Salicylés

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Salicylés
Salicylés
L’acide acétylsalicylique ou aspirine, déjà employé du
temps d’Hippocrate, est encore aujourd’hui l’un des
médicaments les plus utilisés. L’aspirine est un agent
pharmacologique analgésique, antipyrétique, antiinflammatoire, uricosurique et antiagrégant plaquettaire, indiqué dans le traitement symptomatique des
affections fébriles (en seconde intention) et/ou douloureuses, dans les affections rhumatismales (à forte dose)
et comme antiagrégant plaquettaire (à faible dose).
L’aspirine est rapidement absorbée par voie orale. Sa
résorption est complète en 2 à 4 heures. L’acide acétylsalicylique a une demi-vie d’environ 15 minutes quelle
que soit la posologie ; il est hydrolysé en acide salicylique et ion acétyl qui sont éliminés dans les urines après
conjugaison hépatique (50 % en 24 heures). C’est
l’acide salicylique qui est responsable de l’effet antiinflammatoire et des manifestations toxiques. L’acide
salicylique se fixe fortement aux protéines circulantes,
le pic plasmatique est atteint en 30 à 90 minutes avec
une demi-vie de 2 à 4,5 heures chez l’adulte, légèrement
plus courte chez l’enfant. Les formes effervescentes permettraient d’améliorer la biodisponibilité, la tolérance
et la sécurité d’emploi. En effet, le dégagement de CO2
augmente le débit sanguin local et l’absorption
digestive.
L’acide salicylique franchit les barrières hématoencéphalique, synoviale et placentaire ; il est retrouvé
dans le lait maternel et la salive.
Le mécanisme d’action est dû à l’inhibition de la cyclooxygénase (COX), enzyme impliquée dans la transformation de l’acide arachidonique en prostanoïdes :
• thromboxane A2, qui provoque l’accolement des plaquettes sanguines ;
• prostacycline, qui intervient dans la fabrication du
mucus de l’estomac ;
• prostaglandines de la série 2, qui facilitent l’activité
électrique des terminaisons nerveuses (douleur),
amplifient l’inflammation, provoquent une élévation
de la température.
L’aspirine inhibe la COX en occupant la place de
l’acide arachidonique.
Des effets secondaires peuvent se manifester, principalement digestifs : nausées, vomissements, ulcères ou
hémorragies (épistaxis). On note également des allergies
pouvant aller jusqu’au choc anaphylactique.
La principale toxicité est gastrique, due à un effet
contact. Elle serait atténuée avec les formes effervescentes, bien que la formation d’agrégats intragastriques
favorisant une toxicité de contact ait été décrite pour
certaines d’entre elles.
L’intoxication massive (le plus souvent chez le jeune
enfant, très sensible à l’aspirine) entraîne une alcalose
respiratoire (due à l’hyperventilation), puis une acidose
métabolique avec hyperlactacidémie, cétonurie et
aminoacidurie. On peut noter chez l’adulte une intoxication légère dès que la concentration plasmatique
dépasse 300 mg/l, mais c’est à partir de 500 mg/l qu’elle
peut être importante ; les concentrations pour lesquelles
se manifeste l’intoxication semblent être deux fois
moins élevées chez l’enfant que chez l’adulte. La dose
létale chez l’enfant est de 1 500 mg/l.
En cas de surdosage, il y a ralentissement de la vidange
gastrique, la formation d’agrégats contribuant elle aussi
à une augmentation de la durée d’absorption qui peut
aller de 8 à 24 heures. De plus, la demi-vie du produit
est augmentée, car les voies métaboliques sont rapidement saturables. L’évacuation gastrique, même tardive,
présente toujours un intérêt. Toute la gravité de
l’intoxication résulte des anomalies de l’équilibre acidobasique ; on peut noter une nécrose hépatocellulaire,
dose-dépendante. Des œdèmes du poumon et des hypokaliémies ont été décrits. Le traitement consiste en une
évacuation digestive, une épuration rénale par diurèse
alcaline (bicarbonate de sodium) et un traitement symptomatique des troubles hydro-électrolytiques. L’hémodialyse peut être envisagée pour les concentrations
fortes avec acidose métabolique non corrigée et insuffisance rénale.
La valeur préventive de faibles doses d’aspirine a été
étudiée chez les femmes enceintes à risque d’hypertension gravidique. En effet, cette hypertension pourrait
être due à une production excessive de prostaglandines :
thromboxane A1 et prostacycline. L’aspirine, par son
action antiprostaglandines, réduit ce risque d’élévation
tensionnelle et celui de la naissance d’un enfant de petit
poids sans entraîner d’effets indésirables ; elle ne doit
cependant être administrée qu’aux femmes à haut
risque et sous surveillance du temps de saignement.
L’aspirine, du fait de sa liaison aux protéines plasmatiques, potentialise l’action des antivitamines K, du
méthotrexate, de la phénytoïne et des sulfamides hypoglycémiants. Les corticoïdes augmentent l’élimination
des salicylés.
Si le prélèvement est effectué 1 heure après la prise du
médicament, le taux sérique de salicylate est alors égal
à 10 % de la dose administrée ; après 2 heures, il doit
être aux environs de 1 % de celle-ci.
À titre indicatif, les zones thérapeutiques 1 à 3 heures
après une prise par voie orale sont fonction de l’utilisation :
• antalgique : 30 à 100 mg/l ;
• anti-inflammatoire : 150 à 300 mg/l.
Au cours des intoxications aiguës, le dosage doit être
répété afin d’apprécier la cinétique de l’intoxication.
On observe des troubles nets à partir de 300 mg/l,
sévères à partir de 600 mg/l et potentiellement très
graves au-delà de 900 mg/l.
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(
Paracétamol
Ducluzeau R, Genty A.
Intoxications aiguës par barbituriques, tranquillisants, tricycliques,
paracétamol, salicylés. Diagnostic, traitement.
Rev Prat 2001 ; 51 : 557-564.
Manchon M.
Salicylés.
Bioforma – Cahiers de Formation Biologie médicale 2000 ; No 18 : 22-29.