, irritabilité, difficultés de concentration, hypervigilance, réaction de sursaut exagérée, agitation motrice). F. La perturbation entraîne une détresse cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines 11
importants ou altère la capacité du sujet à mener à bien certaines obligations comme obtenir une assistance nécessaire ou mobiliser les ressources personnelles en parlant aux membres de sa famille de l’expérience traumatique. G. La perturbation dure un minimum de 2 jours et un maximum de 4 semaines et survient dans les 4 semaines suivant l’événement traumatique. Pour le DSM IV le syndrome de stress post-­‐traumatique se caractérise par les signes suivants : A.
Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les deux éléments suivants étaient présents : 1. Le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou à des événements durant lesquels des individus ont pu mourir ou être très grièvement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de grave blessure ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée. 2. la réaction du sujet à l’événement s’est traduite par une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur. B.
L’événement traumatique est constamment revécu, de l’une (ou de plusieurs) des façons suivantes : 1. souvenirs répétitifs et envahissants de l’événement provoquant un sentiment de détresse et comprenant des images, des pensées ou des perceptions. 2. Rêves répétitifs de l’événement provoquant un sentiment de détresse. 3. Impression ou agissements soudains «comme si » l’événement traumatique allait se reproduire (incluant le sentiment de revivre l’événement, des illusions, des hallucinations, et des épisodes dissociatifs (flash-­‐back), y compris ceux qui surviennent au réveil ou au cours d’une intoxication. 4. Sentiment intense de détresse psychique lors de l’exposition à des indices internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect de l’événement traumatique en cause. 5. Réactivité physiologique lors de l’exposition à des indices internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect de l’événement traumatique en cause. C.
Evitement persistant des stimuli associés au traumatisme et émoussement de la réactivité générale (ne préexistant pas au traumatisme), comme en témoigne la présence d’au moins trois des manifestations suivantes : 1. efforts pour éviter les pensées, les sentiments ou les conversations associés au traumatisme. 2. Efforts pour éviter les activités, les endroits ou les gens qui éveillent les souvenirs du traumatisme. 3. Incapacité de se rappeler d’un aspect important du traumatisme. 12
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4. Réduction nette de l’intérêt pour des activités importantes ou bien réduction de la participation à ces mêmes activités. 5. Sentiment de détachement d’autrui ou bien de devenir étranger par rapport aux autres. 6. Restriction des affects (par ex. incapacité à éprouver des sentiments tendres). 7. Sentiment d’avenir «bouché » (par ex. pense ne pas pouvoir faire carrière, se marier, avoir des enfants, ou avoir un cours normal de la vie). Présence de symptômes persistants traduisant une activation neurovégétative (ne préexistant pas au traumatisme) comme en témoigne la présence d’au moins deux des manifestations suivantes : 1. difficultés d’endormissement ou sommeil interrompu 2. irritabilité ou accès de colère 3. difficulté de concentration 4. hypervigilance 5. réaction de sursaut exagérée La perturbation (symptômes des critères B, C et D) dure plus d’un mois. La perturbation entraîne une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. 13
f) Le stress chronique Le stress chronique pathologique n’est pas encore une entité nosologique reconnue par les grandes classifications internationales (DSM-­‐IV et CIM 10). Comme nous l’avons vu, les syndromes les plus proches de ces classifications sont : l’anxiété généralisée, la dépression majeure, le stress aigu ou le PTSD et les troubles de l’adaptation. Enfin, le stress chronique par sa symptomatologie centrée sur l’épuisement s’apparente également avec la fatigue et la fibromyalgie (fatigue chronique). Les difficultés majeures de l’identification du syndrome de stress sont : • La banalisation du terme : tout le monde est stressé et l’on parle même d’eustress • Le fait que l’on définit sa cause par sa conséquence et sa conséquence par sa cause • Le fait que l’on ne puisse prédire ni le mode de décompensation ni son moment • Le fait que le stress est un phénomène subjectif, difficilement objectivable dans un premier temps (contrairement à un syndrome traumatique dont on peut identifier clairement l’origine et les conséquences comme une fracture) Au niveau de l’analyse de la cause, de plus en plus les scientifiques s’accordent pour dire qu’il faut la conjonction d’une situation, d’un contexte et d’une vulnérabilité personnelle. La discussion tourne autour du fait s’il faut que les trois dimensions soient présentes ou si l’une d’entre elles est suffisante surtout si les conséquences sont majeures : on pense ici à des travaux comme les aiguilleurs du ciel ou les contrôleurs de centrales atomiques. Ceux qui insistent sur la situation soulignent le fait qu’on ne peut ni la fuir ni l’attaquer (Henri Laborit), c’est le cas d’un embouteillage par exemple. Ceux qui insistent sur le contexte, mettent un évidence un déséquilibre soit entre la demande psychologique et le support matériel ou social et l’autonomie (Karasek) soit entre l’effort demandé et ce qui est reçu en retour (Siegriest) Ceux qui insistent sur la vulnérabilité soulignent la discordance entre les besoins personnels, les aspirations de qualité de vie et la situation ou les moyens donnés qui sont offerts. A L’heure actuelle la meilleure définition est la suivante : Le stress pathologique est 1. un état de tension persistant vécu négativement 2. où l’individu est -­‐ou se sent-­‐ incapable de répondre adéquatement à la tâche qui lui est assignée 3. où le fait de ne pas répondre adéquatement peut avoir des conséquences significatives 4. et où l’on observe que cette inaptitude entraîne des conséquences physiologiques, psychologiques, sociales objectivables. 14
Cette définition se centre sur le vécu subjectif de l’individu, donc sur l’impact de la situation ou du contexte plutôt que sur les conditions d’apparition. Elle ne se prononce pas si le stress est plutôt du côté de la dépression (dysphorie) ou de l’anxiété. Le noyau de la définition tourne autour du sentiment d’incapacité à répondre adéquatement au défi (qu’il soit subjectif ou objectif) et sur les conséquences de cette inadéquation. Et enfin, insiste sur l’importance de mettre en évidence des conséquences objectivables de ce sentiment d’inaptitude. Elle peut cependant être confondue avec les principaux diagnostics différentiels. • Ce qui différencie le stress pathologique de la fatigue, est essentiellement la vertu réparatrice de la fatigue par un repos relativement bref (quelques jours) en opposition au stress où la récupération est faible ou très passagère (1 à 2 semaines) • Ce qui différencie le stress pathologique du syndrome de fatigue chronique c’est une fatigue moins profonde, l’absence de myalgie importante, de douleurs articulaires et de ganglions hypertrophiés. • Ce qui différencie le stress pathologique du syndrome dépressif c’est le maintien d’intérêt pour les activités procurant habituellement du plaisir, par contre comme dans la dépression, on observe une perte de plaisir dans ce genre d’activité, en particulier en cas de Burn-­‐Out. • En principe ce qui différencie le stress chronique du stress aigu et du stress post traumatique, c’est l’absence de traumatisme menaçant l’intégrité physique. On peut, cependant, légitimement se demander si les ‘mini’ traumatismes psychologiques à répétition ne peuvent pas rentrer dans ce critère, en particulier lors de harcèlement moral. Surtout, tenant compte que le harcèlement moral est une forme de stress expérimental où, du point de vue de la situation, on amène un individu à considérer qu’il ne peut pas fuir ou attaquer, que du point de vue du contexte on le prive de support et d’autonomie et que du point de vue de la vulnérabilité on l’attaque dans sa fragilité constitutionnelle ou situationnelle. Enfin, ces traumatismes moraux amènent aussi au sentiment d’incapacité de répondre adéquatement à la tâche. • En ce qui concerne la différence entre le stress pathologique et les différents syndromes anxieux, on observe que les anxieux ont souvent une prédisposition anxieuse (personnalité anxieuse), que leurs plaintes sont souvent plus localisées et en relation avec la source de leur angoisse, dans le discours davantage en perspective de l’incertitude et de la crainte de l’échec alors que chez les stressés la situation est d’emblée présentée sans issue. Enfin, les anxieux ont davantage de troubles d’endormissement alors que le stressé s’endort bien mais se réveille vers 3 ou 4 heures du matin. 15